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12.03.2015

CITATIONS CHOISIES DE CLAUDE TILLIER, L’AUTEUR DE /MON ONCLE BENJAMIN/

[Présentation de Mon oncle Benjamin à paraître]

 

Claude Tillier

ROMANS

. Je ne sais pas, en vérité, pourquoi l’homme tient tant à la vie ; que trouve-t-il donc de si agréable dans cette insipide succession des nuits et des jours, de l’hiver et du printemps ? Toujours le même ciel, le même soleil ; toujours les mêmes prés verts et les mêmes champs jaunes ; toujours les mêmes discours de la couronne, les mêmes fripons et les mêmes dupes. Si Dieu n’a pu faire mieux, c’est un triste ouvrier, et le machiniste de l’Opéra en sait plus que lui. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 1, incipit ; Le Club français du livre, 1961, p. 3).

. Qu’est-ce que vivre ? se lever, se coucher, déjeuner, dîner, et recommencer le lendemain. Quand il y a quarante ans qu’on fait cette besogne, cela finit par devenir bien insipide. / Les hommes ressemblent à des spectateurs, les uns assis sur le velours, les autres sur la planche nue ; la plupart debout, qui assistent tous les soirs au même drame, et bâillent tous à se détraquer la mâchoire ; tous conviennent que cela est mortellement ennuyeux, qu’ils seraient beaucoup mieux dans leur lit, et cependant aucun ne veut quitter sa place. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 1 ; Le Club français du livre, 1961, p. 3).

. Vivre, cela vaut-il la peine d’ouvrir les yeux ? Toutes nos entreprises n’ont qu’un commencement ; la maison que nous édifions est pour nos héritiers ; la robe de chambre que nous faisons ouater avec amour, pour envelopper notre vieillesse, servira à faire des langes à nos petits-enfants. Nous nous disons : voilà la journée finie ; nous allumons notre lampe, nous attisons notre feu ; nous nous apprêtons à passer une douce et paisible soirée au coin de notre âtre ; quelqu’un frappe à la porte, c’est la mort : il faut partir. Quand nous avons tous les appétits de la jeunesse, que notre sang est plein de fer et d’alcool, nous n’avons pas un écu ; quand nous n’avons plus ni dents ni estomac, nous sommes millionnaires. Nous avons à peine le temps de dire à une femme : « Je t’aime ! », à notre second baiser c’est une vieille décrépite. Les empires sont à peine consolidés qu’ils s’écroulent : ils ressemblent à ces fourmilières qu’élèvent, avec de grands efforts de pauvres insectes ; quand il ne faut plus qu’un fétu pour les achever, un bœuf les effondre sous son large pied, ou une charrette sous sa roue. Ce que vous appelez la couche végétale de ce globe, c’est mille et mille linceuls superposés l’un sur l’autre par les générations. Ces grands noms qui retentissent dans la bouche des hommes, noms de capitales, de monarques, de généraux, ce sont des tessons de vieux empires qui résonnent. Vous ne faites pas un pas que vous ne souleviez autour de vous la poussière de mille choses détruites avant d’être achevées. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 1 ; Le Club français du livre, 1961, p. 3-4).

. Mon opinion est que l’homme est une machine qui a été faite tout exprès pour produire la douleur ; il n’a que cinq sens pour percevoir le plaisir, et la souffrance lui arrive par toute la surface de son corps ; en quelque endroit qu’on le pique, il saigne ; en quelque endroit qu’on le brûle, il vient une vésicule. Les poumons, le foie, les entrailles ne peuvent lui donner aucune jouissance ; cependant, le poumon s’enflamme et le fait tousser ; le foie s’obstrue et lui donne la fièvre ; les entrailles se tordent et font la colique. Vous n’avez pas un nerf, un muscle, un tendon sous la peau qui ne puisse vous faire crier de douleur. […] / La douleur se tient derrière tous vos plaisirs ; vous êtes des rats gourmands qu’elle attire à elle avec un lardon d’agréable odeur. Vous vous écriez : « Oh ! la belle rose ! » et la rose vous pique ; « oh ! le beau fruit ! », il y a une guêpe dedans, et le fruit vous mord. / Vous dites : Dieu nous a faits pour le servir et l’aimer. Cela n’est pas vrai. Il vous a faits pour souffrir. […] La mort n’est pas seulement la fin de la vie, elle en est le remède. On n’est nulle part aussi bien que dans un bon cercueil. Si vous m’en croyez, au lieu d’un paletot neuf, allez vous commander un cercueil. C’est le seul habit qui ne gêne pas. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 1 ; Le Club français du livre, 1961, p. 4-5).

