Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07.02.2020

L’HISTOIRE PHILIPPIQUE, FANTAISIE UCHRONIQUE

(Pour la commodité de la lecture, nous avons maintenu les dates du comput chrétien, ainsi que plusieurs noms modernes de villes.)

            A l’été -336, lorsque le roi Philippe II de Macédoine organisa le mariage de sa fille Cléopâtre avec son beau-frère Alexandre le Molosse, roi d’Épire, il subit une tentative d’assassinat. Un de ses gardes du corps, Pausanias d’Orestide, mû par une rancœur personnelle, lui donna un coup de poignard. Mais le général Perdiccas, qui était juste à côté, put dévier le coup, et Philippe ne reçut qu’une blessure légère. Pausanias fut aussitôt exécuté.
            L’année suivante, conformément au plan qu’il méditait depuis plusieurs années, inspiré par les discours d’Isocrate prêchant le panhellénisme, Philippe II franchit l’Hellespont dans le dessein de libérer les cités grecques d’Asie mineure. Il affronta les armées perses sur les bords du Granique et remporta une victoire décisive, grâce à la charge de cavalerie menée par son fougueux fils Alexandre, comme à Chéronée. Dans les mois suivants, Sardes, Éphèse, Milet et Halicarnasse tombèrent facilement, puis les cités d’Anatolie centrale, notamment Gordion et Ancyre. Philippe prenait le temps d’organiser sa conquête, car il entendait fonder un empire gréco-macédonien durable. Mais son fils Alexandre voulait conquérir l’ensemble de l’empire perse, ce qui lui paraissait une pure folie. Il accepta néanmoins de diviser l’armée en deux et d’en confier la moitié à son fils. Celui-ci se porta au-devant de Darius III, qui avait rassemblé de nombreuses troupes pour mener la contre-offensive. Le choc eut lieu à Issos. Les deux armées se détruisirent mutuellement, Alexandre et Darius furent tous les deux tués dans la bataille. Le successeur de l’empereur perse, Artaxerxès V, proposa la paix à Philippe, en lui reconnaissant la possession de toute l’Anatolie jusqu’au fleuve Pyrame.
            Philippe mourut en -310, considéré comme le plus grand homme d’État de l’histoire de la Grèce, un véritable fondateur d’empire qui avait eu la sagesse de ne pas aller trop loin et de digérer une conquête cohérente, plutôt que de chercher à étendre indéfiniment sa domination sur des nations hétérogènes. Son fils Philippe III était épileptique, mais il fut efficacement secondé par Cratère, Perdiccas et Héphestion. À sa mort, Philippe III laissait une fille qui épousa Néoptolème II, le fils d’Alexandre le Molosse et de Cléopâtre. Ainsi l’Épire fut-elle rattachée à l’empire macédonien. Le meilleur général de Néoptolème II, Pyrrhos, débarqua en Italie à l’appel de Tarente en -281, à la tête d’une très forte armée. Il vainquit les Romains à la bataille d’Héraclée, aidé par la forte impression que firent ses éléphants. La victoire fut tellement écrasante que l’expression « victoire à la Pyrrhos » devint proverbiale pour désigner une victoire remportée quasiment sans pertes. Mi par diplomatie mi par conquête, Pyrrhos obtint peu à peu le ralliement à l’empire de toutes les cités de Grande Grèce, jusqu’à Cumes. Il épousa Lanassa, la fille d’Agathocle de Syracuse, ville dont il fit sa capitale. Entre -261 et -250, il s’employa à chasser complètement les Carthaginois de la Sicile. On lui prêtait le dessein de faire sécession et de se proclamer roi des Deux-Siciles. C’est pourquoi le jeune fils de Néoptolème II, le nouveau roi Alexandre III, le fit assassiner en -248.
           Premier souverain vraiment panhellénique, Alexandre III régnait sur un empire allant de Sélinonte à Tarse. En -236, il transféra sa capitale à Byzance (qu’il rebaptisa Alexandrie), afin de mieux conquérir la vallée du bas Danube. Toutefois Athènes en était l’incontestable capitale culturelle, point de convergence de tout ce que l’empire comptait de penseurs et d’artistes. Elle connut un nouvel âge d’or, encore plus remarquable que l’époque de Périclès. Pendant les siècles qui suivirent, l’empire gréco-macédonien et l’empire perse alternèrent des périodes de paix et des périodes de guerre. La Syrie et l’Arménie, les deux zones tampons, en étaient l’enjeu principal, passant de la domination de l’un à celle de l’autre. Mais malgré quelques raids prometteurs de part et d’autre, jamais les Macédoniens ne purent sérieusement menacer Babylone, ni les Perses sérieusement menacer Byzance.
