05.12.2013
JULES RENARD : SES 450 MEILLEURS APHORISMES CLASSÉS
Le Jules Renard que je préfère, c’est le moraliste. Grand amateur de vérités définitives et de formules paradoxales, je ne peux que priser ces maximes lapidaires qu’il nous offre par dizaines. Renard manie la plume comme un scalpel et le premier qu’il taille à vif, c’est lui-même. Mais nous ne sommes pas quittes : son ironie amère nous atteint tout autant que lui, car quand il se déprécie, c’est en tant que spécimen humain représentatif. Ses boutades ont toujours un fond d’amertume, et sa misanthropie est poignante. Pour une présentation plus complète de cet écrivain, voyez mon article sur lui.
Cette sélection donne une vue très biaisée du Journal (qui en constitue la source à 97,78 %). Je n’ai retenu aucune des nombreuses anecdotes rapportées par Renard : pour être d’une lecture plaisante, elles présentent néanmoins un intérêt surtout documentaire et comique. J’ai écarté également toutes ces phrases détachées qui sont la marque la plus originale de son Journal. Suivant ma pente et mon goût pour les moralistes, je n’ai sélectionné que des aphorismes. Il y en a quatre-cents-soixante-cinq.
Les rubriques que j'ai constituées sont : Autoportrait ; La vie ; La mort ; Religion; Les hommes ; Psychologie ; L'amour et les femmes ; Paradoxes et cynisme ; Morale; Politique ; Les lettres.
. J'essaie de fuir la vie et ses tracas, de me réfugier, comme on dit, dans le rêve, et j'ai rêvé toute la nuit que je n'étais pas fichu de trouver mon chapeau. (Jules Renard, « Noisettes creuses », mai 1894, repris dans Le Vigneron dans sa vigne ; Pléiade tome I, 1970, p. 847).
. Ce qui me plaît me plaît moins que ce qui me déplaît ne me déplaît. (Jules Renard, « Noisettes creuses », mai 1894, repris dans Le Vigneron dans sa vigne ; Pléiade tome I, 1970, p. 848).
. C'est l'homme que je suis qui me rend misanthrope. (Jules Renard, « Noisettes creuses », mai 1894, repris dans Le Vigneron dans sa vigne ; Pléiade tome I, 1970, p. 850).
. Chez moi, un besoin presque incessant de dire du mal des autres, et une grande indifférence à leur en faire. (Jules Renard, Journal, 23 octobre 1887, Pléiade, 1972, p. 7).
. La peur de la vie. À la façon dont les plus petites choses m'impressionnent, je me demande quelles douleurs me réserve l'avenir. (Jules Renard, Journal, 1er novembre 1887, Pléiade, 1972, p. 9-10).
. J'aime les hommes plus ou moins, selon que j'en tire plus ou moins de notes. (Jules Renard, Journal, 25 novembre 1889, Pléiade, 1972, p. 48).
. Soyez tranquille ! Je n’oublierai jamais le service que je vous ai rendu. (Jules Renard, Journal,18 juin 1891, Pléiade, 1972, p. 96).
. J’aimerais mieux ma famille, si elle avait commis un grand crime que je pourrais étudier ; mais, si j’avais commis le crime moi-même, alors, le bonheur de ma vie serait assuré. (Jules Renard, Journal, 30 janvier 1892, Pléiade, 1972, p. 115).
. J’ai déjà des ennemis parce que je n’ai pas pu trouver de talent à tous ceux qui m’ont dit que j’en étais plein. (Jules Renard, Journal, 11 juin 1892, Pléiade, 1972, p. 129).
. Oui, je sais. Tous les grands hommes furent d'abord méconnus ; mais je ne suis pas un grand homme, et j'aimerais autant être connu tout de suite. (Jules Renard, Journal, 28 avril 1893, Pléiade, 1972, p. 159).
. Je ne m'embête nulle part, car je trouve que, de s'embêter, c'est s'insulter soi-même. (Jules Renard, Journal, 5 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 171).
. Oh ! critique, je comprends très bien votre critique. Vous savez, entre nous, moi, je ne me plais pas toujours, non plus. (Jules Renard, Journal, 14 octobre 1893, Pléiade, 1972, p. 179).
. Chaque fois que je viens de parler un peu trop longtemps à quelqu'un, je suis comme un homme qui s'est grisé et qui, tout honteux, ne sait où se fourrer. (Jules Renard, Journal, 7 décembre 1893, Pléiade, 1972, p. 190).
. Ce qui n’est pas du théâtre m’ennuie, mais ce qui est du théâtre m’ennuie aussi. (Jules Renard, Journal, 27 février 1894, Pléiade, 1972, p. 207).
. La gloire d'hier ne compte plus ; celle d'aujourd'hui est trop fade, et je ne désire que celle de demain. (Jules Renard, Journal, 20 mars 1894, Pléiade, 1972, p. 211).
. On se met en colère contre les vieux, mais je vois très bien que, dans deux ou trois années, je ne pourrai plus lire un livre de jeune. (Jules Renard, Journal, 21 mars 1894, Pléiade, 1972, p. 211).
. Je n'ai pas eu ce que je désirais tant, et, un peu plus tard, je me suis aperçu qu'il était heureux pour moi de n'avoir pas réalisé mon désir têtu. (Jules Renard, Journal, 29 mai 1894, Pléiade, 1972, p. 228).
. J’ai vite assez de mes amis. Quand je les aime trop, je leur en veux et, quand ils ne m’aiment plus, je les méprise. Je ne suis bon à rien, ni à me conduire en propriétaire, ni à faire la charité. (Jules Renard, Journal, 29 novembre 1894, Pléiade, 1972, p. 250).
. J’étais né pour les succès de journalisme, la gloire quotidienne, la littérature abondante : la lecture des grands écrivains a changé tout cela. De là, le malheur de ma vie. (Jules Renard, Journal, 12 décembre 1894, Pléiade, 1972, p. 252).
. Je sais pourquoi je déteste le dimanche : c'est parce que des gens, occupés à rien, se permettent d'être oisifs comme moi. (Jules Renard, Journal, 29 juin 1895, Pléiade, 1972, p. 280).
. Je veux faire une année exceptionnelle, et je commence par me lever tard, par trop bien déjeuner et par dormir dans un fauteuil jusqu’à trois heures. (Jules Renard, Journal, 1er janvier 1896, Pléiade, 1972, p. 310).
. Vous me croyez vain parce que je dis que j’ai du talent. Mais qu’est-ce que cela me fait, d’avoir du talent ? C’est du génie que je voudrais ; et ma modestie consiste à me désespérer de n’avoir pas de génie. (Jules Renard, Journal, 22 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 386).
. Je cours les dangers du succès. J’espère bien en sortir vainqueur, c’est-à-dire dégoûté. (Jules Renard, Journal, 6 avril 1897, Pléiade, 1972, p. 402).
. [Mon père] mort, il me semble que je serai comme un chef désigné : je pourrai faire ce que je voudrai. Plus personne n’aura le droit de me juger sévèrement. Un tout petit enfant serait triste s'il savait que personne ne le grondera jamais. (Jules Renard, Journal, 17 avril 1897, Pléiade, 1972, p. 406).
. Mes mots feront fortune ; moi pas. (Jules Renard, Journal, 30 juillet 1897, Pléiade, 1972, p. 428).
. Quand je donne un billet de cent francs, je donne le plus sale. (Jules Renard, Journal, 27 mars 1898, Pléiade, 1972, p. 476).
. Tout malheur qui ne m’atteint pas n’est qu’un rêve. (Jules Renard, Journal, 1er avril 1898, Pléiade, 1972, p. 479).
. Ne me demandez pas d'être bon : ne me demandez que d'agir comme si je l'étais. (Jules Renard, Journal, 1er avril 1898, Pléiade, 1972, p. 481).
. Il ne me manque que d'avoir été mêlé à des grandes choses. (Jules Renard, Journal, 30 avril 1898, Pléiade, 1972, p. 484).
. Je voudrais, moi aussi, tout comprendre et tout sentir. Mais, pauvre escargot que je suis, l’horizon infini, que je ne touche pas, blesse mes cornes. (Jules Renard, Journal, 10 mai 1898, Pléiade, 1972, p. 485).
. Comment voulez-vous que je dise l'exacte vérité quand je parle ? J'ai déjà tant de peine à l'écrire ! (Jules Renard, Journal, 29 mai 1898, Pléiade, 1972, p. 489).
. Je sais nager juste assez pour me retenir de sauver les autres. (Jules Renard, Journal, 20 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 494).
. J’aime la solitude, même quand je suis seul. (Jules Renard, Journal, 20 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 495).
. J'aime tant mon village que je n'aime pas voir les autres s'y installer. (Jules Renard, Journal, 8 août 1898, Pléiade, 1972, p. 499).
. Je voudrais être lu par la minorité, et connu par la majorité. (Jules Renard, Journal, 15 août 1898, Pléiade, 1972, p. 501).
. Je marche sur la terre et sous les étoiles, entre la réalité et le rêve. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 505).
. Mon père voit mes défauts, mais je remarque ses ridicules. (Jules Renard, Journal, 1er octobre1898, Pléiade, 1972, p. 506).
. Je n’ai jamais éprouvé d’émotion sincère au théâtre, sauf à mes pièces. (Jules Renard, Journal, 31 octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 507).
. Je me jette à vos pieds, madame, s’il y a un bon coussin. (Jules Renard, Journal, 4 novembre 1898, Pléiade, 1972, p. 508).
. Si je ne gagne pas d’argent, je tâcherai de tourner ça en vertu. (Jules Renard, Journal, 5 novembre 1898, Pléiade, 1972, p. 508).
. Dès que je suis seul, c’est-à-dire sans un livre, me voilà médiocre : mon tirant d’eau diminue. (Jules Renard, Journal, 28 juin 1899, Pléiade, 1972, p. 537).
. Une fois ma résolution prise, je reste encore indécis. (Jules Renard, Journal, 18 juillet 1899, Pléiade, 1972, p. 541).
. Sensible à tout, j'ai pris la sotte habitude de dire : « Tout m'est égal ». (Jules Renard, Journal, 27 juillet 1899, Pléiade, 1972, p. 543).
. Je n'admets pas que l'on contrarie mes projets, surtout quand j'ai la certitude de ne jamais les mettre à exécution. (Jules Renard, Journal, 6 septembre 1899, Pléiade, 1972, p. 546).
. J’ai peur de ne pas aimer le monde simplement parce que le monde n’est pas à mes pieds. (Jules Renard, Journal, 2 janvier 1900, Pléiade, 1972, p. 561).
. Je ne peux pas regarder une feuille d’arbre sans être écrasé par l’univers. (Jules Renard, Journal, 16 juin 1900, Pléiade, 1972, p. 587).
. Je ne réponds pas d'avoir du goût, mais j'ai le dégoût très sûr. (Jules Renard, Journal, 19 mars 1901, Pléiade, 1972, p. 647).
. Que cette vie me paraîtrait belle si, au lieu de la vivre, je la regardais vivre ! (Jules Renard, Journal, 3 janvier 1902, Pléiade, 1972, p. 716).
. Hélas ! j’ai peut-être laissé passer toutes les heures où j’avais du génie. (Jules Renard, Journal, 15 avril 1902, Pléiade, 1972, p. 741).
. Je connais bien ma paresse. Je pourrais écrire un traité sur elle, si ce n’était un si long travail. (Jules Renard, Journal, 21 juillet 1902, Pléiade, 1972, p. 767).
. Je passe l’année à dire qu’il ne faut pas perdre une minute. (Jules Renard, Journal, 17 octobre 1902, Pléiade, 1972, p. 787).
. Celui qui me fera retenir des noms anglais n’est pas encore naturalisé. (Jules Renard, Journal, 13 janvier 1903, Pléiade, 1972, p. 800).
. Le succès des autres me gêne, mais beaucoup moins que s’il était mérité. (Jules Renard, Journal, 30 mars 1903, Pléiade, 1972, p. 811).