. Benjamin : « La raison, ce n’est rien ; c’est la puissance de sentir les maux présents et de prévenir les maux à venir. Seul, le privilège d’abdiquer sa raison est quelque chose. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 1 ; Le Club français du livre, 1961, p. 10).  claude tillier,mon oncle benjamin,benjamin rathery

. Benjamin : « Il est impossible que vingt millions d’hommes consentent toujours à n’être rien dans l’État, pour que quelques milliers de courtisans soient quelque chose ; quiconque a semé des privilèges doit recueillir les révolutions. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 33). 

. Benjamin : « La fibre aimante chez l’homme ne peut rester complètement inerte. L’âme humaine a horreur du vide ; qu’on observe avec attention l’égoïste le plus endurci, on finira par trouver, comme une petite fleur entre des pierres, une affection cachée sous un pli de son âme. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 44).

. Benjamin : « Nous voilà trois contre toi. Il faut que tu te rendes à l’opinion de la majorité. La majorité, vois-tu, mon ami, c’est plus fort que tout le monde, cela. Mets dix philosophes d’un côté et onze imbéciles de l’autre, les imbéciles l’emporteront. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 45).

. Les chefs-d’œuvre du cuisinier sont œuvres éphémères ; on leur donne à peine le temps de refroidir. Il n’y a qu’une chose dans les arts qu’on puisse comparer aux produits culinaires : ce sont les produits du journalisme ; et encore un ragoût peut se réchauffer, une terrine de foie gras peut exister un mois entier, un jambon peut revoir autour de lui ses admirateurs ; mais un article de journal n’a pas de lendemain ; on n’en est pas à la fin qu’on a oublié le commencement, et, quand on l’a parcouru, on le jette sur son bureau comme on jette sa serviette sur la table quand on a dîné. Aussi je ne comprends pas comment l’homme qui a une valeur littéraire consent à perdre son talent dans les obscurs travaux du journalisme. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 46).

. Benjamin : « Le papillon, pour deux ou trois mois de beaux jours qu'il a à vivre, se donne-t-il la peine de se bâtir un nid ? Je suis convaincu, moi, que les jouissances sont relatives aux positions, et qu'au bout de l'année, le gueux et le riche ont eu la même somme de bonheur. / Bonne ou mauvaise, chaque individu s'habitue à sa situation. Le boiteux ne s'aperçoit plus qu'il va sur une béquille, et le riche qu'il a un équipage. Le pauvre escargot qui porte sa maison sur son dos jouit autant d'un jour de parfums et de soleil que l'oiseau qui gazouille au-dessus de lui sur sa branche. Ce n'est point la cause qu'il faut considérer, c'est l'effet qu'elle produit. Le manœuvre qui est assis sur son banc devant sa chaumière, n’est-il pas aussi bien que le roi sur le coussin de son fauteuil ? Gros-Jean ne mange-t-il pas sa soupe aux choux avec autant de plaisir que le riche son potage ? Et le mendiant ne dort-il pas aussi bien dans la paille où il s'épanouit que la grande dame sous ses rideaux de soie et entre la batiste parfumée de son lit ? Lorsque le forçat trouve un morceau de lard dans ses fèves, c’est pour lui une bonne fortune, et quand il reçoit de sa famille un écu de six francs, il est plus content que le roi quand son armée a remporté une victoire et qu’il fait entonner un Te Deum par son peuple. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 53-54).

