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19.10.2012

UN MILITANT UMP (BIENTÔT) EXCLU POUR ANTISÉMITISME : LE PROBLÈME ÉTAIT-IL SEULEMENT LÀ ?

         Une dépêche nous apprend qu’un militant UMP de Carcassonne, M. Gilbert Chatelard-Toinet, fait l’objet d’une plainte et devrait sans doute être prochainement exclu de son parti. Il a en effet  posté sur Facebook un commentaire jugé antisémite :  « Pour ma part, et comme en toute democratie je pense que le bon candidat pour les primaires UMP , ne peut etre que le politicien qui n'est ni apparente a l'Algerie, non plus la Tunisie et n'est pas juif »
            À y bien regarder, le propos n’est pas si scandaleux que cela. M. Chatelard-Toinet récuse le principe de la double appartenance. Il s’imagine militer dans un parti de droite, donc en théorie un parti patriote et attaché à la sauvegarde de l’identité française. Il juge naturel et légitime que celui qui dirige ce parti, et qui sans doute sera désigné par lui pour postuler à la magistrature suprême en 2017, appartienne à ce que Gérard Longuet appelait il n’y a pas longtemps le « corps français traditionnel ». Après tout, l’UMP est principalement issue du RPR, c’est-à-dire du parti gaulliste ; et, comme on commence à le savoir, le Général de Gaulle, avec ce bon sens implacable qui était l’une de ses marques, jugeait que « Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne ». Or ce n’est pas exactement le cas de Monsieur Copé, quels que soient ses mérites par ailleurs. Sa notice sur Wikipédia nous apprend que son père est issu de juifs roumains immigrés en 1926 (Copelovici et Lazerovici) ; sa mère, Monique Ghanassia, née en Algérie, vient d’une famille de juifs d’Afrique du Nord, établis à Alger, en Tunisie, et même à Tétouan (au Maroc), dont certains étaient rabbins. Sur le plan religieux, il se définit comme « juif non pratiquant ». On eût préféré, eu égard à ses ambitions politiques, qu’il ne s’abstînt pas seulement de pratiquer, mais qu’il repoussât aussi tout lien à la religion juive, puisque celle-ci a cette particularité qu’elle se définit notamment par l’appartenance à un « peuple élu » et l’attachement à une « terre promise », laquelle depuis 1948 correspond à un État souverain, qui justement ne se gêne pas pour se poser en défenseur des Juifs du monde entier. Sans vouloir faire de procès d’intention à M. Copé, on peut rêver que le chef d’un parti de droite (et a fortiori le chef de l’État) soit dépourvu de toute attache à un pays étranger. Il est vrai que dans le monde moderne, les liens familiaux ou religieux ne sont pas les seuls qui rendent suspects le patriotisme de nos dirigeants : une formation universitaire aux États-Unis, de longues années de responsabilités dans une firme multinationale, l’appartenance à des réseaux cosmopolites, voilà des motifs souvent plus puissants de privilégier les intérêts de la ploutocratie mondialo-yanquie plutôt que ceux du peuple français. Un Max Gallo, fils d’immigrés italiens, est sans doute un bien meilleur patriote qu’une Christine Lagarde (née Lallouette), qui a fait toute sa carrière professionnelle au service des États-Uniens. Mais enfin, selon le principe antique, « la femme de César ne doit même pas pouvoir être soupçonnée » : donc moins un dirigeant aura d’attaches étrangères et mieux cela vaudra. Mais, dira-t-on, cela exclut les immigrés des postes à responsabilités ? Eh bien oui, pourquoi pas ! L’assimilation, par nature, est un processus fort lent. Il me paraît donc tout-à-fait sain que seuls soient éligibles ceux qui sont nés français de parents français, ce qui implique un délai de deux générations : c’est ni trop ni trop peu. [1]
