25.05.2017
ROMANCIERS FRANÇAIS DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXe SIÈCLE : SÉLECTION D’APHORISMES
J’ai entrepris de rassembler les meilleurs aphorismes des romanciers français du XXe siècle. Mais j’aboutissais à une page tellement pléthorique que je l’ai scindée en quatre parties. Voici la deuxième, qui couvre la première moitié du XXe siècle, c’est-à-dire les romanciers nés entre 1870 et 1906. Cette page prend la suite directe de la page des romanciers français de 1848 à 1914, qui elle-même prenait la suite de la page des auteurs romantiques français [en préparation], même si, à vrai dire, le fleuve de la littérature française, au milieu du XIXe, se scinde sur ce blogue en trois tronçons de genre, puisque je prépare une page dévolue aux dramaturges et une autre aux poètes. Le cours le plus important, celui des romanciers, se poursuit encore par deux autres biefs [en préparation] : celui des romanciers de la seconde moitié du XXe siècle (nés entre 1907 et 1940) et celui des romanciers contemporains (nés depuis 1941).
Comme dans les autres pages de la série, les auteurs sont ici classés par ordre chronologique rigoureux de date de naissance. Voici des liens internes pour accéder directement aux principaux contributeurs : Marcelle AUCLAIR (14) ; Marcel AYMÉ (12) ; Georges BATAILLE (5) ; Blaise CENDRARS (12) ; Albert COHEN (21) ; COLETTE (8) ; Roland DORGELÈS (10) ; Georges DUHAMEL (26) ; Jean GIONO (23) ; Marcel JOUHANDEAU (12) ; Pierre MAC ORLAN (16) ; Roger MARTIN du GARD (25) ; Raymond QUENEAU (7) ; Charles-Ferdinand RAMUZ (16) ; Jules ROMAINS (12) ; Maurice SACHS (22) ; Georges SIMENON (9).
J’ai conscience que ces quatre pages de romanciers français sont un peu fourre-tout, parce que plusieurs écrivains ici présents ne sont pas seulement romanciers, mais aussi dramaturges, essayistes, autobiographes, etc. Il m’a semblé néanmoins qu’ils étaient principalement romanciers, même si on pourrait discuter quelques cas. Qu’on veuille bien considérer que leur placement ici a une fonction avant tout pratique, et n’implique pas une évaluation de leur œuvre. Qu’on ne s’étonne même pas si certains ne sont présents que pour des aphorismes tirés d’œuvres non romanesques : c’est que le roman n’est pas le genre le plus propice à la production de sentences qui font penser ! Enfin, d’autres écrivains, que j’aurais pu mettre ici, sont placés dans les deux pages (à paraître) des auteurs de droite et de gauche, parce qu’il m’a semblé que leur image politique (qui n’est pas forcément la couleur propre de leur œuvre) l’emportait sur leur image de romancier ; ou alors parce que leurs romans sont chiches d’aphorismes et que j’ai surtout puisé des pensées dans leurs essais polémiques. Là encore, j’ai bien conscience que cette répartition est très arbitraire. Tant pis !
Ces pages collectives sont bien entendu destinées à s’enrichir au fil des années à venir, plus encore que les pages individuelles dévolues à un seul auteur : je les publie quand elles me paraissent avoir atteint un volume satisfaisant, certainement pas quand je les crois achevées.
PAUL BOURGET (1852-1935) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
J.H. ROSNY AÎNÉ (1856-1940) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
GEORGES COURTELINE (1858-1929) : Voir page spéciale
ABEL HERMANT (1862-1950) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
GEORGES DARIEN (1862-1921) : Voir page spéciale
MAURICE BARRÈS (1862-1923) : [page spéciale en préparation]
MAURICE LEBLANC (1864-1941) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
ROMAIN ROLLAND (1866-1944) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
TRISTAN BERNARD (1866-1947) : Voir page dévolue aux humoristes
RENÉ BOYLESVE (1867-1926) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
PAUL-JEAN TOULET (1867-1920) : Voir page spéciale
LÉON DAUDET (1867-1942) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
GASTON LEROUX (1868-1927) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
ANDRÉ GIDE (1869-1951) : [page spéciale en préparation]
PIERRE LOUŸS (1870-1925) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
MARCEL PROUST (1871-1922) : [page spéciale en préparation]
CAMILLE MAUCLAIR (1872-1945) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
. Claudine : « Ma liberté me pèse, mon indépendance m’excède ; ce que je cherche depuis des mois – depuis plus longtemps –, c’était, sans m’en douter, un maître. Les femmes libres ne sont pas des femmes. » (Colette, Claudine à Paris (1901) ; Pléiade tome I, 1984, p. 364).
. Claudine : « Le vice, c'est le mal qu'on fait sans plaisir. » (Colette, Claudine en ménage (1902) ; Pléiade tome I, 1984, p. 468).
. Il n'y a guère que dans la douleur qu'une femme soit capable de dépasser sa médiocrité. Sa résistance y est infinie ; on peut en user et abuser sans craindre qu’elle meure, moyennant que quelque puérile lâcheté physique ou quelque religieux espoir la détournent du suicide simplificateur. […] Une femme ne peut guère mourir de chagrin. C’est une bête si solide, si dure à tuer ! Vous croyez que le chagrin la ronge ? Point. Bien plus souvent elle y gagne, débile et malade qu’elle est née, des nerfs inusables, un inflexible orgueil, une faculté d’attendre, de dissimuler, qui la grandit, et le dédain de ceux qui sont heureux. Dans la souffrance et la dissimulation, elle s’exerce et s’assouplit, comme à une gymnastique quotidienne pleine de risques… (Colette, La Vagabonde (1910), I ; Pléiade tome I, 1984, p. 1087).
. Bertrand : « Il est curieux […] de constater combien le fantastique peut exalter l'esprit d'un adolescent. » (Colette, La Maison de Claudine (1922), « Le veilleur » ; Pléiade tome II, 1986, p. 1075).
. Une enfance heureuse prépare mal aux contacts humains. (Colette, Le Voyage égoïste, V. « Quatre saisons », 2. « Visites » (1924) ; Pléiade tome II, 1986, p. 1110).
. Sido : « L'amour, ce n'est pas un sentiment honorable… » (Colette, La Naissance du jour (1928), III ; Pléiade tome III, 1991, p. 288).
. Lucette : « Ce qu'on trouve ne vaut pas toujours ce qu'on quitte. » (Colette, Chambre d'hôtel, « Chambre d’hôtel » (1940) ; Pléiade tome IV, 2001, p. 50).
. Mme Armand : « On meurt très rarement d'avoir perdu quelqu'un. Je crois qu'on meurt plus souvent de quelqu'un qu'on n'a pas eu. » (Colette, Gigi, « La dame du photographe » (1944) ; Pléiade tome IV, 2001, p. 524).
HENRI BARBUSSE (1873-1935) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de gauche]
ALFRED JARRY (1873-1907) : [voir page dévolue aux dramaturges français XIXe-XXe siècles]
JEAN de TINAN (1874-1898) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
CHARLES-LOUIS PHILIPPE (1874-1909) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
LUCIE DELARUE-MARDRUS (1874-1945)
. Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?… (Lucie Delarue-Mardrus, Ferveur, IV, 2. « L’odeur de mon pays », vers final, éd. de la Revue blanche, 1902, p. 96).
ALPHONSE de CHÂTEAUBRIANT (1877-1951) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
ANDRÉ SAVIGNON (1878-1947)
. Jeannic : « Rien n’est sot comme de se dévouer entièrement à un homme. C’est toujours se préparer du chagrin. » (André Savignon, Filles de la pluie, Grasset, 1912, p. 168).
VICTOR SEGALEN (1878-1919) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
CHARLES-FERDINAND RAMUZ (1878-1947)
. Être isolé du reste des hommes, c'est se sentir inutile. Se sentir inutile est pire encore que se sentir coupable. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 10 décembre 1896 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 13).
. Je dédaigne ce que j’ai dépassé et je regarde sans cesse devant moi ; si bien que, si ma vue n’y trouve pas où se poser, je retombe à mon néant. Ni l'amitié, ni les petits plaisirs ne remplacent ce sentiment qu'on a d'élever enfin son front par-dessus le mur. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 3 décembre 1902 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 78).
. Je ne crois pas à la science. Je ne crois plus qu'à la croyance. Et je ne suis pas croyant. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 14 décembre 1903 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 109).
. Je déteste un certain socialisme parce qu'il a la haine de l'argent au lieu d'en avoir le mépris. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 28 septembre 1905 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 132).
. Tout le secret de l'art est peut-être de savoir ordonner les émotions désordonnées, mais de les ordonner de telle façon qu'on en fasse sentir encore mieux le désordre. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 7 janvier 1906 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 137).
. Il faut pour bien écrire que la nécessité intervienne ; le libre choix paralyse. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, février 1908 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 145).
. Je ne me connais pas. Je m'imagine. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 8 septembre 1910 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 173).
. La seule vraie tristesse est dans l’absence de désir. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 8 avril 1911 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 175).
. Les femmes, c'est le quotidien mis au premier plan : d'où la peur qu'il faut avoir des femmes. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 8 octobre 1912 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 186).
. Ce mois de juin passera sans que j'aie rien fait, mais je vis, et c'est ce que j'appelle à présent travailler. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 5 juin 1917 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 273).
. Je sens que je progresse à ceci que je recommence à ne rien comprendre à rien. (Charles-Ferdinand Ramuz, Journal, 10 septembre 1917 ; Œuvres complètes, tome 20, éd. Rencontre, 1968, p. 273).
. Quand on ne peut pas avoir, on détruit. (Charles-Ferdinand Ramuz, La Beauté sur la terre (1927), XIII ; Pléiade Romans, tome II, 2005, p. 694).
. Ce qu'il y a de beau dans la vie, et dans toute espèce de vie, c'est sa continuité. (Charles-Ferdinand Ramuz, Les Grands moments du XIXe siècle français (1915-1916) ; Œuvres complètes, tome 7, éd. Rencontre, 1967, p. 143).
. Il suffit souvent au Français de s'être épris d'une chimère pour qu'il prétende en faire une réalité. (Charles-Ferdinand Ramuz, Les Grands moments du XIXe siècle français (1915-1916) ; dans Œuvres complètes, tome 7, éd. Rencontre, 1967, p. 145).
. Il faut bien voir enfin qu'on n'aime que dans l'éternité ; c'est pourquoi il faut prendre soin de se conduire en toute chose comme si ce qu'on fait devait être éternel. (Charles-Ferdinand Ramuz, Taille de l'homme (1933), derniers mots de l’essai ; dans La Pensée remonte les fleuves, Presses Pocket n°3015, 1987, p. 195).
. Il ne suffit pas de fuir, il faut encore fuir dans le bon sens ; il ne faut pas fuir excentriquement, il faut fuir concentriquement ; fuir le monde, en ce sens-là, c’est le retrouver, et plus grand, plus vrai, plus essentiel. (Charles-Ferdinand Ramuz, Questions (1935) ; dans Œuvres complètes, tome 15, éd. Rencontre, 1968, p. 171).
ROGER MARTIN du GARD (1881-1958)
. Bernard : « Le difficile, ce n'est pas d'avoir été quelqu'un. C'est de le rester… » (Roger Martin du Gard, Devenir ! (1908), II ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 95).
. L’abbé Joziers : « L'intelligence doit vivifier l'action ; sans elle, l'action est vaine. Mais, sans l'action, comme l'intelligence est stérile ! » (Roger Martin du Gard, Jean Barois (1913), I, 1, iv ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 223).
. Portal : « Ceux qui sont bien pensants, parce qu'ils ne peuvent pas être pensants tout court… Ces légions d’êtres relativement instruits, policés par les usages comme des galets roulés… Ces êtres qui, pour la plupart, occupent une place dans la société, et qui, cependant, vivent leur vie à la façon des bêtes de somme… » (Roger Martin du Gard, Jean Barois (1913), II, 1, ii ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 332).