. Benjamin : « Tout bien qui s'étale est compensé par un mal qu'on ne voit pas. [] Au riche [Dieu] a donné la crainte de perdre, le souci de conserver, et au gueux l'insouciance. [] Et pourquoi donc, en effet, le riche serait-il plus heureux que le pauvre ? Il ne travaille point ; eh bien ! il n'a pas le plaisir de se reposer. / Il a de beaux habits ; mais tout l'agrément en revient à celui qui le regarde. Quand le marguillier fait la toilette d'un saint, est-ce pour le saint lui-même ou pour ses admirateurs ? Au reste, n'est-on pas aussi bien bossu dans un habit de velours que dans un habit de tirelaine ? (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 3 ; Le Club français du livre, 1961, p. 54).

. Comme il ne savait rien, il comprit que pour réussir il fallait persuader à la multitude qu’il en savait plus que ses confrères. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 6 ; Le Club français du livre, 1961, p. 74).

. Tout père, si bon père qu’il soit, s’aime lui-même dans la personne de ses enfants ; il les regarde comme des êtres qui doivent contribuer à son bien-être. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 6 ; Le Club français du livre, 1961, p. 75).

. Elle n’aime pas son mari, mais elle s’habituera à l’aimer : avec de la patience on vient à bout de tout. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 6 ; Le Club français du livre, 1961, p. 76).[1]

. Rien n'est plus ridicule que de mettre votre manière de sentir à la place de celle d'un autre : c'est vouloir substituer votre organisation à la sienne. Cet homme veut mourir, c'est qu'il a de bonnes raisons pour cela. Cette demoiselle veut épouser un singe, c'est qu'elle aime mieux un singe qu'un homme. Pourquoi lui refuser la faculté d'être heureuse à sa fantaisie ? Qui a le droit, quand elle se trouve heureuse, de lui soutenir qu'elle ne l'est pas ? Ce singe l'égratignera en la caressant. Qu'est-ce que cela vous fait, à vous ? C'est qu'elle aime mieux être égratignée que caressée. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 6 ; Le Club français du livre, 1961, p. 77).

. Benjamin : « Un sot, quelque instruit qu’il soit, ne peut être un bon médecin et je me fierais plutôt à un barbier intelligent. […] Tant vaut l’homme tant vaut la science. La science, quand l’intelligence n’est pas avec elle, est une triste chose ; c’est un magasin sans lumière où le maître ne peut trouver ce dont il a besoin, où il prend toujours un objet pour un autre. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 7 ; Le Club français du livre, 1961, p. 81).

. Benjamin : « Il n'y a pas deux chrétiens qui aient les mêmes croyances, qui admettent et rejettent les mêmes choses. L'un fait maigre le vendredi et ne va pas aux offices ; l'autre va aux offices et met le pot au feu le vendredi. Cette dame se moque du vendredi comme du dimanche, et se croirait damnée si elle n'était pas mariée à l'église. / Soit la religion une bête à sept cornes. Celui qui ne croit qu'à six des cornes se moque de celui qui croit à la septième ; celui qui ne lui accorde que cinq cornes se moque de celui qui lui en reconnaît six. Le déiste survient qui se moque de tous ceux qui croient que la religion a des cornes, et enfin passe l’athée qui se moque de tous les autres, et pourtant l'athée croit à Cagliostro et se fait tirer les cartes. En définitive, il n'y a qu'un homme qui ne soit pas superstitieux, c'est celui qui ne croit qu’à ce qui lui est démontré. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 7 ; Le Club français du livre, 1961, p. 91).

. La grand-mère : « Il ne faut vouloir que ce qu'on peut, et tout ce qu'on peut il faut le vouloir. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 7 ; Le Club français du livre, 1961, p. 91).

. Benjamin : « La pire façon d’être seul, c’est d’être avec un sot. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 8 ; Le Club français du livre, 1961, p. 97).

. Benjamin : « Le peuple a toujours été lâche et le sera toujours. Deux mille ans sont passés depuis la mort des Gracques et mil sept cent cinquante-cinq ans depuis celle de Jésus-Christ, et c’est toujours le même peuple. Le peuple, c’est un grand imbécile de géant qui se laisse souffleter par un enfant, un énorme mouton qui se laisse mordre les jambes par un méchant roquet et scier la gorge avec une mauvaise lamelle. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 8 ; Le Club français du livre, 1961, p. 97).

