Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21.04.2017

LE PREMIER ATTENTAT CAPITALISTE DE L’HISTOIRE

                Le 11 avril dernier a eu lieu un attentat à Dortmund : trois bombes ont explosé vers 19h15, au passage du car transportant les joueurs du cleube local du Borussia Dortmund, qui devait, une heure plus tard, rencontrer l’équipe de l’A.S. Monaco pour disputer un quart-de-finale aller de la Ligue des Champions.
           Ce fait était déjà, en soi, exceptionnel : c’est la première fois en Europe qu’une équipe de foutebôle professionnelle est la cible d’un attentat. Il y a un précédent en Afrique : le 8 janvier 2010, l’équipe du Togo, qui venait en Angola pour y disputer la Coupe d’Afrique des Nations, a été victime d’une embuscade [1]. Mais il s’agissait d’une action militaire dans une région en proie à une insurrection armée, et non d'un attentat dans une région en paix. On peut s’attendre à ce que cette première européenne ne reste pas unique en son genre : le foutebôle a atteint un tel degré de médiatisation qu’il va forcément exciter de plus en plus ceux qui souhaitent infliger le plus de mal possible aux sociétés européennes. Faire un carnage dans un stade, massacrer une équipe de vedettes, c’est la garantie d’un impact maximal, d’un choc émotionnel terrible sur la population, comme sur un enfant dont on piétine le jouet par méchanceté gratuite.
attentat,terrorisme,football,borussia dortmund,ligue des champions          L’attentat de Dortmund n’aura eu, grâce au ciel, que des conséquences relativement bénignes : trois blessés dont un policier et un joueur de l’équipe de Dortmund, l’Espagnol Marc Bartra, touché au poignet. Cependant, les bombes contenaient des tiges métalliques et, si elles avaient traversé les vitres du car, elles auraient pu y faire de nombreux morts.
          Jusqu’à présent, c’était la piste islamiste qui était privilégiée, en raison du climat ambiant et de quatre lettres de revendication, dont trois retrouvées sur les lieux du crime. On envisageait aussi la possibilité d’une action menée par un groupuscule d’extrême-droite, ou par un groupuscule d’extrême-gauche. On se demandait même si les responsables ne seraient pas les supporteurs d'un cleube rival, qui auraient poussé la fureur supportrice à un degré encore inédit.
            Or la police allemande, après avoir mis hors de cause deux suspects arrêtés peu après l’attentat, annonce ce 21 avril qu'elle a mis la main sur le véritable auteur de l’attentat, et établi ses motivations.
            Et celles-ci sont stupéfiantes. Personne ne les avait imaginées. Sergueï W., un Germano-Russe de 28 ans, arrêté à Tübingen, n’avait aucune revendication politique. Ni aucune revendication religieuse. Ni aucune intention idéologique. Ni même de passion de supporteur sportif. C’est lui qui avait rédigé les revendications islamistes, mais celles-ci n’étaient que de la poudre aux yeux destinée à égarer les enquêteurs (diversion dailleurs maladroite : diverses anomalies avaient très vite suscité le doute sur leur authenticité. Le rédacteur n'est pas un expert en islamologie).
          Sergueï W. ne voulait pas frapper de terreur la population. Il n’avait pas non plus un ressentiment particulier contre le cleube du Borussia Dortmund ou contre tel joueur. Il a voulu… réaliser une opération financière. Il avait en effet passé un ordre d’achat correspondant à la valeur de 15 000 options de vente sur des actions du Borussia. L’attentat devait entraîner un effondrement du cours boursier du Borussia, ce qui lui aurait permis de réaliser un bénéfice de plusieurs millions d’euros. Il s'est attaqué aux joueurs du Borussia Dortmund, mais il aurait tout aussi bien pu cibler un concessionnaire Volkswagen, des ingénieurs de Siemens, un laboratoire Bayer. Ou plutôt, les dirigeants de ces grandes firmes, car il vaut mieux leur couper la tête qu'une simple phalange, si on veut que leurs actions chutent. Finalement, une équipe de foute professionnelle est une très bonne cible : en faisant exploser un car, vous pouvez espérer éliminer d'un coup presque tous les joueurs, une partie de l'encadrement technique et peut-être même un ou deux dirigeants. Un coup terrible dont un cleube mettrait dix ans à se relever. (Le grand Torino ne s'est jamais remis de la catastrophe aérienne de 1949.)
            Loin d’avoir affaire à un attentat islamiste, nous avons ainsi affaire à un attentat capitaliste, en quelque sorte.
goldfinger,james bond,fort knox,stock d'or,gert frobe          N'est-ce pas une grande première dans l'histoire ? Un individu lambda qui commet un acte de violence meurtrière contre une société, afin de faire baisser le cours de sa cotation boursière et d'en tirer un substantiel bénéfice spéculatif : a-t-on déjà vu ça ? On pense, dans la fiction, au filme Goldfinger, de la série « James Bond » (1964), dans lequel le méchant éponyme cherche à déclencher une explosion atomique à Fort Knox, ce qui rendrait inutilisable le stoc d’or des É.-U.A. pendant des dizaines d’années, d’où une hausse formidable du cours de l’or dont il serait le grand bénéficiaire, vu les énormes quantités qu’il en possède [2]. Mais dans la réalité ? Y a-t-il un précédent d’une action aussi violente, un précédent de l’explosion de bombes pour réaliser une plus-value financière ?
          Pour moi qui ne suis pas seulement patriote français (donc islamophobe), mais aussi anti-moderne, cet attentat capitaliste est tout aussi grave que l’aurait été un attentat islamiste. Non, c'est même bien plus grave, parce que les attentats islamistes, on en a déjà essuyé de nombreux, on finit par s'y accoutumer, alors que là un précédent est créé, une brèche est ouverte. 
          Nous sommes donc dans une société où les individus ne se contentent plus de s'attaquer directement aux personnes et aux entreprises pour s'emparer physiquement de leurs biens, comme c'est le cas depuis que le monde est monde, mais sont aussi capables de poser trois bombes, de tenter de faire exploser un car de vedettes du sport, avec potentiellement quelques dizaines de victimes, à seule fin de déclencher des fluctuations de cours boursiers. Quel télescopage terrifiant entre le réel et le virtuel ! Et quel symptôme de ce que l’appât du lucre ne connaît plus aucune limite ! Quelle corruption de l’âme faut-il pour manigancer l’assassinat de peut-être vingt ou trente personnes de façon à agir sur une cotation boursière !
 