           À l’ouest la situation fut moins stable. Pour compenser la perte de la Sicile, les Carthaginois conquirent la péninsule ibérique, grâce au général Hamilcar Barca et son gendre Hasdrubal. Cependant les Arvernes avaient réussi à fédérer la majeure partie des peuples celtes. Hannibal, fils d’Hamilcar, tenta d’envahir la Gaule. Il remporta une brillante victoire à Poitiers, mais elle fut sans lendemain et il ne put assiéger Gergovie. Il n’avait réussi qu’à susciter un fort sentiment d’unité nationale chez les Gaulois, et à leur enseigner malgré lui les techniques militaires puniques et grecques. Le roi Brennos II parvint à créer un véritable empire gaulois en réunissant la Gaule cisalpine à la Gaule transalpine, dont la capitale fut établie au confluent de la Saône et du Rhône, Lyon. Son fils Brennos III, à partir de la sous-capitale Milan, descendit à la conquête de l’Italie. Les légions romaines subirent une défaite décisive au lac Trasimène en -202 et Rome dut accepter une paix humiliante. La guerre reprit un demi-siècle plus tard et ne fut qu’un long siège de la ville aux sept collines. Malgré la défense habile et courageuse du consul Scipion Émilien, Rome fut prise, pillée et rasée par Brennos IV. Elle aurait totalement disparu de l’Histoire si les Gaulois, plus tard, n’avaient pas édifié une colonie sur ses ruines. Vers -50, le nouveau souverain gaulois, Vercingétorix, franchit le Rhin à la conquête de la Germanie. Il vainquit le roi Arioviste à la bataille de Teutobourg : l’empire gaulois s’étendait maintenant jusqu’à l’Oder. À peu près à la même époque, l’empereur gréco-macédonien, Mithridate, remontait le Danube, écrasait en passant de nombreuses tribus celtes et germaniques, et annexait à l’empire une immense zone : après avoir songé à attaquer les Gaulois en dévalant vers la Cisalpine, il préféra poursuivre vers le nord jusqu’à la Baltique. Les Scythes vinrent lui faire soumission, et ce fut le début d’une lente hellénisation de toute l’Europe de l’est jusqu’à l’Oural.
            L’empire carthaginois, quant à lui, s’était scindé en deux, la métropole n’ayant pu empêcher les Barcides de faire sécession. Mais ce royaume punico-hispanique périclita. En 33, un jeune aventurier gréco-corse nommé Napoléonos, né près d’Aléria et passé au service de l’empire gaulois, le conquit au terme d’une campagne constellée de brillantes victoires. Inspiré par l’exemple d’Agathocle, il passa en Numidie et profita de la décadence de Carthage pour annexer l’Afrique du nord. Cependant, autant l’Hispanie s’intégra parfaitement à l’empire gaulois, dont elle adopta rapidement la langue et les mœurs, autant l’Afrique resta une colonie semi-autonome, dont la subordination à la métropole fut assez lâche, et suivant les époques, plus souvent théorique que réelle. Enhardi par ses succès, Napoléonos conçut l’idée d’une expédition insensée en Égypte, qu’il savait faiblement défendue par les Perses. Malgré une belle victoire au pied des pyramides, sa domination en Égypte ne dura pas longtemps. Sa flotte fut détruite, il dut faire retraite à travers le désert. Son armée fondit sous le soleil et il n’en restait presque rien quand il put enfin regagner Carthage, dont les dirigeants le déportèrent en exil sur l’île d’Elbe, où il finit ses jours (non sans y écrire un livre, le Mémorial d’Elbe, qui fut considéré par maintes générations comme un véritable manuel de politique et de morale.)
        Cependant l’empire gaulois était en proie à des querelles intestines permanentes. L’aristocratie arverne, abusant de ses privilèges, était très discréditée. En 389, le roi Brennos XVI, faible et indécis, dut renoncer à une partie de ses pouvoirs, après que la prison-forteresse de la Croix-rousse eut été prise et détruite par des masses populaires excitées par des factieux. L’empire glissait dans la guerre civile, certains anciens peuples gaulois revendiquaient de n’être plus liés à l’autorité centrale que par un simple foedus leur laissant une grande autonomie. Les Éduens représentaient la force montante. Ils avaient déjà absorbé les Séquanes et les Lingons ; par un habile système d’alliances et de mariages, les dirigeants éduens, qui avaient transféré leur capitale de Bibracte à Dijon, avaient fait entrer toute la Belgique dans leur clientèle : Nerviens, Trévires et Éburons n’étaient plus que des composantes d’une vaste province quasi indépendante. Le satrape éduen, Sacrovir, surnommé le Téméraire, fit la guerre aux Leuques et les vainquit près de Nancy, ce qui lui permit de constituer un bloc unitaire allant de Mâcon à Amsterdam, qui devait même ensuite englober la Provence, avec Arles comme sous-capitale. Sacrovir II le Bon prit le titre de duc (dux) et s’allia avec le roi de Grande-Bretagne, Arthur VI, car son père avait été tué par traîtrise sur le pont de Montereau ; il imposa son autorité au petit dynaste gaulois, qui s’était réfugié à Avaricum (Bourges), gouvernant tout l’empire sous l’autorité nominale de ce dernier, obligeant un à un les chefs « féodaux » à se soumettre à sa tutelle. Son fils, Sacrovir III le Bref, mit fin à cette fiction : il s’empara d’Orléans (malgré la vaine et mystérieuse intervention d’une bergère rème à la solde des Carthaginois, une pucelle nommée Jehanne), puis fit le siège d’Avaricum. La ville prise et mise à sac, il déposa et fit tondre