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10.04.2016

LA VOLATILITÉ DU NET (en général et des blogues de la réacosphère en particulier)

            Dans une note de bas-de-page à la « note » documentaire qui suit les Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar remarque que les références bibliographiques qui étayent des recherches savantes sont, pour la plupart d'entre elles, des livres ou des revues disponibles seulement dans un petit nombre de bibliothèques et très malaisément accessibles. « Ce que nous appelons notre culture est plus qu’on ne le croit une culture à bureaux fermés », conclut-elle [1].
            En effet. Mais si la culture écrite est souvent difficile d’accès, en revanche elle est soigneusement conservée dans les bibliothèques, et on peut espérer qu’elle soit préservée, peut-être pas à l’échelle des millénaires, mais au moins à celle des siècles.
            La culture de l’internet, c’est l’inverse : elle est immédiatement accessible, sans sortir de chez soi, avec une rapidité et une facilité confondantes, mais elle est aussi extrêmement volatile. Beaucoup de sites disparaissent très vite, et beaucoup de sites font disparaître leurs archives au-delà d’un certain temps. J’ai constaté que depuis dix ou quinze ans, les articles et ouvrages de niveau universitaire n’hésitaient plus, en plus de la bibliographie ordinaire, à imprimer des liens internet. Mais qui peut garantir la pérennité de ces liens ? Dans cinquante ans, les titres de la bibliographie seront toujours consultables dans une bonne bibliothèque. Mais le contenu des liens sera-t-il toujours stoqué quelque part dans une mémoire informatique, et l’adresse URL sera-t-elle toujours rigoureusement identique ? Car si on ne vous a donné ni le titre ni l’auteur d’un article accessible par un lien, et si celui-ci n'est pas composé d'une suite de mots distinctifs, allez donc le chercher par Google une fois que le lien n’est plus valide…
            Ayant la manie du sourçage de l’information, j’aime bien donner des liens renvoyant à des documents sur lesquels je m’appuie, ou permettant à mon lecteur de compléter ses connaissances sur ce dont je parle. Mais je me soucie de l’avenir de ces liens. Dans cinq ans, dans dix ans, combien d’entre eux fonctionneront encore ? J’ai déjà constaté la péremption de certains… 

            Il y a quelques jours, j’ai eu la curiosité de tester la liste des « sites intéressants (plus ou moins politiques) » que j’ai adjointe à ce blogue, sur la colonne de droite. Pour plus de la moitié, ils ont été mis dès l’origine, début 2011 ; un tiers a été ajouté en 2012 et 2013, une poignée en 2014 et 2015. Je crois que j’en avais déjà supprimé quelques-uns, devenus invalides. Là, j’ai voulu faire une vérification générale, en les testant un par un. Il y en avait 67. J’ai constaté qu’une quantité impressionnante de ces liens devait être révisée.

                  Blogues ou sites ayant changé d’adresse (1) : À moy que chault !.

            Blogues ou sites inactifs ou quasiment inactifs (13) : Aymeric Chauprade (à part l’annonce d’une réédition début octobre et d’un colloque fin juin, le dernier billet date du 3 mai 2015) ; Éloge de la transmission - Natacha Polony (dernier billet : 16 septembre 2012) ; Flavius Aetius (dernier billet : 14 juillet 2010) ; FromagePlus (depuis fin 2014 : deux courts billets et trois images) ; Horizons (dernier billet : 25 mai 2011) ; Le nouveau réactionnaire (dernier billet : 21 juillet 2015) ; Malika Sorel (dernier billet : 13 mai 2012) ; Les délices de l’âge de fer (dernier billet : 13 octobre 2014) ; Nations libres (deux billets en 2015) ; No country for white men (dernier billet : 28 octobre 2012) ; Racines charnelles (trois courts billets après fin juin 2011) ; Sororité aryenne (site peu actif depuis un moment) ; Sur le Ring (site dont le plus récent article semble dater du 18 août 2015).

            Blogues ou sites passés en mode privé, donc inaccessibles (5) : Au milieu des ruines ; Chute finale ; Criticus ; L’horreur du château (devenu Les heures les plus claires) ; Le pélicastre jouisseur.

            Blogues ou sites disparus (14) : Alain Soral ; Boulevard Hitler ; Déclinisme ; Défrancisation ; Des ruines et des lettres ; Du haut des cimes ; French Carcan ; Front alternationaliste ; Grand remplacement ; Le sous-sol ; Nihilisme romantique ; Observatoire du communautarisme ; Occidentalis ; Paul-Marie Coûteaux.

 

           Ainsi, sur cet échantillon de 67 blogues ou sites, 19 sont maintenant inaccessibles. Et sur les 48 restants, 13 semblent abandonnés ou très délaissés par leur auteur, qui peut-être le supprimera un jour purement et simplement. Il n’en reste donc que 35 qui soient encore pleinement actifs. Et encore, sur ces 35, j’en compte au moins 11 qui sont animés par un groupe plus ou moins professionnel (Causeur, Défense de la langue française, François Desouche, La dissidence française, Nations Presse Info, Novopress, Parti de l’In-nocence, Polémia, Riposte laïque, Terre et peuple, VoxNR), soit à peine une vingtaine qui sont rédigés par un individu seul ou par un tout petit groupe. Et justement, parmi les blogues disparus ou comateux, la plupart étaient purement individuels : ce qui voudrait dire que, dans cette catégorie des blogues individuels, le taux d’abandon, en l’espace de cinq ans, atteint presque les trois cinquièmes (une grosse vingtaine encore actifs, une petite trentaine disparus, ou délaissés, ou devenus privés).

            Certes, les blogues ne sont qu’une petite partie de l’internet, et la « réacosphère » n’en est elle-même qu’un secteur très particulier. Les chiffres donnés par ce petit pointage très subjectif n’ont évidemment aucune valeur générale. Mais ils montrent qu’une bonne partie de ce qu’on lit sur le net, et en particulier sur les blogues privés, n’aura pas une durée de vie très élevée. Si on a jugé tel article suffisamment intéressant pour qu’on puisse avoir envie de le relire un jour, on ferait bien de l’archiver par-devers soi, plutôt que de croire naïvement qu’on pourra indéfiniment le retrouver là où on l’a lu.  

 

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[1] « On ne dira jamais assez qu'un livre rare. épuisé, procurable seulement sur les rayons de quelques bibliothèques, ou un article paru dans un numéro dans un numéro d'une publication savante, est pour l’immense majorité des lecteurs totalement inaccessible. Quatrevingt-dix-neuf fois sur cent, le lecteur curieux de s'instruire, mais manquant du temps et des quelques minces techniques familières à l'érudit de profession, reste bon gré mal gré tributaire d'ouvrages de vulgarisation choisis à peu près au hasard, et dont les meilleurs eux-mêmes, n'étant pas toujours réimprimés, deviennent à leur tour improcurables. Ce que nous appelons notre culture est plus qu'on ne le croit une culture à bureaux fermés. »