            Que la phrase malheureuse de M. Chatelard-Toinet entraîne la radiation de son auteur, voire sa condamnation en justice, ainsi que cette espèce d’opprobre moral qui est l’équivalent actuel de la chasse aux sorcières des temps modernes ou de l’ostracisme antique, n’a rien qui puisse nous étonner. Il faut vraiment être complètement aveugle pour n’avoir pas compris que l’UMP, remplie de bobos droidlomistes, n’a rien d’un parti de droite. Cela fait belle lurette que ses cadres ont été formatés par le moule du politiquement correct, et sont dotés des mêmes réflexes pavloviens que leurs compères du PS. Proposer une politique authentiquement nationale, exclure (aarrrg, l’horrible mot) les étrangers, tenir en lisière les religions orientalocentrées : voilà qui est intolérable aux yeux des deux courants de l’UMPS, l’un aussi bien que l’autre. On le sait depuis presque trente ans. Il serait naïf de s’indigner de cette intolérance, et même vain de commenter cet évènement mineur, tellement prévisible, tellement inévitable. La principale remarque qu’on peut faire, c’est de signaler l’incohérence profonde de M. Chatelard-Toinet, qui place, sur sa page Facebook, Nicolas Sarkozy parmi les personnes qui l’inspirent : comme si celui-ci n’avait pas aussi des attaches étrangères (hongroises) et juives, comme s’il n’avait pas mené pendant cinq ans une politique anti-nationale ! Il est complètement illogique, pour un sarkozyste, de rejeter Copé pour des raisons qui devraient faire rejeter Sarkozy avec dix fois plus de force. Mais de la part d’un militant UMP, ce genre de schizophrénie est monnaie courante… Donc, là encore, pas de quoi s’appesantir. 

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            Ce qui m’intéresse dans cette affaire, et qui semble n’avoir défrisé personne, c’est la forme du propos incriminé. Relisons bien ce qu’a publié M. Gilbert Chatelard-Toinet :
            « Pour ma part, et comme en toute democratie je pense que le bon candidat pour les primaires UMP , ne peut etre que le politicien qui n'est ni apparente a l'Algerie, non plus la Tunisie et n'est pas juif »
            Première remarque globale : M. Chatelard-Toinet semble ignorer que les accents font partie intégrante de la graphie française, puisque son petit texte en est absolument dépourvu, alors qu’il devrait en comporter cinq. On me dira qu’il l’a peut-être écrit à partir d’un appareil équipé d’un simple clavier « qwerty », sans accents français. Ce serait non pas une circonstance atténuante, mais au contraire une charge aggravante : cela prouverait que les considérations économiques et pratiques (voire la servilité devant la mode ?) l’emportent en lui sur le patriotisme langagier. Un bon Français ne saurait dépenser un seul centime dans une machine censée l’aider à communiquer mais lui interdisant de s’exprimer dans un français correct. Jamais un militant patriote n’aurait dû publier le moindre propos dans cette graphie passée au lit-de-Procuste de la norme anglophone ! Mais examinons plus en détail ce commentaire.
            . Le « et » du début n’a pas lieu d’être, puisque cette conjonction sert à marquer une addition, alors que le locuteur n’a encore exprimé aucune idée : il n’a donc rien à additionner ! La locution initiale « pour ma part » a une fonction principalement phatique, servant juste à signaler la prise de parole du nouvel intervenant. Elle ne contient pas une idée à laquelle on pourrait ajouter une autre.