. Chaque fois que le mot « Jules » n'est pas suivi du mot « Renard », j'ai du chagrin. (Jules Renard, Journal, 29 mai 1903, Pléiade, 1972, p. 828).
. Ça m’est égal, de manquer ma vie. Je ne vise pas. Je tire en l’air, du côté des nuages. (Jules Renard, Journal, 19 avril 1904, Pléiade, 1972, p. 896).
. Je ne suis pas fait pour la lutte. Je suis fait pour tuer les gens à coups de fusil dans le cul. (Jules Renard, Journal, 19 avril 1904, Pléiade, 1972, p. 897).
. Je ramène tout à moi, mais il y a des choses dont je ne veux rien faire. (Jules Renard, Journal, 8 juin 1904, Pléiade, 1972, p. 903).
. Dans ma vie j’ai perdu plus de mille ans. (Jules Renard, Journal, 30 août 1904, Pléiade, 1972, p. 912).
. Je ne me lie avec personne à cause de la certitude que j’ai que je devrai me brouiller avec tout le monde. (Jules Renard, Journal, début juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 981).
. Je vis dans la paresse comme dans une prison. (Jules Renard, Journal, 9 octobre 1905, Pléiade, 1972, p. 994).
. Il y a des jours où je m’imagine être le premier qui ait vu la vie. (Jules Renard, Journal, 19 novembre 1905, Pléiade, 1972, p. 1011).
. Mon passé, c’est les trois quarts de mon présent. Je rêve plus que je ne vis, et je rêve en arrière. (Jules Renard, Journal, 26 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1037).
. Ma badauderie littéraire. Je vais de livre en livre. Je m’excite d’idée en idée. Je m’arrête quelques minutes devant un projet, et je passe. (Jules Renard, Journal, 28 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1037).
. Je ne sais si on se corrige de ses défauts, mais on se dégoûte de ses qualités, surtout quand on les retrouve chez les autres. (Jules Renard, Journal, 10 mars 1906, Pléiade, 1972, p. 1039).
. Je deviens un peu plus modeste, mais un peu plus orgueilleux de ma modestie. (Jules Renard, Journal, 26 mars 1906, Pléiade, 1972, p. 1043).
. Je ne veux pas me mettre moi-même en avant, mais ça m’ennuie qu’on ne vienne pas me chercher par la main en disant : « Voilà l’homme qu’il nous faut ». D’ailleurs, je refuserais de suivre. (Jules Renard, Journal, 16 avril 1906, Pléiade, 1972, p. 1046).
. Je raisonne ainsi : puisque je n’arrive pas à être un brave homme, il n’y a point de brave homme. (Jules Renard, Journal, 16 avril 1906, Pléiade, 1972, p. 1047).
. Il y a des choses que je m'efforce de ne pas dire, mais je souhaite qu'on les devine. (Jules Renard, Journal, 16 avril 1906, Pléiade, 1972, p. 1047).
. Je suis plus capable d’une bonne action que de bons sentiments. (Jules Renard, Journal, 3 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1084).
. J’aime à parler, pourvu que je contredise. (Jules Renard, Journal, 31 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1160).
. Je ne connais qu’une vérité : le travail seul fait le bonheur. Je ne suis sûr que de celle-là, et je l’oublie tout le temps. (Jules Renard, Journal, 15 avril 1908, Pléiade, 1972, p. 1172).
. Je veux toujours avoir raison, mais une raison, même la meilleure, ne me suffit pas : il me les faut toutes. (Jules Renard, Journal, 7 mai 1908, Pléiade, 1972, p. 1174).
. J’avoue que parfois la nature m’embête. C’est une saveur de plus que je lui dois : celle de l’ennui. (Jules Renard, Journal, 31 juillet 1908, Pléiade, 1972, p. 1191).
. Je ne suis aimable avec les gens que si je suis bien sûr de leur être supérieur. (Jules Renard, Journal, 26 septembre 1908, Pléiade, 1972, p. 1200).
. Avons-nous une destinée ? Sommes-nous libres ? Quel ennui de ne pas savoir ! Quels ennuis si l'on savait ! (Jules Renard, Journal, 14 juin 1889, Pléiade, 1972, p. 26).
. Nous passons notre vie à causer de ce mystère : notre vie. (Jules Renard, Journal, 27 avril 1894, Pléiade, 1972, p. 220).
. Il faudrait pouvoir recommencer ses études avec son intelligence de trente ans. (Jules Renard, Journal, 30 juin 1894, Pléiade, 1972, p. 233).
. Si vous connaissez la vie, donnez-moi son adresse. (Jules Renard, Journal, 6 décembre 1895, Pléiade, 1972, p. 305).
. Oh ! ces villages où je passe et qui ne me verront plus ! (Jules Renard, Journal, 24 janvier 1896, Pléiade, 1972, p. 316).
. La vie est courte, mais comme c'est long, de la naissance à la mort ! (Jules Renard, Journal, 26 mai 1896, Pléiade, 1972, p. 334).
. Ces heures où l'on a envie de lire quelque chose d'absolument beau. Le regard fait le tour de la bibliothèque, et il n'y a rien. Puis, on se décide à prendre n'importe quel livre, et c'est plein de belles choses. (Jules Renard, Journal, 27 juin 1899, Pléiade, 1972, p. 536).
. Si l’on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce en serait la salle d'attente. (Jules Renard, Journal, 1er août 1899, Pléiade, 1972, p. 543).
. Est-ce donc si sûr qu’on soit né pour vivre ? (Jules Renard, Journal, 17 octobre 1899, Pléiade, 1972, p. 547).
. « La vie mène à tout, à la condition d'en sortir. — C'est profond, ça ! — Et bête comme tout ce qui est profond. Et ceci même ne veut rien dire ». (Jules Renard, Journal, 8 janvier 1901, Pléiade, 1972, p. 626).
. Rien ne dégoûte de la vie comme de feuilleter un dictionnaire de médecine. (Jules Renard, Journal, 4 mars 1901, Pléiade, 1972, p. 643).
. La vieillesse arrive brusquement, comme la neige. Un matin, au réveil, on s'aperçoit que tout est blanc. (Jules Renard, Journal, 9 décembre 1901, Pléiade, 1972, p. 709).
. Le projet est le brouillon de l’avenir. Parfois, il faut à l’avenir des centaines de brouillons. (Jules Renard, Journal, 2 février 1902, Pléiade, 1972, p. 722).
. La vie est courte, mais on s'ennuie quand même. (Jules Renard, Journal, 24 mai 1902, Pléiade, 1972, p. 754).
. Année, une tranche coupée au temps, et le temps reste entier. (Jules Renard, Journal, 31 décembre 1902, Pléiade, 1972, p. 797).
. La vie n'est peut-être qu'une maladie, le phylloxéra de notre planète. (Jules Renard, Journal, 16 avril 1904, Pléiade, 1972, p. 894).
. La jeunesse, c’est l’ignorance, et je sais bien mieux qu’à vingt ans que je ne sais rien. (Jules Renard, Journal, 13 février 1905, Pléiade, 1972, p. 955).
. Le mot le plus vrai, le plus exact, le mieux rempli de sens, c'est le mot « rien ». (Jules Renard, Journal, 26 janvier 1906, Pléiade, 1972, p. 1029).
. La vie est courte, mais l’ennui l’allonge. Aucune vie n’est assez courte pour que l’ennui n’y trouve pas sa place. (Jules Renard, Journal, 5 mars 1906, Pléiade, 1972, p. 1038).
. La vie, je la comprends de moins en moins, et je l'aime de plus en plus. / Aux jeunes. Je vais vous apprendre une vérité qui vous sera peut-être désagréable, car vous comptez sur du nouveau. Cette vérité, c'est qu'on ne vieillit pas. Pour le cœur, c'est entendu : on le savait, du moins en amour. Eh bien, pour l'esprit, c'est la même chose. Il reste toujours jeune. On ne comprend pas plus la vie à quarante ans qu'à vingt, mais on le sait, et on l'avoue. C'est ça, de la jeunesse. (Jules Renard, Journal, 12 février 1907, Pléiade, 1972, p. 1106).
. La vie est ce que notre caractère veut qu’elle soit. Nous la façonnons, comme l’escargot sa coquille. / Un homme peut dire : « Je ne ferai jamais fortune, parce qu’il n’est pas dans mon caractère d’être riche ». (Jules Renard, Journal, 3 février 1908, Pléiade, 1972, p. 1160).
. Quarante-quatre ans, c'est l'âge où l'on commence à ne plus pouvoir espérer vivre le double. (Jules Renard, Journal, 22 février 1908, Pléiade, 1972, p. 1164).
. Il y a des moments où tout réussit. Il ne faut pas s'effrayer : ça passe. (Jules Renard, Journal, 31 octobre 1908, Pléiade, 1972, p. 1207).
. La vie n’est ni longue ni courte : elle a des longueurs. (Jules Renard, Journal, 22 août 1909, Pléiade, 1972, p. 1251).
. Que de gens ont voulu se suicider et se sont contentés de déchirer leur photographie ! (Jules Renard, Journal, 29 décembre 1888, Pléiade, 1972, p. 17).
. [Marcel Schwob et moi,] nous nous avouons ceci : quand un être qui nous est cher est malade, et que la mort est toute prête, nous souffrons d'avance des gestes qu'il nous faudra faire pour montrer notre douleur, mais nous ne pensons pas à l'être qui nous est cher. (Jules Renard, Journal, 20 mars 1891, Pléiade, 1972, p. 88).
. Dire qu’il nous faudra mourir, qu’il nous est impossible de n’être point nés ! (Jules Renard, Journal, 2 janvier 1892, Pléiade, 1972, p. 109).
. Un instant supposez-le mort, et vous verrez, s’il n’a pas de talent ! (Jules Renard, Journal, 5 août 1892, Pléiade, 1972, p. 134).
. La mort des autres nous aide à vivre. (Jules Renard, Journal, 5 octobre 1892, Pléiade, 1972, p. 136).
. La préoccupation de la mort, c’est comme une nacelle d’où l’on peut voir, de haut, le petit monde. (Jules Renard, Journal, 27 avril 1894, Pléiade, 1972, p. 220).
. C’est encore devant la mort que nous avons les sentiments le plus livresques. (Jules Renard, Journal, 7 décembre 1893, Pléiade, 1972, p. 190).
. Rien ne sert de mourir : il faut mourir à point. (Jules Renard, Journal, 1er mars 1896, Pléiade, 1972, p. 324).
. Je commence, quand meurt un homme célèbre, à calculer ce qu’il me reste à vivre pour vivre autant que lui. (Jules Renard, Journal, 9 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 381).
. Celui dont je parle est mort, et toi-même, lisant cette phrase, tu dis : « Lui aussi est mort ». (Jules Renard, Journal, 13 février 1897, Pléiade, 1972, p. 393).
. C'est si ennuyeux le deuil ! À chaque instant il faut se rappeler qu'on est triste. (Jules Renard, Journal, 30 septembre 1897, Pléiade, 1972, p. 432).
. Comme le souvenir que laisse un mort est supérieur à sa vie ! Il n'y a pas de déchets. (Jules Renard, Journal, 12 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 493).
. L’homme est un animal qui a la faculté de penser quelquefois à la mort. (Jules Renard, Journal, 23 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 495).
. La mort est douce : elle nous délivre de la pensée de la mort. (Jules Renard, Journal, 23 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 496).
. Je rentre, l'angoisse au cœur parce que j'ai regardé le soleil couchant, entendu chanter les oiseaux, et que je n'aurai eu que quelques jours cette terre que j'aime tant, et qu'il y a tant de morts avant moi. (Jules Renard, Journal, 15 août 1898, Pléiade, 1972, p. 503).
. C'est commode, un enterrement. On peut avoir l'air maussade avec les gens : ils prennent cela pour de la tristesse. (Jules Renard, Journal, 30 décembre 1899, Pléiade, 1972, p. 560).
. S’acheter une concession perpétuelle près de la fosse commune. (Jules Renard, Journal, 2 janvier 1900, Pléiade, 1972, p. 561).
