ÉMILE ZOLA : MON CHOIX DE CITATIONS
19.03.2017
Il y a peu de maximes dans les romans d’Émile Zola (1840-1902), ainsi que je l’ai expliqué dans ma petite présentation [à paraître] de cet auteur bien surcoté : je n’en ai pour l’instant même pas trouvé trente, et encore, bien faibles [1]. Mais Zola n’a pas écrit que des romans. Dans l’édition des Œuvres complètes établie par Henri Mitterand pour le Cercle du Livre Précieux de Claude Tchou (1966-69), après les neuf volumes d’œuvres romanesques et leurs 11 340 pages, viennent cinq volumes de chroniques littéraires, artistiques, politiques totalisant 5 500 pages [2]. Même si Zola est un penseur fort médiocre, et dépourvu du sens de la formule, la taille de ce massif fait qu’il y a forcément plusieurs dizaines de phrases notables à y ramasser. Je n’y ai encore récolté qu’une quarantaine de citations valables, mais ce butin devrait s’enrichir au fil de mes explorations : ce qui justifie que je dote dès maintenant Zola d’une page autonome, alors que j’avais initialement prévu de le ranger dans la page des romanciers français 1848-1914, aux côtés d’Alphonse Daudet, J.-K. Huysmans, Gaston Leroux, Joséphin Péladan, Marcel Schwob ou Victor Segalen, autant d’auteurs au moins aussi plaisants à lire que lui et souvent bien plus intéressants, mais moins productifs.
Ces citations sont classées en six rubriques :
Contes, nouvelles et romans de jeunesse Romans : Les Rougon-Macquart
Romans : Les Trois Villes et Les Quatre Évangiles Articles littéraires et artistiques
Chroniques et articles politiques Correspondance et propos oraux
CONTES, NOUVELLES et ROMANS DE JEUNESSE
. Calendar : « La question est celle-ci : D'où vient l'homme, où va l'homme ? Je la résous triomphalement en disant : L'homme va et vient dans la nuit. » (Émile Zola, Contes et nouvelles 1865-1872, « Réflexions et menus propos d’un sourd-muet, aveugle de naissance » (1865) ; Pléiade Contes et nouvelles, 1976, p. 285).
. Calendar : « Nous allons tout droit à une terre tellement ennuyeuse que vos enfants vous maudiront. Le jour où la justice, le droit et la vérité régneront […], l’homme n’aura plus qu’à mourir. » (Émile Zola, Contes et nouvelles 1865-1872, « Réflexions et menus propos d’un sourd-muet, aveugle de naissance » (1865) ; Pléiade Contes et nouvelles, 1976, p. 286).
. Mlle Chuin : « Les vices des maîtres sont la fortune des valets. » (Émile Zola, Naïs Micoulin, « Nantas » (1878) ; Pléiade Contes et nouvelles, 1976, p. 795).
. Lorsque l’avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble. (Émile Zola, Thérèse Raquin (1867), XXX ; dans Œuvres complètes, tome 1, Cercle du livre précieux, 1966, p. 654).
. Charvet : « L'égoïsme des classes est un des soutiens les plus fermes de la tyrannie. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart III. Le Ventre de Paris (1873), III ; Pléiade tome I, 1960, p. 748).
. Charvet : « Il faut dix ans de dictature révolutionnaire, si l’on veut habituer un pays comme la France à l’exercice de la liberté. » — Clémence : « D’autant plus que l’ouvrier n’est pas mûr et qu’il doit être dirigé. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart III. Le Ventre de Paris (1873), III ; Pléiade tome I, 1960, p. 748).
. Claude Lantier : « Quels gredins que les honnêtes gens ! » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart III. Le Ventre de Paris (1873), VI, excipit ; Pléiade tome I, 1960, p. 895).
. François Mouret : « Il vaut mieux lui apprendre tout de suite à gagner sa vie que de le laisser flâner avec un tas de gueux. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart IV. La Conquête de Plassans (1874), X ; Pléiade tome I, 1960, p. 1011).
. Frère Archangias : « Il vaut mieux se traîner sur le dos, que de souhaiter pour matelas la peau d'une coquine. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart V. La Faute de l’abbé Mouret (1875), III, x ; Pléiade tome I, 1960, p. 1492).
. Octave : « Décidément, on n'aime bien que les femmes qu'on n'a pas eues. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart X. Pot-Bouille (1882), XV ; Pléiade tome III, 1964, p. 316).
. Le docteur Cazenove : « Vous êtes agaçant, de vouloir qu’on sache tout, lorsqu’il est déjà bien joli d’épeler les premières lignes, dans cette machine compliquée de la carcasse humaine. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XII. La Joie de vivre (1884), VI ; Pléiade tome III, 1964, p. 960).
. Lazare : « Chaque fois que la science avance d'un pas, c'est qu'un imbécile la pousse, sans le faire exprès. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XII. La Joie de vivre (1884), IX ; Pléiade tome III, 1964, p. 1065).
. Souvarine : « Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution ! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIII. Germinal (1885), III, i ; Pléiade tome III, 1964, p. 1255).
. La Maheude : « Quand on est jeune, on s’imagine que le bonheur viendra, on espère des choses ; et puis, la misère recommence toujours, on reste enfermé là-dedans… » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIII. Germinal (1885), III, iii ; Pléiade tome III, 1964, p. 1276).
. La Maheude : « Lorsqu’on n’a point fait le mal, c’est souvent que les occasions ont manqué… » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIII. Germinal (1885), IV, iii ; Pléiade tome III, 1964, p. 1334).