            . « Comme en toute démocratie » : Cette comparaison est très mal placée. Je suppose que M. Chatelard-Toinet voulait dire que son opinion concerne un candidat de n’importe quelle élection démocratique. Il fallait donc écrire : « …je pense que, comme dans toute démocratie, un bon candidat pour cette élection… ». Mais en mettant la comparaison juste avant le verbe introducteur, il donne l’impression qu’il y a un lien entre la notion de démocratie et sa pensée, comme s’il avait voulu dire : « étant donné que dans toute démocratie chacun peut exprimer sa pensée, alors la mienne est qu’un bon candidat… ». Peut-être était-ce bel et bien son intention ? Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre hypothèse, la tournure choisie est inadéquate, puisqu’elle ne permet pas de comprendre clairement son opinion. J’ajoute que pour désigner ce qui est impliqué par un régime politique, l’usage préfère la préposition « dans » au « en » de M. Chatelard-Toinet, mais cette faute est la plus bénigne de la longue liste de ses agressions contre la langue française.
            . « le bon candidat » : L’article défini n’est pas opportun, car dans une vraie démocratie, justement, il y a plusieurs candidats. Cette expression maladroite confond deux niveaux de sélection : les conditions qui doivent être obligatoirement satisfaites par tous ceux qui veulent se porter candidats, et les critères qui permettent aux électeurs de choisir un candidat plutôt que les autres. M. Chatelard-Toinet aurait dû écrire soit : « un candidat à la présidence de l’UMP ne doit pas être apparenté… », soit : « le bon candidat à la présidence de l’UMP, c’est celui qui n’est pas apparenté… ».
            . « pour les primaires UMP » : Le terme de « primaires » désigne, sur le modèle états-unien, la sélection du candidat d’un parti pour les élections présidentielles. Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais de l’élection à la présidence de l’UMP. Le duel entre Copé et Fillon n’est pas une « primaire » (en tout pas officiellement !). Soyons rigoureux, ne cédons pas aux facilités journalistiques.
            . « UMP, ne peut etre » : Le complément « pour les primaires UMP » aurait pu être encadré de virgules. Mais comme M. Chatelard-Toinet n’a pas mis de virgule entre « candidat » et « pour », il ne pouvait en mettre une entre « UMP » et « ne ». Il suffit de lire à haute voix la phrase, telle que M. Chatelard-Toinet l’a ponctuée, pour constater que celui-ci n’a aucun sens du rythme ni de la respiration français.
            . « ne peut etre » : M. Chatelard-Toinet retombe dans une confusion déjà signalée. Propose-t-il de redéfinir les statuts de l’UMP en excluant des candidats à la présidence tous les adhérents qui sont apparentés aux pays arabes ou qui sont Juifs ? Dans ce cas-là, le modal « pouvoir » était certes pertinent, mais la phrase aurait dû être tournée autrement pour indiquer de façon claire que le locuteur entendait attaquer le mal à la racine, en remettant en cause les statuts du parti. Mon intuition me souffle qu’avec un certain libéralisme, M. Chatelard-Toinet tolère que ces candidats suspects se présentent, et que son intervention consistait juste à déconseiller aux militants de voter pour eux. Il fallait donc écrire : « un bon candidat ne doit pas être… »
            .  « ne peut etre que le politicien qui » : Encore une fois, l’article défini n’est pas justifié. M. Chatelard-Toinet ne voulait certainement pas dire que dans toute élection, les choses font qu’il n’y a jamais qu’un seul candidat qui ne soit ni apparenté à l’Afrique du nord ni Juif. Il fallait donc l’article indéfini : « doit être un homme qui n’est pas… »
            . « politicien » : M. Chatelard-Toinet semble ignorer que ce mot a presque toujours une connotation péjorative. L’usage distingue, par ordre d’estime croissante, le politicien enferré dans de basses querelles partisanes, l’homme politique qui exerce des responsabilités (ou aspire à en exercer) et l’homme d’État que sa hauteur de vue rend apte à discerner l’intérêt national par-delà la guéguerre des partis. Il est donc pour le moins maladroit de qualifier de « politicien » le bon candidat qu’il propose de mettre à la tête de l’UMP, et je doute que M. Fillon soit flatté d’être appelé ainsi.
