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26.11.2016

SECOND TOUR DES PRIMAIRES DE LA DROITE : SANS MOI

            Le premier tour des primaires de la droite, dimanche dernier, a donné lieu à quelques bonnes nouvelles :
                        - l’élimination de Nicolas Sarkozy (20,7%), et conséquemment la fin de sa carrière politique. Bien que sa désignation comme le candidat de la droite eût été sans doute une très bonne chose pour la candidate du Front National, néanmoins on ne peut que se réjouir de voir enfin mis hors-jeu un homme qui aura fait tellement de mal à la France. Qu’après Giscard, un autre ancien président échoue à revenir au pouvoir (comme je l’avais annoncé en mai 2012) est aussi une bonne chose : celà montre qu’on n’est pas toujours condamné à subir les mêmes nuiseurs jusqu’à leur mort. Depuis trois ou quatre ans, tout-le-monde voyait venir – avec désespoir – un nouveau duel en 2017 entre Hollande et Sarkozy, revanche de celui de 2012. On n’aura sans doute ni l’un ni l’autre : ouf !
                        - le score assez misérable de Nathalie Kosciusko-Morizet (2,6%), qui montre que les électeurs de droite ne sont pas du tout attirés par un discours « jeune », moderniste, féministe et pour tout dire gauchiste. Il est vrai que ce score est moins faible qu’elle aurait pu le craindre (que dire de Jean-François Copé et son 0,3 % !, une baffe monumentale qui remet en question le principe selon lequel un candidat qui n’espère pas l'emporter a tout à gagner à participer) ; il est vrai qu’elle peut même se féliciter de terminer quatrième… Mais ne boudons pas notre plaisir de la voir si bas.
                        - le score carrément ridicule de Bruno Le Maire (2,4%), candidat assez prétentieux (il se voyait gagner encore jeudi 17 novembre !), qui n’aura proposé aucune idée à part le renouvellement de la classe politique, supposé incarné par sa propre personne. Dans dix ans il pourra au contraire tout miser sur l’argument de l’expérience, surtout si entretemps il a réussi à faire un stage à Matignon… C’est sans doute raté pour le printemps prochain, mais il ne manquera pas de se voir offrir d’autres occasions.
                        - l’échec d’Alain Juppé, qui espérait terminer en tête avec au moins 35% pour s’imposer comme le favori du second tour, et qui se retrouve deuxième avec 28,6%, un score qui, probablement, met fin à la carrière nationale de ce détestable gaucho-libéral.
                        - le succès de François Fillon, pas le plus infâme des candidats, qui a écrasé ses adversaires avec 44,1%, alors qu’il y a encore deux mois les sondages le donnaient quatrième avec environ 10/12%. La bonne nouvelle réside en ceci qu’un discours plutôt conservateur sur le plan sociétal s’est révélé porteur, et en ceci que les électeurs ont su choisir un « troisième homme » pour mettre en échec le duel annoncé qui leur était vendu par les médias.
 
            J’aurais bien aimé que Sarkozy ne franchît même pas la barre des 20%, ou que Fillon l’emportât dès le premier tour, mais ne chipotons pas. De mon point-de-vue, la vraie déception est le score de Jean-Frédéric Poisson, pour qui j’avais voté : 1,4%. J’espérais qu’une bonne partie des électeurs du Front National et des partisans de « La Manif pour tous » se déplacerait afin de marquer officiellement sa préférence pour le candidat qui était le plus proche de nos idées. Je me disais qu’une large mobilisation pouvait le placer aux alentours de 10%, ce qui aurait constitué un petit séisme tout-à-fait intéressant. J’ai un grand nombre de camarades qui ont fait comme moi (ou tout au moins annoncé qu’ils le feraient ?), mais ceux-ci ne sont pas représentatifs. Le gros des électeurs conservateurs s’est reporté sur Fillon, préférant un candidat plus consensuel mais ayant de vraies chances de gagner, choix qui certes peut se comprendre, même si c’est un choix de futurs cocus. Ils ont raté une occasion de scier le cocotier de mai 68, et je le regrette beaucoup.
            Je me demande par ailleurs si cette élection ne marquerait pas un phénomène pas encore clairement perçu : la prise du pouvoir par les vieux. Dans le bureau de vote où j’ai voté dimanche dernier en fin d’après-midi, le spectacle était édifiant : j’ai croisé une quinzaine de personnes dont pas une seule n’avait moins de 60 ans, et dont la moyenne d’âge devait avoisiner les 75 ans. Je me sentais un intrus débarqué par erreur au milieu d’un cleube du troisième âge, c’en était presque angoissant. Et j’ai lu quelques témoignages faisant état de la même observation. Diverses études [1] confirment que les électeurs étaient environ 40% dans les plus de 65 ans, et 45% à être retraités. Ce sont les vieux qui ont fait la victoire de Fillon, qui est celui des candidats qui a l’électorat le plus âgé. On peut penser qu’on a là le chant du cygne de cette génération, car les suivantes ont des opinions contraires (moins européistes, moins obsédées par la réduction des impôts, moins bienveillantes à l’égard du multiculturalisme). Mais on peut aussi se demander si, dans les décennies à venir, l’abstention croissante ne va pas régulièrement mettre au pouvoir le candidat préféré des vieux, les seuls à voter encore massivement.
 