. Hennebeau : « Tout n’allait pas pour le mieux parce qu’on avait du pain. Quel était l’idiot qui mettait le bonheur de ce monde dans le partage de la richesse ? Ces songe-creux de révolutionnaires pouvaient bien démolir la société et en rebâtir une autre, ils n’ajouteraient pas une joie à l’humanité, ils ne lui retireraient pas une peine, en coupant à chacun sa tartine. Même ils élargiraient le malheur de la terre, ils feraient un jour hurler jusqu’aux chiens de désespoir, lorsqu’ils les auraient sortis de la tranquille satisfaction des instincts, pour les hausser à la souffrance inassouvie des passions. Non, le seul bien était de ne pas être, et, si l’on était, d’être l’arbre, d’être la pierre, moins encore, le grain de sable, qui ne peut saigner sous le talon des passants. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIII. Germinal (1885), V, v ; Pléiade tome III, 1964, p. 1440).
. Maurice était pour la guerre, la croyait inévitable, nécessaire à l’existence même des nations. Celà s’imposait à lui, depuis qu’il se donnait aux idées évolutives, à toute cette théorie de l’évolution […] Est-ce que la vie n'est pas une guerre de chaque seconde ? est-ce que la condition même de la nature n'est pas le combat continu, la victoire du plus digne, la force entretenue et renouvelée par l'action, la vie renaissant toujours jeune de la mort ? (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIX. La Débâcle (1892), I, i ; Pléiade tome V, 1967, p. 408).
. Maurice songeait à la guerre nécessaire, la guerre qui est la vie même, la loi du monde. N'est-ce pas l'homme pitoyable qui a introduit l'idée de justice et de paix, lorsque l'impassible nature n'est qu'un continuel champ de massacre ? « S'entendre ! s'écria-t-il, oui ! dans des siècles. Si tous les peuples ne formaient plus qu'un peuple, on pourrait concevoir à la rigueur l'avènement de cet âge d'or ; et encore la fin de la guerre ne serait-elle pas la fin de l'humanité ?… J'étais imbécile tout à l'heure, il faut se battre, puisque c'est la loi. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XIX. La Débâcle (1892), I, viii ; Pléiade tome V, 1967, p. 560).
. Pascal Rougon : « Il faut savoir, savoir quand même, et ne rien cacher, et tout confesser des choses et des êtres !… Aucun bonheur n'est possible dans l'ignorance, la certitude seule fait la vie calme. Quand on saura davantage, on acceptera certainement tout… […] Vouloir tout guérir, tout régénérer, c'est une ambition fausse de notre égoïsme, une révolte contre la vie, que nous déclarons mauvaise, parce que nous la jugeons au point de vue de notre intérêt. » (Émile Zola, Les Rougon-Macquart XX. Le Docteur Pascal (1893), VIII ; Pléiade tome V, 1967, p. 1085).
ROMANS : LES TROIS VILLES et LES QUATRE ÉVANGILES
. Santerre : « Jésus n’a ni patrie, ni propriété, ni profession, ni famille, ni femme, ni enfant. Il est l’infécondité même. Aussi les premières sectes chrétiennes avaient-elles horreur du mariage. Pour les saints, la femme n’était qu’ordure, tourment et perdition. La chasteté absolue devenait l’état parfait, le héros était le contemplatif, l’infécond, le solitaire égoïste, tout entier à son salut personnel. Et c’est une Vierge qui est l’idéal de la femme, l’idéal de la maternité elle-même. Plus tard seulement, le mariage fut institué par le catholicisme comme une sauvegarde morale, pour réglementer la concupiscence, puisque ni l’homme ni la femme ne peuvent être des anges. Il est toléré, il est la nécessité inévitable, l’état permis, dans de certaines conditions, aux chrétiens assez peu héroïques pour ne pas être des saints complets. Mais aujourdhui comme il y a dix-huit siècles, le saint, l’homme de foi et de grâce ne touche pas à la femme, la condamne et l’écarte… » (Émile Zola, Les Quatre évangiles I. Fécondité (1899), I, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 56-57).
. Santerre : « Encore une victime du fâcheux optimisme ! Dites-vous, avant toute chose, que la nature agit sans discernement, et que quiconque ne la corrige pas, est sa victime. » (Émile Zola, Les Quatre évangiles I. Fécondité (1899), I, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 58).
. Séguin : « Vous ne pouvez nier, mon cher monsieur, que les plus forts, les plus intelligents sont les moins féconds. Dès que le cerveau d’un homme s’élargit, sa faculté génératrice s’affaiblit. Le pullulement qui vous charme, dont vous voudriez faire la beauté, ne pousse plus aujourdhui que sur le fumier de la misère et de l’ignorance. » (Émile Zola, Les Quatre évangiles I. Fécondité (1899), I, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 59).
. Santerre : « La civilisation, en créant des jouissances nouvelles, en raffinant les esprits, en leur ouvrant des champs nouveaux d’activité, favorise l’individu aux dépens de l’espèce. Plus les peuples se civilisent, moins ils procréent. » (Émile Zola, Les Quatre évangiles I. Fécondité (1899), I, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 60).
. Le docteur Boutan : « Que de femmes malades, irritées, brisées par des pratiques frauduleuses, j’ai vues se remettre, grâce à une grossesse ! Et que d’autres sont retombées aux mêmes souffrances, dès qu’elles se sont refusées de nouveau à vivre la vie comme elle doit être vécue !… Car, vous entendez bien ! mon ami, tout est là. La nature trompée se révolte. Plus on fraude [=par la contraception], plus on pervertit, plus la population s’affaiblit et se dégrade. On en arrive à notre fameux nervosisme moderne, à notre prochaine banqueroute physique et morale. Voyez nos femmes, comparez-les aux fortes commères d’autrefois. Nos femmes désexuées, frémissantes, éperdues, c’est nous qui les faisons, par nos pratiques, par notre art et notre littérature, par notre idéal de la famille restreinte, immolée aux furieuses ambitions d’argent et de pouvoir. Mort à l’enfant, et par là même mort à la femme, mort à nous-mêmes, à tout ce qui est la joie, la santé, la force !… » (Émile Zola, Les Quatre évangiles I. Fécondité (1899), IV, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 287).
