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12.03.2016

L’ÉGLISE ET LE PARTI COMMUNISTE, CES FRÈRES JUMEAUX

            « L’affaire Barbarin » qui éclabousse l’Église de France vient rappeler que celle-ci est avant tout une institution. Le cardinal archevêque de Lyon est, sans doute, juridiquement irréprochable. Moralement, c’est une autre affaire : il aurait dû prendre plus de précautions et mettre plus vite à l’écart les prêtres de son diocèse coupables d’attouchements pédophiles. Mais ce n’est pas l’homme qui a été léger, c’est le système qui a réagi selon sa logique propre. Car l’Église est soumise aux mêmes vices que toute institution : lourdeur, inertie, esprit de corps, respect excessif de la hiérarchie et des règlements, incapacité à se remettre en question, tendance irrésistible à vouloir régler les problèmes en interne (et haut-le-corps à l’idée d’être jugée de l’extérieur), – et par-dessus tout dogmatisme aveugle. Plus une institution est ancienne, puissante et prestigieuse, plus insurmontables sont les difficultés qu’elle rencontre à se réformer. Que dire alors d’une institution qui est convaincue d’être une création divine et de réaliser les desseins de la Providence, inspirée par le Saint-Esprit ! L’Église aura-t-elle le même destin que le Parti communiste de l’Union soviétique, qui se croyait lui aussi l'agent d'une Histoire transcendante et universelle ? Tant qu’il a eu le pouvoir, il paraissait monolithique, tout-puissant, invincible. Et dès lors qu’il a commencé à se libéraliser, à admettre la contestation interne, à partager le pouvoir, il s’est vidé de sa substance et s’est écroulé en quelques années. Certes, Vatican II a déjà plus d’un demi-siècle, et l’Église est toujours debout, alors que, entre 1985 et 1991, le P.C.U.S. est tombé en six ans. Mais il n’était au pouvoir que depuis soixante-huit ans… Entre 313 et 1965, il y a eu mille-six-cents-cinquante-deux ans. L’application de la même proportion donnerait une chute étalée sur cent-quarante-cinq ans, ce qui amènerait le sabordage de l’Église vers 2110… Le parallèle mérite d’être examiné, surtout quand on prête l'oreille à certains discours.

           Il y a des gens qui vous expliquent que la religion n’a rien à voir avec les fautes ni avec les crimes des religieux ; que l’Église est sainte quand bien même tous les ecclésiastiques seraient de grands pécheurs ; que le christianisme est une religion merveilleuse et divine, même si les chrétiens commettent des atrocités ou se comportent comme tout-le-monde, avec les mêmes faiblesses et les mêmes errances que les non-chrétiens ; et qu’une petite poignée de saints suffit à sauver une masse de vicieux.
            Il y a aussi des gens qui s’esclaffent quand on essaye de dissocier l’idéal communiste de ses funestes réalisations. Ils vous expliquent que le stalinisme ou le maoïsme, loin d’être des perversions de la doctrine communiste, en sont au contraire l’accomplissement exemplaire ; que, la pratique ayant toujours mis en échec la théorie, c’est l’idéal communiste lui-même qui est foncièrement pervers, malgré sa séduction de façade ; et qu’une poignée de militants admirables ne suffit pas à rattraper une masse d’aveugles ou de persécuteurs.
            Et souvent ce sont les mêmes.
 