. Barois : « Je crois qu’une doctrine puissante et jeune est, par nature, intolérante : une conviction qui commence par admettre la légitimité d'une conviction adverse se condamne à n'être pas agissante : elle est sans force, sans efficacité. » (Roger Martin du Gard, Jean Barois (1913), II, 1, IIi ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 339).
. Barois : « C’est une loi historique : les vainqueurs prennent immédiatement les vices des vaincus. On dirait qu’une immoralité spéciale et contagieuse suinte directement du pouvoir. » (Roger Martin du Gard, Jean Barois (1913), III, 1, ii ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 466).
. L’abbé Lévys : « Ne croyez-vous pas qu’à un certain niveau de pensée, lorsqu'on est décidé à prendre au sérieux la vérité et à suivre sa conscience, il est bien difficile d'être de son parti, sans être aussi un peu… de l'autre ?… » (Roger Martin du Gard, Jean Barois (1913), III, 4, i ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 534).
. Antoine : « Les forts étouffent dans l’incertitude. Le courage, le vrai, ça n'est pas d'attendre avec calme l'événement ; c'est de courir au devant, pour le connaître le plus tôt possible, et l'accepter. » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, III. La belle saison (1923), I ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 822).
. Mme de Fontanin : « Je me mens sans cesse : […] si j’étais franche avec moi-même, je n’espérerais rien. […] Comme les êtres les plus droits peuvent vivre à l'aise dans le mensonge ! » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, III. La belle saison (1923), X ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 981-982).
. Antoine : « Liberté complète, à condition de voir clair… […] Tout dépend de la qualité du regard. Voir clair… S’observer de cet œil libre, lucide, désintéressé, qu’on acquiert dans les laboratoires. […] Tout est permis du moment qu'on n'est pas dupe de soi-même ; du moment qu'on sait ce qu'on fait, et, autant que possible, pourquoi on le fait ! » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, IV. La consultation (1928), XIII ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome I, 1955, p. 1124).
. Jacques : « Ce patriotisme sentimental dont je parle, pourrait-on vraiment le supprimer ? Je n’en suis pas sûr. L’homme a beau faire : il est d’un climat. Il a son tempérament d’origine. Il a sa complexion ethnique. Il tient à ses usages, aux formes particulières de la civilisation qui l’a façonné. Où qu'il soit, il garde sa langue. Attention ! C’est très important : le problème de la patrie n’est peut-être, au fond, qu’un problème de langage ! Où qu’il soit, où qu'il aille, l'homme continue à penser avec les mots, avec la syntaxe, de son pays… […] L'homme peut s'expatrier, mais il ne peut pas se dépatrier. » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), II ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 19).
. Antoine : « Méditer sur la vie ? À quoi bon ? La vie, on sait bien ce que c'est : un amalgame saugrenu de moments merveilleux et d'emmerdements ! » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), XV ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 146).
. Anne : « J’ai horreur du dimanche. Tous ces gens qui encombrent les rues, sous prétexte de se reposer ! » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), XXV ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 218).
. Tous les gestes engagent ; surtout les gestes généreux… (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), XXV ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 220).
. Daniel : « Pourquoi changer ? On obtient bien davantage de soi, quand on s’obstine à revenir sans cesse au même point de départ ; quand il faut, chaque fois, recommencer, et aller plus loin, dans un même sens… » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), XXXI ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 275).
. Daniel : « Au fond, le don, ça n’est presque rien – tout en étant indispensable !… C'est le travail qui importe. Sans travail, le talent n'est qu'un feu d'artifice ; ça éblouit un instant, mais il n'en reste rien. » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), XXXI ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 275).
. Philip : « L’humanité progresserait-elle, sans mystique ? Relisez l’histoire […]… À la base de toutes les grandes modifications sociales, il a toujours fallu quelque aspiration religieuse vers l’absurde. L'intelligence ne mène qu'à l'inaction. C'est la foi qui donne à l'homme l'élan qu'il faut pour agir, et l'entêtement qu'il faut pour persévérer. » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VII. L’été 14 (1936), LXIX ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 598).
. Antoine : « Je me suis trop heurté aux absurdités, aux contradictions de la nature, pour admettre une harmonie préexistante. Aucun Dieu n'a jamais répondu aux appels, aux interrogations de l'homme. Ce qu'il prend pour des réponses, c'est seulement l'écho de sa voix. Son univers est clos, limité à lui. » (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VIII. Épilogue (1940), XVI, 22 août soir ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 971).
. Orgueilleux, tu le seras. Nous le sommes. Accepte-toi. Sois orgueilleux, délibérément. Humilité : vertu parasite, qui rapetisse. (N’est dailleurs, bien souvent, que la conscience intime d’une impuissance.) Ni vanité ni modestie. Se savoir fort, pour l’être. / Parasites aussi, le goût du renoncement, le désir de se soumettre, l’aspiration à recevoir des ordres, la fierté d’obéir, etc. Principes de faiblesse et d’inaction. Peur de la liberté. Il faut choisir les vertus qui grandissent. Vertu suprême : l’énergie. C’est l’énergie qui fait la grandeur. / Rançon : la solitude. (Roger Martin du Gard, Les Thibault, VIII. Épilogue (1940), XVI, 29 août ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 973).
. Thierry : « Et ne crois pas qu’elle ait une nature à se laisser asservir !… L’homme n’est jamais le plus tenace. C'est toujours l'inlassable médiocrité de la femme, qui l'emporte ! » (Roger Martin du Gard, Un taciturne (1931), III, 8 ; dans Œuvres complètes, Pléiade tome II, 1955, p. 1337).
. Le goût de la certitude, si impérieux chez la plupart des gens, semble être une conséquence d’un noble appétit de vérité. Il n’en est rien. Au contraire, c’est la recherche de la vérité qui mène à la défiance de toute certitude. (Roger Martin du Gard, Le Lieutenant-colonel de Maumort, III, 22, Pléiade, 1983, p. 917-918).
. Les gens qui passent pour vertueux sont ceux auxquels l'occasion a manqué d'être tentés de mal faire. (Roger Martin du Gard, Le Lieutenant-colonel de Maumort, III, 23, Pléiade, 1983, p. 921).
. La femme et le chat sont les seuls animaux capables de domestiquer l’homme. La femme y parvient souvent. Le chat toujours. (Roger Martin du Gard, Le Lieutenant-colonel de Maumort, III, 30, Pléiade, 1983, p. 951).
. En général, ce qui vieillit une œuvre, ce qui la démonétise, ce que la postérité laisse tomber, c'est justement ce à quoi l'auteur attachait le plus de prix : ses intentions révolutionnaires, ses innovations, ses partis pris, ses marottes. […] Ou bien ces idées neuves ont été adoptées, ont passé dans le domaine public (Renan) et alors la postérité trouve puérile l’importance qu’y attachait l’écrivain ; ou bien ces idées sont rejetées (Taine), et l’insistance de l’écrivain assomme la postérité ; de toutes façons, sauf pour quelques historiens spécialistes, c’est, dans l’œuvre, un poids mort. Ce qui sauve une œuvre, c’est la peinture de sentiments si humains, si essentiels à l’homme, si éternels, que toutes les générations successives y puissent retrouver leur secret. (Roger Martin du Gard, lettre à André Gide, 17 mars 1931, dans Correspondance Gide–Martin du Gard, tome I, 1968, p. 463-464).
. Le difficile, c’est de garder la mesure dans l’appréciation des faits. Faire en sorte que la générosité du cœur n’obnubile pas le jugement. […] Je suis le contraire d’un croyant. Et dans ce monde nouveau, qui est né de la guerre, je me heurte, partout, à la foi. Je ne vois que des fanatiques qui défendent des religions opposés. Je ne puis pas, in petto, ne pas les renvoyer dos à dos. (Roger Martin du Gard, lettre à André Gide, 10 septembre 1935, dans Correspondance Gide–Martin du Gard, tome II, 1968, p. 44).
. La pensée ne commence qu'avec le doute. Toute éducation qui écarte systématiquement le doute, – et qui alimente chez l’enfant cette assurance, trop naturelle, cette assurance aveugle et méprisante qui est le produit fatal de la foi, quelle que soit cette foi, – non seulement ne procure pas à l’intelligence une nourriture saine, mais la fausse, au départ. […] La seule éducation rationnelle, celle qui, seule, peut préparer un être à se former, plus tard, selon ses dons propres, au contact de la vie et par des expériences personnelles, – est sceptique. Ce n’est pas une théorie toute faite que je défends. C’est le résultat de quelque quarante ans d’observation, de souvenirs, de réflexions, et d’expériences… (Roger Martin du Gard, lettre à André Gide, 10 septembre 1935, dans Correspondance Gide–Martin du Gard, tome II, 1968, p. 45).
VALÉRY LARBAUD (1881-1957) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
LOUIS PERGAUD (1882-1915) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
. Nous ne dépasserons pas les bornes d’une certaine bienséance. Le tout étant de s’entendre sur ce mot, qui, comme toutes choses ici-bas, est on ne peut plus relatif. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. I ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 377).
. L’aventure n’existe pas. Elle est dans l’esprit de celui qui la poursuit et, dès qu’il peut la toucher du doigt, elle s’évanouit. […] Il est dangereux de vivre l’aventure, même dans ses grandes lignes, le résultat n’étant pour l’ordinaire qu’une somme plus ou moins imposante de déceptions et de regrets. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. II ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 379).
. En matière d’aventure, les lendemains sont toujours sinistres, ou plus simplement décourageants. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. IV ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 390).
. Les amants sont toujours faibles et ridicules ; un livre d’amour, s’il n’est sensuel, ne peut que diminuer la valeur combative d’un homme. […] La femme doit occuper, dans un roman d’aventure, la place qu’occupe un poisson volant desséché et pendu au plafond, dans un petit bar à matelots, sur les quais de la Tamise. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. VI ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 398).
. L’aventure est dans l’imagination de celui qui la désire. […] Les voyages, comme la guerre, ne valent rien à être pratiqués. Il ne faut jamais jouer un rôle actif dans ces sortes de distractions, car les détails fastidieux finissent par submerger la beauté véritable de l’action. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. VIII ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 405-406).
. Que [l’aventurier] ne s’occupe pas de la mer, ce n’est que de l’eau. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. IX ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 410).
. L’aventure a disparu de nos conditions d’existence. / L’aventurier passif vit en contact étroit avec le passé. Les aventures modernes sont chimiques, explosives et stupidement collectives. Aucune de ces qualités ne peut prétendre à retenir l’intérêt d’un homme de bien. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. XII ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 420).
. La sensibilité s’abolit très vite devant des spectacles de cruauté répétés quotidiennement. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. XV ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 427).
. Un homme, quel qu'il soit, ayant toujours suivi l'impulsion de ses instincts ne peut connaître les remords. / Le cannibale ne peut concevoir un doute sur le régime alimentaire qu'il a suivi toute son existence. (Pierre Mac Orlan, Petit manuel du parfait aventurier (1920), chap. XVI ; dans Œuvres complètes, tome 14, Edito-service, 1970, p. 431).
. La grande ville devinée dans la nuit noire se taisait, comme une fille après l’averse apaisante des gifles. (Pierre Mac Orlan, La Cavalière Elsa (1921), I, 1 ; dans Œuvres complètes, tome 2, Edito-service, 1970, p. 13).
. Rien ne donne du caractère à une cité comme l’usage de la mitrailleuse. C’est précis, définitif et très pittoresque, instructif également. (Pierre Mac Orlan, La Cavalière Elsa (1921), I, 1 ; dans Œuvres complètes, tome 2, Edito-service, 1970, p. 19).
. Rien n’excite l’imagination humaine comme la contemplation des ruines d’une ville où l’on a vécu son enfance. (Pierre Mac Orlan, La Cavalière Elsa (1921), I, 7 ; dans Œuvres complètes, tome 2, Edito-service, 1970, p. 70).