. Ceux qui ont le mieux parlé de la mort sont morts. (Jules Renard, Journal, 9 août 1900, Pléiade, 1972, p. 596).
. Le goût de la mort ne peut aller sans le dégoût du reste. (Jules Renard, Journal, 22 décembre 1900, Pléiade, 1972, p. 620).
. Les discussions les plus passionnées, il faudrait toujours les terminer par ces mots : « Et puis, nous allons bientôt mourir ». (Jules Renard, Journal, 17 novembre 1901, Pléiade, 1972, p. 703).
. Maladies : les essayages de la mort. (Jules Renard, Journal, 20 janvier 1902, Pléiade, 1972, p. 721).
. La mort est mal faite. Il faudrait que nos morts, à notre appel, reviennent, de temps en temps, causer un quart d'heure avec nous. Il y a tant de chose que nous ne leur avons pas dites quand ils étaient là ! (Jules Renard, Journal, 10 octobre 1903, Pléiade, 1972, p. 859).
. Tous les matins, en se levant, on devrait dire : « Chic ! je ne suis pas encore mort ! ». (Jules Renard, Journal, 5 décembre 1903, Pléiade, 1972, p. 868).
. Oui, c’est intéressant, ce que fait la mort, mais elle se répète trop. (Jules Renard, Journal, 15 mars 1905, Pléiade, 1972, p. 962).
. À quoi bon des objets de souvenir, et même des photographies ? Il est doux que les choses meurent aussi, comme les hommes. (Jules Renard, Journal, 26 juin 1905, Pléiade, 1972, p. 978).
. L’absence des êtres aimés nous habitue à leur mort ; elle fait bien voir comme on se consolerait vite ! (Jules Renard, Journal, 27 juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 983).
. Mourir, c’est éteindre le monde. (Jules Renard, Journal, 6 août 1906, Pléiade, 1972, p. 1062).
. La mort est l’état normal. On compte pour trop la vie. (Jules Renard, Journal, 26 juin 1907, Pléiade, 1972, p. 1117).
. Nous avons tous quelqu'un que notre mort « arrangerait ». (Jules Renard, Journal, 12 février 1908, Pléiade, 1972, p. 1162).
. Âme, c’est bien là le mot qui a fait dire le plus de bêtises. (Jules Renard, Journal, 18 janvier 1889, Pléiade, 1972, p. 19).
. Dieu, celui que tout le monde connaît, de nom. (Jules Renard, Journal, 14 avril 1894, Pléiade, 1972, p. 217).
. Contrairement à ce qui est dit dans le Sermon sur la Montagne, si tu as soif de justice, tu auras toujours soif. (Jules Renard, Journal, 18 juillet 1896, Pléiade, 1972, p. 342).
. La foi stupide ne peut que déplaire à Dieu. (Jules Renard, Journal, 1er août 1898, Pléiade, 1972, p. 497).
. Ce que Dieu, qui voit tout, doit s'amuser ! (Jules Renard, Journal, 28 janvier 1901, Pléiade, 1972, p. 630).
. Les libres penseurs qui se convertissent me font l'effet de ces hommes chastes qui méprisent la femme jusqu'à ce qu'ils se fassent engluer par la première vieille peau venue. (Jules Renard, Journal, 10 juin 1902, Pléiade, 1972, p. 759).
. Qui n’a pas vu Dieu n’a rien vu. (Jules Renard, Journal, 30 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 840).
. La religion est l'excuse de leur pensée paresseuse. Vous leur donnez, de l'univers, une explication toute faite, bien médiocre. Ils se gardent d'en chercher une autre, d'abord parce qu'ils sont incapables de chercher, ensuite parce que ça leur est bien égal. / Il n'y a rien de plus bassement pratique que la religion. / Vous dites que je suis athée, parce que nous ne cherchons pas Dieu de la même façon ; ou, plutôt, vous croyez l'avoir trouvé. Je vous félicite. Je le cherche encore. Je le chercherai dix ans, vingt ans, s'il me prête vie. Je crains de ne pouvoir le trouver : je le chercherai quand même, s'il existe. Il me saura peut-être gré de mon effort. Et peut-être qu'il aura pitié de votre confiance béate, de votre foi paresseuse et un peu niaise. (Jules Renard, Journal, 14 septembre 1903, Pléiade, 1972, p. 849).
. Léda ? Ce n’est pas plus invraisemblable que la Vierge.[1] (Jules Renard, Journal, 2 mars 1904, Pléiade, 1972, p. 888).
. Dieu n'est pas une solution. Ça n'arrange rien. (Jules Renard, Journal, 16 mai 1905, Pléiade, 1972, p. 972).
. Libre penseur. Penseur suffirait. (Jules Renard, Journal, 26 juin 1905, Pléiade, 1972, p. 978).
. Je croirai tout ce qu’on voudra, mais la justice de ce monde ne me donne pas une rassurante idée de la justice dans l’autre. Dieu, je le crains, fera encore des bêtises : il accueillera les méchants au Paradis et foutra les bons dans l’Enfer. […] J'ignore s'il existe, mais il vaudrait mieux, pour son honneur, qu'il n'existât point. (Jules Renard, Journal, 26 janvier 1906, Pléiade, 1972, p. 1029).
. Religion des hommes supérieurs : besoin d’une discipline. Ils n’ont pas la foi : ils croient parce qu’ils veulent croire. C’est le goût, que j’ai souvent, de la prison. (Jules Renard, Journal, 12 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1034).
. Dieu n’a pas mal réussi la nature, mais il a raté l’homme. (Jules Renard, Journal, 10 mai 1906, Pléiade, 1972, p. 1051).
. Dieu, modeste, n'ose pas se vanter d'avoir créé le monde. (Jules Renard, Journal, 3 septembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1071).
. Ils sont encore chrétiens parce qu’ils croient que leur religion excuse tout. (Jules Renard, Journal, 25 juin 1907, Pléiade, 1972, p. 1117).
. Très attaqué, Dieu se défend par le mépris, en ne répondant pas. (Jules Renard, Journal, 28 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1159).
. Les hommes ont toujours peur de Dieu, qui ne sait pas les apprivoiser. (Jules Renard, Journal, 17 juin 1908, Pléiade, 1972, p. 1183).
. L'esprit est à peu près, à l'intelligence vraie, ce qu'est le vinaigre au vin solide et de bon cru : breuvage des cerveaux stériles et des estomacs maladifs. (Jules Renard, Journal, 20 juillet 1887, Pléiade, 1972, p. 4).
. C'est désespérant : tout lire, et ne rien retenir ! Car on ne retient rien. On a beau faire effort : tout échappe. Çà et là, quelques lambeaux demeurent, encore fragiles, comme ces flocons de fumée indiquant qu'un train a passé. (Jules Renard, Journal, 28 août 1889, Pléiade, 1972, p. 30).
. Il y a des gens qui donnent un conseil comme on donne un coup de poing. On en saigne un peu, et on riposte en ne le suivant pas. (Jules Renard, Journal, 21 octobre 1889, Pléiade, 1972, p. 38).
. Être clair ? Nous sommes si peu capables d'effort pour comprendre les autres ! (Jules Renard, Journal, 11 juillet 1892, Pléiade, 1972, p. 130).
. Le sourire est le commencement de la grimace. (Jules Renard, Journal, 7 janvier 1893, Pléiade, 1972, p. 145).
. Écrire sur un ami, c’est se fâcher avec lui. (Jules Renard, Journal, 24 janvier 1893, Pléiade, 1972, p. 148).
. Aujourd’hui on ne sait plus parler, parce qu’on ne sait plus écouter. Rien ne sert de parler bien : il faut parler vite, afin d'arriver avant la réponse, on n'arrive jamais. On peut dire n'importe quoi n'importe comment : c'est toujours coupé. La conversation est un jeu de sécateur, où chacun taille la voix du voisin aussitôt qu'elle pousse. (Jules Renard, Journal, 29 janvier 1893, Pléiade, 1972, p. 151).
. Il trouvait si embêtant d’embêter les gens qu’il n’arrivait à rien. (Jules Renard, Journal, 5 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 173).
. Il n'y a pas d'amis : il y a des moments d'amitié. (Jules Renard, Journal, 4 janvier 1894, Pléiade, 1972, p. 197).
. Les gens heureux n'ont pas de talent. (Jules Renard, Journal, 2 avril 1894, Pléiade, 1972, p. 214).
. On n'est pas heureux : notre bonheur, c'est le silence du malheur. (Jules Renard, Journal, 21 septembre 1894, Pléiade, 1972, p. 244).
. Pour arriver, il faut faire ou des saletés, ou des chefs-d’œuvre. Êtes-vous plus capable des unes que des autres ? (Jules Renard, Journal, 15 novembre 1894, Pléiade, 1972, p. 248).
. Ainsi, les malheurs des autres nous sont indifférents, à moins qu'ils ne nous fassent plaisir. (Jules Renard, Journal, 7 décembre 1894, Pléiade, 1972, p. 251).
. On n’est rien avant trente ans, trente-cinq ans, et je m’aperçois qu’il faut toujours reculer la date. (Jules Renard, Journal, 19 février 1895, Pléiade, 1972, p. 264).
. On gagne à être connu. On perd à être trop connu. (Jules Renard, Journal, 10 avril 1895, Pléiade, 1972, p. 276).
. La grande erreur de la justice, c'est de s'imaginer que ses accusés agissent toujours logiquement. (Jules Renard, Journal, 29 octobre 1895, Pléiade, 1972, p. 295).
. Il est insupportable. Il a la rage de rendre service aux autres. (Jules Renard, Journal, 13 décembre 1895, Pléiade, 1972, p. 304).
. La meilleure santé, c'est de ne pas sentir sa santé. (Jules Renard, Journal, 14 juillet 1896, Pléiade, 1972, p. 341).
. Un savant, c'est un homme qui est à peu près certain. (Jules Renard, Journal, 16 novembre 1896, Pléiade, 1972, p. 355).
. À réfléchir aux lettres que j’écris, je me demande quelle valeur de sincérité on a le droit de trouver à la Correspondance des grands hommes. (Jules Renard, Journal, 23 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 386).
. « Si j’avais vingt ans, dit Clemenceau, je poserais une bombe sous tous les monuments publics. » / On dit ça, monsieur Clemenceau, quand on a soixante ans. (Jules Renard, Journal,15 décembre 1897, Pléiade, 1972, p. 447).
. L’homme naît avec ses vices ; il acquiert ses vertus. (Jules Renard, Journal, 26 juillet 1899, Pléiade, 1972, p. 543).
. Heureux encore l’homme qui peut dire : « Autrefois, j’étais un homme heureux ! ». (Jules Renard, Journal, 6 juin 1900, Pléiade, 1972, p. 586).
. Qu'est-ce qu'un homme qui ne se propose pas d'avoir du génie ? (Jules Renard, Journal, 9 octobre 1900, Pléiade, 1972, p. 600).
. Les bêtises qu’entend dire un tableau de musée, mais les horreurs qu’entend peut-être un cadavre. (Jules Renard, Journal, 5 mai 1902, Pléiade, 1972, p. 748).
. Personne n’est pour la liberté de conscience, sauf les indifférents. (Jules Renard, Journal, 9 août 1902, Pléiade, 1972, p. 772).
. Dès qu'une vérité dépasse cinq lignes, c'est du roman. (Jules Renard, Journal, 3 septembre 1902, Pléiade, 1972, p. 780).
. Voyageur. Bah ! ceux qui ont fait le tour du monde peuvent faire durer leur conversation un quart d'heure de plus. (Jules Renard, Journal, 1er avril 1903, Pléiade, 1972, p. 812).
. Il faudrait se mettre à plusieurs pour être un sage. (Jules Renard, Journal, 12 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 830).
. L’homme heureux et optimiste est un imbécile. (Jules Renard, Journal, 30 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 840).
. Les moralistes qui vantent le travail me font penser à ces badauds qui ont été attrapés dans une baraque de foire et qui tâchent tout de même d'y faire entrer les autres. (Jules Renard, Journal, 11 mars 1904, Pléiade, 1972, p. 889).