. Il n’y a qu’un cas où nous devons, quelque chose qu’il arrive, nous roidir contre la force : c’est quand on veut nous forcer de commettre un acte préjudiciable à la nation, car nous n’avons pas le droit de faire passer notre intérêt personnel avant l’intérêt public. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 8 ; Le Club français du livre, 1961, p. 100).

. Benjamin : « Il est toujours agréable de rendre loyalement le mal qu’on nous a fait. C’est une leçon qu’on donne au méchant ; il est bon qu’il sache que c’est à ses risques et périls qu’il se livre à ses instincts malfaisants et qu’il n’y a pas de petit ennemi. Laisser aller une vipère qui vous a mordu et pardonner à un méchant le mal qu’il vous a fait, c’est la même chose. La générosité dans cette occasion est non seulement une niaiserie, c’est encore un tort envers la société. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 8 ; Le Club français du livre, 1961, p. 105).

. Benjamin : « Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’on a de peine ici-bas pour rester honnête homme ! Vos plus proches et vos plus chers sont pourtant les premiers à vous induire en tentation. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 9 ; Le Club français du livre, 1961, p. 125).

. Benjamin : « Celui dont on a confisqué le corps et auquel on laisse la faculté de penser à son gré est cent fois plus libre que celui dont on tient l’âme captive aux chaînes d’une occupation odieuse. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 14 ; Le Club français du livre, 1961, p. 180). claude tillier,mon oncle benjamin,benjamin rathery

. Benjamin : « De véritables philosophes […] ne doivent considérer les hommes qu’en masse, ainsi qu’on considère un champ de blé. C’est toujours du point de vue de l’intérêt public qu’une question sociale doit être examinée. […] On crie bien haut […] qu’il vaut mieux absoudre dix coupables que de condamner un innocent. C’est la plus déplorable des absurdités qu’ait enfantée la philanthropie à la mode : c’est un principe antisocial. Je soutiens, moi, qu’il vaut mieux condamner dix innocents que d’absoudre un seul coupable. […] Sans doute il n’est pas agréable d’aller à l’échafaud pour un autre, et, moi qui vous parle, je conviens que si la chose m’arrivait, j’en serais très contrarié. Mais, par rapport à la société, qu’est-ce que ce peu de sang que verse le bourreau ? […] Un innocent condamné par un juge, c’est une conséquence de la distribution de la justice comme la chute d’un couvreur du haut d’une maison est la conséquence de ce que l’homme s’abrite sous un toit. Sur mille bouteilles que coule un ouvrier, il en casse au moins une ; sur mille arrêts que rend un juge, il faut qu’il y en ait au moins un de travers. C’est un mal prévu, et contre lequel il n’y aurait d’autre remède nécessaire que de supprimer toute justice. […] Le mort d’un innocent, ce n’est qu’un malheur particulier, tandis que l’absolution d’un coupable est une calamité publique. […] Il ne faut pas, sans doute, que la justice soit trop sévère ; mais, quand elle est trop indulgente, elle abdique, elle s’annule elle-même. […] Vous vous applaudissez, bonhomme, d’avoir sauvé un innocent de la hache, mais vous en avez fait périr vingt par le poignard. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 14 ; Le Club français du livre, 1961, p. 183, 184, 185, 187, 188).

. Benjamin : « Au fait, qu’est-ce donc que ce public qui s’établit juge de nos actions ? Des épiciers qui vendent à faux poids, des drapiers qui aunent mal, des tailleurs qui habillent leurs marmots aux dépens de leurs pratiques [=clients], des rentiers qui font l'usure, des mères de famille qui ont des amants, et en somme, un tas de grillons et de cigales qui ne savent ce qu'ils chantent, des niais qui disent oui et non sans savoir pourquoi, un aréopage d'imbéciles qui n'est pas capable de motiver ses conclusions. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 16 ; Le Club français du livre, 1961, p. 215).

. Benjamin : « Est-ce qu’il y a pour le philosophe d’autre public que les hommes qui pensent et qui raisonnent ? » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 16 ; Le Club français du livre, 1961, p. 216).

