06.06.2012
LE FRONT NATIONAL RÉFUTÉ À LA MONTESQUIEU
Si j’avais à réfuter les thèses du Front National, voici ce que je dirais :
. Entre un parti qui attire l’attention sur un péril possible, et un parti qui répète qu’il n’y a rien à craindre, il est évident qu’il faut suivre le second, puisque le premier, en minant notre confiance en l’avenir, ne peut nous y faire entrer qu’à reculons (mais appliquer ce principe aux écologistes serait perdre le sens commun).
. Il n’y a pas lieu de considérer l’insécurité comme un problème notable, car celle-ci est une pure création des médias irresponsables et démagogiques. Si vous connaissez autour de vous quelques personnes qui se sont fait voler ou agresser, cela ne signifie rien, car un fait isolé n’est pas une vérité statistique. Si vous croyez en connaître beaucoup, cela prouve bien que les médias ont un effarant pouvoir de suggestion.
. Le recours à l’immigration est indispensable, car la seule solution concurrente serait de stimuler vigoureusement notre natalité. Or nous ne pouvons faire cela, puisque les nazis l’ont fait.
. Il est faux qu’il y ait de plus en plus d’étrangers en France, car la procédure de naturalisation permet d’en faire de parfaits Français grâce à une simple formalité administrative. Le nombre de non-Français en France augmente donc très faiblement. Il serait même aisé de le faire baisser, voire de le ramener à zéro.
. Le peuple français a toujours été métissé, et l’histoire montre que nos ancêtres étaient déjà d’une grande diversité ethnique, culturelle et religieuse. Aussi un « souchien » n’est-il rien d’autre qu’un immigré débarqué un peu plus tôt. Il est absurde de discriminer les étrangers, puisque les étrangers sont des Français comme les autres.
. Il y a une grande inconséquence à vouloir l’intégration d’immigrés très étrangers à notre culture et nos mœurs sans leur accorder dès l’abord la nationalité française, donc sans leur permettre de se comporter tout-de-suite comme pleinement Français en France. À ceux qui craignent qu’ils se servent de leur statut de citoyen plein et entier pour infléchir la société française dans une direction inattendue, il suffit de répondre qu’ils seraient par là bien plus fidèles que nous-mêmes au génie de la France, qui n’a cessé de se réinventer pour donner des solutions inédites aux problèmes du présent.
. Dissuader les étrangers indésirables de venir chez nous nécessiterait des mesures d’une brutalité à peine concevable pour notre civilisation si habituée à la douceur de vivre vieux et riche, – une brutalité telle qu’elle pourrait troubler notre sommeil. Combien, à choisir, serait-il moins pénible de laisser notre pays devenir lentement et insensiblement autre que lui-même ! De toute façon, qu’est-ce que la vie, sinon une métamorphose permanente ? Et qui ne préfèrerait disparaître aussitôt, plutôt que d’attenter à un Principe ?
. Prétendre qu’ouvrir toutes grandes les vannes de l’immigration aboutirait à augmenter le rejet des immigrés par la population d’accueil, c’est accorder de la validité aux sentiments xénophobes, lesquels sont intolérables en toute circonstance et ne méritent que d’être impitoyablement extirpés. D’ailleurs, ce rejet ne serait que temporaire, car il viendrait forcément un moment où les immigrés, devenus majoritaires, auraient enfin les moyens d’instaurer la société qu’ils voudraient, ce qui réduirait au silence les odieux racistes autochtones.
. Le droit du sang est injustifiable, car il suppose que la nationalité est un héritage, alors que c’est en réalité un libre choix et l’adhésion à des valeurs. Le droit du sol est préférable, car il permet aux familles immigrées de voir leurs enfants jouir de tous les avantages afférents à la nationalité du pays dans lequel ils vivent, même quand, n’étant jamais sortis de leur guéto, ils en ignorent tout.