Fillon,Juppé            En ce qui me concerne, après réflexion, je vais m’abstenir de voter demain au second tour des primaires de la droite :
           1°) Je me sens globalement plus proche de Fillon que de Juppé, donc je préférerais le premier à l’Élysée, – MAIS Juppé serait un adversaire préférable pour Marine Le Pen : son positionnement centriste et bourgeois offrirait plus de prise au discours national-populaire du F.N. Inversement, Fillon risque de « siphonner » pas mal de voix dans la droite catho. Faut-il voter pour le moins pire des candidats du parti qui l'emportera, ou la jouer stratégique en choisissant le candidat le plus prenable par le parti qu'on soutient ? Dilemme cornélien
              2°) Fillon a un discours intéressant par certains aspects, – MAIS nettement moins que celui de J.-F. Poisson ; son passé de collaborateur de Sarkozy pendant cinq ans plaide contre lui, et il ne tiendra sans doute pas la plupart de ses promesses : du reste, la polémique sur l’I.V.G. il y a quelques jours montre bien que, quels que soient ses troubles de conscience, il n’est absolument pas l’homme qui reconstruira tout ce que le mai-68ardisme a détruit.
                3°) Le côté islamophile et mondialiste d’« Ali Juppé », candidat de « l’identité heureuse » est abject, – MAIS quand on creuse, on s’aperçoit qu’il ne faut pas attendre une attitude franchement différente de la part de Fillon. Il n’y a aucune raison de penser qu’il sauvera la France de la submersion africaine. Il a nettement déclaré qu’en cas de duel P.S./F.N. au second tour des présidentielles, il voterait pour le P.S. « sans hésiter ». Ne nous faisons aucune illusion sur son appartenance complète au droidlomisme.
           4°) Fillon a un programme sociétal préférable à celui de Juppé, ce gauchiste presque revendiqué – MAIS il a aussi un programme économique très « libéral » et très destructeur : émule de Thatcher, au moment où la Grande-Bretagne tourne enfin le dos au thatchérisme, il va faire payer les pauvres et soulager les riches : une politique qui pourra obtenir quelques résultats à court terme, mais ravagera le pays en profondeur à long terme. Fillon fait totalement partie de ces gens du passé qui ne voient de salut que dans la production et la croissance.
            5°) Le programme éducatif de Fillon me plaît plus que celui de Juppé, – MAIS je rejette avec horreur son projet de rendre les parents « vraiment membres de la communauté éducative » (les parents sont la plaie de l’Éducation Nationale), je suis hérissé par sa volonté de renforcer l’anglais à tous les niveaux, je hausse les épaules devant son souci de mettre l’accent sur les outils numériques, et je reste dubitatif devant l’idée de rétablir la note de vie scolaire au collège (le genre d’idée intéressante en théorie, mais nuisible en pratique car forcément dévoyée en prime à la docilité droidlomiste).
            6°) Fillon a un passé gaulliste beaucoup plus évident que Juppé, il a compté parmi les séguinistes, il a voté non au référendum de Maastricht en 1992, – MAIS il a tourné casaque pour devenir un libéral européiste comme les autres. Il a voté oui au référendum sur la constitution européenne en 2005, il est complice sinon co-responsable du traité de Lisbonne et de la réintégration dans l’OTAN. Président d’une commission de l’Assemblée nationale pendant le gouvernement Chirac (1986-88), ministre pendant toute la durée des gouvernements Balladur (1993-95), Juppé (95-97) et Raffarin (02-05), Premier ministre pendant tout le quinquennat de Sarkozy (2007-12), il ne peut absolument pas être dissocié de toutes ces politiques gaucho-libérales et antigaullistes qui ont mécaniquement défait ce que le Général avait fait. Ceux qui voient en lui un autre Philippe de Villiers seront cruellement déçus, et il ne faut pas non plus croire qu'il penche secrètement du côté d'Henri Guaino ou Nicolas Dupont-Aignan, même si son amitié avec Vladimir Poutine est un point positif.