le dernier roi gaulois, surnommé le Fainéant (dit aussi le petit roi de Bourges), et prit la couronne royale. Mais c’est le suivant, Sacrovir IV le Grand, qui se fit couronner empereur, après avoir conquis la Grande-Bretagne. Il régnait déjà sur la Gaule, la Germanie, l’Hispanie, les deux tiers de l’Italie ; l’Afrique du nord était une colonie instable, d’où partaient parfois des raids de bandes armées, mi-envahisseurs mi-pirates. L’empereur se couvrit de gloire en anéantissant dans les Pyrénées le plus dangereux de ces raids, avec l’aide de son neveu Roland, ce qui inspira un fameux poème épique qui fut ensuite l’équivalent de L’Iliade pour les Grecs. Il appréciait ses résidences d’Aix-la-Chapelle et de Bruges, quoique la capitale officielle restât Dijon. Il traitait d’égal à égal avec l’empereur de Byzance. L’ancienne capitale Lyon gardait son prestige, comme Milan et Tarragone. Les Éduens ayant établi une filiation mythique avec un obscur petit peuple de leur possession belge, les Francs, l’usage s’était répandu d’appeler l’empire gaulois l’empire franc (mot dérivé ensuite en « français »).
          Le règne de Sacrovir IV le Grand s’accompagna d’une renaissance des arts et lettres : la langue et la littérature françaises rayonnèrent dans toute l’Europe de l’ouest, d’Édimbourg à Rome, de Lisbonne à Hambourg. L’éclat de l’empire français devint d’autant plus vif que l’empire gréco-macédonien ne put éviter la partition. La Sicile et l’Italie du sud s’étaient séparées en premier pour former le royaume de Syracuse, ou des Deux-Siciles. Les vastes territoires du nord avaient ensuite cessé de reconnaître l’autorité de Byzance pour former un empire slave dont le siège central était à Moscou. Enfin c’était la péninsule hellénique, fière de sa primauté historique, qui s’était regroupée autour d’Athènes. Byzance ne gouvernait plus que l’Anatolie.
           Mais le bouleversement le plus surprenant vint de l’empire perse. Une de ses petites provinces, la Judée, était très fortement iranisée. Le zoroastrisme s’y était implanté dès le retour des élites religieuses et sociales qui avaient été déportées à Babylone et libérées par Cyrus, transformant le culte local, encore hénothéiste, pour former une religion originale, à la fois nationaliste et universelle, strictement monothéiste. Vers l’an 30, apparut un prophète appelé Yéchoua, qui se présentait comme le messie annoncé par les prophètes d’Israël, c’est-à-dire comme le nouveau Zarathoustra. Il prêchait l’imminence de la fin du monde et le jugement dernier. On l’appela « Chrislam », ce qui veut dire messie en avestique. Sa doctrine, très radicale, était un étrange mélange de charité et de violence. Il disait : « Je ne suis pas venu sur terre pour apporter la paix mais le glaive, on aura pour ennemis les gens de sa famille » ; « Le Royaume des cieux souffre violence » ; « Le Seigneur vomit les tièdes » ; « Je suis avec vous : affermissez ceux qui croient. Je vais jeter l’effroi dans les cœurs des mécréants. Frappez donc sur les cous, frappez-les sur les doigts ! Ces infidèles ont désobéi à Ahura-Yahvé et son prophète. Et quiconque désobéit à Ahura-Yahvé et son prophète est puni, car Ahura-Yahvé est terrible en châtiment ». Mais il disait aussi : « Aime ton prochain plus que toi-même » ; « Il n’y a plus ni Juif ni Perse, ni homme si femme, ni maître ni esclave » ; « Si vous ne redevenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume » ; « Ne juge pas ton frère, prie pour lui en secret ». Le clergé de Jérusalem s’inquiéta de cette doctrine subversive qui enflammait les esprits du bas peuple ; il s’empara de lui et l’envoya à Babylone, où se trouvait une importante diaspora rabbinique, qui utilisait couramment la version persane des Écritures juives. Là-bas, on le crucifia quelques jours après la nouvelle lune (ce pourquoi ses disciples adoptèrent ensuite, comme symbole, la croix surmontée d’un croissant). Un imposteur prétendit être Chrislam à Jérusalem ; quelques disciples fanatisés le reconnurent, ce qui créa le mythe de sa résurrection (selon certains historiens, il pourrait s’agir d’un Grec originaire de Tarse, un certain Paulos. La question de savoir s’il a réellement fréquenté Chrislam avant de prendre sa place est controversée. Les origines du chrislamisme forment un problème extrêmement embrouillé : tous les documents qu’on a sont tardifs et peu fiables). Le chrislamisme mit environ quatre siècles à convertir l’empire perse tout entier, juifs compris. La nouvelle religion mit en place une église très structurée, avec à sa tête un « pape » héréditaire, dans la descendance de Chrislam, établi à Babylone. Elle s’appuie sur cinq piliers : la profession de foi, la prière, l’aumône, le jeûne, le pèlerinage à Jérusalem. Les croyants sont invités à lire et si possible mémoriser un livre saint, l’Alcoran, censé avoir été intégralement dicté par Chrislam et infaillible à la virgule près (quoiqu’il ne fasse pas de doute, pour les historiens, qu’il ait été composé plus tard, par plusieurs auteurs, et ait subi plusieurs révisions successives). Le Zend-Avesta, le Talmud de Babylone, les Vies de Chrislam et les Épîtres de Jacques-Ali (le premier pape), complètent le canon sacré. En revanche, Ainsi parlait le second Zarathoustra, le texte de référence d’une branche dissidente, est considéré comme hérétique.