. Jordan : « J’ai vécu parce que j’ai travaillé, un équilibre s’est fait entre le monde et moi, je lui ai rendu en œuvres ce qu’il m’apportait en sensations, et je crois que toute la santé est là, des échanges bien réglés, une adaptation parfaite de l’organisme au milieu… […] Le travail est la vie elle-même, et la vie est un continuel travail des forces chimiques et mécaniques. […] L’univers n’est-il pas un immense atelier où l’on ne chôme jamais, où les infiniment petits font chaque jour un labeur géant, où la matière agit, fabrique, enfante sans relâche, depuis les simples ferments jusqu’aux créatures les plus parfaites ? […] Il n’est pas un être, pas une chose qui puisse s’immobiliser dans l’oisiveté, tout se trouve entraîné, mis à l’ouvrage, forcé de faire sa part de l’œuvre commune. Quiconque ne travaille pas disparaît par là même, est rejeté comme inutile et gênant, doit céder la place au travailleur nécessaire, indispensable. Telle est l’unique loi de la vie, qui n’est en somme que la matière en travail, une force en perpétuelle activité, le dieu de toutes les religions. » (Émile Zola, Les Quatre évangiles II. Travail (1901), I, v ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 668-669).
. Marc Froment : « Pour la bonne santé d’un ménage, comme on commenc[e] à vouloir établir un examen physiologique, un certificat constatant l’absence de toute tare physique, il [faudrait] constater aussi le bon fonctionnement de la raison, le cœur et l’esprit indemnes de toute imbécilité héréditaire ou acquise. » (Émile Zola, Les Quatre évangiles III. Vérité (1903), II, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1194).
. Depuis le premier jour, l'Église a pris et gardé la femme, comme l'aide la plus puissante de son œuvre de propagande et d'asservissement. […] Sa politique était dabord de garder la femme toute à elle, en continuant à l’hébéter, en la maintenant à l’état d’éternelle enfance. Elle en faisait ensuite une arme de guerre, certaine de vaincre l’homme incroyant par la femme pieuse. […] Et la femme, ainsi, était toujours la bête de luxure, dont le prêtre simplement se servait aujourdhui pour assurer le règne de Dieu. (Émile Zola, Les Quatre évangiles III. Vérité (1903), II, iii ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1194-1196).
. Toute la désunion, toute la douloureuse querelle de la société contemporaine ne venait-elle pas de là, de ce divorce entre l’homme à demi libéré et la femme restée serve, esclave adulée, hallucinée du catholicisme agonisant ? (Émile Zola, Les Quatre évangiles III. Vérité (1903), II, iv ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1249).
. Mlle Mazeline : « Le mariage est l’acte nécessaire, il faut qu’une femme se marie, car elle n’a pas vécu, elle n’a pas rempli sa destinée, si elle n’a pas été épouse et mère. Il n’est point de santé ni de bonheur possible, pour une créature humaine, en dehors de sa complète floraison. Et je n’oublie jamais, dans mes leçons à mes fillettes, qu’elles doivent avoir un jour un mari et des enfants… » (Émile Zola, Les Quatre évangiles III. Vérité (1903), III, i ; dans Œuvres complètes, tome 8, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1261-1262).
ARTICLES LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES, CHRONIQUES DRAMATIQUES
. Je pose en principe que l’œuvre ne vit que par l’originalité. Il faut que je retrouve un homme dans chaque œuvre, ou l’œuvre me laisse froid. Je sacrifie carrément l’humanité à l’artiste. Ma définition d’une œuvre d’art serait, si je la formulais : « Une œuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament. [3] » Que m’importe le reste. (Émile Zola, Mes haines, 2. « Proudhon et Courbet », I (paru dans Le Salut public, 26 juillet 1865) ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 38).
. Si vous me demandez ce que je viens faire en ce monde, moi artiste, je vous répondrai : « Je viens vivre tout haut » [4]. (Émile Zola, Mes haines, 2. « Proudhon et Courbet », I (paru dans Le Salut public, 26 juillet 1865) ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 39).
. La science du beau est une drôlerie inventée par les philosophes pour la plus grande hilarité des artistes. (Émile Zola, Mes haines (1866), 7. « "Les Chansons des rues et des bois " » ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 80).
. La haine est sainte. Elle est l'indignation des cœurs forts et puissants, le dédain militant de ceux que fâchent la médiocrité et la sottise. Haïr c'est aimer, c'est sentir son âme chaude et généreuse, c'est vivre largement du mépris des choses honteuses et bêtes. / La haine soulage, la haine fait justice, la haine grandit. / Je me suis senti plus jeune et plus courageux après chacune de mes révoltes contre les platitudes de mon âge. J’ai fait de la haine et de la fierté mes deux hôtesses ; je me suis plu à m’isoler, et, dans mon isolement, à haïr ce qui blessait le juste et le vrai. Si je vaux quelque chose aujourd'hui, c'est que je suis seul et que je hais. (Émile Zola, Mes haines (1866), préface ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 23).
. Je hais les gens nuls et impuissants. […] Je ne sais rien de plus irritant que ces brutes qui se dandinent sur leurs deux pieds, comme des oies, avec leurs yeux ronds et leur bouche béante. Je n’ai pu faire deux pas dans la vie sans rencontrer trois imbéciles. […] La grande route en est pleine, la foule est faite de sots qui vous arrêtent au passage pour vous baver leur médiocrité à la face. […] Je préfère, comme Stendhal, un scélérat à un crétin. Je le demande, que pouvons-nous faire de ces gens-là ? […] Qu’on nous donne des fous, nous en ferons quelque chose. […] Mais, pour l’amour de Dieu, qu'on tue les sots et les médiocres, les impuissants et les crétins, qu’il y ait des lois pour nous débarrasser de ces gens qui abusent de leur aveuglement pour dire qu’il fait nuit. Il est temps que les hommes de courage et d’énergie aient leur 93 : l’insolente royauté des médiocres a lassé le monde, les médiocres doivent être jetés en masse à la place de Grève. (Émile Zola, Mes haines (1866), préface ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 23-24).