. Je sais enfin ce qui distingue l'homme de la bête : ce sont les ennuis d'argent. (Jules Renard, Journal, 16 décembre 1904, Pléiade, 1972, p. 943).
. Regarder l’homme en naturaliste, et non en psychologue romanesque. L’homme est un animal qui ne raisonne presque pas. (Jules Renard, Journal, 22 avril 1905, Pléiade, 1972, p. 969).
. Si tu crains la solitude, n’essaie pas d’être juste. (Jules Renard, Journal, début juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 981).
. Le paysan est peut-être la seule espèce d’homme qui n’aime pas la campagne et ne la regarde jamais. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1905, Pléiade, 1972, p. 993).
. Postérité ! Pourquoi les gens seraient-ils moins bêtes demain qu'aujourd'hui ? (Jules Renard, Journal, 24 janvier 1906, Pléiade, 1972, p. 1028).
. La sagesse du paysan, c’est de l’ignorance qui n’ose pas s’exprimer. (Jules Renard, Journal, 14 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1034).
. On peut tout faire, avec de la volonté ; mais, d'abord, comment avoir de la volonté ? (Jules Renard, Journal, 12 septembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1072).
. Je ne suis pas pressé de voir la société future : la nôtre est favorable à l’homme de lettres. Par ses ridicules, ses injustices, ses vices et sa bêtise, elle alimente l’observation littéraire. Meilleurs deviendront les hommes, et plus l’homme s’affadira. (Jules Renard, Journal, 22 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1087).
. Combien d’acteurs paraissent naturels parce qu’ils n’ont aucun talent ! (Jules Renard, Journal, 4 mars 1907, Pléiade, 1972, p. 1107).
. Quand un homme a prouvé qu’il a du talent, il lui reste à prouver qu’il sait s’en servir. (Jules Renard, Journal, 25 mai 1908, Pléiade, 1972, p. 1177).
. À quoi bon ces cahiers ? Personne ne dit la vérité, pas même celui qui les écrit. (Jules Renard, Journal, 27 janvier 1910, Pléiade, 1972, p. 1264).
. L’amitié ne dure qu’autant que les humeurs des deux amis restent complémentaires. (Jules Renard, « Noisettes creuses », mai 1894, repris dans Le Vigneron dans sa vigne ; Pléiade tome I, 1970, p. 848).
. Chacun trouve son plaisir où il le prend. (Jules Renard, Journal, 15 juin 1887, Pléiade, 1972, p. 2).
. De voir les autres égoïstes, cela nous stupéfie, comme si nous seuls avions le droit de l'être et l'ardeur de vivre. (Jules Renard, Journal, 3 novembre 1887, Pléiade, 1972, p. 11).
. La plus sotte exagération est celle des larmes. Elle agace comme un robinet qui ne ferme pas. (Jules Renard, Journal, 29 mars 1889, Pléiade, 1972, p. 23).
. Cherchez le ridicule en tout, vous le trouverez. (Jules Renard, Journal, 17 février 1890, Pléiade, 1972, p. 54).
. Nous ne pardonnons jamais qu'à ceux auxquels nous avons intérêt à pardonner. (Jules Renard, Journal, 4 avril 1890, Pléiade, 1972, p. 61).
. Quand on commet une indiscrétion, l'on se croit quitte en recommandant à la personne d'être… plus discrète qu'on ne l'a été soi-même. (Jules Renard, Journal, 21 avril 1890, Pléiade, 1972, p. 63).
. Si vous avez envie de rire, vous me trouverez spirituel. (Jules Renard, Journal, 21 juin 1890, Pléiade, 1972, p. 67).
. Le vrai bonheur serait de se souvenir du présent. (Jules Renard, Journal, 9 octobre 1891, Pléiade, 1972, p. 97).
. Quand il fait l'éloge de quelqu'un, il lui semble qu'il se dénigre un peu. (Jules Renard, Journal, 11 janvier 1893, Pléiade, 1972, p. 145).
. Les autres développent en nous surtout le mauvais instinct de la propriété ; il suffit d'être un instant chez eux pour vouloir aussitôt être chez soi. (Jules Renard, Journal, 1er mai 1894, Pléiade, 1972, p. 221).
. Toute notre critique, c’est de reprocher à autrui de n’avoir pas les qualités que nous croyons avoir. (Jules Renard, Journal, 6 décembre 1895, Pléiade, 1972, p. 302).
. La douleur d’un homme intelligent fait plus de mal à voir que celle d’un imbécile. (Jules Renard, Journal, 2 mars 1895, Pléiade, 1972, p. 268).
. Le plaisir de se désenthousiasmer. (Jules Renard, Journal, 19 octobre 1896, Pléiade, 1972, p. 348).
. On est jaloux en admiration comme en amour. Si tu ne crois pas que je suis l’homme qui t’admire le mieux, je cesse de t’admirer. (Jules Renard, Journal, 8 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 380).
. La joie d'avoir travaillé est mauvaise : elle empêche de continuer. (Jules Renard, Journal, 7 février 1897, Pléiade, 1972, p. 389).
. Quand vous me dites que je suis égoïste, c'est comme si vous me disiez que je suis bien « moi ». (Jules Renard, Journal, 28 mai 1897, Pléiade, 1972, p. 412).
. Dès que tu veux te regarder dans une glace, ton haleine la brouille. (Jules Renard, Journal, 15 juin 1897, Pléiade, 1972, p. 417).
. La vieillesse, c'est quand on commence à dire : « Jamais je ne me suis senti aussi jeune ». (Jules Renard, Journal, 30 septembre 1897, Pléiade, 1972, p. 432).
. Parce qu'ils ne sont pas Juifs, ils se croient beaux, intelligents et honnêtes. (Jules Renard, Journal, 23 février 1898, Pléiade, 1972, p. 473).
. On se tait pour de grandes raisons : on n’agit que pour des petites. (Jules Renard, Journal, 1er août 1898, Pléiade, 1972, p. 497).
. Personne ne nous montre nos défauts comme un disciple. (Jules Renard, Journal, 15 août 1898, Pléiade, 1972, p. 500).
. « On ne fait pas ce qu’on veut », dit-on souvent. C’est « On ne fait pas ce qu’on peut », qu’on devrait dire. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 505).
. On ne méprise bien que ce qu'on aime secrètement. (Jules Renard, Journal, 27 juillet 1899, Pléiade, 1972, p. 543).
. Il n’y a que l’égoïste à souffrir vraiment et tout le temps. (Jules Renard, Journal, 11 janvier 1900, Pléiade, 1972, p. 564).
. Notre vanité ne vieillit pas : un compliment, c'est toujours une primeur. (Jules Renard, Journal, 12 octobre 1900, Pléiade, 1972, p. 601).
. Le bonheur que les autres vous croient ajoute à notre détresse de savoir que nous ne sommes pas heureux. (Jules Renard, Journal, 16 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 609).
. L'espèce de petite piquante décharge au cerveau que nous donne la vue de notre nom imprimé dans un journal. (Jules Renard, Journal, 20 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 611).
. Nous avons de l'amour pour une ou deux femmes, de l'amitié pour deux ou trois amis, de la haine pour un seul ennemi, de la pitié pour quelques pauvres ; et le reste des hommes nous est indifférent. (Jules Renard, Journal, 8 janvier 1901, Pléiade, 1972, p. 626).
. Il y a le peureux qui regarde sous son lit, et le peureux qui n'ose même pas regarder sous son lit. (Jules Renard, Journal, 31 août 1901, Pléiade, 1972, p. 681).
. Paresse ? Oui. Mais c’est un plaisir si fin que de vivre jalousement avec ses rêveries, sans les prêter à personne ! (Jules Renard, Journal, 16 septembre 1901, Pléiade, 1972, p. 684).
. On est si heureux de donner un conseil à quelqu'un qu'il peut arriver, après tout, qu'on le lui donne dans son intérêt. (Jules Renard, Journal, 17 décembre 1901, Pléiade, 1972, p. 713).
. Quand un homme dit : « Je suis heureux », il veut dire bonnement : « J’ai des ennuis qui ne m’atteignent pas ». (Jules Renard, Journal, 20 janvier 1902, Pléiade, 1972, p. 720).
. La modestie peut être une espèce d'orgueil qui arrive par l'escalier dérobé. (Jules Renard, Journal, 2 février 1902, Pléiade, 1972, p. 722).
. Un père a deux vies, la sienne, et celle de son fils. (Jules Renard, Journal, 30 avril 1902, Pléiade, 1972, p. 746).
. Quand on se réjouit d’être jeune, et qu’on remarque qu’on se porte bien, c’est la vieillesse. (Jules Renard, Journal, 2 mars 1903, Pléiade, 1972, p. 806).
. L'ironie est un élément du bonheur. (Jules Renard, Journal, 6 mars 1903, Pléiade, 1972, p. 807).
. Quand un homme ne parle que de ce qu'il sait, il a toujours l'air plus savant que nous. (Jules Renard, Journal, 22 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 835).
. C'est difficile d'être bon quand on est clairvoyant. (Jules Renard, Journal, 19 août 1903, Pléiade, 1972, p. 846).
. Ils se sentent bassement supérieurs quand leur chien bat le chien des autres. (Jules Renard, Journal, 7 octobre 1903, Pléiade, 1972, p. 857).
. « Qu’est-ce qu’on pourrait bien faire pour tes quarante ans ? / — Me rajeunir ». (Jules Renard, Journal, 26 janvier 1904, Pléiade, 1972, p. 883).
. Pour l’œil clairvoyant, la modestie n’est guère qu’une forme, plus visible, de la vanité. (Jules Renard, Journal, 23 mai 1904, Pléiade, 1972, p. 901).
. C’est encore dans ses ennemis qu’on trouve le plus de bassesse. (Jules Renard, Journal, 11 octobre 1904, Pléiade, 1972, p. 924).
. La neurasthénie, c’est la misanthropie. Nous n’osons même plus nous servir de mots qui nous fassent honneur. (Jules Renard, Journal, 16 novembre 1904, Pléiade, 1972, p. 934).
. Dans notre affection pour un juif, il y a un peu d'orgueil. On se dit : « Comme je suis généreux, de l'aimer ! » (Jules Renard, Journal, 14 mars 1905, Pléiade, 1972, p. 961).
. Ce qui nous paraît de mauvais goût, c'est ce que nous ne sommes pas en humeur de goûter. Un quart d'heure plus tard ou plus tôt, et c’était savoureux. (Jules Renard, Journal, 13 avril 1905, Pléiade, 1972, p. 968).
. Celui qui nous aime et nous admire le mieux, c’est encore celui qui nous connaît le moins. (Jules Renard, Journal, 20 juin 1905, Pléiade, 1972, p. 977).
. De la paresse ! Ah ! il faudra bien que je l’écrive, ce livre-là ! Le sot qui sent sa sottise n'est déjà plus si sot, mais le paresseux peut connaître sa paresse, en gémir, et le rester. (Jules Renard, Journal, début juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 979-980).
. Trop vite, l'auto. Tant de jolies paysages où l'on ne s'arrête pas ! On laisse des regrets partout. (Jules Renard, Journal, 20 septembre 1905, Pléiade, 1972, p. 993).
. Sourire. Il faudrait avoir : « soupleurer ». (Jules Renard, Journal, 22 décembre 1905, Pléiade, 1972, p. 1023).
. On ne souffrirait pas d’être incompris si l’homme médiocre ne vous disait jamais : « Nous autres, vous et moi, les hommes comme nous… » (Jules Renard, Journal, 15 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1034).
. Il est beaucoup plus facile de parler à une foule qu’à un individu. (Jules Renard, Journal, 10 mai 1906, Pléiade, 1972, p. 1051).
. On finit toujours par mépriser ceux qui sont trop facilement de notre avis. (Jules Renard, Journal, 1er juin 1906, Pléiade, 1972, p. 1054).
. Légèreté de n’être pas connu, dépit de ne pas être salué. (Jules Renard, Journal, 1er juillet 1906, Pléiade, 1972, p. 1059).