            À la faveur de la conquête d’une partie de l’Inde par l’empereur perse Babour, le chrislamisme se répandit largement dans la vallée de l’Indus et la haute vallée du Gange. En revanche, les missionnaires échouèrent à s’implanter dans l’aire grecque. Les philosophes, dans le sillage d’Aristote, y avaient développé une pensée rationaliste très élaborée, quasiment matérialiste, qui les rendait imperméables à l’idée d’une religion révélée et aux spéculations mystiques. Quant au peuple, il était très attaché à ses divinités poliades et à la sacralisation de la nature. Le radicalisme d’une « religion du désert » qui établissait une nette opposition entre le Créateur et la Création, celle-ci étant considérée comme mauvaise, les heurtait profondément. L’échec fut aussi complet dans l’empire franc : les croyances des masses et de l’élite y étaient à peu près les mêmes que chez les Grecs, avec la nuance d’un esprit national porté à la satire et à la dérision. Ce goût prononcé pour le sarcasme à l’égard des croyances superstitieuses s’incarnait dans les deux écrivains les plus appréciés, Alcofribas, auteur de récits à la fois fantaisistes et philosophiques, paillards et érudits, mettant en scène des géants ; et Arouet, modèle de style, pamphlétaire auteur d’une œuvre immense, dont les titres les plus fameux sont Dialogues des morts, Dialogues des dieux, Dialogues d’Évhémère, Histoire des oracles, Histoire véritable, Philosophes à vendre, Le Faux prophète, Éloge de la folie, Dictionnaire philosophique, Le Monde comme il va, La Princesse de Babylone, etc. En outre, la femme avait une place importante dans la société française, alors qu’elle était maintenue dans un état de strict asservissement ailleurs.
            En revanche, toute l’Afrique du nord se convertit assez rapidement au chrislamisme, dont elle devint un des foyers principaux. L’ayatollah Augustin d’Hippone en fut même l’un des théologiens les plus autorisés. Les choses en restèrent là pendant quelques siècles, mais l’écart entre l’empire franc et l’Afrique s’accentuait. Grâce aux découvertes de ses savants, le premier connaissait un certain progrès scientifique, qui entraînait un net accroissement de la richesse, mais la société devenait aussi plus individualiste, plus libérale, plus pacifique, plus jouissive, d’où une baisse alarmante de la natalité. Un puissant mouvement de migration commença alors à apparaître dans la seconde moitié du dixième siècle : l’Afrique du nord, restée assez pauvre, voyait son surplus démographique prendre des proportions inquiétantes, le royaume des Deux-Siciles ayant cessé de lui mener une guerre permanente. Ces millions d’hommes qui ne parvenaient pas à trouver du travail ni du pain sur place se mirent à traverser la Méditerranée pour s’installer dans l’empire français. En effet, quoiqu’indépendante de fait, l’Afrique du nord était toujours restée officiellement une colonie, ce qui donnait aux Africains un droit de libre circulation dans l’empire, et de libre installation dans la métropole. Celle-ci était devenue une monarchie constitutionnelle depuis deux siècles. Le vieil empereur Diviciac VIII régnait toujours à Dijon, incarnation vivante des traditions et de la sagesse des Anciens ; mais le gouvernement parlementaire, qui était installé à Bruxelles, se montrait surtout soucieux de garantir les droits individuels. Il déployait donc beaucoup d’énergie à accueillir les immigrés africains, malgré les frictions que celà entraînait avec les nationaux, et à leur permettre le libre exercice de la religion chrislamiste. Il ne voyait que la tolérance qui leur était due, sans tenir compte de ce que les monothéismes sont foncièrement intolérants et que celui-ci, par son prosélytisme acharné, ne visait à rien de moins qu’à convertir toute la société. À vrai dire, les conversions étaient rares, et c’est essentiellement par la démographie que les chrislamistes devenaient un parti de plus en plus imposant. Le peuple se rendait bien compte qu’un processus de substitution de nation était à l’œuvre, de telle sorte qu’en quelques générations, une population étrangère deviendrait majoritaire et ferait la loi. Mais on n’osait pas braver l’opinion officielle, si bien que chacun préférait détourner les