. Je crois qu’un romancier doit d’abord écrire ses œuvres pour lui : le souci du public vient ensuite. (Émile Zola, réponse à Ferragus sur Thérèse Raquin, Le Figaro, 31 janvier 1868 ; dans Œuvres complètes, tome 1, Cercle du livre précieux, 1966, p. 679).
. Le public n’aime pas les vérités, il veut des mensonges pour son argent. (Émile Zola, réponse à Ferragus sur Thérèse Raquin, Le Figaro, 31 janvier 1868 ; dans Œuvres complètes, tome 1, Cercle du livre précieux, 1966, p. 679).
. Il n’y a guère, à notre époque, que deux ou trois hommes qui puissent lire, comprendre et juger un livre. De ceux-là je consens à recevoir des leçons, persuadé qu’ils ne parleront pas sans avoir pénétré mes intentions et apprécié les résultats de mes efforts. (Émile Zola, préface de Thérèse Raquin (avril 1868) ; dans Œuvres complètes, tome 1, Cercle du livre précieux, 1966, p. 522).
. Demain peut se produire une nouvelle formule qui bouleversera la formule actuelle. Est-ce que le théâtre des Grecs, le théâtre des Anglais, le théâtre des Allemands est notre théâtre ? Est-ce que, dans une même littérature, le théâtre ne peut pas se renouveler, produire des œuvres d’esprit et de facture complètement différents ? Alors, que nous veut-on avec cette chose abstraite, le théâtre, dont on fait un bon Dieu, une sorte d’idole féroce et jalouse qui ne tolère pas la moindre infidélité ! / Rien n’est immuable, voilà la vérité. Les conventions sont ce qu’on les fait, et elles n’ont force de loi que si on les subit. (Émile Zola, Le Naturalisme au théâtre, I, 9, ii (paru dans Le Bien public, 14 août 1876) ; dans Œuvres complètes, tome 11, Cercle du livre précieux, 1968, p. 360).
. Le journal, il y a vingt ans, était un organe grave, donnant à la politique et à la littérature toute la place. […] Nous avons changé tout celà. Le journal nouveau tend à mettre à la porte la littérature. […] La peur d’ennuyer, je le répète, a tué les études consciencieuses. On a habitué le public à lire un journal en courant. Il avale les petits faits, mais les études de trois colonnes ne passent plus. Où veut-on qu’un homme vivant notre vie affolée trouve un quart d’heure pour lire un article grave ? Puis, il lui faudrait réfléchir, faire un effort d’intelligence, ce qui serait désastreux. Aussi ne lui sert-on que les lieux communs, les idées toute faites qui se casent aisément dans la cervelle. […] Il est impossible, au milieu de cette bousculade des journaux, de trouver le temps d’écrire et de lire une étude sérieuse. Le pis est que les lecteurs s’habituent à ce régime, savent lire de moins en moins. (Émile Zola, Documents littéraires. Études et portraits (1881), 9. « La critique contemporaine », II (paru dans Le Messager de l’Europe en février 1877) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 468, 469, 471).
. J'ai souvent exprimé cette pensée que les deux plus grands leviers des passions humaines, c'étaient l'amour et la religion, le cul et le ciel ; au fond même, en fouillant bien, on trouverait une communauté de souche entre les deux. (Émile Zola, Ébauche préparatoire de Nana, f°225-226 (1878) ; citée par exemple dans Sophie Guermès, La Religion de Zola. Naturalisme et déchristianisation, H. Champion, 2003, p. 172).
. Au fond des attaques qu’il a soulevées [5], il y a surtout la peur du document exact. Nous en sommes toujours là, les esprits les plus intelligents admettent des degrés dans la vérité. Il y a, pour eux, des faits qu’on doit dire et des faits qu’on doit cacher. Lorsqu’ils s’écrient : « À quoi bon tout dire ? », il suffit de répondre : « Mais pour tout savoir. » Celà est sans réplique. Le pis, en critique, est d’avoir une religion. En science analytique et expérimentale, il faut partir du doute et n’accepter que les faits. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Revue dramatique et littéraire : "Sainte-Beuve et ses inconnues" » (paru dans Le Voltaire, 5 août 1879) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 594).
. L'écrivain chaste se reconnaît tout de suite à la virilité exaspérée de sa touche. Celui-ci désire en écrivant, et ce sont les désirs qui jettent les cris des grandes œuvres. / La chasteté a été l'aiguillon des génies puissants. […] Les créations fortes et originales naissent dans cette étreinte passionnée des chastes fécondant leurs œuvres. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Revue dramatique et littéraire : "Sainte-Beuve et ses inconnues" » (paru dans Le Voltaire, 5 août 1879) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 596).
. Est-ce que vous croyez qu’un garçon qui a assez de talent pour être un écrivain, consentira jamais à patauger dans la sale cuisine de votre politique ? […] Prenez-moi un scrofuleux, un crétin, un cerveau mal conformé, et vous trouverez quand même dans le personnage l’étoffe d’un homme politique. J’en connais dont je ne voudrais pas pour domestiques. C’est un rut, un assaut de tous les appétits donné à une femme facile et que chacun espère violer. Il n’y faut ni esprit, ni force, ni originalité, mais seulement des alliances et une certaine platitude personnelle. Quand on a échoué en tout et partout, quand on a été avocat médiocre, journaliste médiocre, homme médiocre des pieds à la tête, la politique vous prend et fait de vous un ministre aussi bon qu’un autre, régnant en parvenu plus ou moins modeste et aimable sur l’intelligence française. (Émile Zola, Le Roman expérimental, VI, 8. « La haine de la littérature » (paru dans Le Voltaire, 17 août 1880) ; dans Œuvres complètes, tome 10, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1372-1373).
. Je viens de lire, dans Le Temps, votre dernière chronique théâtrale, et mon vieux sang de polémiste s’est échauffé, à ce point que je ne puis m’empêcher de vous répondre. Celà n’est certainement pas d’un sage, car les opinions pèsent si peu devant la toute-puissance des faits ! Mais, que voulez-vous ? la passion est encore ce qui aide le mieux à vivre. (Émile Zola, Préfaces théâtrales, « Le drame populaire. Réponse à M. Sarcey », Le Figaro, 2 mars 1887 ; dans Œuvres complètes, tome 15, Cercle du livre précieux, 1969, p. 815).