. François Tilly : « C’est très dangereux de parler à des gens qui ne comprennent pas. Les paroles s’entassent, s’entassent, l’auditeur sourit, se donne franchement l’air d’acquiescer, et, un beau jour, quand on croit le discours digéré par le quidam, il se fâche et vous tue. » (Pierre Mac Orlan, La Cavalière Elsa (1921), II, 11 ; dans Œuvres complètes, tome 2, Edito-service, 1970, p. 177).
. Parmi tous ceux qui font profession d'être insupportables, le chercheur de la vérité est certainement parmi les plus désolants. (Pierre Mac Orlan, Poésies documentaires complètes. Fêtes foraines (1926), « Le puits de la Vérité » ; dans Œuvres complètes, tome 9, Edito-service, 1970, p. 184).
. Les bonnes étoiles sont moins nombreuses que les mauvaises, et celui qui n'a que sa bonne étoile pour se garer des autobus fait aussi bien de ne pas traverser la rue. (Pierre Mac Orlan, Masques sur mesure I, « Uranie » (1929), vii ; dans Œuvres complètes, tome 10, Edito-service, 1970, p. 184).
. Quand on possède le goût des gens exceptionnels, on finit toujours par en rencontrer partout. (Pierre Mac Orlan, Le Bal du pont du Nord (1934), chap. XIII ; dans Œuvres complètes, tome 8, Edito-service, 1970, p. 254).
JEAN GIRAUDOUX (1882-1944) : Voir page spéciale
ANDRÉ BILLY (1882-1971)
. Quelque chose me dit que ce que le bon Dieu a le plus en horreur, ce ne sont pas les sourires et les plaintes de l'amour trop complaisamment reproduits dans les romans, c'est, sur les lèvres d'un prêtre, la grimace de la haine et la bave de la calomnie. (André Billy, « Propos du samedi », article dans Le Figaro, 19 février 1938, p. 6).
. Il y a malheureusement pour un critique autant de chances d'errer en étant imprudent qu'en étant prudent. / Le succès et l'insuccès immédiat ne constituent pas de plus sûrs critères. Ni pour ni contre, la faveur du public ne prouve rien. (André Billy, Propos du samedi. Dix ans de chronique au Figaro, 1936-1947, Mercure de France, 1969, p. 62).
. … [Paul Bourget] dont je déteste les idées et le style et dont pourtant il m’arrive de relire les premiers livres pour le plaisir de respirer l’air du siècle où je suis né et auquel je suis ramené par la même loi, peut-être, qui ramène l’émigrant au pays natal. Il y a un pays natal dans le temps comme il y en a dans l’espace. (André Billy, Le Pont des Saints-Pères, chap. XI, Fayard, 1947, p. 197).
. Le prêtre : « Si tous les jeunes gens qui ont failli être dupes d'une drôlesse devaient prendre le froc, les couvents seraient trop petits. » (André Billy, Sur les bords de la Veule, Flammarion, 1965, p. 99).
ERNEST PSICHARI (1883-1914) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
JACQUES CHARDONNE (1884-1968) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
. Il y a une folie organisatrice qui est l’ennemie jurée de l’ordre ; à vouloir sans cesse découvrir aux objets la place la meilleure, elle finit par mettre toute chose hors de son rôle et de son lieu, elle rend toute chose inopportune comme elle-même. (Georges Duhamel, Vie des martyrs. 1914-1916 (1917), 9, vii ; Livre de poche n°1966, 1966, p. 178).
. Lorsqu’on est descendu tout au fond de la détresse, on est quand même soulagé d’y trouver un petit peu de compagnie. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 2, Mercure de France, 1922, p. 16).
. Je connus, une fois de plus, que chaque homme juge les plus majestueux événements du seul point-de-vue que lui proposent sa profession et ses aptitudes. Il y avait là un sergent qui se formait une opinion sur la guerre mondiale de par la qualité du bois qu'il devait travailler. Quand le bois était mauvais, il disait : « Cette guerre est une grande foutaise ! » Mais quand le bois ne contenait pas de nœuds, il opinait : « On les aura ! » (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 3, Mercure de France, 1922, p. 33).
. Les heures, les nuits, les mois s'avançaient lentement à travers l'éternité et chacun de ces instants terribles n'était qu'un paroxysme dans une infinité de paroxysmes. C'est ainsi que la douleur des plaies donne souvent à croire qu'elle ne saurait plus être tolérée davantage ; mais la mort n'accède pas volontiers au désir des hommes ; elle frappe à son gré, quand elle veut, où elle veut, et ne souffre guère d'être séduite ou conseillée. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 3, Mercure de France, 1922, p. 41).
. À la guerre, les hommes pensent court : dès qu’ils s’éloignent du canon ils s’abandonnent sans méfiance aux délices de vivre. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 9, Mercure de France, 1922, p. 122).
. Accablés d’être un troupeau, quelques hommes se sont mis à parler, parce que celà soulage l’orgueil ; d’autres se taisent, à cause de l’orgueil aussi. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 10, Mercure de France, 1922, p. 134).
. La guerre n’avait pas transformé la vie : elle s’était ajoutée à la vie, elle l’avait augmentée, apportant des deuils, des frayeurs inconnues, des devoirs passionnants, une occasion tragique et romanesque de multiplier ses destinées. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 11, Mercure de France, 1922, p. 164-165).
. Je devine que G.B.C., celà ne vous dit pas grand-chose ; mais il faut encore vous en prendre à la civilisation : elle rebâtit la Tour de Babel et, bientôt, les hommes auront avili leur langue maternelle au point d’en faire une sorte de patois télégraphique, sans saveur et sans beauté. (Georges Duhamel, Civilisation. 1914-1917 (1918), 16, Mercure de France, 1922, p. 258).
. Le bonheur ne consiste point à parcourir cent kilomètres en une heure, à s'élever dans l'atmosphère sur une machine ou à converser par-dessus les océans, mais bien, surtout, à être riche d'une belle pensée, content de son travail, honoré d'affections ardentes. (Georges Duhamel, La Possession du Monde (1919), chap. X, § 5, Mercure de France, 1924, p. 255-256).
. [Le cinéma] est un divertissement d'ilotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis. C'est, savamment empoisonnée, la nourriture d'une multitude que les Puissances de Moloch ont jugée, condamnée et qu'elles achèvent d'avilir. (Georges Duhamel, Scènes de la vie future (1930), Mercure de France, 1956, p. 49).
. Chaque civilisation a les ordures qu'elle mérite. (Duhamel, Querelles de famille, II, Mercure de France, 1932, p. 31).
. Cinquante millions de Papous, cent millions de Mongols forment des foules respectables, à coup sûr, mais non pas de grands peuples. Un peuple est grand quand il produit de grands hommes. (Georges Duhamel, Discours aux nuages, chap. II. « Éloge d’une petite nation », éd. du Siècle, 1934, p. 72).
. Si les hommes de la foule se désaccoutument de la lecture, ils n’y reviendront plus. (Georges Duhamel, Défense des lettres, préface, Mercure de France, 1937, p. 8).
. Le caractère, qui, parfois, demeure étranger au talent, anime toujours le génie. (Georges Duhamel, Défense des lettres, II, 2, Mercure de France, 1937, p. 132).
. L’imitation est jusqu’à nouvel ordre la seule école de l’originalité. Elle n’est humiliante que pour les esprits mal faits et les présomptueux. (Georges Duhamel, Défense des lettres, II, 13, Mercure de France, 1937, p. 210).
. Quand il s’agit de juger un homme, de surprendre son caractère et d’en discerner les mobiles secrets, ce qu’il dit a moins d’importance que la façon dont il le dit. (Georges Duhamel, Défense des lettres, II, 14, Mercure de France, 1937, p. 217).
. Simon Chavegrand : « Le Christ a parlé comme s’il n’y avait que des bons et des méchants. Il a oublié… Il a oublié les imbéciles. » (Georges Duhamel, Vie et aventures de Salavin, V. Tel qu’en lui-même… (1932) ; Folio n°319, 1973, p. 147).
. Laurent Pasquier : « Le mystère est assez grand en nous et autour de nous pour qu’il ne soit jamais recommandable d’apporter de l’ombre à l’abîme. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, I. Le Notaire du Havre (1933), prologue ; Omnibus, 1999, p. 19).
. Laurent Pasquier : « J’ai fait, dis-je, mille expériences. Nul doute : l'erreur est la règle ; la vérité est l'accident de l'erreur. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, I. Le Notaire du Havre (1933), prologue ; Omnibus, 1999, p. 19).
. Laurent Pasquier : « Pendant plus de quatre siècles, les Français ont peint les mœurs dans le dessein secret ou avoué de les corriger. C’est une étonnante chimère. Toute peinture des mœurs, quand elle est vigoureuse et brûlante, a quelque chance de confirmer les mœurs et d’exaspérer les caractères. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, I. Le Notaire du Havre (1933), prologue ; Omnibus, 1999, p. 20).
. Jean-Paul Sénac : « Un homme peut être charitable, doux, clément, vraiment humain en tout, sauf dans le domaine dont il a fait sa carrière. Là, forcément, il est une bête qui prend, donc un rapace, ou […] un requin. » — « Et les saints ? Que fais-tu des saints ? » […] — « C’est justement là que la concurrence est terrible. Dans l’ordre de la sainteté, les plus grands sont des requins aussi : ils veulent tous être à la droite du Père et il n’y a qu’une place. À mon avis, le vrai saint, le modèle du renoncement, c’est celui qui renoncerait, par exemple, à la sainteté. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, V. Le Désert de Bièvres (1937), chap. 18 ; Omnibus, 1999, p. 614).
. Jean-Paul Sénac : « Moi, je suis dreyfusard par raison, et antidreyfusard par goût. Tout pour Dreyfus, c’est entendu, mais à condition que les juifs ne nous empoisonnent pas l’existence. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, V. Le Désert de Bièvres (1937), chap. 18 ; Omnibus, 1999, p. 615).
. Laurent Pasquier : « Moi, j’ai cru, mais c’est fini. […] Je respecte trop l'idée de Dieu pour la rendre responsable d'un monde aussi absurde. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, V. Le Désert de Bièvres (1937), chap. 18 ; Omnibus, 1999, p. 617).
. Justin Weill : « L'homme est incapable de vivre seul et il est incapable aussi de vivre en société. Comment faire ? Comment faire ? » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, V. Le Désert de Bièvres (1937), chap. 20 ; Omnibus, 1999, p. 629).
. Laurent Pasquier : « Pour travailler, pour faire sereinement une œuvre, une grande œuvre, il faudrait ne voir personne, ne s’intéresser à personne, n’aimer personne. Mais, alors, quelle raison aurait-on de faire une œuvre ? Encore un problème insoluble. Il n’y a que des problèmes insolubles. » (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, VIII. Le Combat contre les ombres (1939), chap. 10 ; Omnibus, 1999, p. 991).
. « Méfiez-vous des millionnaires. Ils vous volent toujours quelque chose. » (Georges Duhamel, propos oral, assorti de quelques anecdotes qui l’illustrent, rapporté par Paul Léautaud, Journal littéraire, 5 mars 1926 ; Mercure de France, 1986, tome I, p. 1723).
JEAN PAULHAN (1884-1968) : [page spéciale en préparation]
. Comme l’homme est dur, malgré ses cris de pitié, comme la douleur des autres lui semble légère, quand la sienne n’y est pas mêlée ! (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. VI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 88-89).
. Gilbert, qui n’est pas démocrate […] : « L’égalité, c’est un mot, l’égalité… Qu’est-ce que c’est, l’égalité ? » Sulphart réfléchit un instant. Puis il répond sans vouloir rire : « L’égalité, c’est de pouvoir dire m[erde] à tout-le-monde. » (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. VI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 103).
. Insoucieux, solides, nos vingt-cinq ans éclatent de rire. La vie est un grand champ, devant nous, où l’on va courir. / Mourir ! Allons donc ! Lui mourra peut-être, et le voisin et encore d’autres, mais soi, on ne peut pas mourir, soi… Celà ne peut pas se perdre d’un coup, cette jeunesse, cette joie, cette force dont on déborde. On en a vu mourir dix, on en verra toucher cent, mais que son tour puisse venir, d’être un tas bleu dans les champs, on n’y croit pas. Malgré la mort qui nous suit et prend quand elle veut ceux qu’elle veut, une confiance insensée nous reste. Ce n’est pas vrai, on ne meurt pas ! Est-ce qu’on peut mourir, quand on rit sous la lampe, penchés sur le plat d’où monte un parfum vert de pimprenelle et d’échalote ? (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. VI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 110).