yeux et se préoccuper seulement de sa petite vie personnelle. Les élites de l’empire niaient cette perspective, s’obstinant à prôner la libre coexistence des communautés. Ayant érigé l’antiracisme en une sorte de doctrine d’État, elles n’avaient de cesse que de faire la leçon au peuple, en l’exhortant à accepter les concessions nécessaires pour « vivre ensemble » avec les nouveaux arrivants. Beaucoup ont cru qu’elles agissaient par complot délibéré, soit que nombre d’entre elles fussent déjà secrètement acquises au chrislamisme, soit qu’elles travaillassent à plonger lucidement l’empire dans la guerre civile permanente, dont elles escomptaient tirer beaucoup de profit et l’affermissement définitif de leur pouvoir, – mais celà n’a jamais pu être prouvé. Il est plus simple de considérer qu’elles étaient sincèrement aveugles et, par l’effet du conformisme qui les maintenait dans l’adhésion à la pensée dominante, toutes réellement convaincues que le chrislamisme était une religion pacifique et estimable, et le remplacement de population un phénomène à la fois illusoire et positif.
            Cependant Diviciac VIII mourut. Son petit-fils Dumnorix III lui succéda. C’était un jeune homme ardent, idéaliste mais entreprenant. Il avait étudié à fond l’histoire, et n’acceptait pas de voir les idées nouvelles subvertir l’ordre ancien. Il connaissait par cœur des penseurs autrefois importants mais aujourdhui passés de mode, comme Maurros et Evolus, et il relisait chaque jour une page du Mémorial d’Elbe, où il puisait des leçons de courage et de lucidité. Le chrislamisme lui paraissait une peste absolue, par laquelle l’empire perse était en train de conquérir secrètement les empires français et grecs. Il regrettait amèrement que Philippe II de Macédoine n’eût pas écouté son fils Alexandre : ah, si celui-ci avait pu, comme il en avait la volonté et les capacités, conquérir tout l’empire perse, les choses seraient maintenant bien différentes ! L’Orient aurait été tout entier hellénisé, et jamais une religion sémitique universaliste ne se fût répandue ! Il se distraya à rédiger une curieuse fiction uchronique, amère et pessimiste, pour se purger de ses angoisses : l’ancienne Rome, cette cité anéantie par Pyrrhos puis par les Brennos, y avait conquis tout le bassin méditerranéen. Ce cadre unifié servait de lit à l’installation d’une religion sémitique universaliste qui ressemblait fortement au chrislamisme. Un jeune empereur, qu’il avait appelé Julien, essayait en vain de restaurer l’ordre ancien et de ranimer la foi des anciens dieux. Mais il se heurtait à l’indifférence des Grecs et des Romains, et mourait dans une guerre contre l’empire perse. Dumnorix III voulait obvier à l’échec de ce personnage sorti de son imagination. Il considéra que tout n’était pas encore perdu. Aucune instance supranationale ne contraignait l’empire à se soumettre à une autre loi que la sienne, aucun esprit de repentance n’y diminuait le patriotisme. Les masses paysannes restaient saines, pieuses, attachées à leurs traditions ; elles sacralisaient moins la vie des individus humains, surtout quand ils se comportaient en nuiseurs, que l’ordre du monde. Elles n’étaient pas encore gagnées à cette mentalité universaliste, répandue par le chrislamisme qui, faisant de chaque homme l’enfant bien-aimé du Dieu unique et son image vivante, lui attribue des droits imprescriptibles : chacun gardait un sens aigu de ses devoirs, chacun acceptait son sort, même quand il lui paraissait injuste, et ne revendiquait pas qu’on renversât le legs des ancêtres et les principes naturels pour lui permettre d’exercer sa liberté. Les classes bourgeoises, qui avaient le privilège d’élire leurs délégués au Parlement, considéraient avant tout leur intérêt. Il devait être possible de les persuader qu’elles avaient beaucoup plus à perdre qu’à gagner dans l’invasion chrislamiste (même si, en vérité, la plupart d’entre elles sauraient trouver le moyen de s’adapter à la société nouvelle, comme toujours). L’institution impériale gardait beaucoup de partisans, qui ne supportaient pas la démagogie et l’incompétence inhérentes au régime parlementaire. Dumnorix III savait qu’il serait largement soutenu s’il se ressaisissait de la plénitude du pouvoir.