. On dit que la presse en vide beaucoup, de ces jeunes gens : sans doute, mais elle ne vide jamais que ceux qui n’ont rien dans le ventre. Les faibles ne sont pas en cause, le notariat ou l’épicerie les aurait mangés de même. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Préface à La Morasse » (1889) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 644).
. Mon inquiétude unique devant le journalisme actuel, c’est l’état de surexcitation nerveuse dans lequel il tient la nation. […] Aujourd’hui, remarquez quelle importance démesurée prend le moindre fait. […] Quand une affaire est finie, une nouvelle commence, car les journaux ne peuvent vivre, sans cette existence casse-cou. Si des sujets d’émotion manquent, ils en inventent. […] Eh bien ! c’est ce régime de secousses incessantes qui me paraît mauvais. Un peuple y perd son calme, il devient pareil à ces femmes nerveuses qu’un bruit fait tressaillir. […] L’équilibre de la saine raison semble détruit, le contrecoup des évènements est disproportionné ; et l’on arrive à se demander avec anxiété si, dans des circonstances véritablement décisives, nous retrouverions le sang-froid nécessaire aux grands actes. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Préface à La Morasse » (1889) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 645-646).
. Que de boue et que de sang faut-il pour créer un monde ? Jamais l’humanité n’a fait un pas en avant sans écraser les vaincus. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Préface à La Morasse » (1889) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 646).
. Et, si je crois au nivellement de toutes choses, à cette unité logique et nécessaire où tend la démocratie, je n’en suis pas moins pour l’enquête ouverte partout, je suis pour que les Bretons nous parlent de la Bretagne, pour que les Provençaux nous parlent de la Provence, car eux seuls peuvent nous en parler à plein cœur, et en sachant au moins ce qu’ils disent. Aussi, voyez les groupes se multiplier, les enfants de chaque province se réunir : il n’est pas de cadres plus naturels, des sympathies sociales mieux réparties, d’œuvres écrites documentées avec plus de soin. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Discours à la fête des félibres à Sceaux », paru dans Le Figaro, 20 juin 1892 ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 663).
. La science a-t-elle promis le bonheur ? Je ne le crois pas. Elle a promis la vérité, et la question est de savoir si l’on fera jamais du bonheur avec de la vérité. Pour s’en contenter un jour, il faudra sûrement beaucoup de stoïcisme, l’abnégation absolue du moi, une sérénité d’intelligence satisfaite qui semble ne pouvoir se rencontrer que chez une élite. Mais, en attendant, quel cri désespéré monte de l’humanité souffrante ! Comment vivre sans mensonge et sans illusion ? S’il n’y a pas, quelque part, un autre monde où règne la justice, où les méchants sont punis et les bons récompensés, comment vivre sans révolte cette abominable vie humaine ? La nature est injuste et cruelle, la science paraît aboutir à la loi monstrueuse du plus fort : dès lors, toute morale croule, toute société va au despotisme. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Discours au banquet de l’association générale des étudiants », prononcé le 18 mai 1893 ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 680).
. Le travail ! messieurs, mais songez donc qu’il est l’unique loi du monde, le régulateur qui mène la matière organisée à sa fin inconnue ! La vie n’a pas d’autre sens, pas d’autre raison d’être, nous n’apparaissons chacun que pour donner notre somme de labeur et disparaître. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Discours au banquet de l’association générale des étudiants », prononcé le 18 mai 1893 ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 682).
. Je me suis toujours méfié de la chimère, je l’avoue. Rien n’est moins sain pour l’homme et pour les peuples que l’illusion : elle supprime l’effort, elle aveugle, elle est la vanité des faibles. Rester dans la légende, s’abuser sur toutes les réalités, croire qu’il suffit de rêver la force pour être fort, nous avons bien vu où cela mène, à quels affreux désastres. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Discours au banquet de l’association générale des étudiants », prononcé le 18 mai 1893 ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 682).
. [à propos d’un cas d’homosexualité :] N’assiste-t-on pas à un véritable cas physiologique, à une hésitation, à une demi-erreur de la nature ? […] / L’incertitude peut commencer au simple aspect physique, aux grandes lignes du caractère : l’homme efféminé, délicat, lâche ; la femme masculine, violente, sans tendresse. Et elle va jusqu’à la monstruosité constatée, l’hermaphrodisme des organes, les sentiments et les passions contre nature. Certes, la morale et la justice ont raison d’intervenir, puisqu’elles ont garde de la paix publique. Mais de quel droit pourtant, si la volonté est en partie abolie ? On ne condamne pas un bossu de naissance, parce qu’il est bossu. Pourquoi mépriser un homme d’agir en femme, s’il est né femme à demi ? / […] Tout ce qui touche au sexe touche à la vie sociale elle-même. Un inverti est un désorganisateur de la famille, de la nation, de l’humanité. L’homme et la femme ne sont certainement ici-bas que pour faire des enfants, et ils tuent la vie le jour où ils ne font plus ce qu’il faut pour en faire. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Préface au Roman d’un inverti » (25 juin 1895) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 701-702).
. Si l'on prend la presse dans son état actuel, il n'y a pas de plus grande empoisonneuse, et les journaux, pour la plupart, remplissent aujourdhui un rôle infâme. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Déclaration sur la presse » (La Revue naturiste, mars 1900) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 725).
. Je crois que tout ce monde [= la Galilée des évangiles] devait être beaucoup plus grossier, misérable, vermineux. On ne fait pas une révolution avec un peuple heureux. Pour se faire suivre, au nom de la justice et du bonheur, il fallait que Jésus s'adressât à un peuple souffrant, ulcéré par sa misère et par l'injustice du sort. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Notes sur la vie de Jésus vue par Renan » (1895 ou 1902) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 729).
