27.10.2012
ANELKA OU L’ARROGANCE DE L’INCULTURE
Ce qu’il y a de réjouissant avec Nicolas Anelka, c’est qu’il ne pratique pas la langue de bois. Il est « nature », il dit ce qu’il pense. Et le confirme dans une interviou au Parisien Magazine qui vient de paraître, dont on trouvera des extraits dans des articles du Point et du Figaro.
Quand il jugeait que son entraîneur était nul et menait l’équipe au désastre (en l’occurrence Raymond Domenech), il lui a balancé : « Va te faire enculer, sale fils de pute ! », ou quelque chose d’approchant.
Il estime maintenant que son salaire chinois de 230 000 € par semaine (douze millions d’euros par an, presque huitante millions de francs) est amplement mérité et ne se gêne pas pour le dire : « Je transpire depuis longtemps pour gagner cet argent. Occupe-toi de ton salaire, je m'occupe du mien. Ceux qui sont choqués par ce que je touche ne connaissent rien au business du football. D'ailleurs, mon palmarès est là pour leur rafraichir la mémoire. » (Un palmarès pourtant bien modeste, pour un joueur dont il est permis de penser qu’il est passé à côté de son destin. Ses échecs au PSG, au Real Madrid, en équipe de France sont flagrants. Il n’aura vraiment convaincu qu’à Chelsea, sur le tard).
Il a des opinions sur l’économie, attention, il condamne fermement et doctement la tranche d’imposition à 75% : « C'est triste pour ceux qui évoluent en Ligue 1. Ils vont être pénalisés et devoir payer d'avantage d'impôts alors que, dans leur domaine, ils sont les meilleurs. De quoi en inciter plus d'un à quitter le championnat de France ! Ceux qui prennent de telles décisions sont les mêmes qui ont plongé le pays dans la crise. Pas étonnant que le foot se mondialise. » Ah bon, c’est François Hollande et Pierre Moscovici qui gouvernent depuis dix ans ? Première nouvelle !
Il considère que sa foi est capitale : « Je suis sûr de ma religion (converti à l'Islam à 16 ans) et de mes croyances. Ma religion me tire vers le haut. Voilà pourquoi après 18 ans de professionnalisme je suis toujours là. » Et quand il marque un but, c’est Mahomet qui dirige le ballon ? Au fait, il faudra demander à Paolo Maldini et Ryan Giggs si la foi chrétienne a eu le même rôle pour eux, car leur longévité est encore nettement supérieure à la sienne.
Mais le plus intéressant, c’est quand Anelka se met à parler de culture : « Les Français estiment que lire des kilomètres de bouquins leur confère une culture générale synonyme d'intelligence. Mais dès qu'ils franchissent la Manche, ils n'arrivent pas à aligner trois mots d'anglais ! Moi je parle le français, l'anglais, l'espagnol et j'attaque le chinois. Je suis capable de me faire comprendre partout dans le monde. » Rarement le mot de Rivarol n’aura été aussi bien appliqué : « Vous parlez quatre langues ? Bravo, Monsieur, vous avez quatre mots pour une idée ! »
Le plus beau est encore à venir : « Les Fourberies de Scapin, le théorème de Pythagore ou Cinquante nuances de Grey, ça ne me sert à rien dans ma vie ». Donc, pour Anelka, la culture littéraire, les bouquins, c’est une farce certes vénérable mais tout de même bien populaire (Boileau : « Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe / Je ne reconnais pas l’auteur du Misanthrope »), et le dernier petit-pain à la mode, une niaiseuse romance à demi-épicée pour les Bovary sur le retour qui osent enfin s’avouer qu’elles aiment le sexe. On imagine ce que représentent pour lui Chateaubriand, Nabokov ou Platon !
Encore un mot à propos de culture : « J'ai reçu des offres de l'Italie, de l'Angleterre, du Brésil, de pays du Golfe et de la Chine que j'ai choisie parce que j'ai toujours voulu découvrir ce continent et cette mentalité. Je suis passionné de cette culture. Et comme je suis fan des films de kung-fu, de Jackie Chan, de Jet Li, de Bruce Li… c'était pour moi une décision logique ainsi qu'un choix financier. » Donc, pour Anelka, la culture chinoise, c’est le kung-fu, c’est Bruce Li et Jackie Chan… On se demande si l’existence du taoïsme, de la Cité interdite, de l’opéra de Pékin, des porcelaines Ming ou du Rêve dans le pavillon rouge est parvenue jusqu’à lui. Au passage, il faudra lui apprendre que Bruce Li, né à Saint-François-du-Pacifique et enterré à Seattle où il a fait ses études, est autant américain que chinois. Mais peut-être est-ce là une prise de position politique masquée : un immigré appartiendrait plus à son pays d’origine qu’à son pays d’adoption. Prenons-en bonne note. Voilà qui pourrait expliquer que M. Anelka, né de parents martiniquais, converti à l’islam et mercenaire cosmopolite, nous paraisse si peu français.
Anelka est un personnage insignifiant, qui n’aura pas du tout marqué l’histoire de son sport, mais sa franchise crue, révélant ce que doivent à peu près penser tous les sportifs professionnels, nous éclaire sur un aspect suicidaire de notre époque : avec une insouciance insensée, nous avons laissé des êtres incultes, vulgaires, goujats, cupides, superficiels, infantiles, devenir des idoles et des modèles pour les enfants et les adolescents. Comment peut-on s’étonner que la jeunesse occidentale soit en voie de racaillisation et d’abrutissement accélérée, dès lors qu’on lui donne à admirer des racailles et des abrutis ? Comment voudrait-on que les professeurs du secondaire puissent persuader leurs élèves de l’immense profit personnel qu’il y a à tirer de la lecture des grands classiques ou même des romans contemporains, quand une vedette qui empoche 18 millions d’euros par an peut déclarer effrontément que les bouquins sont inutiles et qu’elle n’en a rien à foutre de la culture classique ? Le problème n’est pas tant que ce genre d’amuseur de cirque puisse penser cela : le problème, c’est qu’on lui tende un micro pour le déclarer. Le problème, c’est qu’on érige le sport professionnel en modèle de vie, c’est qu’on encourage les jeunes à afficher les images de ces crétins sur les murs de leur chambre. Quel monde vous attendez-vous à avoir demain, quand arrivera aux commandes une jeunesse qui est formée aujourd’hui par les Franck Ribéry et les Justin Bieber ?
Remarque annexe : importance affichée de la foi, arrogance de parvenu, mépris proclamé pour la culture classique, goût revendiqué pour l’argent, vulgarité permanente, rapports conflictuels et agressifs avec ceux qui l’entourent : il y a de fortes analogies entre Anelka et Sarkozy, ne trouvez-vous pas ? À pays de racailles, président racaille.
18:57 Écrit par Le déclinologue dans Documents, Enseignement, Immigration, Littérature et arts, Mœurs, Sport et société, Tableau d'infamie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nicolas anelka, raymond domenech, racaillitude, hollande, pierre moscovici, parisien magazine, molière, le point, figaro, boileau, chelsea, psg, real madrid, chine, chinois, rivarol, zidane, franck ribéry, justin bieber, bruce lee, jackie chan, argent, inculture, sarkozy, taoïsme, kung-fu, arts martiaux, football, sport professionnel, stars, martinique, islam, ryan giggs, paolo maldini, cité interdite, opéra de pékin, porcelaines ming, rêve dans le pavillon rouge, l'équipe, les fourberies de scapin, théorème de pythagore, cinquante nuances de grey, vulgarité, arrogance, chateaubriand, nabokov, platon | | | Facebook | | Imprimer | | Digg |