. Être heureux, c'est être envié. Or, il y a toujours quelqu'un qui nous envie. Il s'agit de le connaître. (Jules Renard, Journal, 1er juillet 1906, Pléiade, 1972, p. 1059).
. La déveine est bien ennuyeuse, mais la veine a quelque chose d’humiliant. (Jules Renard, Journal, 17 octobre 1906, Pléiade, 1972, p. 1081).
. Tout lasse, sauf le rêve, qui est la vie immatérielle. (Jules Renard, Journal, 22 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1087).
. Parler en public. Il n’est pas nécessaire de penser ce qu’on dit, mais il faut penser à ce qu’on dit : c’est plus difficile. (Jules Renard, Journal, 22 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1088).
. On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité, et qui annule toutes vos lectures. (Jules Renard, Journal, 27 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1089).
. Un homme de caractère n'a pas bon caractère. (Jules Renard, Journal, 2 janvier 1907, Pléiade, 1972, p. 1099).
. Sur un fond d’hostilité, tous les détails prennent du relief. (Jules Renard, Journal, 14 décembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1145).
. La colère use. Si l’on n’y prenait garde, les mufles nous tueraient vite. (Jules Renard, Journal, 23 décembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1146).
. Écrire pour quelqu’un, c’est comme écrire à quelqu’un : on se croit tout de suite obligé de mentir. (Jules Renard, Journal, 9 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1151).
. Le goût mûrit aux dépens du bonheur. (Jules Renard, Journal, 13 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1153).
. Le danger du succès, c'est qu'il nous fait oublier l'effroyable injustice du monde. (Jules Renard, Journal, 13 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1153).
. Scrupules, vermine de la volonté. (Jules Renard, Journal, 23 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1157).
. Le véritable égoïste accepte même que les autres soient heureux, s'ils le sont à cause de lui. (Jules Renard, Journal, 5 juillet 1908, Pléiade, 1972, p. 1186).
. La vanité est le sel de la vie. (Jules Renard, Journal, 7 juillet 1908, Pléiade, 1972, p. 1186).
. On ne devrait rien dire, parce que tout blesse. (Jules Renard, Journal, 20 mars 1909, Pléiade, 1972, p. 1230).
. Un balayeur est fier de causer avec le cocher d’une voiture de maître. (Jules Renard, Journal, 2 juin 1909, Pléiade, 1972, p. 1245).
. Quand une femme vous dit : « Oh monsieur ! moi je comprends tout ! ». Traduisez poliment : « Je suis une vieille folle, et, pour offrir des pantoufles à mon amant, j’économise sur les polichinelles de mes enfants et le tabac de mon mari ». (Jules Renard, « Les Petites bruyères », I. Gens des deux sexes, 4 ; repris dans Sourires pincés ; Pléiade tome I, 1970, p. 259).
. Heureux celui dont la bonne amie possède une belle voix ! Il peut la faire chanter, et, avec d’adroits compliments, l’encourager, l’épuiser, et peu à peu lui fatiguer sa langue jusqu’à la mettre hors de service. C’est autant de gagné contre son bavardage. (Jules Renard, « Les Petites bruyères », I. Gens des deux sexes, 14 ; repris dans Sourires pincés ; Pléiade tome I, 1970, p. 262).
. Aujourd’hui si démodées, les banales plaisanteries contre la femme de lettres furent toujours d’imprudentes fautes de tactique. Bien au contraire, croissez et multipliez, chères sœurs : vous m’enlevez, à moi qui suis homme, la possibilité d’être le dernier en talent. (Jules Renard, « Les petites bruyères », I. Gens des deux sexes, 16 ; repris dans Sourires pincés ; Pléiade tome I, 1970, p. 263).
. Dites à une femme deux ou trois mots qu'elle ne comprenne pas, d'aspect profond. Ils la déroutent, l'inquiètent, la rendent anxieuse, la forcent à réfléchir et vous la ramènent consciente de son infériorité, sans défense. Car le reste est un jeu d'enfant. / Il n’est, bien entendu, pas nécessaire que vous les compreniez vous-même. (Jules Renard, Journal, 18 juillet 1887, Pléiade, 1972, p. 4).
. L’amour d’une vierge est aussi assommant qu’un appartement neuf. Il semble qu’on essuie les plâtres. Il est vrai qu’on n’a pas à redouter les germes maladifs, pestilentiels, d’un autre locataire. (Jules Renard, Journal, 22 juillet 1887, Pléiade, 1972, p. 4).
. À quoi bon tant de science pour une cervelle de femme ! Que vous jetiez l’Océan ou un verre d’eau sur le trou d’une aiguille, il n’y passera toujours qu’une goutte d’eau. (Jules Renard, Journal, février 1888, Pléiade, 1972, p. 14).
. On a beau faire : jusqu’à un certain âge — et je ne sais pas lequel —, on n’éprouve aucun plaisir à causer avec une femme qui ne pourrait pas être une maîtresse. (Jules Renard, Journal, 30 août 1889, Pléiade, 1972, p. 30).
. Amitié, mariage de deux êtres qui ne peuvent pas coucher ensemble. (Jules Renard, Journal, 5 octobre 1892, Pléiade, 1972, p. 136).
. Tous les partis qu'on rate sont « magnifiques ». / La plus extraordinaire femme qu’on ait jamais rencontrée est celle qu’on vient de quitter. (Jules Renard, Journal, 20 mai 1893, Pléiade, 1972, p. 162-163).
. Ce qui fait le plus plaisir aux femmes, c'est une basse flatterie sur leur intelligence. (Jules Renard, Journal, 21 mai 1895, Pléiade, 1972, p. 279).
. « Qu'il te suffise, disait-il à sa femme, qu'en réalité je te sois fidèle ; mais permets-moi au moins les apparences d'un mari qui trompe sa femme ». (Jules Renard, Journal, 21 octobre 1896, Pléiade, 1972, p. 348).
. J'ai plus de disposition à être saint que coureur de femmes. Ma vie, le sérieux de mon âme, mon ambition, mes idées, tout me rapproche du saint ; mais je sens bien qu'il faudrait un miracle pour que je le devienne. Je suis à la merci d'une grue, et cela me fait peur. (Jules Renard, Journal, 22 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 386).
. Oh ! n’importe quelle femme, ça m’est égal. On a beau être deux : l’amour reste solitaire. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1897, Pléiade, 1972, p. 433).
. Pas assez sensuel pour courir après les femmes, je sens toujours que la première venue ferait de moi ce qu'elle voudrait. (Jules Renard, Journal, 1er janvier 1898, Pléiade, 1972, p. 456).
. Il y a toujours, dans la plus spirituelle des femmes, une petite dinde qui ne prend jamais le temps de dormir. (Jules Renard, Journal, 4 février 1898, Pléiade, 1972, p. 466).
. Si jamais une femme me fait mourir, ce sera de rire. (Jules Renard, Journal, 17 février 1898, Pléiade, 1972, p. 470).
. Ne dites pas à une femme qu'elle est jolie. Dites-lui seulement qu'elle ne ressemble pas aux autres, et toutes ses carrières vous seront ouvertes. (Jules Renard, Journal, 29 avril 1898, Pléiade, 1972, p. 484).
. Si vous voulez plaire aux femmes, dites-leur ce que vous ne voudriez pas qu’on dît à la vôtre. (Jules Renard, Journal, 29 avril 1898, Pléiade, 1972, p. 484).
. Pressé de voir les gens, j’en ai tout de suite assez. / Je trouve une femme jolie. Elle dit une bêtise ? Ce n'est pas long : la voilà laide. (Jules Renard, Journal, 14 mai 1898, Pléiade, 1972, p. 486).
. Le cœur d’une femme est un noyau de pêche. On la mord à pleine bouche, et, tout à coup, on se casse les dents. (Jules Renard, Journal, 20 mai 1898, Pléiade, 1972, p. 486).
. Cette femme mariée est si jolie que nous la mépriserions un peu si elle n’avait pas d’amants. (Jules Renard, Journal, 31 octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 507).
. Dès qu’on dit à une femme qu’elle est jolie, elle se croit de l’esprit. (Jules Renard, Journal, 9 février 1898, Pléiade, 1972, p. 519).
. Près d'une femme, j'éprouve tout de suite ce plaisir un peu mélancolique qu'on a sur un pont à regarder l'eau couler. (Jules Renard, Journal, 14 février 1900, Pléiade, 1972, p. 570).
. Dès qu'une femme me fait un compliment, pour peu qu'elle soit jolie, tout de suite je me sens amoureux d'elle. (Jules Renard, Journal, 9 avril 1900, Pléiade, 1972, p. 576).
. Femmes qui nous troublent un peu, qui laissent, en passant, sur la netteté de notre cœur, une buée légère. (Jules Renard, Journal, 11 avril 1900, Pléiade, 1972, p. 576).
. C'est drôle, comme, dès qu'une femme de talent nous dit qu'elle a un mari, ça nous refroidit pour son talent ! (Jules Renard, Journal, 18 juin 1900, Pléiade, 1972, p. 590).
. Connaître les femmes sans être amant, c'est comme si un pêcheur, ayant promené sa ligne sur la rivière, s'imaginait connaître les poissons. (Jules Renard, Journal, 21 mars 1901, Pléiade, 1972, p. 648).
. L’amour tue l’intelligence. Le cerveau fait sablier avec le cœur. L’un ne se remplit que pour vider l’autre. (Jules Renard, Journal, 23 mars 1901, Pléiade, 1972, p. 649).
. C'est la plus fidèle de toutes les femmes : elle n'a trompé aucun de ses amants. (Jules Renard, Journal, 23 octobre 1901, Pléiade, 1972, p. 693).
. J’aime, j’aime, certainement j’aime, et je crois aimer ma femme d’amour, mais, de toute ce que disent les grands amoureux : Don Juan, Rodrigue, Ruy Blas, il n’y a pas un mot que je pourrais dire à ma femme sans rire. (Jules Renard, Journal, 10 novembre 1901, Pléiade, 1972, p. 701).
. La fidélité pendant la vie, ce n'est rien ; mais mourir, paraître devant Dieu sans avoir trompé sa femme, quelle humiliation ! (Jules Renard, Journal, 16 juin 1902, Pléiade, 1972, p. 761).
. À Fantec [=son fils]. Si tu te maries à l'église, ne dis pas, comme les autres, qu'il ne t'en coûte qu'un effort de galanterie et que tu ne sacrifies rien, tandis que ta femme ferait le sacrifice de son salut éternel. N'oublie pas qu'à l'église tu promettras, sans avoir l'intention de tenir ta promesse, d'élever tes enfants dans la religion catholique, apostolique et romaine. Fût-ce à un prêtre, il ne faut pas promettre ce qu'on est décidé à ne pas tenir. / Ne méprise pas ta fiancée au point de respecter une croyance qui n'est pas en toi. Ce qui est erreur pour toi ne peut être qu'erreur pour elle. Elle est faite aussi bien que toi pour la vérité. / Ne t'imagine pas que tout puisse vous être commun : fortune, joies, peines, hors l'essentiel, qui est la pensée commune. Tu souffriras de la foi de ta femme qui lui permettra de te rester, presque tout entière, impénétrable. / Prends une femme dont l’esprit religieux — ce n’est plus la religion — soit l’égal du tien. Convertis d’abord ta fiancée, à moins qu’elle ne te convertisse. Ayez la même façon de comprendre Dieu, c’est-à-dire l’univers et votre destinée. Sinon, n’épouse pas. / Ou bien, tu seras malheureux, et ne sauras même pas pourquoi. (Jules Renard, Journal, 29 août 1902, Pléiade, 1972, p. 777).
. Je ne peux pas voir une jolie femme sans en être éperdument amoureux. C'est le coup de foudre, et ça dure le temps d'un coup de foudre : un éclair. (Jules Renard, Journal, 15 janvier 1903, Pléiade, 1972, p. 800).
. Cette femme montre ses seins et croit qu’elle offre son cœur. (Jules Renard, Journal, 2 mars 1903, Pléiade, 1972, p. 806).