. Imaginez un Jésus connaissant nos sciences, est-ce possible ? C'est pour celà qu'un Jésus ne peut pas naître dans nos civilisations cultivées, imprégnées de science. Il faut qu'il parte de l'ignorance totale du monde. […] Un peuple enfant peut seul concevoir le surnaturel. / Forcé de faire des miracles. Il n'avait pas la moindre idée d'un ordre naturel réglé par des lois. (Émile Zola, Mélanges critiques, « Seize feuillets sur la vie de Jésus vue par Renan » (1895 ou 1902) ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 763).
CHRONIQUES et ARTICLES POLITIQUES
. Émanciper la femme, c’est excellent ; mais il faudrait avant tout lui enseigner l’usage de la liberté. [6] (Émile Zola, Chroniques 1868-1870, « Causerie », article paru dans La Tribune, 27 septembre 1868 ; dans Œuvres complètes, tome 13, Cercle du livre précieux, 1969, p. 188).
. Dans notre ancienne monarchie, où la naissance décidait des fonctions, un homme politique médiocre était un fait acceptable, d'autant plus que l'éducation suppléait à l'intelligence, et qu'il suffisait d'être le conducteur d'une mécanique toute réglée. Mais, dans notre République basée sur le suffrage universel, seuls les hommes supérieurs devraient être appelés aux affaires, comme les plus dignes et les plus intelligents de la nation. Un homme médiocre y est un non-sens, une erreur et un péril. / Or, que voyons-nous ? Les médiocrités pullulent, il y a une poussée extraordinaire de plats ambitieux, tous les ratés de la littérature et de l’art se précipitent et se partagent la France. […] / C’est une grande misère et une profonde tristesse. Voici dix ans que nous pataugeons dans l’absurde, et rien ne nous assure que nous n’allons pas y patauger pendant dix ans encore. Nous mourons de politique, de cette politique tumultueuse et encombrante que la bande des médiocres, affamés de bruit et de places, ont tout intérêt à entretenir, pour y pêcher en eau trouble. Je ne vois qu’un salut : supprimer les médiocres, afin de supprimer leur tapage. Sans doute, c’est un peu révolutionnaire ; mais, après nos désastres de 1870, j’ai bien entendu M. Ranc et ses amis dire que, pour vaincre, il aurait fallu, comme en 93, dix-milles têtes d’aristocrates. À mon tour, pour faire une République intelligente et grande, je demande dix-milles têtes de médiocres. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Un homme très fort », paru dans Le Figaro, 20 septembre 1880 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 440).
. Je sais très bien que je suis ridicule. Imaginez-vous que je voudrais une République des supériorités ; moins de gâchis, moins de petits hommes et des appétits moins gros. […] Je voudrais qu’on établît scientifiquement la nation sur la base solide du gouvernement républicain, après avoir déterminé ses besoins, d’après la race, l’histoire et le milieu contemporain. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Les trente-six républiques », paru dans Le Figaro, 27 septembre 1880 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 443).
. La politique est le cloaque où croupissent toutes les vilenies et toutes les lâchetés humaines. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Émile de Girardin », paru dans Le Figaro, 8 mai 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 594).
. Qu’a-t-il manqué [à Littré] pour partir en mission et instruire les peuples ? C’est triste à dire, il lui a manqué un peu du cabotinage qui fait les grands acteurs de nos drames humains. Il était trop scrupuleux, trop enfoncé dans le respect du vrai, pour risquer de conclure. Quand on parle aux hommes, il faut toujours faire la part du mensonge, et il y a un besoin de mise en scène, dans la foi la plus sincère. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Hugo et Littré », paru dans Le Figaro, 13 juin 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 613).
. M. Jules Vallès, qui divise le monde en réguliers et en irréguliers, ne semble pas se douter qu'il y a des réguliers d'intelligence vaste et libre, tandis que certains irréguliers ne sont que des cabotins au crâne étroit, esclaves de leur rhétorique, d'anciens bohèmes ayant des idées rances et des lieux communs plus insupportables que ceux de M. Prudhomme. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Souveraineté des lettres », paru dans Le Figaro, 30 mai 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 619).
. Je supplie M. Jules Vallès de ne pas se croire un homme politique. Non, il n'en est pas un ! Qu'il s'interroge, qu'il regarde autour de lui : se voit-il dans un parti, acceptant l'imbécillité de son voisin de gauche, utilisant la scélératesse de son voisin de droite ? se voit-il à la Chambre, perdu dans les intrigues de couloir, vendant sa voix, étouffée au premier mot et mis en quarantaine, s'il s'avise d'avoir une opinion personnelle ? se voit-il au pouvoir, engraissant dans une présidence, lâchant ses bien-aimés pauvres, devenant un régulier, ô horreur ! ô comble de la traîtrise ! (Émile Zola, Une campagne (1882), « Souveraineté des lettres », paru dans Le Figaro, 30 mai 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 619).
. Le fâcheux est que la théorie [du suffrage universel] se détraque dès que l’on passe à l’application. Un peuple n’est pas une addition dont tous les chiffres se valent. Dès lors, en donnant la même valeur à chaque citoyen, on introduit dans le total des causes d’erreur énormes qui vicient l’opération tout entière. En un mot, du moment que les hommes interviennent avec leurs folies et leurs infirmités, la logique mathématique du suffrage universel est détruite, il ne reste qu’un gâchis abominable. […] / L’égalité physiologique n’existe pas, un homme n’en vaut pas un autre, il y a une élimination continue et nécessaire de presque toute une moitié de l’humanité. Si bien que le suffrage universel n’est plus une réalité basée sur le vrai, mais qu’il devient une idéalité s’appuyant sur la conception religieuse d’une égalité des âmes. Nos terribles intransigeants, nos athées se doutent-ils qu’ils sont de simples catholiques, lorsqu’ils appellent au scrutin jusqu’aux idiots et aux goitreux ? (Émile Zola, Une campagne (1882), « Le suffrage universel », paru dans Le Figaro, 8 août 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 633).
