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20.05.2012

SARKOZY : LES RÉVÉLATIONS VONT TOMBER

            Il y a quelques jours, dans le flot des commentaires saluant unanimement la « sortie réussie » de Sarkozy, j’ai lu ou entendu le propos de je ne sais plus qui, expliquant que Sarkozy allait très vite être regretté. Mon intuition est inverse : je parie que l’étonnant parallèle entre le mandat de Giscard et le mandat de Sarkozy va se poursuivre, et que celui-ci, tout comme celui-là, ne regagnera pas l’affection des Français, qui ne lui rendront jamais vraiment la justice qu’il réclame. Certes, le cas de Mitterrand et de Chirac, si appréciés rétrospectivement alors qu’ils furent si détestés quand ils étaient au pouvoir, prouve que les Français sont toujours dotés de cette versatilité d’humeur et d’opinion qui était déjà la marque des Gaulois au temps de César. Mais trois facteurs, qui font défaut à Sarkozy, ont facilité cet amour posthume. Dabord, ils ont très vite quitté la scène, Mitterrand en mourant huit mois après la fin de sa présidence, Chirac en se retirant complètement des affaires et en montrant des signes d’affaiblissement sénile. Or à 57 ans, Sarkozy a sans doute encore de longues années de vitalité devant lui, et on peut s’attendre à ce que la perspective de son retour soit périodiquement agitée, vu qu’on a du mal à imaginer que Copé ou Fillon s’impose en chef incontesté de l’UMP et candidat rassembleur pour 2017. Ensuite, Mitterrand et Chirac ont eu la chance d’avoir un successeur dont la rapide impopularité a embelli rétroactivement leur mandat, tout en affichant des tares qui par contraste rehaussaient leurs qualités : les gaffes et la vacuité de Chirac soulignaient l’intelligence et la densité de Mitterrand ; l’agressivité et le « bling-bling » de Sarkozy soulignaient la chaleur humaine et la bonhommie de Chirac. Or s’il est à craindre qu’Hollande montre une passivité toute corrézienne dans la conduite des affaires, il ne paraît pas affligé d’une grande tare personnelle qui puisse être ressentie comme plus insupportable encore que celles de Sarkozy. Enfin, il y a dans la personnalité de celui-ci quelque chose qui ne colle pas avec la représentation traditionnelle que les Français se font de leurs dirigeants : il n’a pas cet ancrage provincial, ce sens de la continuité historique, cet art de compter avec le temps, qui les inscrit tout naturellement dans le paysage. Au bout de cinq ans, cet homme au patronyme barbare reste une pièce rapportée. Il a tenté de nous montrer qu’un président moderne devait être un manageur, et la greffe n’a pas pris. C’est un « néoconservateur américain à passeport français », selon l’heureuse formule d’Éric Besson (avant qu’il ne se rallie à lui). Plutôt qu’au destin d’un Poincaré ou d’un Clemenceau que certains fantasment pour lui, il est donc plus probable que son avenir s’apparente à celui de Bush fils : tous les deux risquent d’être associés à une page honteuse de leur pays qu’on ne relira pas sans un immense malaise, et l’adulation dont ils ont à un moment bénéficié restera comme un remords dont on voudra se débarrasser en l’enfouissant le plus loin possible dans l’oubli.
            Un autre facteur va jouer un rôle décisif dans la vie posthume de Sarkozy : les multiples révélations qui vont tomber dans les années à venir. Et je ne parle pas seulement des trois affaires pour lesquelles il risque d'avoir à rendre des comptes à la justice : l'affaire Karachi, l'affaire Woerth-Bettencourt, les liens avec Kadhafi. Je parle des éclairages inattendus que ses proches et ses collaborateurs vont nous donner sur sa vie et son "mode de gouvernance", selon l'expression à la mode. Comme il est inévitable aujourdhui, les langues vont très vite se délier, des livres vont paraître en rafale, et la face cachée de Sarkozy ne va pas tarder à apparaître en pleine lumière. J’en aperçois deux petits exemples, dès cette semaine. Ainsi dans ce premier article*, qui fait état de liens pour le moins troubles entre Sarkozy et le Maroc, où il possède maintenant un palais de 700 m² dans une « enclave VIP » près de Marrakech, offerte par un richissime et mystérieux homme d’affaires des Émirats Arabes Unis. De quoi ce somptueux cadeau a-t-il été la contrepartie ? On espère n’avoir jamais à apprendre qu’en même temps qu’ils achetaient le P.S.G., les Qatariens achetaient aussi le Président de la République… L’ancien maire de Neuilly, l’homme du Fouquet’s, l’ami intime de Martin Bouygues, le promoteur du bouclier fiscal a en tout cas des accointances marquées avec la haute finance internationale ! Sarkozy a eu le culot de faire campagne sur le thème des frontières, mais il n’hésite jamais à les franchir, lui, quand il s’agit de profiter du soleil et du luxe, et de s’offrir toutes les jouissances que permet l’argent qu’on ne compte pas. Ceux qui, pendant cinq ans, ont travaillé plus pour gagner moins apprécieront… On a en tout cas une preuve supplémentaire que cet homme qui a réussi (en 2007) à se faire passer pour le candidat de la France laborieuse et patriote (avant d’échouer dans la même imposture cinq ans plus tard), est en réalité un parfait représentant du petit cercle médiatico-politico-financier qui a imposé sa « pensée unique » à la France depuis trente ans, en stigmatisant les voix nationales au nom du droidlomisme. Pierre Bergé, BHL, DSK et Anne Sinclair, Thierry de Beaucé, Jamel Debbouze, Jean-René Fourtou (patron de Vivendi), Alain Carignon : tout ce petit monde réside une partie de l’année à Marrakech et s’y côtoie, ainsi que l’explique le journaliste marocain Ali Amar dans un article de Slate. Sarkozy séjournait déjà au milieu de ses pairs, il pourra les fréquenter là-bas encore plus commodément.
            Le second article confirme cette collusion profonde de Sarkozy avec les bobos droidlomistes, de façon peut-être encore plus accablante : le toujours modeste Alain Minc nous révèle qu’il a été, dans l’ombre, l’homme-clef du quinquennat. Je n’ai pas besoin de dire qu’Alain Minc, pseudo-financier et pseudo-intellectuel, est l’un des hommes les plus détestables de notre époque. C’est à la fois une nullité et un nuiseur : une nullité car il s’est à peu près toujours trompé dans son propre domaine, et n’a produit que des essais des plus médiocres, dont un a même été condamné pour plagiat. Comparé à lui, Jacques Attali (autre énarque, autre libéral de gauche, autre touche-à-tout creux et faussement brillant, autre financier raté, autre plagiaire) pourrait passer pour un penseur profond et original ! L’importance prise par ce personnage (qui est commandeur de la Légion d’honneur), symbole par excellence de l’énarchie conformiste et incapable, doit s’expliquer par son entregent, et constitue un des symptômes les plus évidents de la médiocrité généralisée de notre époque. Mais c’est aussi un nuiseur, car ce libéral de gauche, parangon du droidlomisme boursier, n’aura jamais répandu que des idées directement contraires à l’intérêt national. Qu’il suffise de dire qu’un de ses livres s’appelle La Mondialisation heureuse… Eh bien ! c’est cet agent des ploutocrates cosmopolites dont Sarkozy a fait un de ses plus proches conseillers ! Écoutez-le se vanter : « J'ai pesé pour qu'il choisisse Bernard Kouchner plutôt qu'Hubert Védrine au ministère des affaires étrangères et qu'il nomme Rachida Dati au poste de garde des sceaux. » Ces deux catastrophes donnent la mesure du personnage et des Petits conseils qu’il monnaye (fort cher) à nos dirigeants politiques, économiques et médiatiques. Le plus étonnant est qu'il semble ne s'être même pas rendu compte que ces deux nominations ont été calamiteuses, de telle sorte que s'il en est à l'origine, il aurait dû tout faire pour qu'on ne le sût jamais. Ce type doit vivre dans sa bulle, et si Sarkozy l'écoutait et le suivait, c'est qu'il vivait dans la même bulle. Dire que la droite a cru être représentée par Sarkozy, dire que des électeurs nationalistes lui ont donné leur voix !