. La femme est un roseau dépensant. (Jules Renard, Journal, 16 décembre 1904, Pléiade, 1972, p. 943).
. Avez-vous remarqué que, lorsqu'on dit à une femme qu'elle est jolie, elle croit toujours que c'est vrai ? (Jules Renard, Journal, 13 janvier 1905, Pléiade, 1972, p. 949).
. Les femmes cherchent un féminin à « auteur » : il y a « bas-bleu ». C’est joli, et ça dit tout. À moins qu’elles n’aiment mieux « plagiaire » ou « écrivaine » : la rime n’aurait rien d’excessif. (Jules Renard, Journal, 6 mars 1905, Pléiade, 1972, p. 959).
. La femme ne devrait vivre qu’une saison sur quatre, comme les fleurs. Elle reparaîtrait tous les ans. (Jules Renard, Journal, 10 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1033).
. Si d'une discussion pouvait sortir la moindre vérité, on discuterait moins. Rien d'assommant comme de s'entendre : on n'a plus rien à se dire. (Jules Renard, Journal, 24 octobre 1887, Pléiade, 1972, p. 7).
. C’est en pleine ville qu’on écrit les plus belles pages sur la campagne. (Jules Renard, Journal, 25 novembre 1887, Pléiade, 1972, p. 13).
. Quand, au sceptique « pourquoi », le « parce que » crédule a répondu, la discussion est close. (Jules Renard, Journal, 18 décembre 1888, Pléiade, 1972, p. 17).
. On place ses éloges comme on place de l'argent, pour qu'ils nous soient rendus avec les intérêts. (Jules Renard, Journal, 18 mars 1890, Pléiade, 1972, p. 59).
. Faire tous les frais de la conversation, c'est encore le meilleur moyen de ne pas s'apercevoir que les autres sont des imbéciles. (Jules Renard, Journal, 1er avril 1890, Pléiade, 1972, p. 60).
. Le talent, c'est comme l'argent : il n'est pas nécessaire d'en avoir pour en parler. (Jules Renard, Journal, 11 juin 1892, Pléiade, 1972, p. 129).
. La haine soutenant mieux que l'amitié, si l'on pouvait haïr ses amis on leur serait plus utile. (Jules Renard, Journal, 27 mars 1893, Pléiade, 1972, p. 154).
. Ce portrait extraordinaire : on dirait qu’il ne va pas parler. (Jules Renard, Journal, 11 janvier 1893, Pléiade, 1972, p. 147).
. Dis quelquefois la vérité, afin qu'on te croie quand tu mentiras. (Jules Renard, Journal, 12 mai 1893, Pléiade, 1972, p. 161).
. La monde n’a peut-être été créé que pour réaliser le mal. Si, au lieu de contrarier le mouvement, nous le suivions, on obtiendrait un bon résultat. (Jules Renard, Journal, 12 mai 1893, Pléiade, 1972, p. 161).
. Les gens sont étonnants : ils veulent qu'on s'intéresse à eux ! (Jules Renard, Journal, 12 janvier 1894, Pléiade, 1972, p. 198).
. Prononcer vingt-cinq aphorismes par jour et ajouter à chacun d'eux : « Tout est là ». (Jules Renard, Journal, 27 janvier 1894, Pléiade, 1972, p. 202).
. Si vous pensez du bien de moi, il faut le dire le plus vite possible, parce que, vous savez, ça se passera. (Jules Renard, Journal, 23 février 1894, Pléiade, 1972, p. 206).
. Pour bien arriver, il faut d'abord arriver soi-même, puis, que les autres n'arrivent pas. (Jules Renard, Journal, 10 mars 1894, Pléiade, 1972, p. 210).
. Il ne suffit pas d’être heureux : il faut encore que les autres ne le soient pas. (Jules Renard, Journal, 16 mai 1894, Pléiade, 1972, p. 223).
. Pour arriver, il faut mettre de l'eau dans son vin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vin. (Jules Renard, Journal, 3 juillet 1894, Pléiade, 1972, p. 235).
. La joie, peut-être, d’un grand homme qui devine que ses enfants ne seront rien. (Jules Renard, Journal, 2 mars 1895, Pléiade, 1972, p. 268).
. Si j'avais du talent, on m'imiterait. Si l'on m'imitait, je deviendrais à la mode. Si je devenais à la mode, je passerais bientôt de mode. Donc, il vaut mieux que je n'aie pas de talent. (Jules Renard, Journal, 21 avril 1896, Pléiade, 1972, p. 330).
. Tu as jeté les pierres de ton jardin dans le jardin des autres, et, pour y ajouter, tu as démoli un peu de ton mur. (Jules Renard, Journal, 26 mai 1896, Pléiade, 1972, p. 334).
. Si vous m’annonciez la mort de ma petite fille que j’aime tant, et si, dans votre phrase, il y avait un mot pittoresque, je ne l’entendrais pas sans en être charmé. (Jules Renard, Journal, 14 juillet 1896, Pléiade, 1972, p. 340).
. Les absents ont toujours tort de revenir. (Jules Renard, Journal, 14 juillet 1896, Pléiade, 1972, p. 340).
. Mes enfants, pour tout héritage je vous laisserai mon âme, par écrit. (Jules Renard, Journal, 9 décembre 1897, Pléiade, 1972, p. 445).
. « Il faudra, me dit-il, que j'aille vous voir demain pour vous raconter mes embêtements. / — Ça fera deux personnes embêtées au lieu d'une ». (Jules Renard, Journal, 1er janvier 1898, Pléiade, 1972, p. 456).
. Pour nous punir de notre paresse, il y a, outre nos insuccès, les succès des autres. (Jules Renard, Journal, 2 janvier 1898, Pléiade, 1972, p. 457).
. Si je supprimais toute cette misère de pauvres gens, je tuerais tout ce qui attendrit mon cœur de poète. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 505).
. Penser ne suffit pas : il faut penser à quelque chose. (Jules Renard, Journal, 18 juillet 1899, Pléiade, 1972, p. 541).
. « Comment vous portez-vous ? dis-je. / — Oh ! je vais mieux. / — Vous avez donc été malade ? ». Et voilà qu'il faut avoir l'air de s'intéresser à la santé d'une personne qui se porte bien, quand on serait à peine touché par la nouvelle de sa mort. (Jules Renard, Journal, 15 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 609).
. Quand l'un d'eux a la patience d'écouter une histoire jusqu'à la fin, c'est qu'il lui faut tout ce temps-là pour préparer la sienne. (Jules Renard, Journal, 17 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 610).
. « Je vous apporte mes vœux. / — Merci. Je tâcherai d'en faire quelque chose ». (Jules Renard, Journal, 28 janvier 1901, Pléiade, 1972, p. 630).
. Je n'ai même jamais eu la chance de manquer un train auquel il soit arrivé un accident. (Jules Renard, Journal, 18 février 1901, Pléiade, 1972, p. 637).
. Le bonheur ne rend pas bon. C'est une remarque qu'on fait sur le bonheur des autres. (Jules Renard, Journal, 1er mars 1901, Pléiade, 1972, p. 643).
. On ne demande conseil que pour raconter ses ennuis. (Jules Renard, Journal, 5 mai 1901, Pléiade, 1972, p. 661).
. Nul n'est censé ignorer la Loi. Il y a plus de deux cent mille lois. (Jules Renard, Journal, 13 mai 1901, Pléiade, 1972, p. 665).
. Il y a des gens qui retirent volontiers ce qu’ils ont dit, comme on retire une épée du ventre de son adversaire. (Jules Renard, Journal, 11 décembre 1901, Pléiade, 1972, p. 711).
. L’homme se plaindrait de n’avoir pas à se plaindre. (Jules Renard, Journal, 19 février 1902, Pléiade, 1972, p. 727).
. Le poète. Ah ! être admiré par une belle grue qui m’offre à coucher ! (Jules Renard, Journal, 5 mai 1902, Pléiade, 1972, p. 748).
. Ce n’est pas le moindre charme de la vérité, qu’elle scandalise. (Jules Renard, Journal, 29 août 1902, Pléiade, 1972, p. 778).
. Il ne parle pas, mais on sait qu'il pense des bêtises. (Jules Renard, Journal, 19 janvier 1903, Pléiade, 1972, p. 800).
. Il y a des gens si ennuyeux qu'ils vous font perdre une journée en cinq minutes. (Jules Renard, Journal, 1er février 1903, Pléiade, 1972, p. 803).
. Tolérez mon intolérance. (Jules Renard, Journal, 19 août 1903, Pléiade, 1972, p. 846).
. Lui : « Il me faudrait, pour faire un chef-d’œuvre, une belle aventure intime ». Elle : « Eh ! bien, mon vieux, fais ton chef-d’œuvre : tu es cocu ! ». (Jules Renard, Journal, 10 octobre 1903, Pléiade, 1972, p. 859).
. Ils sont plus bêtes que méchants, mais si bêtes que la part de méchanceté reste belle. (Jules Renard, Journal, 31 mars 1904, Pléiade, 1972, p. 891).
. Nous voulons de la vie au théâtre, et du théâtre dans la vie. (Jules Renard, Journal, 26 mars 1905, Pléiade, 1972, p. 965).
. On ne me demande de mes nouvelles que pour avoir le droit de me raconter tous [s]es malheurs. (Jules Renard, Journal, 18 août 1905, Pléiade, 1972, p. 988).
. Si la girouette pouvait parler, elle dirait qu'elle dirige le vent. (Jules Renard, Journal, 26 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1037).
. Une belle action d’un autre, et notre vie nous paraît sans saveur. (Jules Renard, Journal, 1er mai 1906, Pléiade, 1972, p. 1049).
. Le travail, c'est parfois comme de pêcher dans une eau où il n'y aurait jamais eu de poisson. (Jules Renard, Journal, 1er juin 1906, Pléiade, 1972, p. 1054).
. Poète nouveau. Retenez bien ce nom, car on n’en parlera plus. (Jules Renard, Journal, 25 juin 1906, Pléiade, 1972, p. 1058).
. Quoique paralytique, je juge sévèrement la marche des autres. (Jules Renard, Journal, 31 août 1906, Pléiade, 1972, p. 1071).
. Bel homme : il ne lui manque que de ne pas avoir la parole. (Jules Renard, Journal, 22 septembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1075).
. Je ne suis pas sincère, et je ne le suis pas même au moment où je dis que je ne le suis pas. (Jules Renard, Journal, 21 novembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1087).
. Il ne veut pas de discours sur sa tombe. Il connaît l’insincérité des discours qu’il a prononcés sur la tombe des autres. (Jules Renard, Journal, 10 décembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1093).
. « Nous avons chacun nos admirateurs. / — Et ce sont quelquefois les mêmes. / — Hélas ! ». (Jules Renard, Journal, 9 septembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1130).
. Ce serait beau, l’honnêteté d’un avocat qui demanderait la condamnation de son client. (Jules Renard, Journal, 16 septembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1132).
. N'écoutant que son courage, qui ne lui disait rien, il se garda d'intervenir. (Jules Renard, Journal, 18 octobre 1908, Pléiade, 1972, p. 1206).
. Je vous assure que la bêtise a une espèce d’odeur qui sort d’elle-même. L’homme n’a pas besoin de parler. (Jules Renard, Journal, 16 août 1909, Pléiade, 1972, p. 1250).
. Dès qu'on nous embrasse, il est bon de prévoir, tout de suite, l'instant où nous serons giflés. (Jules Renard, L’Écornifleur, II ; Pléiade tome I, 1970, p. 310).
. Mettre de son côté toute la quantité possible de possible, et aller droit. (Jules Renard, Journal, 12 août 1888, Pléiade, 1972, p. 15).
. Qu'importe ce que je fais ! Demandez-moi ce que je pense. (Jules Renard, Journal, 12 avril 1890, Pléiade, 1972, p. 62).
. Il n'y a qu'une façon d'être un peu moins égoïste que les autres : c'est d'avouer son égoïsme. (Jules Renard, Journal, 7 décembre 1891, Pléiade, 1972, p. 104).