        Aussi, profitant du mécontentement général que suscitait le gouvernement de Bruxelles, organisa-t-il un coup d’État le 2 décembre 1051. Le Parlement était renversé, et remplacé par un Sénat consultatif, recruté sur le mérite et non par l’élection. L’empereur remit à l’honneur la vieille religion païenne fondée sur le culte des ancêtres et de la nature. Il proclama l’interdiction et la proscription du chrislamisme, détruisit ses églises, ridiculisa ses pratiques. Beaucoup de ses adeptes en appelèrent aux Perses. C’était un acte de haute trahison caractérisé : il était désormais manifeste, aux yeux de tous, que les chrislamistes étaient objectivement les agents d’une puissance étrangère. Dumnorix décréta que les immigrés africains arrivés depuis un siècle avaient deux mois pour quitter l’empire, après quoi ils seraient mis à mort. Les trois quarts partirent d’eux-mêmes pour échapper à la persécution. Le quart restant fut éliminé sans faiblesse, en même temps que tous ceux qui, dans le gouvernement précédent, avaient favorisé leur venue et leur installation. Cette purge massive suscita peu de mécontentement : même si l’économie en souffrirait pendant un certain temps, les Français étaient heureux de se sentir à nouveau maîtres chez eux, sans être en permanence obligés de s’accommoder à ceux qui importaient des mœurs et des idées répugnantes.
         Mais Dumnorix avait conscience de n’avoir coupé que l’une des têtes de l’hydre, toujours prête à ressusciter. Il s’entretint avec les quatre souverains grecs pour leur proposer une vaste offensive combinée, dans le but d’extirper définitivement les racines de cette peste. À Syracuse, le roi Denys XII fut le plus facilement convaincu : affamé de gloire, il rêvait de marcher sur les traces de son ancêtre Agathocle et de Napoléonos, en conquérant l’Afrique du nord. L’empereur de Byzance, Héraclius, était moins belliqueux. Mais celà faisait plus de treize siècles que l’empire perse constituait une menace permanente. Presque tous ses prédécesseurs avaient caressé le rêve d’en finir avec lui ; plusieurs avaient essayé de le faire, peu avaient paru proches d’y parvenir. Une coalition de toutes les puissances occidentales était une occasion inespérée de réaliser enfin ce rêve millénaire. Héraclius pouvait en outre compter sur un général d’une valeur exceptionnelle, un transfuge perse nommé Mustapha Kemal, qui avait à la fois une rancœur inextinguible contre le pays dont il avait été chassé, et une aversion décidée à l’encontre du chrislamisme, en quoi il voyait « la théologie absurde de bédouins immoraux, un cadavre putréfié qui empoisonne la vie des peuples ». À Moscou, le tsar Vladimir sortait difficilement l’empire slave d’une période de trouble et d’abaissement : pendant près d’un siècle, une secte platonicienne y avait instauré une république égalitaire, dont les lois agraires avaient ruiné des provinces entières. Il pensa que rien plus qu’une croisade ne serait à même de fouetter les énergies et de ressouder les peuples de l’empire. Enfin, la petite confédération hellénique était neutre depuis quelques siècles, entièrement dévolue à la pensée, aux arts et à la finance. Elle n’avait qu’une armée strictement défensive. Mais le stratège Périclès XXI se fit fort de persuader les banquiers helléniques de financer la guerre.
         Denys XII attaqua le premier. En 1066, il débarqua massivement en Tunisie et entreprit de ravager méthodiquement le pays, tandis que Dumnorix III menait des débarquements de diversion au Maroc et en Algérie, pour éparpiller les forces ennemies. Les armées de Denys se comportèrent avec une férocité inouïe, passant au fil de l’épée des villes entières, à côté desquelles s’érigeaient des pyramides de crânes humains. Denys y gagna le surnom de « Tamerlan », ce qui signifie le sanguinaire en punique. Par solidarité religieuse, l’empereur perse, Chosroès II, mobilisa une vaste armée pour se porter au secours de l’Afrique. C’est à ce moment qu’Héraclius et Vladimir, qui avaient très soigneusement préparé leur offensive, envahirent le premier la Syrie, le second l’Iraq en franchissant le Caucase. Les Perses étaient complètement désorganisés, et commirent l’erreur fatale de diviser leur armée en deux, au lieu d’affronter successivement les Anatoliens et les Slaves. Ils subirent deux défaites