. Le suffrage universel n’a encore rien de scientifique, il est tout empirique. Avec la masse considérable de nos électeurs illettrés, avec les honteux trafics sur la coquinerie des uns et la bêtise des autres, on ne peut savoir ce qui sortira du scrutin. Le total de l’opération est quand même falsifié, jamais le vrai ne sera obtenu, parce qu’il est le vrai. Les candidats qui méritent d’être élus en sont réduits à descendre aux mêmes manœuvres louches que les candidats qui n’ont aucune bonne raison pour l’être. En un mot, le principe superbe de la souveraineté du peuple disparaît, il ne reste que la cuisine malpropre d’un tas de gaillards qui se servent du suffrage universel pour se partager le pays, comme on se sert d’un couteau pour découper un poulet. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Le suffrage universel », paru dans Le Figaro, 8 août 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 634).
. S’il suffisait au mérite de se présenter, le mérite se présenterait simplement et serait élu. Mais nous voyons le mérite plus inquiet que la sottise, employant des engins formidables, se risquant comme sur un terrain plein de gouffres. C’est une loterie où il faut tricher. Le suffrage universel nature et bonhomme, celui qui n’a point passé par les casseroles de la politique, n’existe pas. Il n’y a que le suffrage universel cuisiné, sophistiqué, travaillé ainsi qu’une pâte pendant des semaines, promis comme de la brioche au bon peuple qui n’a pas de pain ; et encore il arrive que, lorsqu’un candidat l’a mis au four, c’est le candidat adverse qui le mange. Pourquoi ? On ne sait pas. Une farce. (Émile Zola, Une campagne (1882), « Le suffrage universel », paru dans Le Figaro, 8 août 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 634-635).
. Je comprends tous les regrets. Un vieil édifice, d’une majesté séculaire, ne craque pas sans emplir les cœurs religieux de colère et de douleur. Les monarchistes mettent leur espoir dans une restauration, qu’ils croient possible ; rien de plus respectable. J’admets même que cette restauration ait lieu demain. Un roi régnera dix, vingt, trente ans. Et puis, quoi ? comme le dit Chateaubriand, dans ce cri de mélancolie suprême : « Après tout, il faudra s’en aller. »[7] Un nouveau flux noiera le trône, la démocratie s’étalera plus large et plus profonde. / […] Nous aurions un roi demain, que son premier souci serait de faire la part de la démocratie, car la royauté n’est déjà plus possible, si elle ne lui donne pas la moitié du trône. (Émile Zola, Une campagne (1882), « La démocratie », paru dans Le Figaro, 5 septembre 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 651).
. La misère commence, lorsqu’on descend à la médiocrité et la scélératesse des ambitieux qui mettent leur époque en coupe réglée. Alors, on est pris d’une indignation, on tient campagne contre ces petits hommes, pour peu qu’on ait le tourment de la vérité ; et peut-être ferait-on mieux de se taire, d’attendre dans son coin le total des résultats, car tout entre dans le travail de la vie, même les éléments malpropres et destructeurs. De même que la mort est nécessaire à l’existence, les petits hommes sont faits sans doute pour combler les fossés, où ils retombent dans le néant, tandis que le siècle passe. (Émile Zola, Une campagne (1882), « La démocratie », paru dans Le Figaro, 5 septembre 1881 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 651).
. Un écrivain ne grandit que sous les attaques. Les plus grands sont les plus attaqués, et, dès qu’on cesse de les attaquer, c’est qu’ils déclinent. […] La vraie mort littéraire commence au silence qui se fait sur les œuvres et sur l’homme. Si bien que les insulteurs ne sont en réalité que les trompettes retentissantes sonnant la gloire de l’écrivain dont ils s’acharnent à suivre le triomphe. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « Le crapaud », paru dans Le Figaro, 28 février 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 733).
. Ce qui éclate, c’est la mise à l’écart des belles intelligences, c’est l’emploi reconnu impossible de nos grands hommes dans les affaires publiques, ce sont ces affaires confiées à des entrepreneurs de bâtisse sociale, à des sortes de spécialistes, d’une moyenne intellectuelle désastreuse, recrutés parmi les affamés et les dévoyés, faisant le plus souvent leurs affaires avant de faire celles du pays. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « L’élite et la politique », paru dans Le Figaro, 9 mai 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 774-775).
. [Je] confesse que la démocratie victorieuse apporte avec elle un furieux besoin d’égalité, qui se trahit par la méfiance et la haine de toute supériorité trop éclatante. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « L’élite et la politique », paru dans Le Figaro, 9 mai 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 778).
. Et ce serait le vœu de Proudhon réalisé : pas de grands hommes ! Ils sont terribles parfois, d’un danger social extrême. Pour le juste, dont le rêve est le plus possible d’équité et de vérité sur la terre, les petits de ce monde ayant chacun droit au morceau de pain quotidien, le grand homme devient un monstre qui terrifie les humbles et mange leur part. L’effort de la nature devrait être de le détruire, de le ramener aux proportions communes, frère parmi ses frères. Et peut-être est-ce à cette unité que travaillent inconsciemment les démocraties, lorsqu’elles se montrent si affamées d’égalité. Ce n’est en somme que la révolte du plus grand nombre contre l’élu qui gêne les autres. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « L’élite et la politique », paru dans Le Figaro, 9 mai 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 778).
. Tout amour qui n’a pas l’enfant pour but n’est au fond qu’une débauche. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « Dépopulation », paru dans Le Figaro, 23 mai 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 788).
. Ce n’est pas demain que les frontières disparaîtront, et le plus sage est donc de vivre chez soi, pour soi, puisque l’idée de patrie est encore le levier nécessaire qui soulève les cœurs, qui enflamme les courages. Ô mères françaises, faites donc des enfants, pour que la France garde son rang, sa force et sa prospérité, car il est nécessaire au salut du monde que la France vive. (Émile Zola, Nouvelle campagne (1897), « Dépopulation », paru dans Le Figaro, 23 mai 1896 ; dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 790).