       Le dieu Argent est décidément un vrai dieu, puisqu'il a lui aussi ses terroristes fanatiques, ses tueurs aveugles, ses bourreaux prêts à lui sacrifier des victimes humaines.

 


_____________________________________

[1] Les deux cars transportant les joueurs, l’encadrement et les bagages, alors qu’ils venaient de passer la frontière entre le Congo et l’Angola, et bien qu’ils fussent protégés par une cinquantaine de soldats angolais fortement armés dans une dizaine de véhicules 4x4, ont subi un tir de roquette, suivi d’une mitraillade de vingt minutes qui a fait deux morts et sept blessés dont deux graves. Cette attaque est due aux Forces de Libération de l’État du Cabinda, un groupe de rebelles armés qui réclame l’indépendance de l’enclave de Cabinda. Cependant, on ne sait pas vraiment dans quelle mesure cette attaque a été préméditée : les rebelles ont-ils délibérément attaqué des vedettes du ballon-rond, afin d’obtenir un retentissement médiatique international qui ferait connaître leur cause, ou bien s’en sont-ils pris par hasard à deux cars qui passaient là au mauvais moment, sans savoir très bien qui ils transportaient ? Les articles que j’ai consultés restent flous sur cette question. Le communiqué des F.L.E.C., revendiquant l’attaque suggère une attaque consciente et programmée contre une cible identifiée : « La résistance des F.L.E.C./P.M. a procédé à une attaque dans le secteur de Massabi contres les forces armées angolaises, qui escortaient la sélection nationale du Togo. […] Cette opération n’était que le début d’une série d’actions ciblées qui se poursuivront sur l’ensemble du territoire de Cabinda ». Mais ne s’agit-il pas de la motivation opportune et rétrospective d’une attaque à l’aveugle ?

[2] Il semble que dans le roman de Ian Fleming, paru cinq ans plus tôt, l’opération soit moins machiavélique : l’explosion atomique n’aurait servi qu’à percer le blindage, et, de manière on ne peut plus classique, Goldfinger se serait ensuite emparé du stoc d’or des États-Unis.