fatales, au Yarmouk en Syrie contre les premiers, et à Cadésie (al-Qadisiyya) en Iraq contre les seconds. Leurs forces étaient totalement détruites. Le tsar Vladimir se distingua particulièrement dans cette guerre, et fut surnommé « Poutine » par ses troupes, ce qui signifie le victorieux en slavon ; Héraclius fut surnommé par les siennes « Bacharelassad », ce qui signifie le libérateur en syriaque (quant au général Mustapha Kemal, qui mit le siège de Jérusalem, la détruisit de fond en comble et en massacra tous les habitants, il se rebaptisa « Titus », nom qui n’a jamais été vraiment éclairci). Tous deux furent considérés comme un Antéchrist bicéphale par les indigènes. Car l’objectif d’Héraclius et de Vladimir n’était pas seulement la conquête de l’empire perse, c’était aussi l’anéantissement du chrislamisme. C’est pourquoi ils s’appliquèrent à saccager tous les lieux saints de cette religion, afin de « démoraliser le fanatisme ». Babylone, l’autre ville sainte, subit le même sort que Jérusalem. Toutes les églises furent systématiquement rasées, leur sol considéré comme maudit et, pour inspirer de l’horreur aux générations à venir, on y éleva des serpents venimeux. Le clergé fut entièrement exterminé ; le pape, après avoir été traîné de ville en ville dans une cage en fer, fut crucifié la tête en bas. Les philosophes grecs et les satiristes français répandirent dans tout le territoire perse des libelles expliquant que les dogmes du chrislamisme étaient incompatibles avec la raison, que les écrits de ses théologiens n’étaient qu’un ramassis de sottises, et surtout que toutes ses prophéties sur la fin du monde avaient été démenties par les faits. Les mots de « Messie », « Rédempteur » et « Saint » étaient désormais employés comme des injures, et pour désigner les criminels. Comme on ne détruit bien que ce qu’on remplace, on s’employa à combler les besoins spirituels des populations par d’anciennes croyances : on restaura le culte de Baal et de Moloch en Afrique et en Phénicie, celui d’Amon-Râ, d’Osiris, d’Isis et d’Horus en Égypte, celui de la Grande déesse en Syrie, celui de Mardouc, d’Anou, d’Enki et d’Ichtar en Mésopotamie, celui de Mitra et Varuna en Perse, etc. Ceux qui n’abjuraient pas le chrislamisme étaient traités comme des citoyens de second ordre, appelés « dhimmis », et leurs impôts étaient triplés, ce qui eut un effet merveilleusement persuasif.
           Héraclius conquit le Proche-Orient jusqu’à l’Euphrate, l’Égypte et la Cyrénaïque. Il savait que l’hellénisation de cette zone serait très lente et qu’il y aurait encore bien des conflits. En Égypte, il fonda une cité portuaire, à l’ouest du delta du Nil, qu’il baptisa Philippie, en souvenir de Philippe II de Macédoine. Elle devint vite renommée par son phare et sa bibliothèque. Vladimir conquit l’Iran et la vallée de l’Indus, où le chrislamisme était déjà à l’état résiduel, l’hindouisme ayant lentement recouvert les zones perdues, comme il l’avait fait autrefois avec le bouddhisme. L’empire gréco-slave, qu’on appelait maintenant « russe », était devenu gigantesque, s’étendant de la Norvège à l’Oural, de la mer Blanche à l’océan Indien. On pouvait croire qu’il aspirait à l’empire universel. Mais c’était un colosse aux pieds d’argile : très hétérogène, il était miné par des ferments de division. Un siècle et demi plus tard, l’émergence des Mongols lui porta des coups très durs et le brisa en plusieurs morceaux : il se contracta autour du duché de Moscovie et devint une puissance secondaire pour plusieurs siècles. La Lituanie, la Pologne, la Bohême et la Hongrie prirent leur indépendance, constituant des états-tampons qui assuraient la sécurité de l’empire franc. L’Iran avait commencé à se relever autour de ses vieilles cités de Persépolis et Suse ; et Ctésiphon, sur le Tigre, la métropole qui avait remplacé Babylone, commençait à devenir une ville d’importance mondiale. Mais le khan Houlagou mit à sac ces trois villes en 1258. Cette fois, leur ruine fut définitive. Le Moyen-Orient s’endormit pendant des siècles, et la population y devint tellement abrutie qu’on peine à croire que ces pays avaient été pendant trois millénaires un des deux ou trois plus rayonnants foyers de la civilisation. On sait que l’empire mongol ne dura guère. L’Asie centrale retomba elle aussi dans l’insignifiance.