            7°) Alain Juppé, khâgneux de Louis-le-Grand, normalien, agrégé de lettres classiques en 1967, a une formation littéraire qui m’est sympathique, – MAIS il fait tout pour la faire oublier. L’a-t-on jamais entendu faire une citation en latin ou en grec ancien ?? À l’instar de Laurent Fabius, il fait partie de ces normaliens-énarques chez qui l’énarque a complètement étranglé le normalien. Rien ne nous permet d’attendre de sa part ce petit supplément littéraire et « vieille France » qui nous manque tant depuis Mitterrand.
              8°) Juppé a globalement montré dans sa carrière plus de caractère que Fillon qui a un côté poule mouillée, – MAIS il a aussi une morgue, une vanité, un entêtement qui ne présagent rien de bon. Toujours aussi cassant, voire pire qu'avant, c’est un technocrate qui saurait tout au plus résoudre une crise économique par des solutions à court terme. À la mairie de Bordeaux, il a atteint son seuil d’incompétence. Rien en lui ne fait deviner un « homme des tempêtes », suffisamment inspiré pour faire basculer le destin de la France.
                 9°) La gauche et les médias bien-pensants ont déclenché cette semaine un tir de barrage contre Fillon. Il y a quelque chose d'insupportable à l'idée que la gauche puisse choisir le candidat de la droite (j'ai toujours trouvé monstrueuse cette idée de primaires ouvertes, je n'y ai participé que pour les torpiller), et celà donne envie d'intervenir pour contrer cette manœuvre, – MAIS contrairement à Poisson, Fillon n'a pas donné assez de gages au Front National pour qu'on ait envie de se porter à son secours. S'il doit trébucher (ou gagner par un score décevant), celà fera réfléchir l'ex-UMP sur le bien-fondé de ces primaires ouvertes. On peut même penser cyniquement qu'une déviation des primaires de la droite par la gauche, ce serait tout bon pour le F.N. Du reste, il n'est pas du tout certain que cette mobilisation gauchiste soit efficace : est-ce que le favoritisme éhonté des médias ne va pas, comme aux É.-U.A., renforcer le candidat perçu comme anti-système  ? (même si ce serait lui faire trop d'honneur dans son cas.)
                 10°) Celà me ferait plaisir de contribuer à l’écrasement de Juppé, – MAIS je ne tiens pas non plus à offrir un triomphe romain à Fillon.

 
            Ainsi la balance penche du côté de Fillon, mais pas assez pour que je vote pour lui, pas assez pour que je m’en morde les doigts si Juppé devait l’emporter, pas assez pour que je lâche deux euros. (De même qu’il y a cinq ans, je m’étais abstenu au second tour des primaires de la gauche : j’avais une légère préférence pour François Hollande contre Martine Aubry, mais pas assez pour me déplacer.) Je ne crois pas que Fillon ferait une politique foncièrement meilleure que celle de Juppé, je pense que son électorat de la droite conservatrice sera globalement déçu par lui. Qu’ils se départagent sans moi.

 

 

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[1] Voir ce sondage de l’IFOP auprès de 7505 personnes, qui, parmi les sondés certains d’aller voter, donne 41% de 65 ans et plus et 48% de retraités ; ou cette étude d’Elabe (8002 sondés par l’internet le jour du vote) : 39% de 65 ans et plus, 43% de retraités ; ou encore ce sondage Harris (7901 sondés par l’internet le jour du vote) : 35% de 65 ans et plus, 46% d’inactifs.

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