            Il y a des gens qui vous expliquent qu’une vérité d’État est forcément une vérité truquée ; qu’un Parti qui croit accomplir une mission messianique est incapable de se regarder avec lucidité ; qu’un système pyramidal, où le sommet peut imposer ses volontés sans jamais avoir de comptes à rendre à la base, est condamné au mieux à la sclérose ; que croire mordicus à la Vérité de son idéologie vous fait tomber dans le dogmatisme le plus obtus ; qu’il faut se méfier des prosélytes et des colonisateurs qui portent de grands principes en étendards ; que les sectes sont des machines à laver le cerveau ; qu’une institution ne parle jamais que pour faire de la propagande ; que parmi les factions qui la composent, celle qui l’emporte est la plus habile et la plus manipulatrice ; et que toute histoire officielle est une histoire mensongère, réécrivant inévitablement le passé à la plus grande gloire de ceux qui sont aux commandes.
            Il y aussi des gens qui vous expliquent que l’Église dit infailliblement la vérité ; que par ses membres soi-disant inspirés par le Saint-Esprit, elle favorise au mieux les desseins de Dieu sur l’humanité ; que la monarchie absolue papale est un système optimal ; que les missionnaires ont répandu la civilisation ; que les couvents sont des nids de bonheur et de liberté ; que la foi est une lumière qui permet de bien voir et bien juger ; que les évangiles de Jésus-Christ sont historiquement vrais puisqu’ils ont été transmis par l’Église ; que les apôtres sont crédibles puisqu’ils voulaient faire partager leurs certitudes aux autres ; que les récits les plus authentiques ont naturellement écarté les plus douteux ; que les papes et les conciles, en définissant le Canon de la Révélation et en inventant les dogmes, n’ont été que les innocents et fidèles relais de la Providence divine.
            Et souvent ce sont les mêmes.
 
Église,catholicisme,parti communiste,georges marchais,maurice thorez,waldeck rochet,maxime gremetz,communistes et chrétiens,main tendue            On dit souvent que le communisme est une religion sécularisée ; que le Manifeste de Marx est un évangile ; que le militant est une sorte d’apôtre qui, lorsqu’il est exclu de sa cellule, est acculé au même désespoir que le fidèle excommunié ; que les scissions et les dissidences s’apparentent à des schismes et des hérésies ; que les grandes purges sont un avatar de l’Inquisition ; que Staline et Mao étaient des sortes de papes cumulant pouvoir temporel et pouvoir spirituel, etc. En effet, regarder l’histoire du communisme à la lumière du catholicisme est formidablement éclairant. Mais l’inverse ne l’est pas moins. L’utopie communiste n’est qu’une eschatologie sécularisée, sans doute, mais on peut tout aussi bien dire que l’espérance chrétienne n’est qu’une utopie projetée dans le ciel. On devrait plus souvent considérer l’Église comme une variante du Parti communiste. On comprendrait beaucoup mieux son histoire, son fonctionnement, sa mentalité.

 

            (Par ailleurs, il y aurait beaucoup à dire sur les points communs entre les deux doctrines, qui enseignent toutes les deux que les derniers ici seront les premiers là-bas. Ce n’est pas un hasard si la figure de Jésus frank-paul Bowman, Le Christ des barricades,jésus,1848,socialistesa passionné un Proudhon ou un Barbusse et tant d’autres socialistes depuis Rousseau, si Jésus a été salué comme « le premier des sans-culottes », puis un modèle pour les quarante-huitards… Mais ce sera pour une autre fois. Contentons-nous aujourd’hui de relever qu’une certaine droite catholique s’abîme dans la damnation, à cause de son rapport à l’argent. En effet, il est impossible d’être un bon chrétien en travaillant dans la finance ou en possédant des richesses. C’est clair et net. Le Seigneur a été parfaitement explicite, et même péremptoire : « Vous ne pouvez servir deux maîtres, Dieu et l’argent » (Mt 6,24 // Lc 16,13). Au jeune homme riche venu lui demander comment gagner le paradis, il conseille de se débarrasser de tous ses biens au profit des pauvres, car un riche ne peut entrer dans le Royaume des cieux (Mt 19,21-24 // Mc 10,21-25 // Lc 18,22-25). Et les tout premiers chrétiens mettaient leurs biens en commun, pratiquant ce qu’il faut bien appeler le communisme primitif à l’état pur (Ac 2,44-45 et 4,34-35). Mais ensuite, comme toujours, l’esprit du monde l’a emporté, et les hommes ont préféré suivre leur goût pour le lucre et les jouissances terrestres plutôt que les enseignements du Dieu incarné, et ils ont mobilisé les ressources inépuisables de la théologie pour justifier leurs errements et continuer à rejeter l’évangile en toute bonne conscience…)