. Les moins gais n’ont jamais de souvenirs tristes à raconter ; on n’en devine dans l’existence d’aucun. Ils ont connu des deuils, pourtant, des misères. Oui, mais c’est passé… De sa vie, l’homme ne garde que les souvenirs heureux ; les autres, le temps les efface, et il n’est pas de douleur que l’oubli ne cicatrise, pas de deuil dont on ne se console. / Le passé s’embellit ; vus de loin, les êtres semblent meilleurs. (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. VI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 111).
. « Il a fallu la guerre pour nous apprendre que nous étions heureux », dit Berthier, toujours grave. « Oui, il a fallu connaître la misère, approuve Gilbert. Avant, nous ne savions pas, nous étions des ingrats… » / Maintenant, nous savourons la moindre joie, ainsi qu’un dessert dont on est privé. Le bonheur est partout : c’est le gourbi où il ne pleut pas, une soupe bien chaude, la litière de paille sale où l’on se couche, l’histoire drôle qu’un copain raconte, une nuit sans corvée… Le bonheur ? mais celà tient dans les deux pages d’une lettre de chez soi, dans un fond de quart de rhum. Pareil aux enfants pauvres, qui se construisent des palais avec des bouts de planche, le soldat fait du bonheur avec tout ce qui traîne. / Un pavé, rien qu’un pavé, où se poser dans un ruisseau de boue, c’est encore du bonheur. Mais il faut avoir traversé la boue, pour le savoir. (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. VI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 111).
. Tous ces civils qui osaient parler de la guerre le mettaient hors de lui, mais il ne détestait pas moins ceux qui n’en parlaient pas, et qu’il accusait d’égoïsme. (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. XVI ; Livre de poche n°189, 1987, p. 277).
. C’est vrai, on oubliera. Oh ! je sais bien, c’est odieux, c’est cruel, mais pourquoi s’indigner : c’est humain… Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car, tout pareil aux étangs transparents dont l’eau limpide dort sur un lit de bourbe, le cœur de l’homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout celà est trop lourd, tout celà tombe au fond… / On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu’ils aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois. (Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), chap. XVII ; Livre de poche n°189, 1987, p. 282).
. On ne respecte que les femmes que l'on ne désire pas. (Roland Dorgelès, Montmartre, mon pays (1925), Lesage, 1928, p. 49).
. M. Gouttenoire : « Si seulement, ayant manqué sa vie, on avait la consolation d’aider quelqu’un à faire la sienne. Mais on ne peut pas. L'expérience ressemble aux cure-dents : personne ne veut s'en servir après vous. » (Roland Dorgelès, Le Château des brouillards, chap. XI, Albin Michel, 1932, p. 185).
. Zelinski : « La femme rend lâche. […] C'est elle qui conseille au gréviste de rentrer à l'usine, à l'artiste de faire du commerce, au soldat de plier le dos. Parce qu'elle ne pense qu’à la pâtée, qu’elle a un pot-au-feu dans le cœur. Faites-en, si vous voulez, une machine à plaisir, mais pas un moule à gosses. » (Roland Dorgelès, Le Château des brouillards, chap. XII, Albin Michel, 1932, p. 196).
ANDRÉ MAUROIS (1885-1967) : [page spéciale en préparation]
. Pour juger de ce que les hommes ont vraiment envie de faire, il est toujours imprudent de s’en rapporter à ce qu’ils font. (Jules Romains, Le Dieu des corps (1928), chap. II ; Folio n°1671, 1985, p. 217).
. Gurau : « Tous les grands hommes d’action sont des preneurs d’occasions, des preneurs de ce qui se présente. Les grands réalisateurs sont des réalistes. Un certain puritanisme, un respect terrifié et bureaucratique de la règle morale, c’est peut-être très nécessaire aux esprits de petite envergure, et au militant moyen. Mais jamais rien de grand ne s'est fait sans des audaces morales, des entorses aux principes, qui auraient suffoqué les petits esprits. » (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, II. Crime de Quinette (1932), chap. XX ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 307).
. Quinette : « Le temps passe. Et chaque fois qu'il y a du temps qui passe, il y a quelque chose qui s'efface. » (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, III. Les Amours enfantines (1932), chap. V ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 359).
. Laulerque : « Le terrorisme peut être une méthode de gouvernement, parce qu'en agissant sur l'imagination des masses gouvernées il augmente le pouvoir de la loi. » (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, IV. Éros de Paris (1932), chap. X ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 557).
. Une première entreprise peut tourner mal. Un homme d'action n'est pas déshonoré par une défaite. Ce qui le déclasse, c'est d'être un avorteur. (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, V. Les Superbes (1933), chap. XVIII ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 723).
. Le gouvernement craint moins l'émeute que l'efflorescence, çà et là, d'une malveillance sournoise. (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, V. Les Superbes (1933), chap. XXVIII ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 826).
. L'amour, même le plus léger, ne peut que parfumer la place où l'amitié un jour se posera. (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, VII. Recherche d’une église (1934), chap. I ; coll. Bouquins, tome 1, 1988, p. 1015).
. Jallez : « Je crois que tu es dans le vrai en traitant la politique comme l’art d’arriver par n’importe quels moyens à une fin dont on ne se vante pas ». (Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, VIII. Province (1934), chap. III ; coll. Bouquins, tome 2, 1988, p. 14).
. Knock : « Je n’ai pas coutume de geindre, et quand je suis roulé, je ne m’en prends qu’à moi. » (Jules Romains, Knock ou le triomphe de la médecine (1923), I ; Folio n°60, 1979, p. 28).
. Knock : « La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer de notre vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints de maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. » (Jules Romains, Knock ou le triomphe de la médecine (1923), II, 3 ; Folio n°60, 1979, p. 80).
. Le comte : « L'amour, lui, n'excuse pas les folies, mais il les sauve du ridicule. » (Jules Romains, La Scintillante (1924), scène VI, dans Pièces en un acte, Gallimard, 1930, p. 56).
. « On récompense des peintres de temps en temps. Pourquoi n'en punit-on jamais ? » (Jules Romains, propos oral à André Dignimont, rapporté dans Le Jardin des arts, volume 1, Tallandier, 1955, p. 276). [1]
HENRI BÉRAUD (1885-1958) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
FRANÇOIS MAURIAC (1885-1970) : [page spéciale en préparation]
FRANCIS CARCO (1886-1958)
. Hélas ! la grande tristesse actuelle est que les choses n'ont plus le temps de vieillir. (Francis Carco, Rendez-vous avec moi-même, 4, Albin Michel, 1957, p. 60).
PIERRE BENOIT (1886-1962)
. L'amour, plus qu'on ne le croit, est circonspect, et méfiant, et férocement lucide. On ne se fait guère d'illusion sur l'objet aimé. On aime, voilà tout. (Pierre Benoit, La Châtelaine du Liban (1924), chap. V ; dans Œuvres complètes, tome VII, Cercle du bibliophile, 1967, p. 97).
. Nous autres, Français, ne sommes-nous pas tous les mêmes ? Nous disons toujours oui. Ce n'est qu'ensuite que nous songeons aux conséquences de notre enthousiasme. Mais il est alors généralement trop tard. Il ne reste plus qu'à marcher. (Pierre Benoit, Le Roi lépreux (1927), chap. III ; dans Œuvres complètes, tome V, Cercle du bibliophile, 1967, p. 330).
. Axelle : « Il est facile au vainqueur de tendre la main. Il est moins aisé pour le vaincu d'accepter cette main. » (Pierre Benoit, Axelle (1928), chap. XX ; dans Œuvres complètes, tome VIII, Cercle du bibliophile, 1967, p. 269).
ALAIN-FOURNIER (1886-1914) : Voir page dévolue aux romanciers français 1848-1914
HENRI POURRAT (1887-1959)
. Une démocratie est la plus belle chose du monde à condition que chacun de ses fils soit un aristocrate. Si les Français ne deviennent pas quarante millions d'aristocrates, ils sont perdus. (Henri Pourrat, Vent de mars, Gallimard, 1941, p. 108).
JEAN de LA VARENDE (1887-1959) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
. Être ici ou ailleurs, en liberté ou en prison, l’important c’est de se sentir heureux ; d’extérieure, la vie devient intérieure, son intensité reste la même et, vous savez, c’est bizarre où le bonheur de vivre va parfois de nicher. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, d ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 27).
. L’amour est une intoxication grave, un vice, un vice que l’on veut faire partager, et si l’un des comparses est épris, l’autre n’est souvent que complice, ou victime, ou possédé. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 66).
. Un être vivant ne s’adapte jamais à son milieu ou alors, en s’adaptant, il meurt. La lutte pour la vie est la lutte pour la non-adaptation. Vivre c’est être différent. C’est pourquoi toutes les grandes espèces végétales et zoologiques sont monstrueuses. Et il en est de même au moral. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 68).
. L’homme et la femme ne sont pas faits pour s’entendre, s’aimer, se fondre et se confondre. Au contraire, ils se détestent et s’entre-déchirent ; et si, dans cette lutte qui a nom l’amour, la femme passe pour être l’éternelle victime, en réalité c’est l’homme qu’on tue et qu’on retue. Car le mâle c’est l’ennemi, un ennemi maladroit, gauche, par trop spécialisé. La femme est toute puissante, elle est mieux assise dans la vie, elle a plusieurs centres érotogènes, elle sait donc mieux souffrir, elle a plus de résistance, sa libido lui donne du poids, elle est la plus forte. L’homme est son esclave, il se rend, se vautre à ses pieds, abdique passivement. Il subit. […] / La femme est maléfique. L’histoire des civilisations nous montre les moyens mis en œuvre par les hommes pour se défendre contre l’avachissement et l’effémination. Arts, religions, doctrines, lois, immortalité ne sont que des armes inventées par les mâles pour résister au prestige universel de la femme. Hélas, cette vaine tentative est et sera toujours sans résultat aucun, car la femme triomphe de toutes les abstractions. / Au cours des âges, et avec plus ou moins de retard, on voit toutes les civilisations péricliter, disparaître, s’enfoncer, s’abîmer en rendant hommage à la femme. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 68).
. Le seul principe de vie est le masochisme et le masochisme est un principe de mort. C’est pourquoi l’existence est idiote, imbécile, vaine, n’a aucune raison d’être et que la vie est inutile. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 68).
. Comment ? Pourquoi ? questions oiseuses, questions idiotes. Tout ce que l’on peut admettre, affirmer, la seule synthèse, c’est l’absurdité de l’être, de l’univers, de la vie. Qui veut vivre doit se tenir plus près de l’imbécilité que de l’intelligence et ne peut vivre que dans l’absurde. Manger des étoiles et rendre du caca, voilà toute l’intelligence. Et l’univers n’est, dans le cas le plus optime, que la digestion de Dieu. (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 109).
. Moravagine : « Les femmes ont le goût du malheur. Elles ne sont heureuses que quand elles peuvent se plaindre, quand elles ont raison, quand elles ont cent fois raison d’avoir raison de se plaindre, quand elles peuvent s’avilir avec volupté, avec frénésie, passionnément, dramatiquement. Et, comme elles sont cabotines dans l’âme, il leur faut une galerie, un public, même imaginaire, avant de s’offrir en holocauste. Une femme ne se donne jamais, elle s’offre toujours en sacrifice. C’est pourquoi elle croit toujours agir selon un principe supérieur. C’est pourquoi chacune d’elles est intimement convaincue que tu lui fais violence et prend le monde entier à témoin de la pureté de ses intentions. » (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 114).