         * Au passage, on apprend aussi dans cet article que Jean-Louis Borloo serait à la tête d’un impressionnant patrimoine immobilier, qui a peut-être suffi à le dissuader de tenter l’aventure d’une candidature présidentielle, lui qui est positionné sur un créneau social et humaniste. Ça me rappelle qu’en 2007, un ami généralement bien informé me disait que si Nicolas Hulot avait renoncé à se présenter, c’est qu’il était le possesseur d’une très importante fortune personnelle qui aurait décrédibilisé son engagement à gauche. Mais le fait est que N. Hulot a bel et bien tenté d’être candidat en 2012. Il faut croire que son patrimoine avait été surévalué par la rumeur, ou qu’il a fait de mauvaises affaires entretemps, ou qu’il a cru à tort que Sarkozy avait décomplexé le rapport des Français à l’argent…
      « Morice » est un des plus importants contributeurs d’Agoravox, puisqu’en cinq ans, il a publié 983 articles, et la bagatelle de 41 076 commentaires !! Parmi ses récents articles, je survole celui-ci sur les liens troubles entre Mohamed Merah et les services secrets français, dont je ne sais que penser. Il m’inspire néanmoins une réflexion latérale : la multiplicité des sources d’information, forcément contradictoires, donne un aspect nécessairement trouble à toute affaire mettant en jeu le pouvoir politique (ou financier, ou médiatique), si bien que dorénavant, les versions hétérodoxes, soulignant les obscurités de la version officielle et proposant une interprétation alternative, seront inévitables. Dès lors, le "complotisme" ne doit pas être considéré comme une simple maladie temporaire, le symptôme d’une crise culturelle appelée à se résorber, la simple scorie d’une entrée difficile de notre société dans l’ère de l’internet qui nous demande une nouvelle façon de penser. Bien au contraire, dans cette hypothèse, le complotisme serait intrinsèquement lié à cette ère du village global interconnecté. Il faudra s’habituer à ce que, sur tout ce qui focalise l’attention des médias, nous ayons toujours des petits malins nous expliquant que nous n’avons pas été assez attentifs à tel ou tel indice trahissant une manipulation... de telle sorte qu’une autre lecture de l’affaire sera toujours plausible et que nous resterons à jamais dans le doute. Plus nous serons informés et moins nous aurons de certitudes sur le monde qui nous entoure.