. Tire, traîne ton filet : tu ramèneras peut-être dedans quelques menus bonheurs. (Jules Renard, Journal, 19 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 175).
. Rêve de grandes choses : cela te permettra d'en faire au moins de toutes petites. (Jules Renard, Journal, 9 mai 1894, Pléiade, 1972, p. 222).
. Du talent, tu en as assez. Maintenant, perfectionne un peu ta morale. (Jules Renard, Journal, 25 mars 1894, Pléiade, 1972, p. 212).
. Si, au lieu de gagner beaucoup d'argent pour vivre, nous tâchions de vivre avec peu d'argent ? (Jules Renard, Journal, 31 décembre 1894, Pléiade, 1972, p. 254).
. Être heureux n'est pas le but, mais il faut au moins l'avoir été. (Jules Renard, Journal, 13 septembre 1895, Pléiade, 1972, p. 286).
. Il n'y a pas de Paradis, mais il faut tâcher de mériter qu'il y en ait un. (Jules Renard, Journal, 22 septembre 1895, Pléiade, 1972, p. 288).
. La modestie va bien aux grands hommes. C'est de n'être rien et d'être quand même modeste qui est difficile. (Jules Renard, Journal, 2 décembre 1895, Pléiade, 1972, p. 302).
. L’homme vraiment libre est celui qui sait refuser une invitation à dîner, sans donner de prétexte. (Jules Renard, Journal, 25 novembre 1895, Pléiade, 1972, p. 300).
. « J'ai soif de vérité. / — Prends garde à l'ivrognerie ». (Jules Renard, Journal, 8 janvier 1896, Pléiade, 1972, p. 313).
. Ne vis pas ! Contente-toi de toujours désirer vivre. (Jules Renard, Journal, 11 avril 1896, Pléiade, 1972, p. 329).
. C'est une duperie que de s'efforcer d'être bon. Il faut naître bon, ou ne s'en mêler jamais. (Jules Renard, Journal, début juillet 1896, Pléiade, 1972, p. 338).
. Si ta vue baisse, suppose que le monde existe moins. (Jules Renard, Journal, 8 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 381).
. C'est une grande preuve de noblesse que l'admiration survive à l'amitié. (Jules Renard, Journal, 25 mai 1897, Pléiade, 1972, p. 411).
. Le but, c'est d'être heureux. On n'y arrive que lentement. Il y faut une application quotidienne. Quand on l'est, il reste beaucoup à faire : à consoler les autres. (Jules Renard, Journal, 9 octobre 1897, Pléiade, 1972, p. 434).
. Je ne promets jamais rien, parce que j’ai la mauvaise habitude de tenir mes promesses. (Jules Renard, Journal, 23 octobre 1897, Pléiade, 1972, p. 435).
. Sache sourire quand un homme d'esprit devine tes petites infamies. (Jules Renard, Journal, 30 avril 1898, Pléiade, 1972, p. 484).
. Tant qu'un homme ne s'est pas expliqué le secret de l'univers, il n'a pas le droit d'être satisfait. (Jules Renard, Journal, 1er août 1898, Pléiade, 1972, p. 497).
. Si tu veux être sûr de toujours faire ton devoir, fais ce qui t'est désagréable. (Jules Renard, Journal, 15 août 1898, Pléiade, 1972, p. 501).
. La morale est dans les faits, pas dans les sentiments. Si je soigne bien mon père, je peux m'amuser à désirer sa mort. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1898, Pléiade, 1972, p. 505).
. On a autant de peine et de mérite à se passer d'argent qu'à en gagner. (Jules Renard, Journal, 14 novembre 1898, Pléiade, 1972, p. 510).
. Je refuse de savoir ce que peut penser des hommes de talent un homme qui n’en a pas. (Jules Renard, Journal, 22 avril 1899, Pléiade, 1972, p. 526).
. La fausse modestie, c'est déjà très bien. (Jules Renard, Journal, 24 avril 1899, Pléiade, 1972, p. 526).
. Il est moins cruel de n’aller jamais voir un mort que de n’y plus aller après un certain temps. (Jules Renard, Journal, 20 juin 1899, Pléiade, 1972, p. 535).
. Il ne faut pas dire toute la vérité, mais il ne faut dire que la vérité. (Jules Renard, Journal, 1er décembre 1899, Pléiade, 1972, p. 553).
. Il faut avoir le courage de préférer l'homme intelligent à l'homme très gentil. (Jules Renard, Journal, 13 décembre 1899, Pléiade, 1972, p. 555).
. L’ironie ne dessèche pas : elle ne brûle que les mauvaises herbes. (Jules Renard, Journal, 26 décembre 1899, Pléiade, 1972, p. 558).
. Vous revendez trois mille francs ce que vous avez eu pour cinq cents, et vous dites, très tranquille : « C'est une affaire ». Mais non ! C'est un vol. (Jules Renard, Journal, 29 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 614).
. Si tu ne peux être un homme de génie, sois un sage. Ce n'est d'ailleurs pas plus commode. (Jules Renard, Journal, 3 avril 1901, Pléiade, 1972, p. 655).
. Tâchons d’être pleins d’indulgence pour l’habileté des autres, et n’ayons pas l’air de nous vanter de notre maladresse. (Jules Renard, Journal, 2 février 1902, Pléiade, 1972, p. 722).
. Il n'est pas possible de dire la vérité, mais on peut faire des mensonges transparents : c'est à vous de voir au travers. (Jules Renard, Journal, 16 février 1902, Pléiade, 1972, p. 726).
. C'est une question de propreté : il faut changer d'avis comme de chemise. (Jules Renard, Journal, 17 octobre 1902, Pléiade, 1972, p. 786).
. À quarante ans, il faut ouvrir ses fenêtres de l’autre côté : on est même un peu en retard. (Jules Renard, Journal, 23 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 837).
. Les gens heureux n'ont pas le droit d'être optimistes : c'est une insulte au malheur. (Jules Renard, Journal, 25 juillet 1903, Pléiade, 1972, p. 839).
. On ne peut rien cacher. La force, c’est de n’avoir rien à cacher. (Jules Renard, Journal, 1er octobre 1904, Pléiade, 1972, p. 921).
. Si l'argent ne fait pas le bonheur, rendez-le ! (Jules Renard, Journal, 26 décembre 1905, Pléiade, 1972, p. 1024).
. Il ne faudrait produire que des chefs-d'œuvre et dédaigner la gloire, comme il faudrait gagner beaucoup d'argent pour vivre pauvre. / Il faut renoncer à tout ce qu'autrui ramasse trop facilement. (Jules Renard, Journal, 25 janvier 1906, Pléiade, 1972, p. 1029).
. Ne comptez pas trop sur la société pour faire des réformes : réformez-vous vous-même. (Jules Renard, Journal, 13 mars 1906, Pléiade, 1972, p. 1040).
. À quoi bon voyager ! Il y a de la nature, de la vie et de l'histoire partout. (Jules Renard, Journal, 24 août 1906, Pléiade, 1972, p. 1070).
. Qui ne sut jamais se borner ne sut jamais admirer. (Jules Renard, Journal, 5 décembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1092).
. Il faut être discret quand on parle de son bonheur, et l'avouer comme si l'on se confessait d'un vol. (Jules Renard, Journal, 10 décembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1093).
. Pourquoi se déplacer ? D’une certaine hauteur de rêve, on voit tout. (Jules Renard, Journal, 23 décembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1097).
. Se défier des principes qui rapportent beaucoup d’argent. (Jules Renard, Journal, 10 avril 1907, Pléiade, 1972, p. 1111).
. Il est plus difficile d'être un honnête homme huit jours qu'un héros un quart d'heure. (Jules Renard, Journal, 17 juillet 1907, Pléiade, 1972, p. 1118).
. Il vaudrait mieux se taire toujours. On ne dit rien quand on parle. Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent. Que d'aplomb chez les uns ! Que de restrictions de scrupules chez les autres ! (Jules Renard, Journal, 30 janvier 1908, Pléiade, 1972, p. 1160).
. L'ironie doit faire court. La sincérité peut s'étendre. (Jules Renard, Journal, 26 février 1908, Pléiade, 1972, p. 1164).
. J'ai une morale, mais elle est assez tortueuse. J'arrive au bien par un chemin de traverse. (Jules Renard, Journal, 21 avril 1908, Pléiade, 1972, p. 1173).
. Un préjugé, c'est une vérité qu'on affirme trop. Il y a des vérités partout, mais il ne faut pas trop y croire, ni surtout y tenir. (Jules Renard, Journal, 25 septembre 1908, Pléiade, 1972, p. 1199).
. Il faut se prêter de bonne foi à toutes les expériences. Il faut admirer une cérémonie religieuse si elle est belle, et non pas l'aimer ou la détester parce qu'elle est religieuse. (Jules Renard, Journal, 25 septembre 1908, Pléiade, 1972, p. 1199).
. Il faut savoir s'embêter, pour que la vie ne paraisse pas trop courte. (Jules Renard, Journal, 4 décembre 1909, Pléiade, 1972, p. 1255).
. Qui n'a point la maladie du scrupule ne doit même pas songer à être honnête. (Jules Renard, Journal, 15 mars 1910, Pléiade, 1972, p. 1267).
. Vraiment, amis Barrès, Paul Adam, Bernard Lazare, etc, pourquoi acceptez-vous le jugement de la foule en politique quand vous ne l’admettez pas en art ? (Jules Renard, Journal, 11 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 173).
. Quand je pense que je ne serais peut-être pas socialiste si j'avais pu faire trois actes ! (Jules Renard, Journal, 9 janvier 1905, Pléiade, 1972, p. 948).
. Je te préviens que le peuple sue, fume, crache, se cherche dans le nez, se rogne les ongles avec son couteau. Par délicatesse, tu n’oseras rien dire, mais auras-tu le cœur assez solide pour rester ? (Jules Renard, Journal, 5 juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 981).
. « Je ne m’occupe pas de politique. / — C’est comme si vous disiez : Je ne m’occupe pas de la vie ». (Jules Renard, Journal, 23 août 1905, Pléiade, 1972, p. 990).
. Mes lectures sociales ont détruit mes ambitions personnelles ; elles ne m’ont pas donné le courage de travailler pour les autres. (Jules Renard, Journal, 16 août 1906, Pléiade, 1972, p. 1066).
. La politique devrait être la plus belle chose du monde : un citoyen au service de son pays. C’est la plus basse. (Jules Renard, Journal, 6 octobre 1907, Pléiade, 1972, p. 1134).
. Nous sommes tous antijuifs. Quelques-uns parmi nous ont le courage ou la coquetterie de ne pas le laisser voir. (Jules Renard, Journal, 11 décembre 1907, Pléiade, 1972, p. 1145).
. Ils [=les membres de l'Académie Goncourt] sont tous antisémites, du moins en ce qui concerne une élection future à l'Académie : pas de Juifs ! C'est une autre race. Mendès disait à Schwob : « Nous ne pouvons pas avoir de génie parce que nous sommes des vaincus, des dispersés. » Et c'est vrai. Mendès ne peut pas avoir de génie ; il a pourtant bien essayé ! (Jules Renard, Journal, 27 février 1908, Pléiade, 1972, p. 1165).
. Le peuple est bête, pue et crache partout. « L'art et le peuple » : quelle formule ! / Le peuple, c'est l'enfant bien sage qui fait la grimace dès qu'on a le dos tourné. (Jules Renard, Journal, 27 mars 1908, Pléiade, 1972, p. 1170).
. En politique, la sincérité a l’air d’une manœuvre compliquée et sournoise, d’une fourberie savante. (Jules Renard, Journal, 14 mai 1908, Pléiade, 1972, p. 1174).
. Le suffrage universel est tellement bête qu'il ne faut pas être modeste avec lui. (Jules Renard, Journal, 16 mai 1908, Pléiade, 1972, p. 1175).
. Un homme de lettres est capable d’avouer ses ridicules pour donner sur sa propre joue un soufflet aux autres. (Jules Renard, « Les petites bruyères », II. Gens du métier, 2 ; repris dans Sourires pincés ; Pléiade tome I, 1970, p. 264).
