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12.07.2019

HARO SUR RUGY : LA HAINE DES PRIVILÈGES

       Pauvre François Goullet de Rugy ! Encore une victime du racisme anti-nobiliaire !…   Rugy dîner.jpg

      Et quelle horreur que ce poujadisme mesquin qui persécute les hommes politiques dès qu’ils mangent du homard ! L’ignoble égalitarisme abhorre toute prééminence sociale, il veut tout ramener à son niveau de médiocrité. Tout-le-monde aux patates, plutôt qu’un seul avec du caviar à sa table ! La démocratie « envieuse et tyrannique » [1] refuse qu’il y ait des privilèges, parce qu’elle refuse que des hommes aient plus de valeur que d’autres. Que les élus du peuple parlent comme le peuple, vivent comme le peuple et sentent mauvais comme le peuple !… L’année dernière on reprochait au Président de donner les pleins pouvoirs à sa police personnelle, maintenant on reproche au président de l’Assemblée d’inviter ses amis à l’hôtel de Lassay ! Et puis quoi, encore ? L’année prochaine, on reprochera au Président ou au Premier ministre de nommer leurs clients à des postes-clefs, de subventionner les médias et pensionner les artistes qui leur sont favorables, de déclencher des guerres pour augmenter leur gloire ?

      Nous vivons vraiment une époque de décomposition et de renversement : les choses les plus naturelles, les plus traditionnelles, les plus communes depuis des millénaires, sont désormais rejetées par une populace ivre qui vomit sur les élites son ressentiment et sa vulgarité, qui veut tout bouleverser et tout dissoudre. Nos dirigeants ont grand tort de faire semblant d’écouter la plèbe : celle-ci, dans sa bêtise, prend cette politesse au sérieux, et elle enrage de voir qu’elle n’est pas suivie, puisque son discours ne mérite qu’un haussement d’épaules. Plus elle revendique, moins elle est écoutée, plus elle revendique d’être écoutée : cercle tragique. Ou alors, si, elle est écoutée et suivie, ses revendications sont satisfaites, et du coup elle en demande encore plus : cercle plus tragique encore ! « À la Chambre des lords, nous n’avons jamais le moindre contact avec l’opinion publique. Voilà ce qui fait de nous une assemblée civilisée », disait un personnage d’Oscar Wilde [2]. Hélas, nous avons renoncé à la civilisation, nous nous enfonçons dans la barbarie…

      Dès qu’un homme politique aura pour programme de quintupler le salaire des élus pour leur permettre de vivre dans l’opulence qui sied à la caste dirigeante, de renouer avec une politique de faste et de prestige, de prendre pour modèles François Ier le Magnifique et Louis XIV le Roi-Soleil plutôt que des premiers ministres bataves ou scandinaves [3], de donner deux fois par mois une fête somptueuse à Chambord, d’offrir un château à sa maîtresse et des diamants à ses favoris (ou l’inverse), de ne plus servir que des grands crus millésimés à sa table, de ne plus se déplacer autrement qu’au milieu d’un cortège de cent gardes à cheval en grand uniforme avec tambours et trompettes, de transférer le pouvoir  à Versailles, de rétablir l’étiquette et la noblesse héréditaire, de faire reconstruire les Tuileries, Saint-Cloud et la Bastille – je vote pour lui. Et s’il projette d’annexer la Belgique, d’envahir l’Angleterre et de ravager le Palatinat, je me mets à son service.

 

 

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[1] « Je crois que [Rousseau] a eu une influence funeste. C’est le générateur de la démocratie envieuse et tyrannique. Les brumes de sa mélancolie ont obscurci dans les cerveaux français l’idée du droit. » (Gustave Flaubert, lettre à Jules Michelet, 12 novembre 1868 ; Pléiade Correspondance, tome III, 1991, p. 701).

[2] Kelvil : « [Est-ce que] vous considérez que la Chambre des lords est une meilleure institution que la Chambre des communes ? » — Lord Illingworth : « Bien meilleure, bien meilleure naturellement. À la Chambre des lords, nous n’avons jamais le moindre contact avec l’opinion publique. Voilà ce qui fait de nous une assemblée civilisée. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1271).

[3] On se souvient qu’en 1995, Mona Sahlin, une ministre suédoise qui devait prendre la tête du parti social-démocrate, a dû démissionner parce qu’elle avait fait environ 5000 € d’achats privés avec sa carte bancaire ministérielle, dont deux barres de Toblerone. Depuis, les citoyens ont accès au relevé intégral des dépenses des élus (en Grande-Bretagne aussi). Voir ici. Transparence totale ! C’est à l’opposé de la conception française car, comme de Gaulle l’a écrit dans Le Fil de l’épée : « Tout dabord, le prestige ne peut aller sans mystère, car on ne révère pas ce que l'on connaît trop bien. Tous les cultes ont leurs tabernacles et il n'y a pas de grand homme pour ses domestiques. »