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25.04.2013

AFFAIRE GRÉGORY : LES CONS, ÇA CROIT N’IMPORTE QUOI ET ÇA N'EN DÉMORD PAS

            Un ami qui cherchait à se renseigner sur l’affaire Grégory me signale qu’il est tombé sur un commentaire d’une bassesse exceptionnelle. De manière générale, les contributions aux forums internet sont d’une vacuité totale : ce n’est rien qu’un immense café du commerce, sans le pittoresque que donnent de temps en temps les vapeurs d’alcol, mais avec le supplice qu’inflige une orthographe massacrée. Le concours de bêtise et d’ignorance atteint des sommets dans les forums consacrés à n’importe quel fait-divers, bien plus encore que dans ceux consacrés à la politique et la religion, où il y a souvent des esquisses de raisonnement, et une implication personnelle qui permet parfois une certaine cohérence : à propos des faits-divers, la manie de dire n'importe quoi et de prendre son intuition pour un critère de vérité se donne libre cours, si bien que chacun y va de son opinion péremptoire sur telle ou telle affaire sans rien connaître du dossier. (Les forums consacrés au sport restent cependant hors-concours, la majeure partie de ce qui s'y dit ne pouvant même pas être évalué par les connomètres les plus sophistiqués).
            La perle de « patatipatata10 » est en effet exemplaire :

« Christine Villemin a une aventure avec son beau-frère Bernard Laroche. Le petit Grégory était témoin des ébats sexuels. Il a été assassiné par une personne du couple si ce n'est les deux... Thèse défendue par beaucoup de gens de mon entourage et je n'en démords pas.  Les Villemin n'étaient pas des gens très ...fréquentables va t-on dire... »

            Il n’y a sans doute pas, dans ces quelques lignes, tout ce que l’abjection et la sottise humaines peuvent produire, mais il y a beaucoup : – une donnée de base hautement invraisemblable, voire grotesque ; – une hypothèse insensée (quelle mère a-t-elle jamais tué son enfant parce qu’il avait surpris ses ébats avec son amant… son enfant de quatre ans ??!) ; – une totale méconnaissance des circonstances (l’affaire Grégory est dabord une histoire de corbeau : or quelle est la place du corbeau dans cette thèse de l’élimination du témoin de l’adultère ? Même question pour la thèse répandue de l’accident domestique maquillé en assassinat) ; – la calomnie gratuite de gens qu’on ne connaît pas ; – le colportage de purs ragots que rien n’étaye ; – la vulnérabilité à l’effet de masse (cette personne croit que l’avis convergent de son entourage donne du poids à sa thèse) ; – et le pire : l’intensité de la conviction, poussée jusqu’à une déclaration publique d’obstination aveugle. Le « je n’en démords pas » sonne comme une façon de dire : « Quoi que vous m’objectiez, je continuerai mordicus à croire en cette thèse ».
            Il y a quelque chose de fascinant dans cette inclination de l’esprit humain à se mettre des idées absurdes en tête, des idées dépourvues de tout fondement rationnel, et à s'y arc-bouter contre vents et marées. Beaucoup seront surtout révulsés par l’indignité morale consistant à diffamer des gens qu’on ne connaît pas, donc à éprouver une certaine satisfaction personnelle à salir les autres. Pour ma part, c’est surtout la bêtise consistant à croire n’importe quoi qui me choque. Il est vrai que depuis des siècles, il y a eu plusieurs milliards d’humains qui ont cru, sans le plus petit commencement de preuve, à des idées hautement invraisemblables et parfaitement ridicules, comme si la foi pouvait constituer une preuve de quoi que ce soit : Dieu aurait contracté une « alliance » avec Abraham et ses descendants ; Dieu serait apparu à Moise sur le Sinaï et lui aurait révélé dix commandements ; Dieu se serait « incarné » en son fils Jésus ; celui-ci serait ressuscité après avoir été crucifié ; Dieu serait apparu à Mahomet et lui aurait dicté le Coran, etc. Ceux qui gobent ces sornettes ont au moins l’excuse d’être entraînés par leur culture ambiante, et d’en tirer un insigne confort psychologique. Mais quel peut bien être le profit que tire celui qui se convainc que Christine Villemin et Bernard Laroche ont tué le petit Grégory témoin de leurs ébats sexuels… et qui n’en démordra pas ??! Quelle misère personnelle peut être apaisée par une telle calembredaine ? Et quelles réflexions pertinentes peut-on développer ailleurs, quand on s'envole à un tel niveau de connerie sur un simple fait-divers ?     
          Allons plus loin : de pareils abrutis méritent-ils vraiment le droit de vote ? Le suffrage universel ne serait-il pas, comme le pensait Flaubert, la honte de l’esprit humain ?