. Toute identité est plurielle, si bien qu’un Français est forcément un peu gaulois, un peu italien, un peu juif, un peu arabe, un peu chinois, un peu sénégalais, un peu guatémaltèque. Le concept de nationalité est un archaïsme révoltant, qui ne peut engendrer que l’incompréhension, la discorde et la haine. Tous les hommes sont mes frères, et on ne choisit pas entre ses frères. Toute frontière est improtégeable matériellement autant qu’injustifiable intellectuellement, et constitue en puissance un facteur de guerre. La liberté de circulation des personnes, déjà acquise, ne saurait être que le préliminaire à une totale liberté d’installation. Comment supporter une atteinte aussi caractérisée aux Droits de l’Homme que d’empêcher quelqu’un de débarquer dans la région de son choix pour s’y implanter ? Comme si chaque arpent de la planète n’appartenait pas à toute l’humanité !
. La France doit rester une terre d’asile accueillante et généreuse, car c’est notre tradition : ce serait nous renier que de tourner le dos à cet héritage. Par contre, nous devons nous défaire d’une certaine « idéologie française » qui n’a que trop taché notre histoire de pages sombres, et nous adapter aux défis de la modernité : un monde où le nomadisme sera la norme.
. Nous avons tout intérêt à accorder le droit d’asile le plus large, car ceux qui le demandent, étant mus par un idéal de liberté et de résistance à l’oppression, ayant même déjà traduit en actes cet idéal, ont montré par là comme ils prenaient au sérieux la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, laquelle exprime l’être même de la France. En revanche, les soi-disant Français qui sont hostiles au droit d’asile, ou plus généralement qui votent FN, prouvent par là qu’ils sont réfractaires aux principes de notre nation, donc la polluent, la trahissent et la dénaturent. La possibilité de leur retirer la nationalité française mériterait d’être examinée, puisque cette nationalité, comme on sait, consiste essentiellement en l’adhésion à certaines valeurs universelles.
. Corollairement, on peut ajouter que préférer le respect des Droits de l’Homme à la survie de la France, c’est encore préférer la France, puisque celle-ci existe toute entière par, et n’existe que par, les Droits de l’Homme.
. Tout bon démocrate souhaite certes que le peuple se gouverne lui-même, mais il est évident que le consulter directement sur des enjeux majeurs comme l’immigration, la peine de mort ou la monnaie, ce serait tomber dans l’abjection du populisme. (Lequel populisme est facile à définir : c’est l’ensemble des idées qui, ayant l’assentiment du peuple, suscitent le véto des Grandes Consciences gardiennes de la pureté de nos principes démocratiques. Le statut de Grande Conscience, quant à lui, s’enrobe d’un certain mystère, qu’il serait typiquement populiste de vouloir dissiper ; il suffit que nous sachions qu’il y en a, et que nous soyons avertis régulièrement par elles de ce que nous n’avons pas le droit de penser, pour notre propre salut).
. Que le Front National n’ait jamais parlé de remettre en cause la République, qu’il se propose au contraire de la réaffermir, qu’il cherche inlassablement à jouer le jeu de ses institutions, qu’il porte haut ses couleurs et chante fort son hymne, tout cela ne fait que prouver qu’il est fondamentalement anti-républicain, car l’extrême-droite, par nature, avance masquée. (Si Hitler n’a pas caché ses idées racistes, antisémites, totalitaristes et bellicistes, c’était par une ruse diabolique, car il savait qu’on ne le croirait pas, en vertu du même principe).
. Le FN se veut « socialement de gauche », ce qui est bien la marque du populisme le plus outrancier et de la démagogie la plus éhontée. Mais il s’est longtemps dit aussi « économiquement de droite », ce qui doit nous remettre en mémoire que le parti nazi a été stipendié par le Grand Capital.
. Le FN est crypto-nazi, car nombre de ses dirigeants s’intéressent à l’histoire des Vikings, aiment la musique de Wagner ou possèdent des bergers allemands.
. Le FN est raciste et antisémite, car il y a des gens de couleur et des juifs en son sein. Or il est notoire que tout antisémite a son bon juif, et tout raciste son bon nègre.