. Benjamin : « Qu'est-ce donc, mon Dieu, que la gloire, et à qui s'adresse-t-elle ? […] Ce doigt levé qui vous montre au public, sur qui ne s'est-il donc pas arrêté ? Cet enfant que l'on mène à l'église au bruit des cloches sonnant à grande volée, ce bœuf qu'on promène par la ville, paré de fleurs et de rubans, ce veau à six pattes, ce boa empaillé, cette citrouille monstre, cet acrobate qui marche sur un fil d'archal, cet aéronaute qui monte en l’air, cet escamoteur qui avale des muscades, ce prince qui passe, cet évêque qui bénit, ce général qui revient d'une lointaine victoire, n'ont-ils pas eu tous leur moment de gloire ? Tu te crois célèbre, toi qui as semé tes idées dans les arides sillons d'un livre, qui as fait des hommes avec du marbre, et des passions avec du noir d'ivoire et du blanc de céruse ; mais tu serais bien plus célèbre si tu avais un nez long seulement de six pouces. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 18 ; Le Club français du livre, 1961, p. 248).

. L’homme nie par amour-propre ce qu’il ne comprend pas ; mais nier, ce n’est pas réfuter. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 18 ; Le Club français du livre, 1961, p. 249).  

. M. Minxit : « Dieu laisse le front du meurtrier se couvrir de cheveux blancs et il ôte à son père son seul enfant ! Comment peut-on nous dire que Dieu est bon et juste ? » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 19 ; Le Club français du livre, 1961, p. 258).

. Le temps et le malheur n’oublient personne. (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 20 ; Le Club français du livre, 1961, p. 261).

. Benjamin : « À quel foyer […] n'y a-t-il pas une place vide ? Qui n'a pas, au champ de repos, un tertre de gazon où, tous les ans, à la Toussaint, il vient verser de pieuses larmes ? Et dans les rues de la cité, quelle foule, si rose et si dorée qu'elle soit, n'est tachée de noir ? Quand les fils vieillissent, il sont condamnés à mettre leurs vieux parents dans la tombe ; quand ils meurent au milieu de leur âge, ils laissent une mère désolée à genoux auprès de leur cercueil. Croyez-moi, les yeux de l'homme ont été faits bien moins pour voir que pour pleurer, et toute âme a sa plaie, comme toute fleur a son insecte qui la ronge. Mais aussi, dans le chemin de la vie, Dieu a mis l'oubli qui suit à pas lents la mort, qui efface les épitaphes qu'elle a tracées et répare les ruines qu'elle a faites. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 20 ; Le Club français du livre, 1961, p. 263).

. M. Minxit : « La sensibilité est le don de souffrir ; être sensible, c'est marcher pieds nus sur les cailloux tranchants de la vie, c'est passer à travers la foule qui vous heurte et vous coudoie, une plaie vive au côté. Ce qui fait le malheur des hommes, ce sont les désirs non satisfaits. Or, toute âme c'est un ballon qui voudrait monter au ciel et qui ne peut dépasser les limites de l'atmosphère. Donnez à un homme une bonne santé, un bon appétit, et plongez son âme dans une somnolence perpétuelle, il sera le plus heureux de tous les êtres. Développer son intelligence, c'est semer des épines dans sa vie. Le paysan qui joue aux quilles est plus heureux que l'homme d'esprit qui lit dans un beau livre. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 20 ; Le Club français du livre, 1961, p. 269).

. M. Minxit : « "Unanimes regrets" ne vaut rien […] ; nul homme ne laisse après lui d’unanimes regrets. C’est un mensonge qu’on ne peut débiter que dans une chaire. » (Claude Tillier, Mon oncle Benjamin (1842), 20 ; Le Club français du livre, 1961, p. 271).