            . « ni apparente a l'Algerie, non plus » : La conjonction « ni » permet de coordonner deux groupes négatifs. Elle peut se construire, si elle est placée en seconde position, avec « sans » (« sans force ni vertu ») ou avec « ne » (« je n’ai pas encore lu ce livre, ni cet autre »), mais certainement pas en première position suivie de « non plus ». Cette tournure : « ni A, non plus B » sonne très vilainement à mes oreilles.
            . « a l'Algerie, non plus la Tunisie » : Autre faute de coordination. « L’Algérie » et « la Tunisie » sont ici deux C.O.I. du verbe « être apparenté ». Il fallait donc répéter la préposition « à » pour bien marquer le parallèle des deux compléments coordonnés : « … qui n’est apparenté ni à l’Algérie ni à la Tunisie… »
            . « et n'est pas » : Encore une coordination défectueuse ! Cette troisième condition n’est pas exprimée par un nouveau C.O.I. au verbe « être apparenté », mais par une subordonnée relative à l’antécédent « candidat ». Il fallait donc redoubler le pronom relatif « qui » : « et qui n’est pas Juif ».
            . « juif » : M. Chatelard-Toinet met-il en cause l’appartenance au peuple juif ? Dans ce cas-là, l’usage est de mettre une majuscule aux substantifs exprimant l’inclusion dans un peuple (qu’on appelle gentilés, ou ethnonymes). Ou bien visait-il seulement la confession religieuse ? Dans ce cas-là, il convient plutôt de dire « israélite » pour éviter la confusion. Eh oui, le diable est dans les détails, et sur ce sujet, on en a condamnés pour moins que ça…
 
            En guise de récapitulation, je propose de reformuler ainsi la désastreuse intervention de M. Chatelard-Toinet : « Pour ma part, je pense que, comme pour toute élection nationale, un bon candidat à la présidence de l’UMP ne doit être ni apparenté à un pays arabe, ni attaché par sa religion à Israël. » Non seulement c’est grammaticalement impeccable, mais c’est aussi un peu plus court (36 mots au lieu de 41)… et politiquement bien plus précis ! Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, comme disait Boileau. Et pour ce qui est du fond, chacun en jugera comme il veut…
             Verdict du maître de grammaire : en seulement 41 mots, le scripteur a commis l’exploit de commettre 12 fautes ou graves maladresses… sans tenir compte de l’omission des accents ! En moyenne, presque une incorrection tous les trois mots. On peut dire que M. Chatelard-Toinet écrit le français avec ses pieds ou – pour le plaisir de parler de façon politiquement incorrecte – qu’il écrit en « petit-nègre ». Ce n’est pas un bon Français. Un tel mépris de la langue de Voltaire serait cohérent chez un militant cosmopolite, américanolâtre, immigrationniste, bref xénophile. Chez le militant d’un parti qui déclare être patriote, c’est impardonnable. On ne peut prétendre défendre la France quand on méprise aussi éhontément la langue française. Si l’UMP devait exclure de ses rangs M. Chatelard-Toinet, oui, ce serait une décision sage, légitime et inattaquable, ne serait-ce que pour ce motif. Or ne soyons pas candides : ce motif n’a été signalé par personne, et il pèsera d’un poids non pas infime mais nul dans la mesure d’exclusion à venir. Cela en dit long sur ce qu’il faut penser de l’attachement réel de l’UMP à la France, – ce parti de ricanisés dont les militants proclament « We love Sarko »…

 


[1] En ce qui concerne la religion, on devrait aussi exclure les israélites pour la raison susdite, ainsi que les musulmans, qui doivent se tourner chaque jour vers La Mecque, se rendre là-bas au moins une fois dans leur vie, et qui considèrent comme sacré un livre directement dicté par Dieu (haha) dans une langue non-indoeuropéenne. Quant aux catholiques, toujours suspects d’être inféodés au Vatican, ils seront provisoirement tolérés, en attendant qu’on puisse recréer un paganisme national, ou à défaut un gallicanisme intégral.