. Le Pen croit en l’inégalité des races, en invoquant fallacieusement la supériorité des athlètes noirs dans les courses de vitesse. Or il est prouvé que non seulement toutes les races sont rigoureusement égales, mais qu’en plus les races n’existent pas, ce pourquoi il convient de rayer ce mot de la Constitution, avant de l’expulser de notre vocabulaire. De fait, il suffit de se promener dans les rues pour s’apercevoir que rien ne ressemble plus à un noir qu’un blanc, si ce n’est évidemment un jaune. On frémit en pensant que certains pays, comme les États-Unis, catégorisent officiellement leurs citoyens par ce concept ignoble. Ce sont des pays qui ignorent tout de la Démocratie, et de la Science.
. Le Pen a crevé toutes les limites de la scélératesse en étant le seul Français à faire une plaisanterie sur les camps de concentration. Pire encore, il a osé affirmer que les chambres à gaz ont été un point de détail de l’histoire de la Seconde guerre mondiale, ce qui revient à nier que les campagnes militaires de cette guerre aient été déterminées par la politique raciale des SS, et que tous les protagonistes de ce conflit se soient infiniment plus préoccupés de ce qui se passait à Auschwitz que sur les différents théâtres d’opérations. Du reste, tout examen de la réalité historique des chambres à gaz nazies est intellectuellement nul et non-avenu, puisque la Loi l’interdit. De la même façon, il est vain, stérile et aberrant de réfléchir aux justifications et au bien-fondé des idées racistes, puisque le racisme n’est pas une opinion mais un délit.
. Le Pen est un émule de Franco car, comme lui, il a été officier dans une guerre coloniale et nomme Dieu dans ses discours ; un émule de Pétain car, comme lui, il a épousé sur le tard une divorcée et été utile à la carrière de Mitterrand ; un émule de Mussolini car, comme lui, il est corpulent et a confié des responsabilités à son gendre ; un émule de Hitler car, breton, il est un para-Français comme Hitler, autrichien, était un para-Allemand, et n’a qu’un seul œil comme Hitler n’avait qu’un seul testicule.
. Si le FN disparaissait, la gauche ne pourrait plus accuser la droite de complaisance à l’égard de l’extrême-droite. Ce qui serait très inéquitable, car la droite, elle, s’est servie pendant plus de cinquante ans du péril communiste pour discréditer la gauche.
. Il n’est que justice que les habitants des pays d’Afrique viennent s’installer maintenant en France, puisque les Français sont allés s’installer chez eux à l’époque de la colonisation. Nous devrions les remercier qu’ils viennent nous rendre ce que nous leur avons prêté.
. La Gaule étant passée du paganisme au christianisme, pourquoi la France ne passerait-elle pas maintenant à l’Islam ?
. Vouloir protéger l’identité de la France est dérisoire, puisque celle-ci n’est déjà plus qu’une sous-variante de la culture américaine.
. Il est inutile de vouloir empêcher l’arrivée des Maghrébins en France, car la plaque tectonique de l’Afrique et celle de l’Europe se rapprochant de façon inéluctable, l’Hexagone sera un jour géophysiquement accolé aux pays du Maghreb.
. Il n’y a qu’une seule chose aussi répugnante que l’hostilité des Français aux enrichissantes différences que viennent leur offrir les immigrés, c’est leur comportement quand ils se rendent eux-mêmes à l’étranger : rien n’égale alors le mépris qu’ils témoignent aux coutumes locales, rien n’égale leur arrogante incapacité à se défaire de leurs sottes petites manies nationales.
(J'ai écrit ce texte en juin 2002. Dix ans plus tard, je n'ai eu que de très légères modifications à effectuer.)
05:10 Écrit par Le déclinologue dans Droidlomisme, France, Immigration, Réaction nationaliste | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : front national, montesquieu, esclavage des nègres, esprit des lois, ironie, le pen, immigration, immigrés, étrangers, droit de vote des étrangers, france, identité, francité, métissage, invasion, islam | | | Facebook | | Imprimer | | Digg |