. Moravagine : « La prostitution s’explique non pas par un besoin de dépravation, mais par ce sentiment égocentrique qui ramène tout à soi et qui fait que les femmes considèrent leur corps comme le bien le plus précieux, unique, rare ; aussi elles y mettent le prix, c’est une question d’honneur. Ceci explique le fond de vulgarité que l’on trouve même chez les plus distinguées et ces aventures de cuisinières qui arrivent communément aux plus nobles. Comme son rôle est de séduire, la femme se croit toujours au centre de l’univers, surtout quand elle est tombée très bas. L’avilissement de la femme est sans fond, de même sa vanité. » (Blaise Cendrars, Moravagine (1926), II, k ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 7, Denoël, 2003, p. 114).
. La famille, si on ne rompt pas avec elle, c’est un malentendu qui ne va que s’envenimant au fur et à mesure des rafistolages. (Blaise Cendrars, Vol à voile (1932) ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 9, Denoël, 2003, p. 455).
. J’aime trop la femme pour ne pas être misogyne. (Blaise Cendrars, L’Homme foudroyé (1945), III, 3, 6 ; Folio n°467, 1992, p. 334).
. Je ne suis pas un contempteur du monde, tout au plus de la connerie, et encore, parfois elle me réjouit ! (Blaise Cendrars, L’Homme foudroyé (1945), III, 4, 1 ; Folio n°467, 1992, p. 374).
. Il ne faut point vouloir juger. On peut à peine comprendre son prochain. En se penchant sur son semblable tout n'est que reflets ou leurre, vu que chaque homme a sa vérité propre et qu'aucune vérité n'est de ce monde. (Blaise Cendrars, Bourlinguer (1948), XI, 7 ; Tout autour d’aujourd’hui, tome 9, Denoël, 2003, p. 369).
GEORGES BERNANOS (1888-1948) : Voir page spéciale
PAUL MORAND (1888-1976) : Voir page spéciale
JACQUES de LACRETELLE (1888-1985)
. J’ai connu de belles âmes qui ignorent le calcul et ne s’abaissent jamais à la flatterie. Mais, par un mouvement de reconnaissance anticipée, leur cœur se tourne toujours vers ceux qui peuvent les servir comme les fleurs cherchent le soleil. (Jacques de Lacretelle, Journal de Bord, I, Grasset, 1974, p. 12).
. Vers la soixantaine, deux écueils pour l'écrivain : ou bien il ne croit plus en lui et signe n'importe quoi, ou bien il ne croit plus qu'en lui et signe aussi n'importe quoi. (Jacques de Lacretelle, Journal de Bord, I, Grasset, 1974, p. 19).
. Mieux vaut d'avoir tous les vices que de n'en avoir qu'un seul : ils s'entre-dévoreront. Un vice, du moment qu’il est seul, envahit l’être et risque de le dévorer tout entier. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, I. Apologie du mal (1935), I, vi ; coll. Idées n°182, 1969, p. 42).
. On ne tue pas son désir, sans se tuer un peu soi-même et le suicide d’un désir est souvent plus grave qu’un suicide, parce qu’on le préfèrerait peut-être à soi. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, I. Apologie du mal (1935), II, 1 ; coll. Idées n°182, 1969, p. 46).
. On a la nausée de la vie, de soi. On veut se détruire et l’on prend seulement la résolution de bien vivre. On renie la vie, on se renie soi-même et l’on finit par ne renoncer qu’au mal. Subterfuge. On demeure médiocre. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, I. Apologie du mal (1935), III, viii ; coll. Idées n°182, 1969, p. 73).
. Un excès de douleur d’une seconde crée l’illusion du bonheur. Parce qu’on serait tenté de haïr ce qu’on aime, on se croit libre. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, II. Érotologie (1935), I ; coll. Idées n°182, 1969, p. 102).
. Parce qu’une chose est impossible, on croit ne plus la désirer. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, II. Érotologie (1935), VI ; coll. Idées n°182, 1969, p. 141).
. La passion rend le bonheur même inutile. Ô passion, opulence de mon pauvre cœur ! (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, II. Érotologie (1935), VII ; coll. Idées n°182, 1969, p. 161).
. Savoir aimer, c'est ne pas aimer ; aimer, c'est ne pas savoir. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, II. Érotologie (1935), VII ; coll. Idées n°182, 1969, p. 163).
. La sincérité absolue ne peut conduire qu'à l'immobilité ou à la folie. (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, III. Défense de l’enfer (1935), II ; coll. Idées n°182, 1969, p. 209).
. Il est des gens de bonne foi qui ne sentent que ce qui leur est dû et rien de ce qu'ils doivent. (Marcel Jouhandeau, Chroniques maritales (1938), III, 2 ; Gallimard, collection Soleil n°76, 1962, p. 150).
. Robert : « On peut bien faire l'amour sans amour, comme on mange, parce qu'on a faim, sans égard à ce qu’on mange. » (Marcel Jouhandeau, Du pur amour (1955), I, vii, Gallimard, 1979, p. 98).
. La fidélité n’est le plus souvent à la fin qu’un parti pris. Alors, qu’est devenu l’amour ? un état d’âme dont on a l’habitude et qu’on ne se résigne pas à reléguer au rang des souvenirs. (Marcel Jouhandeau, Du pur amour (1955), III, v, Gallimard, 1979, p. 344).
. Les vieux amants ne se voient pas comme on les voit. Un je ne sais quoi du passé subsiste à leurs yeux qui les transfigure mutuellement et exclusivement pour toujours. Ainsi se contemplent-ils dans une sorte de gloire qui n’est sensible qu’à eux. (Marcel Jouhandeau, Du pur amour (1969), VII, Gallimard, 1979, p. 560).
HENRI BOSCO (1888-1976)
. On lui attribuait la possession d’un petit trésor, justement parce qu’il vivait de rien. […] Mais il était humain que M. Cyprien eût aussi des ennemis, comme tous les solitaires, et particulièrement ceux qui habitent à cent-cinquante pieds au-dessus du commun. Par leur façon de vivre, ils montrent clair comme le jour qu'ils n'ont besoin de personne, ce qu'on ne saurait leur pardonner. (Henri Bosco, L'Âne Culotte (1937), I ; Folio n°337, 1978, p. 34-35).
. M. Cyprien : « On ne s'étonne pas assez de vivre. » — L’abbé Chichambre : « Vous avez raison, et le plus étrange, c'est qu'on s'étonne ensuite de mourir. […] Soyez heureux, et contentez-vous du bonheur…» (Henri Bosco, L'Âne Culotte (1937), II ; Folio n°337, 1978, p. 154).
. Pascal Dérivat : « On n'atteint à la paix du cœur, si elle est de ce monde, que par le travail inlassable, la déception fréquente, et le sentiment d'une juste humilité. » (Henri Bosco, Le Mas Théotime (1945), journal de Pascal Dérivat, 30 octobre ; Folio n°168, 1974, p. 415).
JEAN COCTEAU (1889-1963) : [page spéciale en préparation]
PIERRE DRIEU LA ROCHELLE (1893-1945) : [page spéciale en préparation]
ROBERT POULET (1893-1989) : [Page spéciale en préparation]
JOSEPH DELTEIL (1894-1978)
. Les hommes comme [ce personnage] jouent dans la vie des rôles de désarmement comparables à celui des nations neutres dans l’Europe militaire. Ils cultivent l’agriculture et les Beaux-Arts. Ils ont des vaches et des tulipes. Leur vie et leur mort passent inaperçues. Ils n’ont pas d’Histoire. (Joseph Delteil, Sur le fleuve Amour (1923), chap. XIV ; Livre de poche n°3247, 1971, p. 137).
. L'homme a le cœur au cul, la femme le cul au cœur. (Joseph Delteil, Alphabet, Grasset, 1973, p. 79).
LOUIS-FERDINAND CÉLINE (1894-1961) : [page spéciale en préparation]
. Le père : « Si, quand tu seras un homme, tu connais ces deux choses : la poésie et la science d’éteindre les plaies, alors, tu seras un homme. » (Jean Giono, Jean le Bleu (1932), chap. IX ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome II, 1972, p. 170).
. Le père : « Ça n’est pas difficile de vivre seul, fiston. Le difficile, c’est de souffrir seul. C’est pourquoi il y en a tant qui cherchent dieu. Quand on l’a trouvé, on n’est plus seul, plus jamais seul. Seulement, écoute bien, on ne le trouve pas, on l’invente. » (Jean Giono, Jean le Bleu (1932), chap. IX ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome II, 1972, p. 181).
. Toussaint : « Les femmes ça a toujours un coin où, en appuyant, ça pleure. » (Jean Giono, Le Chant du monde (1934), II, 4 ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome II, 1972, p. 345).
. L’homme : « La jeunesse, c’est la joie. Et, la jeunesse, ce n’est ni la force ni la souplesse, ni même la jeunesse comme tu disais : c'est la passion pour l'inutile. » (Jean Giono, Que ma joie demeure (1935), II ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome II, 1972, p. 438).
. Celui qui prie pour empêcher la mort est aussi fou que celui qui prierait pour faire lever le soleil par l'ouest, sous prétexte qu'il n'aime pas la lumière matinale. (Jean Giono, L’Eau vive, « La ville des hirondelles » (1936) ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome III, 1974, p. 287).
. Les trois femmes noires : « Vois-tu, avec les femmes il faut toujours penser à une chose : ce n'est pas autant le nécessaire qu'elles veulent, mais le dérangement ; tu ne peux pas savoir comme ça leur plaît. » (Jean Giono, La Femme du boulanger (1942), I, 8 ; dans Théâtre, Gallimard, 1943, p. 236-237).
. Le curé : « Quand on se cherche des excuses, on a déjà péché dans son cœur. » (Jean Giono, La Femme du boulanger (1942), II, 1 ; dans Théâtre, Gallimard, 1943, p. 243).
. Le boulanger : « Qui n'a pas rêvé, à un moment donné, d'effacer la vie ? […] L'embêtant c'est que la vie, il faut la vivre à la file. Ça commence et, à partir de là, ça tire du long jusqu'à la fin. On ne peut pas choisir. » (Jean Giono, La Femme du boulanger (1942), II, 7 ; dans Théâtre, Gallimard, 1943, p. 279).
. On ne peut pas vivre dans un monde où l’on croit que l’élégance exquise du plumage de la pintade est inutile. (Jean Giono, Un roi sans divertissement (1947) ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome III, 1974, p. 481).
. Saucisse : « Quand on commence à parler de la marche du monde, on n’a jamais fini d’en parler. » (Jean Giono, Un roi sans divertissement (1947) ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome III, 1974, p. 548-549).
. Saucisse : « Tu dis que rien ne se fait par l’opération du Saint-Esprit et moi je dis que peut-être tout se fait par l’opération du Saint-Esprit précisément. » […] — Langlois : « Peut-être, et ça ne serait pas gai. […] Et si tout ou rien c’est pareil, comme tu dis, c’est encore moins gai. » (Jean Giono, Un roi sans divertissement (1947) ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome III, 1974, p. 551).
. Un peu de vague à l’âme est encore ce qu’il y a de meilleur dans les moments critiques, quoi qu’on dise. La raison et la logique, c'est bon pour les temps ordinaires. En temps ordinaire, il n’y a pas à discuter, ça fait merveille. Quand le cheval est emballé, c’est tout à fait autre chose. (Jean Giono, Le Hussard sur le toit (1951), chap. VI ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome IV, 1977, p. 357).
. Angelo : « Je prévois toujours le pire et je me démène toujours comme si c’était le pire. Eh ! prends donc l'habitude de considérer que les choses ordinaires arrivent aussi. » (Jean Giono, Le Hussard sur le toit (1951), chap. VIIII ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome IV, 1977, p. 422).
. On le jugea sournois et hypocrite, mais c'était exactement ce qu'il fallait pour qu'il soit respecté. Surtout en face. (Jean Giono, Le Moulin de Pologne (1953), chap. I ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome V, 1980, p. 641).
. Giuseppe : « Nous voulons de la place au soleil. » — Le vieillard : « C’est normal, mon garçon. Alors, fais du soleil au lieu de chercher à faire de la place. » (Jean Giono, Le Bonheur fou (1957), chap. II ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome IV, 1977, p. 699).