. Non seulement les auteurs n’acceptent que des éloges, mais encore ils exigent qu’on ne dise que la vérité. Comment faire ? (Jules Renard, « Propos d’entractes », 2 novembre 1908, repris dans L’Œil clair ; Pléiade tome II, 1971, p. 551).
. Le talent est une question de quantité. Le talent, ce n'est pas d'écrire une page : c'est d'en écrire 300. Il n'est pas de roman qu'une intelligence ordinaire ne puisse concevoir, pas de phrase si belle qu'elle soit qu'un débutant ne puisse construire. Reste la plume à soulever, l'action de régler son papier, de patiemment l'emplir. Les forts n'hésitent pas. Ils s'attablent, ils sueront. Ils iront au bout. Ils épuiseront l'encre, ils useront le papier. Cela seul les différencie, les hommes de talent, des lâches qui ne commenceront jamais. En littérature, il n'y a que des bœufs. Les génies sont les plus gros, ceux qui peinent dix-huit heures par jour d'une manière infatigable. La gloire est un effort constant. (Jules Renard, Journal, 1887, Pléiade, 1972, p. 2).
. Les écrivains qui n’aiment pas Victor Hugo me sont ennuyeux à lire, même quand ils n’en parlent pas. (Jules Renard, Journal, 24 août 1889, Pléiade, 1972, p. 30).
. Ne jamais être content : tout l'art est là. (Jules Renard, Journal, 28 mai 1891, Pléiade, 1972, p. 96).
. Nos « anciens » voyaient le caractère, le type continu. Nous, nous voyons le type discontinu, avec ses accalmies et ses crises, ses instants de bonté et ses instants de méchanceté. Cette prétention de faire vrai, qu'ont eue tous les grands écrivains, nous l'avons plus forte, de jour en jour. Mais approchons-nous de la vérité ? Demain ou après-demain nous serons faux, jusqu'à ce que cet univers soit las d'être inutile. (Jules Renard, Journal, 29 février 1892, Pléiade, 1972, p. 118).
. Si le mot cul est dans une phrase, le public, fût-elle sublime, n’entendra que ce mot. (Jules Renard, Journal, 31 mai 1893, Pléiade, 1972, p. 164).
. Il faut feuilleter les mauvais livres, éplucher les bons. (Jules Renard, Journal, 15 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 174).
. Comme homme, accepter tous les devoirs, comme écrivain, s’accorder tous les droits, et même celui de se moquer de ses devoirs. (Jules Renard, Journal, 25 septembre 1893, Pléiade, 1972, p. 175).
. Comme tout de suite on s’entend, et comme la conversation devient intéressante, et comme bientôt on s'anime, dès que, au lieu de traiter seulement de l'art, on traite de l'argent qu'il rapporte ! (Jules Renard, Journal, 14 octobre 1893, Pléiade, 1972, p. 179).
. Ne dites pas que ce que j'écris n'est pas vrai : dites que je l'écris mal, car tout est vrai. (Jules Renard, Journal, 18 juillet 1894, Pléiade, 1972, p. 238).
. Quand j’ai eu beaucoup de mal à écrire une page, je la crois bien écrite. (Jules Renard, Journal, 26 juillet 1894, Pléiade, 1972, p. 240).
. Un bon mot vaut mieux qu’un mauvais livre. (Jules Renard, Journal, 18 janvier 1895, Pléiade, 1972, p. 257).
. Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. (Jules Renard, Journal, 13 février 1895, Pléiade, 1972, p. 264).
. Écrire, c'est une façon de parler sans être interrompu. (Jules Renard, Journal, 13 avril 1895, Pléiade, 1972, p. 277).
. Je suis souvent mécontent de ce que j’ai écrit. Je ne le suis jamais de ce que j’écris, car, si j’en étais mécontent, je ne l’écrirais pas. (Jules Renard, Journal, 28 août 1895, Pléiade, 1972, p. 283).
. Relis, relis. Des choses que tu n'as pas comprises hier, tu seras tout étonné de les comprendre aujourd'hui. Voilà seulement que j'aime Mérimée. (Jules Renard, Journal, 22 septembre 1895, Pléiade, 1972, p. 287).
. Est-ce qu’un poète a besoin d’observer la vie ! (Jules Renard, Journal, septembre 1896, Pléiade, 1972, p. 346).
. Un bon classique ne va pas sans un peu de médiocrité. (Jules Renard, Journal, 16 octobre 1896, Pléiade, 1972, p. 347).
. C'est douloureux, d'écrire un livre : c'est s'en délivrer. (Jules Renard, Journal, 18 novembre 1896, Pléiade, 1972, p. 356).
. Ne pouvant lire que des choses parfaites, je ne lis plus. (Jules Renard, Journal, 8 décembre 1896, Pléiade, 1972, p. 360).
. Si tu as perdu une journée, dis-le bien, et elle ne sera pas perdue. (Jules Renard, Journal, 27 décembre 1896, Pléiade, 1972, p. 368).
. Les peintres peuvent toujours dire que leur tableau est mal éclairé. (Jules Renard, Journal, 30 décembre 1896, Pléiade, 1972, p. 371).
. On se trompe toujours sur ses contemporains. Ne les lisons donc pas. (Jules Renard, Journal, 23 janvier 1897, Pléiade, 1972, p. 386).
. On dit d’un auteur qui n’a pas de ficelles : « Il ne sait pas le théâtre », et d’un qui sait le théâtre : « Oh ! il a des ficelles ». (Jules Renard, Journal, 13 juin 1897, Pléiade, 1972, p. 416).
. Dieu comprend tout. Il refusera de m’ouvrir la porte du ciel si j’ai fait une faute de français. (Jules Renard, Journal, 6 septembre 1897, Pléiade, 1972, p. 431).
. Détestable quand il n’est pas de notre avis, Sarcey devient excellent dès qu’il dit comme nous. (Jules Renard, Journal, 20 juillet 1898, Pléiade, 1972, p. 494).
. Il faut feuilleter tous les livres et n’en lire qu’un ou deux. (Jules Renard, Journal, 15 août 1898, Pléiade, 1972, p. 502).
. Il y a les conteurs et les écrivains. On conte ce qu’on veut ; on n’écrit pas ce qu’on veut : on n’écrit que soi-même. (Jules Renard, Journal, 1er mai 1899, Pléiade, 1972, p. 528).
. Il ne faut pas dire qu’on relit les chefs-d’œuvre, car il semble toujours qu’on ne les a jamais lus. (Jules Renard, Journal, 9 août 1900, Pléiade, 1972, p. 596).
. Ce que cet écrivain dit du cœur est si fade qu’on en a mal au cœur. (Jules Renard, Journal, 29 novembre 1900, Pléiade, 1972, p. 614).
. Pourquoi tant écrire ? Le public ne sait jamais qu’un ou deux titres des livres des auteurs les plus féconds. (Jules Renard, Journal, 18 décembre 1900, Pléiade, 1972, p. 617).
. Si l'on m'affirmait, preuve en main, que Dieu n'existe pas, j'en prendrais mon parti. Si Victor Hugo n'existait plus, le monde où se meut la beauté qui m'enivre deviendrait tout noir. (Jules Renard, Journal, 17 novembre 1901, Pléiade, 1972, p. 705).
. Au travail, le difficile, c'est d'allumer la petite lampe du cerveau. Après, ça brûle tout seul. (Jules Renard, Journal, 29 novembre 1901, Pléiade, 1972, p. 707).
. L'art, c'est le rare. Or, si, à côté d'un éléphant magnifique, on m'en montre une douzaine presque aussi beaux, le premier ne m'étonne plus. (Jules Renard, Journal, 2 décembre 1901, Pléiade, 1972, p. 707).
. Homère vivait dans le tragique : c’était le naturel pour lui. Notre tragique, à nous, ne peut être que du chiqué. (Jules Renard, Journal, 17 décembre 1901, Pléiade, 1972, p. 713).
. Le goût est une maladie mortelle. C’est le « À quoi bon ! » littéraire. (Jules Renard, Journal, 1er juin 1902, Pléiade, 1972, p. 756).
. On a beau faire peu de livres : les gens persistent à ne pas les connaître tous. (Jules Renard, Journal, 10 juin 1902, Pléiade, 1972, p. 759).
. Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. (Jules Renard, Journal, 24 juin 1902, Pléiade, 1972, p. 763).
. La joie de l’œuvre finie gâte l’œuvre qu’on commence : on croit encore que c’est facile. (Jules Renard, Journal, 20 juillet 1905, Pléiade, 1972, p. 982).
. Pour faire du théâtre, il faut avoir l’enthousiasme du mensonge. (Jules Renard, Journal, 9 février 1906, Pléiade, 1972, p. 1032).
. N’écrire ni pour le peuple ni pour l’élite : pour moi. (Jules Renard, Journal, 5 mars 1906, Pléiade, 1972, p. 1038).
. Le métier des Lettres est tout de même le seul où l'on puisse, sans ridicule, ne pas gagner d'argent. (Jules Renard, Journal, 6 septembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1072).
. Buffon a dit : « Le style, c’est l’homme », et il a eu des collaborateurs qui faisaient « le Buffon » mieux que lui. (Jules Renard, Journal, 12 septembre 1906, Pléiade, 1972, p. 1073).
. J’aime passionnément la langue française, je crois tout ce que la grammaire me dit, et je savoure les exceptions, les irrégularités de notre langue. (Jules Renard, Journal, 6 octobre 1906, Pléiade, 1972, p. 1078-1079).
. Un homme de lettres ne doit être qu'homme de lettres. Tout le reste est littérature. (Jules Renard, Journal, 11 novembre 1908, Pléiade, 1972, p. 1209).
. La littérature est un métier où il faut sans cesse recommencer la preuve qu'on a du talent pour des gens qui n'en ont aucun. (Jules Renard, Journal, 28 février 1909, Pléiade, 1972, p. 1228).
. Tout lasse. L'image même, qui est d'un si grand secours, finit par fatiguer. Un style presque sans images serait supérieur, mais on n'y arrive qu'après des détours et des excès. / […] On ne doit au lecteur que la clarté. Il faut qu'il accepte l'originalité, l'ironie, la violence, même si elles lui déplaisent. Il n'a pas le droit de les juger. On peut dire que ça ne le regarde pas. (Jules Renard, Journal, 4 mai 1909, Pléiade, 1972, p. 1239).
. Pourquoi peut-on être admis à faire la critique sans même avoir passé un examen d’orthographe ? (Jules Renard, Journal, 27 novembre 1909, Pléiade, 1972, p. 1255).
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[1] Jules Renard semble répondre à Pascal qui, dans sa fureur de démontrer que les absurdités les plus risibles de la foi chrétienne sont justifiables par la raison, affirme que la conception d’un homme par une vierge ne choque pas les principes de la biologie : « Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter ? Une poule ne fait-elle pas des œufs sans coq ? » (Pensées Le Guern n°702, Pléiade tome II, 2000, p. 842 ; ou Sellier n°444). S’il faut admettre les miracles du christianisme, après tout, pourquoi ne pas admettre aussi les miracles des autres religions… — Jacques Prévert écrira aussi : « Pascal, pour confondre les athées, a comparé la Vierge à une poule qui peut faire des œufs sans coq. / L'œuf de J.-C. était aussi simple que celui de Colomb, il suffisait d'y penser. » (Jacques Prévert, Fatras, « Graffiti », Pléiade tome II, 1996, p. 13).
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17:04 Écrit par Le déclinologue dans Aphorismes, Littérature et arts, Mœurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jules renard, journal, moeurs, littérature, mort, femmes, amour, livre, égoïsme, monde, société, dieu, bonheur, cynisme, bons mots, sarcasmes, ironie, argent, langue française, vérité, citations, le vigneron dans sa vigne, sourires pincés, les petites bruyères, l'oeil clair, l'écornifleur, poil de carotte, paradoxe | | | Facebook | | Imprimer | | Digg |