             Dumnorix III s’était éteint en 1099. Il avait laissé la majeure partie de l’Afrique au royaume de Syracuse. À dessein : il pressentait que ces pays, même purgés de la peste chrislamiste, causeraient beaucoup de soucis à celui qui tenterait de les coloniser, sans rien lui apporter en échange. Il n’avait gardé que le Maroc, mais dans un but spécial : pour en faire non pas une colonie, mais une sorte de vaste camp d’entraînement militaire, où forger, contre les indigènes, une aristocratie guerrière à chaque génération. Il écrivit ses mémoires, en adoptant le pseudonyme littéraire d’Hadrien. Dans son palais impérial de Dijon, il aimait à monter au sommet de la tour construite par Sacrovir II le Bon, et contemplait la capitale en méditant sur les destinées des peuples et le génie de l’Occident. L’idéal était de vivre dans une insécurité permanente, pour éviter de s’avachir dans la satisfaction, mais comment faire en sorte de maintenir un péril à la fois suffisamment menaçant pour être pris au sérieux, et suffisamment limité pour ne pas risquer de tout emporter ? Il enviait la Chine et l’Inde, qu’il voyait comme deux empires immobiles, cadenassés et donc protégés l’un par la « bureaucratie céleste » de ses mandarins, l’autre par son système de castes. Par contraste, l’Europe lui paraissait plus confuse, plus imprévisible, plus fragile, toujours à la merci de l’invention d’une nouvelle théorie ou d’une nouvelle technique qui bouleverseraient les mentalités ou le mode de vie. Un jour, un ingénieur venu de Grande-Bretagne était venu lui montrer une nouvelle machine qui convertissait la chaleur produite par la vapeur d’eau en énergie mécanique : un tel « moteur » était capable de démultiplier immensément la productivité de l’artisanat et la rapidité des transports, ce qui ouvrait des perspectives illimitées. Dumnorix s’était assuré que la machine existait en un seul exemplaire, que l’inventeur n’en avait confié le secret à personne. Puis il avait décapité celui-ci, détruit sa machine, et, dans son testament, prescrit à ses successeurs d’agir de même. Mais qui pouvait promettre qu’un autre inventeur ne redécouvrirait pas dans son coin le principe de cette machine à vapeur, et ne la répandrait pas sans que l’État puisse l’en empêcher, ce qui ferait basculer le monde dans la spirale infernale de la production industrielle ? Tous les sages, depuis toujours, ont expliqué que l’abondance de biens est nuisible et qu’il n’y a de bonheur que dans la frugalité. C’est pourquoi Dumnorix, tout au long de son règne, avait enrayé la tendance précédente au progrès et à l’enrichissement : il avait obstinément bridé le commerce et le développement urbain, de façon à maintenir ses peuples juste au-dessus du seuil de pauvreté. Mais il ne se faisait pas d’illusion sur les hommes, et savait que ceux-ci, s’ils découvraient une source de richesses ou un moyen d’améliorer leur confort, feraient fi de toute considération philosophique pour se jeter dessus. À terme, Athènes survit toujours à Sparte, même si c’est à l’état de vassale. L’institution de l’esclavage était un très sûr garant de la permanence des choses : en fournissant une main-d’œuvre inépuisable, il décourageait les agriculteurs et les artisans de chercher des techniques plus efficaces pour améliorer leur productivité. Mais celà suffirait-il ? Qui sait si un jour, la découverte de quelque nouvelle terre au-delà des mers ne mettrait pas le vieux monde c’en-dessus-dessous ? Ou qui sait si de ce vieux monde lui-même ne surgirait pas une nouvelle peste ? Dumnorix était fier d’avoir débarrassé l’Occident et l’Orient du chrislamisme. Celui-ci avait répandu au moins trois idées folles, hautement destructrices : l’idée d’un sens de l’Histoire, avec ce messie qui vient apporter une parole révélée et cette apocalypse qui tirera le rideau, – alors que l’Histoire est un chaos absurde, ou peut-être un éternel recommencement de cycles infinis ; l’idée de désacralisation du monde, dont il s’agit de se rendre maître et possesseur pour l’exploiter, – alors que l’homme, animal parmi les animaux, doit au contraire chercher à s’harmoniser avec l’ordre naturel ; l’idée de sacralisation de l’individu, qui mine les fondements de l’esclavage en accordant des droits à chacun, et justifie la quête d’un bonheur solitaire sans voire contre la collectivité, – alors que l’homme, animal social, doit toujours se soumettre l’intérêt du groupe. Grâce aux dieux, ces idées insensées et funestes avaient disparu. Mais jusqu’à quand ? Ne restaient-elles pas tapies au fond des bibliothèques, dispersées dans quelques manuscrits, prêtes à jaillir à la face de quelque esprit curieux et instable, qui s’en toquerait et incendierait à nouveau le monde avec ? Toute la politique de Dumnorix était fondée sur l’idée de conservation et de recommencement : toutes les vies se ressemblent dans leur essence, toutes les générations doivent refaire la même œuvre, toutes les nations doivent persévérer dans leur identité en se transmettant les mêmes traditions. Aussi détestait-il le chrislamisme, religion de la rupture, niant l’éternel retour. Mais l’éternel retour n’impliquait-il pas que revienne immanquablement cette idéologie de la rupture ? Et qui sait si, lors de sa prochaine apparition, elle ne parviendrait pas à casser la course cyclique de l’univers ? Est-il vraiment certain que toute révolution nous ramène au point de départ ? N’y a-t-il pas dans l’Histoire des bascules irréversibles ? Se trouverait-il toujours un Dumnorix pour empêcher le gouvernement de Bruxelles de favoriser le grand remplacement de l’Europe païenne par l’Afrique chrislamiste ?