. La richesse de l'homme est dans son cœur. C'est dans son cœur qu'il est le roi du monde. Vivre n'exige pas la possession de tant de choses. (Jean Giono, Les Vraies richesses (1936), V ; Pléiade Récits et essais, 1989, p. 247).
. [Vladimir Rabinovitch] me demande ce que je pense du problème juif. Il voudrait que j'écrive sur le problème juif. Il voudrait que je prenne position. Je lui dis que je m'en fous, que je me fous des Juifs comme de ma première culotte ; qu'il y a mieux à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Quel narcissisme ! Pour lui, il n'y a pas d'autre sujet. Il n'y a pas d'autre chose à faire sur terre qu'à s'occuper des Juifs. Non. Je m'occupe d'autre chose. (Jean Giono, Journal de l’Occupation, 3 janvier 1944 ; Pléiade Journal, poèmes, essais, 1995, p. 389).
. L'eau, dès qu'il y en a d'étendue sur plusieurs kilomètres carrés, attire irrésistiblement la médiocrité sur ses bords. (Jean Giono, Voyage en Italie (1953), III ; Pléiade Journal, poèmes, essais, 1995, p. 573).
. Le bonheur est une recherche. Il faut y employer l’expérience et son imagination. (Jean Giono, Voyage en Italie (1953), III ; Pléiade Journal, poèmes, essais, 1995, p. 577).
. Perdre est une sensation définitive ; elle n'a que faire du temps. Quand on a perdu quelqu'un, on a beau le retrouver, on sait désormais qu'on peut le perdre. (Jean Giono, Voyage en Italie (1953), « Venise » ; Pléiade Journal, poèmes, essais, 1995, p. 594).
. Le commun ne me convient pas. Dites moi que nous allons être heureux tous ensemble ; je fuis immédiatement du côté où j'ai des chances de pouvoir m'occuper moi-même de mon bonheur personnel. (Jean Giono, Voyage en Italie (1953), « Padoue, Bologne, les Apennins » ; Pléiade Journal, poèmes, essais, 1995, p. 634).
. Je ne crois pas au problème résolu pour tout-le-monde. Je ne crois pas que l'on puisse trouver le bonheur commun. (Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche (été 1952), n°11, Gallimard, 1990, p. 156).
. Les ténèbres de [ma] pensée ne m’empêchent pas d’être radieux, joyeux et gai ! Je crois que ce qu’il importe d’être c'est d'être un joyeux pessimiste. (Jean Giono, Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche (été 1952), n°21, Gallimard, 1990, p. 295).
HENRY de MONTHERLANT (1895-1972) : [page spéciale en préparation]
. Solal : « Baiser, cette soudure de deux tubes digestifs. » (Albert Cohen, Solal (1930), 2, XI ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 181).
. Mangeclous : « Mensonge, mensonge, l’amour est fait de mensonge ! […] Il faut feindre, se retenir, n’être pas naturel, jouer la comédie pour que l’amour naisse ! […] Quelle valeur accorder à un sentiment si fragile qu’un léger vent suffit à l’abattre et à le flétrir ? Dailleurs quelle valeur accorder à un émoi que la plèbe éprouve ? » (Albert Cohen, Mangeclous (1938), XIII ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 454).
. Mangeclous : « Le vrai amour ce n'est pas de vivre avec une femme parce qu'on l'aime, mais de l'aimer parce qu'on vit avec elle. […] L’amour c’est l’habitude et non jeux de théâtre. […] Le saint amour, c’est le mariage, c’est de rentrer à la maison et tu la vois. Et si tu as un souci, elle te prend la main et te parle et te donne du courage. » (Albert Cohen, Mangeclous (1938), XIII ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 454).
. Mangeclous : « Tout n’est pas bon à dire aux épouses, car ensuite elles prennent des airs. » (Albert Cohen, Mangeclous (1938), XIII ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 454).
. Sifflote un peu pour croire que tout ne va pas si mal que ça, et surtout souris, n'oublie pas de sourire. Souris pour escroquer ton désespoir, souris pour continuer de vivre, souris devant ta glace et devant les gens, et même devant cette page. Souris avec ton deuil plus haletant qu’une peur. Souris pour croire que rien n’importe, souris pour te forcer à feindre de vivre, souris sous l’épée suspendue de la mort de ta mère, souris toute ta vie à en crever et jusqu’à ce que tu en crèves de ce permanent sourire. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), II ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 703).
. La mère : « Le vrai amour, veux-tu que je te dise, c'est l'habitude, c'est vieillir ensemble. » (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), III ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 709-710).
. Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance. L'homme veut son enfance, veut la ravoir, et s'il aime davantage sa mère à mesure qu'il avance en âge, c'est parce que sa mère, c'est son enfance. J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), V ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 712).
. Ce qui est laid, c'est que sur cette terre il ne suffise pas d'être tendre et naïf pour être accueilli à bras ouverts. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), VI ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 719).
. Combien nous pouvons faire souffrir ceux qui nous aiment et quel affreux pouvoir de mal nous avons sur eux. Et comme nous faisons usage de ce pouvoir. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), X ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 730).
. Le terrible des morts, c'est leurs gestes de vie dans notre mémoire. Car alors, ils vivent atrocement et nous n'y comprenons plus rien. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), XI ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 735).
. Avoir de la douleur, c'est vivre, c'est en être, c'est y être encore. (Albert Cohen, Le Livre de ma mère (1954), XXI ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 759 ; et aussi Carnets 1978 (1979), seize mars ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1147).
. Mangeclous : « Être un grand homme n'est rien si on ne peut le paraître. » (Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968), 2, XXIV ; Pléiade, 1986, p. 254).
. Solal : « Cette longueur, ce poids et ces osselets, si je les ai, elle sera un ange, une moniale d’amour, une sainte. Mais si je ne les ai pas, malheur à moi ! Serais-je un génie de bonté et d’intelligence et l’adorerais-je, si je ne peux lui offrir que cent-cinquante centimètres de viande, son âme immortelle ne marchera pas, et jamais elle ne m’aimera de toute son âme immortelle, jamais elle ne sera pour moi un ange, une héroïne prête à tous les sacrifices. / […] Oui, madame, trente-cinq centimètres de viande de moins et elle se fiche de mon âme […] Idem si, étant le génie susdit, je suis démuni de ces petits os dans la bouche ! Ces dames éprises de spiritualité tiennent aux petits os ! Elles raffolent de réalités invisibles, mais les petits bouts d’os, elles les exigent visibles ! […] / Deux ou trois petits os de quelques millimètres en moins et je suis fichu, et je reste tout seul et sans amour ! […] Alors, je vous le demande, quelle importance accorder à un sentiment qui dépend d’une demi-douzaine d’osselets dont les plus longs mesurent à peine deux centimètres ? Quoi, je blasphème ? Juliette aurait-elle aimé Roméo si Roméo quatre incisives manquantes, un grand trou noir au milieu ? Non ! Et pourtant il aurait eu exactement la même âme, les mêmes qualités morales ! Alors pourquoi me serinent-elles que ce qui importe c'est l'âme et les qualités morales ? » (Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968), 2, XXXV ; Pléiade, 1986, p. 346-347).
. Solal : « Rien à faire, paléolithiques, elles sont paléolithiques, descendantes des femelles au front bas qui suivaient humblement le mâle trapu et sa hache de pierre ! Je n'ai pas l'impression qu'une seule femme ait été amoureuse du grand Christ, au temps où il vivait homme aux yeux tristes. « Pas assez viril », miaulaient les demoiselles de Galilée. Elles devaient lui reprocher de tendre l'autre joue. Par contre, elles étaient bouches béantes et yeux démesurés devant les centurions romains aux énormes mentons. » (Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968), 2, XXXV ; Pléiade, 1986, p. 363).
. Ariane : « Oui, oui, je sais que les hommes naissent libres et égaux en droit, mais ça ne dure pas longtemps ! » (Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968), 4, LIV ; Pléiade, 1986, p. 501).
. Ariane : « Les génies savent que le génie c'est de la ténacité, les crétins croient que c'est un don. » (Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968), 4, LXX ; Pléiade, 1986, p. 606).
. La vieillesse est un décès par petits morceaux. (Albert Cohen, Ô vous frères humains (1972), IV ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1046).
. Oh, cette imbécilité de croire que si on était intelligent et tendre on ne pouvait pas ne pas être aimé. Je ne savais pas encore que les hommes n'aiment que la force qui est en fin de compte pouvoir de tuer. (Albert Cohen, Ô vous frères humains (1972), XXXII ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1075-1076).
. Ils sont libres et indépendants, les connaisseurs de leur fin proche. (Albert Cohen, Carnets 1978 (1979), vingt-trois janvier ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1131).
. Un génie de la littérature est une sorte de fou qui a assez d’intelligence et de ruse pour dissimuler et utiliser sa folie. […] Le génie, c'est avoir le cœur plein d'amour et l'œil méchant. (Albert Cohen, Carnets 1978 (1979), vingt-et-un février ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1137).
. Si [l’autre] t’a fait du mal, […] tel il est et ne peut pas ne pas être en ce notre terrible monde dont la loi est de vaincre pour n'être pas vaincu, monde de nature où chacun est un Abel et un Caïn aussi. (Albert Cohen, Carnets 1978 (1979), vingt-trois août ; Pléiade Œuvres, 1993, p. 1192).
ELSA TRIOLET (1896-1970)
. Patrice : « L'homme ne peut rien contre la loi de la pesanteur, mais il sait utiliser la chute d'eau. » (Elsa Triolet, Le Cheval roux ou les intentions humaines (1953), Gallimard, 1972, p. 223).
JOË BOUSQUET (1897-1950)
. L'instant qui ne m'apporte pas un enrichissement ouvre en moi une blessure. Chaque présence est une apparition. Pas un être dont je n’attende tout. (Joë Bousquet, Le Meneur de lune (1946), I, 6 ; Œuvre romanesque complète, tome II, Albin Michel, 1979, p. 262).
JEAN MISTLER (1897-1988)
[citations en attente de vérification]
. Une femme qu'on n’aime guère est plus supportable si l'on fait l'amour avec elle. (Georges Bataille, Le Bleu du ciel (1935), II, 4, 1 ; Pléiade Romans et récits, 2004, p. 168).
. Le souci d’harmonie est une grande servitude. Nous ne pouvons échapper par le refus : à vouloir éviter la fausse fenêtre, nous introduisons un mensonge aggravé : la fausse au moins s’avouait telle ! (Georges Bataille, L’Expérience intérieure (1943), II, v ; dans Œuvres complètes, tome V, Gallimard, 1973, p. 70).
. Dans la mesure où quelque possibilité de gloire ne me fascine pas, je suis un déchet misérable. (Georges Bataille, Le Coupable (1944), « La divinité du rire », ii ; dans Œuvres complètes, tome V, Gallimard, 1973, p. 343).
. L'intelligence servile est au service de la sottise, mais la sottise est souveraine : je n’y peux rien changer. (Georges Bataille, Méthode de méditation (1947), avertissement, iv ; dans Œuvres complètes, tome V, Gallimard, 1973, p. 195).
. Il n'est pas de sentiment qui jette dans l'exubérance avec plus de force que celui du néant. (Georges Bataille, L'Érotisme (1957), I, v ; dans Œuvres complètes, tome X, Gallimard, 1987, p. 72).
LOUIS ARAGON (1897-1982) : [voir page en préparation dévolue aux poètes français modernes]
JOSEPH KESSEL (1898-1979)
. Chouvaloff : « Il n'y a rien qui plaise autant, même au plus bourgeois des peuples, que les spectacles de guerre et de violence. » (Joseph Kessel, Nuits de princes (1927), I ; France-Loisirs, 1974, p. 75).
EMMANUEL BOVE (1898-1945)
. Quand on ne peut pas démasquer les gens, on les prend de biais, par les êtres qui leur sont chers. (Emmanuel Bove, Le Piège (1945), chap. 11 ; Gallimard, L’imaginaire n°267, 1991, p. 121).