 

PAMPHLETS

. C'est vrai, Monseigneur, nous sommes débarrassés de la noblesse privilégiée. Mais qu'y avons-nous gagné ? Je n'aurais pas eu trop d'antipathie, moi, pour ces grands seigneurs si brillants, si gais, si spirituels, si galants, si magnifiques, si braves sur les champs de bataille comme sur le pré, que Dieu semblait avoir envoyés ici-bas en partie de plaisir. Ceux-là, du moins, nous opprimaient avec élégance. (Claude Tillier, « Lettres au système sur la réforme électorale » (janvier 1841), II ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 9 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, IV, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 63). claude tillier,pamphlets

. Peu importe que les députés s'emparent, pour eux ou pour leur famille, des gros emplois, pourvu qu'ils vous abandonnent les petits : les valets applaudissent toujours aux orgies des maîtres, quand ceux-ci laissent du vin dans les bouteilles. (Claude Tillier, « Lettres au système sur la réforme électorale » (janvier 1841), II ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 14 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, IV, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 67).

. Il ne faut pas exagérer le mérite de votre éducation bavarde et retentissante. Sans l’intelligence, votre éducation n’est rien ; sans l’éducation, l’intelligence est encore reine. L'intelligence c'est l'étoffe, l'éducation c’est la teinture ; or, quand la teinture est mauvaise, elle gâte l'étoffe. (Claude Tillier, « Lettres au système sur la réforme électorale » (janvier 1841), IV ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 34 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, IV, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 83).

. Il faut dire la vérité aux morts pour instruire les vivants. (Claude Tillier, « Comment L’Association peut être remplacée » (7 juillet 1843) ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 69 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, XI, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 207). 

. L’intelligence discute, et la foi et la discussion sont incompatibles ensemble ; la discussion est l’ennemie personnelle de l’Église : l’Église l’étouffait jadis sur les lèvres des hommes – au milieu des flammes des bûchers – ; comment la tolérerait-elle aujourdhui sur les lèvres de ses néophytes ? (Claude Tillier, « Distribution de prix aux écoles chrétiennes », II (octobre 1843) ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 180 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, XVI, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 318).

. Ces cérémonies ne sont presque que des choses de forme : c'est l'écorce de la religion ; c'est la boîte où, pour le conserver, [Dieu] a mis son Évangile. Vous, maladroits éleveurs d'enfants qui vous croyez bien avant dans ses bonnes grâces parce que vous lui avez fait de ces chrétiens qui ne sont bons qu'à psalmodier son nom dans une église, pieux fainéants qui ont des callosités aux genoux au lieu de les avoir aux mains, vous vous trompez grossièrement ; il ne vous en sait pas plus de gré que si vous lui aviez fait un lutrin ou un serpent. Ce qu'il aime, ce sont ces chrétiens d'action qui l'honorent en faisant chaque jour un peu de bien à leurs semblables, et le prient en accomplissant rigoureusement tous leurs devoirs ; ces chrétiens-là ne sont peut-être que d'honnêtes gens, mais bien certainement ils auront une bonne place en paradis. Dieu n'a rien promis à ceux qui exécuteraient minutieusement les pratiques de son culte, et il a promis le ciel à celui qui donnerait un verre d'eau en son nom. (Claude Tillier, « Distribution de prix aux écoles chrétiennes », II (octobre 1843) ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 183 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, XVI, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 321).

. Je m'explique très bien, moi, cette tendance des dévots à se débarrasser des entraves de la morale ; on a exagéré à ces braves gens ou ils se sont exagérés eux-mêmes l'importance du culte ; quand ils en ont accompli minutieusement toutes les prescriptions, ils croient avoir payé à Dieu au moins la moitié de leur dette, et ils espèrent que pour l'autre moitié il se montrera bon créancier. Ne sont-ils pas, d'ailleurs, toujours sûrs d'avoir, à leur lit de mort, un prêtre qui leur donne l'absolution ? (Claude Tillier, « Distribution de prix aux écoles chrétiennes », II (octobre 1843) ; dans Œuvres, tome III. Pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1846, p. 184 ; ou Pamphlets 1840-1844, édition critique, XVI, A.Bertout/Mazeron frères, Paris/Nevers, 1906, p. 321-322).

 

 

 

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[1] L’honnêteté m’oblige à signaler que cette phrase détachée a, dans le texte, une valeur ironique. C’est une transposition, au discours indirect libre, de la pensée des parents qui marient leur fille à un gendre qui leur agrée plutôt qu’à un homme dont elle serait amoureuse. La phrase est incluse dans un morceau de deux pages qui est une violente charge contre le mariage arrangé par les parents.