LOUIS GUILLOUX (1899-1980)
. Cripure : « Bien évidemment, c’est absurde. Le monde est absurde, jeune homme, et toute la grandeur de l'homme consiste à connaître cette absurdité, toute sa probité aussi. » (Louis Guilloux, Le Sang noir (1935), 3, Gallimard, 1966, p. 44).
. Cripure : « Il y a tout de même un certain sentiment de dignité… […] Ou de l’honneur. Quant au reste… L’homme ne mérite pas qu’on s’occupe de lui. » (Louis Guilloux, Le Sang noir (1935), 3, Gallimard, 1966, p. 44).
. Cripure : « La vérité de cette vie, […] ce n'est pas qu'on meurt : c'est qu'on meurt volé. » (Louis Guilloux, Le Sang noir (1935), 15, Gallimard, 1966, p. 201).
. Lucien Bourcier : « La question n'est pas de savoir quel est le sens de cette vie. […] La seule question, c'est de savoir : que pouvons-nous faire de cette vie ? » (Louis Guilloux, Le Sang noir (1935), 37, Gallimard, 1966, p. 439).[2]
JACQUES AUDIBERTI (1899-1965) : [voir page en préparation dévolue aux dramaturges français XIXe-XXe siècles]
. L'accord physique ? Ne suffit pas. L'accord des caractères ? Ne suffit pas. La complicité des ambitions, des rêves ? Ne suffit pas. Pour un grand amour il faut tout. À moins qu'il ne faille rien, que l'amour. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 7).
. L'amour se mesure au besoin de la présence. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 8).
. Dans les âmes fortes, l'amour se glisse par les points faibles. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 9).
. On sait rarement pourquoi on aime. On croit toujours savoir pourquoi on n'aime plus. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 10).
. Manœuvre délicate : retirer votre main de la sienne pour manger chaud. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p.11).
. L'amoureuse aime à être entourée, enveloppée, relancée, serrée de près jusque dans son sommeil. C'est pourquoi elle poursuit de ses soins l'homme, qui déteste celà. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 30).
. On est toujours plus trompé qu'on ne pense, et moins trahi qu'on ne croit. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 46).
. Le jour où l'on aime trop n'est pas éloigné du jour où l'on n'aimera plus : comme ces ampoules électriques qui grésillent d'un vif éclat avant de mourir. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 54).
. Heureux ceux qui pardonnent. Plus heureux encore ceux qui n'ont pas mémoire d'avoir eu quelque chose à pardonner. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 55).
. Si les femmes étaient aussi exigeantes dans le choix de leurs amants qu'elles le sont dans celui d'une paire de bas, elles auraient moins d'embêtements. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 58).
. Pour certaines femmes, le chagrin qu'elles causent est une preuve d'amour plus vraie que le bonheur qu'elles donnent. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 62).
. Que de filles se croient amoureuses, qui ne sont que curieuses ! (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 69).
. Mieux vaut perdre ses illusions de bonne heure, on a ainsi plus de temps pour les retrouver. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 72).
. Entre deux maux, des esprits mal faits choisissent toujours le pire. Entre deux hommes, des filles choisiront infailliblement celui qui gâchera leur vie. (Marcelle Auclair, L’Amour. Notes et maximes, Hachette, 1963, p. 75).
ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY (1900-1944) : [page spéciale en préparation]
NATHALIE SARRAUTE (1900-1999)
. Vous-même l'avez dit, vous l'avez affirmé : sans les mots, il n'y a rien. Les mots, c'est la sensation même qui surgit, qui se met en mouvement. Vous allez même plus loin […] : le mot crée […] le mot peut à son tour susciter chez l’écrivain la sensation. (Nathalie Sarraute, Les Fruits d'or (1963) ; Pléiade, 1996, p. 552).
RENÉ CREVEL (1900-1935)
. L’affirmation prouve moins une certitude qu’un désir de certitude né de quelque doute au fond. Le plus sûr et aussi le plus secret de nous c’est l’état qui se suffit à soi-même et ne demande point à s’exprimer. (René Crevel, Révolution, surréalisme, spontanéité (1925), dans L’Esprit contre la raison et autres écrits surréalistes, Société nouvelle des éditions Pauvert, 1986, p. 25).
. Il faut beaucoup de naïveté pour faire de grandes choses. (René Crevel, L'Esprit contre la raison (1926), dans L’Esprit contre la raison et autres écrits surréalistes, Société nouvelle des éditions Pauvert, 1986, p. 51).
JULIEN GREEN (1900-1998) : Voir page spéciale
DANIEL-ROPS (1901-1965)
. Le cœur des femmes a de ces replis, de ces brusques volte-face où l’amour s’accomplit dans le sacrifice, parfois en d’absurdes holocaustes. (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire ? (1934), I, ii, 1 ; Livre de poche n°71-72, 1965, p. 135).
. Laure Malaussène : « Les hommes ont été mis sur terre pour qu’ils se torturent les uns les autres, qu’ils se rendent mutuellement la vie plus pénible. Ceux qui prétendent posséder le bonheur, de quel prix l’ont-ils payé ? Quelques imbéciles […] croient être heureux, alors qu’ils s’enlisent dans le confort, la routine, la pire des boues… Et les autres… Les autres… C’est avec la douleur d’autrui qu’on achète son bonheur. » (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire ? (1934), I, ii, 1 ; Livre de poche n°71-72, 1965, p. 136).
. Laure Malaussène : « L'homme est un animal qui sécrète de la souffrance, pour lui-même, et pour les autres. » (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire ? (1934), I, ii, 1 ; Livre de poche n°71-72, 1965, p. 137).
ALEXANDRE VIALATTE (1901-1971) : [page spéciale en préparation]
JEAN PRÉVOST (1901-1944)
. Un bon portrait n'est pas seulement celui qui ressemble au modèle, mais celui qui ne ressemble plus à rien d'autre. Il ne préfère, il ne choisit que l’individuel ; bien plus ressemblant que l’original même. (Jean Prévost, Les Caractères, VII, Albin Michel, 1948, p. 135).
. Robespierre, Lamartine ou Wilson au pouvoir gâchent tout par leur vertu. L’utopiste ne devrait même pas juger les politiques au jour le jour. Qu’il reste à sa place. Les vrais politiques se tiennent à la leur. Ils ne pensent jamais. (Jean Prévost, Les Caractères, XII, Albin Michel, 1948, p. 195).
. Les vrais milliardaires que j’ai connus ne m’ont point paru aussi tristes qu’on le dit, ni désabusés, ni insomniaques. Ils n’avaient guère que des ennuis d’argent. (Jean Prévost, Les Caractères, XIV, Albin Michel, 1948, p. 224).
JACQUES PERRET (1901-1992) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
ANDRÉ MALRAUX (1901-1976) : [page spéciale en préparation]
. Un mort qui ressuscite déçoit toujours un peu son monde. (Marcel Aymé, La Jument verte (1933), chap. XII ; Pléiade tome I, 1989, p. 972-973).
. Le surnaturel n'étant pas d'un usage pratique ni régulier, il était sage et décent de n'en pas tenir compte. Personnellement, Arsène avait toujours été choqué par les Évangiles. Cette façon des apôtres d'aller raconter les miracles lui paraissait inconvenante. A leur place, il n'aurait rien dit. Être poli et bien éduqué, c'est justement ça, garder pour soi les histoires qui pourraient déranger le monde. (Marcel Aymé, La Vouivre (1943), chap. III ; Pléiade tome III, 2001, p. 543).
. On peut commettre un crime sans pécher contre les valeurs utiles. (Marcel Aymé, La Vouivre (1943), chap. XX ; Pléiade tome III, 2001, p. 689-690).
. L’oncle Amédée : « Être heureux, ce n'est pas bon signe, c'est que le malheur a manqué le coche, il arrivera par le suivant. » (Marcel Aymé, En arrière, « Les chiens de notre vie » (1948) ; Pléiade tome III, 2001, p. 1314).
. M. Lepage : « En matière d’art et de littérature, le critique se montre beaucoup moins soucieux d'éclairer l'opinion que de paraître lui-même intelligent. » (Marcel Aymé, Le Confort intellectuel, IX, Flammarion, 1949, p. 136).
. Moreau : « Il y a des brutes qu'on n'apprivoise pas. On les dompte. » (Marcel Aymé, Lucienne et le boucher (1948), I, 2 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 22).
. Le capitaine : « Nos bonnes actions sont souvent plus troubles que nos péchés. » (Marcel Aymé, Vogue la galère (1951), III, 3 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 238).
. Simon : « À votre devoir d’officier, vous avez préféré le point d’honneur. Je m’y attendais. Il est plus difficile de retourner une situation désespérée que de passer sa tête dans un nœud coulant. Pour mourir, il n’est pas besoin d’être un chef. » (Marcel Aymé, Vogue la galère (1951), IV, 4 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 266).
. Olivier : « Le pire des mensonges […] est celui qui rend vaine toute espèce d'évidence, celui qui humilie la vérité la plus pure devant l’insolence des mots. » (Marcel Aymé, Les Quatre vérités (1954), III, 4 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 442).
. Hélène : « Quand j’étais très jeune, je croyais qu’en amour, la franchise dissipe les malentendus, les erreurs, et répare les fautes les plus graves. Plus tard, j’ai fini par comprendre que la franchise ne fait que préciser et fixer dans l’esprit d’un amant les griefs qu’il peut avoir contre vous. Sachez-le, les hommes sont plus attentifs aux paroles qu’aux faits. Un mari peut surprendre sa femme accrochée au cou d’un galant et l’oublier dans les quinze jours, mais si elle lui avoue, dans une minute de sincérité, qu’elle vient de trouver du charme à la figure d’un passant, il s’en souviendra dix ans plus tard. » (Marcel Aymé, Les Quatre vérités (1954), III, 6 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 446).
. Hélène : « Je commence aujourdhui à comprendre qu’un amant, ce n’est ni très confortable ni très solide. Un amant a tout juste la consistance de nos rêveries. Parlez-moi plutôt d’un mari. Quoi qu’il arrive et quoi qu’il en soit des sentiments, un mari, c’est vrai comme du bois. C’est un meuble, une commode à tiroirs, un bahut, un buffet, un garde-manger ! » (Marcel Aymé, Les Quatre vérités (1954), III, 6 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 446).
. Nicole : « Tu crois sans doute qu’une femme n’a plus rien à cacher quand elle a avoué qu’elle est la maîtresse d’un homme ? Tu ne sais pas qu’avant d’avoir un mari ou un amant, nous avons déjà des secrets que les moins timides d’entre nous n’osent pas s’avouer à elles-mêmes. Oui, certains de nos actes sont insignifiants, mais si stupides, qu’ils sont aussi difficiles à confesser que les crimes les plus noirs. » (Marcel Aymé, Les Quatre vérités (1954), IV, 8 ; dans Théâtre complet, Gallimard, 2002, p. 464).
LOUISE de VILMORIN (1902-1969)
. Landrecourt : « On se croit à l’abri du malheur et l’on s’aperçoit que le malheur vous abrite. » (Louise de Vilmorin, Julietta (1951) ; Folio n°294, 1993, p. 228).
. Le prince d’Alpen : « Philosopher n'est qu'une façon de raisonner la mélancolie. […] Il faut avoir le courage de faire valoir ses goûts : c’est plus important pour le bonheur que l’esprit de sacrifice. » (Louise de Vilmorin, Julietta (1951) ; Folio n°294, 1993, p. 228-229).
. Julietta : « L’amour se mesure aux regrets qu’on éprouve comme à ceux que l’on souhaite inspirer. » (Louise de Vilmorin, Julietta (1951) ; Folio n°294, 1993, p. 233).
. M. Zaraguirre : « La fidélité est fidèle aux sentiments plus qu'à l'être qui les inspire. L’objet aimé n’est que le soutien des sentiments et l’amour est un besoin qui demande un objet pour tenter une épreuve et faire ainsi ses preuves entre deux infinis. » (Louise de Vilmorin, Les Belles amours, II, 2, Gallimard, 1954, p. 103).
. Paul : « Le solitaire, qui épouse la solitude, est le seul excentrique, le seul dandy suprême, le seul homme qui ne se vautre pas, ne se cherche pas d’excuse et ne frappe que sa propre poitrine quand une image vient détrôner sa sirène. » (Louise de Vilmorin, La Lettre dans un taxi, Gallimard, 1958, p. 175-176).
. Julius de Coster le Jeune : « Les gens ne valent pas tout le mal qu'on se donne pour qu'ils pensent du bien de vous… Ils sont bêtes !… Ce sont eux qui exigent que vous preniez des airs vertueux et c'est à qui trichera le plus… » (Georges Simenon, L'Homme qui regardait passer les trains (1938), 1 ; Pléiade Romans, tome I, 2003, p. 567).
. Les événements mémorables ne ressemblent jamais à ce qu'on attend d'eux. (Georges Simenon, Le Bourgmestre de Furnes (1939), I, 5 ; Pléiade Romans, tome I, 2003, p. 781).
. Terlinck : « Il y a des gens, comme ça, qui plutôt que de cesser d'être quelque chose, préfèrent encore n'être plus rien du tout… » (Georges Simenon, Le Bourgmestre de Furnes (1939), I, 6 ; Pléiade Romans, tome I, 2003, p. 797).
. C'est terrifiant de penser que nous sommes tous des hommes, tous à courber plus ou moins les épaules sous un ciel inconnu, et que nous nous refusons à faire un tout petit effort pour nous comprendre les uns les autres. (Georges Simenon, Lettre à mon juge (1947), 8 ; Pléiade Romans, tome I, 2003, p. 1288).
. Il faut croire que l'homme a voulu vivre en société, puisque la société existe, mais aussi, depuis qu'elle existe, l'homme emploie une bonne part de son énergie et de son astuce à lutter contre elle. (Georges Simenon, Le Grand Bob (1954), 6 ; dans Tout Simenon, tome 7, Presses de la Cité, 1989, p. 813).
. Alain Lefrançois : « Nous avons tendance à croire que l’homme est ce que nous voudrions qu’il soit… / Nous avons bâti un homme type – qui varie selon les époques – et nous nous y raccrochons si bien que nous considérons comme un malade ou comme un monstre tout ce qui ne lui ressemble pas. / Une des causes de nos propres tortures n’est-elle pas la découverte, que nous ne tardons pas à faire, que nous n’y ressemblons pas nous-mêmes ? (Georges Simenon, Le Fils (1957), 5 ; dans Tout Simenon, tome 9, Presses de la Cité, 1989, p. 77).
. Le président : « À partir d’un certain stade, d’un certain degré de réussite, un homme d’État n’est plus lui-même, mais devient le prisonnier de la chose publique. » (Georges Simenon, Le Président (1958), 3 ; Pléiade Romans, tome II, 2003, p. 735).
. On ne passe pas une grande partie de son existence, surtout d’une existence aussi longue que la sienne, non seulement sur la scène politique, mais dans la coulisse, sans avoir été le témoin de maintes lâchetés et de maintes vilenies. (Georges Simenon, Le Président (1958), 4 ; Pléiade Romans, tome II, 2003, p. 762).
. Les humanités jettent facilement le doute dans les esprits. Or, il ne faut douter de rien. L'honnête homme a besoin de quelques vérités simples qui soient une fois pour toutes des vérités. On les absorbe, et on n'y revient plus. / Ne vaut-il mieux pas laisser les angoisses philosophiques à quelques-uns qui sont assez solides pour les supporter, au lieu de semer une graine aussi dangereuse dans des terrains mal préparés ? (Georges Simenon, L'Amérique en auto, 13. « Guerre aux dents malades et au concept d’infériorité » (1946) ; dans Mes apprentissages. Reportages 1931-1946, Omnibus, 2001, p. 664).
. Avoir un système borne son horizon ; n'en avoir pas est impossible. Le mieux est d'en posséder plusieurs. (Raymond Queneau, Journaux 1914-1965, 14 septembre 1920, Gallimard, 1996, p. 68).
. L’humour est une tentative pour décaper les grands sentiments de leur connerie. (Raymond Queneau, « Discours de réception à l’académie de l’Humour », 29 mai 1952, dans Journaux 1914-1965, Gallimard, 1996, p. 798 ; repris dans Les Œuvres complètes de Sally Mara, « Sally plus intime » (1962), Pléiade tome III, Romans II, 2006, p. 979).
. « Tu m'as tant fait souffrir que ma haine ne peut se satisfaire de ton ridicule et de ton impuissance. » (Raymond Queneau, Gueule de pierre (1934), III, « Le capricorne », Pléiade tome II, Romans I, 2002, p. 335 ; repris dans Saint Glinglin (1948), III, Pléiade tome III, Romans II, 2006, p. 281).
. Tout est relatif dans ce monde, excepté la douleur. Le bonheur ne laisse pas de traces, il s'évanouit avec le passé ; mais la souffrance reste. L’écartèlement est un absolu. Tout est fugitif mais le mal s’accroît sans cesse. Rien ne rachète l’agonie de tous les hommes torturés. (Raymond Queneau, Les Enfants du limon (1938), VI, 118 ; Pléiade tome II, Romans I, 2002, p. 806).
. Voussois : « Dès qu’on est plus d’un seul à discuter, on déconne. Il faut être deux pour commettre un assassinat, et dès qu’il y a un troisième dans un couple : c’est le cocuage. L'erreur, le crime et l'adultère : voilà tout ce qui rend les hommes intéressants. Sur une grande échelle, ça devient moche ; à hauteur d’individu, c’est distrayant. » (Raymond Queneau, Pierrot mon ami (1942), VIII ; Pléiade tome II, Romans I, 2002, p. 1210).
. Dieu : le non-être qui a le mieux réussi à faire parler de lui. (Raymond Queneau, Les Œuvres complètes de Sally Mara, « Sally plus intime » (1962), Pléiade tome III, Romans II, 2006, p. 976).
. Cidrolin : « Tâche […] qu’elle ne soit ni moche ni trop conne, la fille. » — Albert : « J’essaierai […]. Pour ce qui est du minois, je m'y connais, mais la connerie, c'est parfois insondable. » (Raymond Queneau, Les Fleurs bleues (1965), chap. VIII ; Pléiade tome III, Romans II, 2006, p. 1050).
MARGUERITE YOURCENAR (1903-1987) : [page spéciale en préparation]
RAYMOND RADIGUET (1903-1923) : Voir page spéciale
LUCIEN REBATET (1903-1972) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
PAUL NIZAN (1905-1940) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de gauche]
JEAN-PAUL SARTRE (1905-1980) : [page spéciale en préparation]
PIERRE KLOSSOVSKI (1905-2001)
. [En commentant Nietzsche :] Il convient de laisser croire à ceux qui agissent qu'ils changent quelque chose. Nietzsche ne dit-il pas que ce sont, non pas les hommes d’action, mais les contemplatifs qui donnent du prix aux choses et que les hommes d’action n’agissent qu’en vertu de cette appréciation des contemplatifs ? [8] (Pierre Klossowski, Un si funeste désir, VIII. « Nietzsche, le polythéisme et la parodie » (1957), Gallimard, 1963, p. 195).
. « Chacun n'entend jamais qu'une seule chose, […] dût-il parler d'autre chose ! » (Pierre Klossowski, Les Lois de l'hospitalité, postface, Gallimard, 1965, p. 343).
SAMUEL BECKETT (1906-1989) : [voir page en préparation dévolue aux dramaturges français XIXe-XXe siècles]
. Le libéralisme n’est que la forme décadente des régimes absolus. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 42).
. C'est une grande erreur de considérer que l'homme est un être raisonnable. Le pouvoir de raisonner ne confère pas la raison. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 42).
. En ce qui concerne le sexe, les simples gens sont trop simples et les gens intelligents ne le sont pas assez. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 42).
. En amour, il ne faut pas forcer qui l’on aime. C’est de toutes les règles la plus difficile à observer. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 43).
. En ce qui concerne son espèce, l'homme n'est fait que pour l'amour et la haine. L'indifférence est un acquis des sociétés. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 44).
. Presque toute la théorie chrétienne des Apôtres est basée sur ceci qu’ils se croient à la fin des âges et qu’ils imaginent ces deux pôles, Adam et le Christ, comme les deux extrémités du temps. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 48-49).
. Constamment nous interprétons nos espérances et les baptisons « heureux pressentiments ». Les malheurs nous sont obscurs. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 49).
. Le national-socialisme me plaît entre autres raisons parce qu’il a enlevé de son lustre au commerce et l’a ramené à sa juste et médiocre valeur. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 53).
. Tout homme qui ose se juger entièrement a bien de la peine à se supporter. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 60).
. Les femmes de par leur conformation sont généralement étroites et profondes au propre comme au figuré. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 98).
. Il est contraire à la nature des hommes de s’aimer les uns les autres. / Comme il est naturel à l’homme de haïr son prochain et qu’il a un besoin d’absolu, il fait la guerre, ce qui le contente beaucoup moins que de tuer son voisin de palier. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 107-108).
. On estime davantage ses juges que ses avocats, car on juge ses avocats par celà même qu'ils nous défendent. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 173).
. Les plus grandes folies humaines sont accomplies par des hommes de génie secondés par des hommes de bien. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 174).
. Que j'aime ces peuples j[a]unes [9] et noirs qui n'ont jamais eu l'indécence ni l'indiscrétion de nous envoyer des religieux nègres ou chinois pour nous convertir à leur dieux. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 175).
. Le prisonnier et l’amoureux se ressemblent, tous deux la proie des plus petites espérances. Et tous les deux tour à tour croyants et désespérés. Et tous deux prêts à vendre leur âme au diable pour un prix dérisoire. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 180).
. La raison est un merveilleux instrument qui ne sert qu'après coup. – Un criminel tue : son avocat raisonne. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 186).
. Avec quelques petits talents on se croit facilement du génie. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 189).
. Les tricheurs ne connaissent pas la vraie joie de gagner. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 196).
. Il n’y a que les femmes qui sachent aimer. L’homme n’est pas fait pour aimer mais pour être aimé, et encore pas trop longtemps. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 198).
. Il m’a fallu vous faire beaucoup de mal pour bien vous connaître. / On ne connaît bien que les êtres qu’on a fait souffrir. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 215).
. Plus on fait de choses, plus on a de temps pour en faire. Moins on en fait, moins on en a : les oisifs n’ont jamais une minute à eux. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 215).
. Il n'est si bons moralistes que ceux qui ne s'occupent que de la morale d'autrui. (Maurice Sachs, Derrière cinq barreaux, Gallimard, 1952, p. 216).
ROBERT BRASILLACH (1909-1945) : [voir page en préparation dévolue aux penseurs et écrivains de droite]
JULIEN GRACQ (1910-2007) : [voir page des romanciers français de la seconde moitié du XXe siècle]
_________________________________
[1] On voit ici et là que cette phrase, sous la forme : « On récompense parfois des écrivains pour leur œuvre. Pourquoi n'en punit-on jamais ? » se trouverait dans Amitiés et rencontres (Flammarion, 1970). J’ai parcouru en vain ce volume : je ne l’y ai pas trouvée.
[2] Le personnage répète ce qu’il s’était déjà dit dans un monologue intérieur : « La question n'était pas de savoir quel était le sens de cette vie, la vraie question, la seule, était de savoir : que pouvons-nous faire de la vie ? » (chapitre 11, p. 135).
[8] Je n’ai pas encore retrouvé la source de cette citation.
[9] Le texte porte : « jeunes ». Je pense qu’il s’agit d’une coquille d’impression (ou d’une mauvaise lecture du manuscrit posthume). « Peuples jaunes et noirs » permet de faire un chiasme avec les religieux « nègres ou chinois ». S’il n’était question que des jeunes peuples africains, on ne comprendrait pas d’où viennent ces Chinois.
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