. C’est une plaisanterie de dire que la science est une chose et la religion une autre, celle-là influencera fatalement celle-ci. Dans un peuple instruit où l’idée du paradis et de l’enfer est ruinée, qui ne croit plus aux récompenses ni aux châtiments futurs, tout le catholicisme croule. (Émile Zola, « La science et la catholicisme » (1896), texte figurant dans le dossier de Paris et placé en appendice à Nouvelle campagne (1897) dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 839).
. Lorsque j’ai déclaré que j’étais contre la guerre, ce n’était pas que l’idéal guerrier n’ait sa très grande poésie. […] Je constate combien les faits de guerre sont encore puissants sur l’imagination des peuples. Nous avons beau nous avancer dans la civilisation, nous sommes ramenés toujours à cet instinct primitif, à cette admiration de la force, à ce culte de l’homme qui se bat, qui tue ou qui est tué. Il y a là toute une exaltation du danger et de la bravoure. La guerre met en jeu toutes les passions de l’homme, et ceux qui consentent à mourir, bouleversent quand même les âmes. […] Je suis bien forcé de constater que nous avons dans notre sang ce vieil atavisme guerrier qui nous fait quand même applaudir les vainqueurs, même quand ils ont tort. (Émile Zola, « Sur la guerre » (1899), texte placé en appendice à Nouvelle campagne (1897) dans Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 847 et 849).
CORRESPONDANCE et PROPOS ORAUX
. Puisque vous avez une thébaïde, restez-y quelques semaines et prenez-y des habitudes régulières de travail. C’est une simple gymnastique. Travaillez pour travailler, sans trop rêver du résultat. C’est l’impatience du but qui perd notre génération fiévreuse. On s'use soi-même à trop se relire et à trop se rêver. Je voudrais voir votre livre pousser comme l’herbe, comme les coquelicots que vous voyez de votre fenêtre. (Émile Zola, lettre à Paul Alexis, 4 juillet 1871 ; Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 1372-1373).
. Vous travaillez beaucoup, et vous avez raison. La volonté mène à tout. […] Ce n’est qu’avec des œuvres que nous nous affirmerons ; les œuvres ferment la bouche des impuissants et décident seules des grands mouvements littéraires. Savoir où on veut aller, c’est très bien ; mais il faut encore montrer qu’on y va. (Émile Zola, lettre à Léon Hennique, 2 septembre 1877 ; Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 1398).
. Oh ! mon ami, il faudrait mieux nous en aller tous. Ce serait plus vite fait. Décidément, il n’y a que la tristesse, et rien ne vaut la peine qu’on vive. (Émile Zola, lettre à Henry Céard, 9 mai 1880 ; Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 1408).
. Ce n’est pas le mal qu’on dit des autres qui vous brouille, c’est le mal qu’on vous en fait dire. (Émile Zola, lettre à Alphonse Daudet, 18 décembre 1887 ; Œuvres complètes, tome 14, Cercle du livre précieux, 1969, p. 1462).
. « Je considère la guerre comme une fatalité nécessaire et à laquelle il ne nous appartient pas d’échapper, parce qu’elle est, en quelque sorte, inhérente à la nature humaine, à la création. […] La guerre est nécessaire, utile, parce qu’elle est une des conditions même de notre existence. […] Elle constitue un des principaux éléments du progrès, et chaque pas en avant qu’a fait l’humanité a été marqué par une effusion de sang. Pour ce qui nous concerne, nous Français, j’ai la conviction que la guerre de 1870 a été pour nous, malgré les épouvantables désastres que nous avons essuyés, un bienfait, une chose salutaire, une leçon terrible il est vrai, mais nécessaire. Oui, il nous fallait ça ; il nous fallait ce bain de sang pour nous retremper, pour nous régénérer. » (Émile Zola, interviou parue dans Le Matin n°2713, 4 août 1891, sous le titre : « Chez M. Émile Zola. L’opinion de l’auteur de "La Guerre" [8] sur la guerre »).
. « On a parlé et on parle encore de désarmement. C'est là une éventualité impossible, et, alors même qu'elle serait possible, nous devrions la repousser. Un peuple n'est fort, n'est grand qu'autant qu'il est armé, et je suis convaincu que le désarmement aurait pour résultat d'entrainer dans le monde entier une sorte de déchéance morale, d'affaissement général qui entraverait la marche en avant de l'humanité. Une nation guerrière a toujours prospéré, et tous les autres arts se sont développés en raison directe de l'art de la guerre. L’histoire est là qui le démontre. » (Émile Zola, interviou parue dans Le Matin n°2713, 4 août 1891, sous le titre : « Chez M. Émile Zola. L’opinion de l’auteur de "La Guerre" sur la guerre »). [9]
. « Léon Tolstoï se fonde sur l’Évangile, qui nous étouffe depuis dix-huit siècles. […] Cette chasteté est l’arrêt de l’évolution. Un être est fait pour enchaîner un être. L’idéal n’est pas dans la Vierge, mais dans la Mère… […] Le bonheur qui est, après tout et pour tous, l’idéal, doit être la fonction à accomplir – et l’enfantement, qui est la fonction naturelle, est le bonheur. Tout le reste n’est que mysticisme, fumées du cerveau… rêve et tracasseries. […] Le Christ… dites bien celà… a parlé pour une population réduite… le peuple sémite. […] On en a fait le porte-parole de l’univers. À quoi nous devons dix-huit siècles de souffrances et de mensonges. » (Émile Zola, « Tolstoï et la question sexuelle », interviou recueillie par Dan Léon et Edgar Jégut, dans La Revue blanche, tome XXVII, 1er mars 1902, p. 381-382 ; dans Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p. 745-746).
. « Les meilleures impulsions ne suffisent pas à un peuple et, pour qu’il soit susceptible de justice, de vérité, il faut qu’il ne soit pas ignorant, il faut qu’il sache. Et c’est là en effet l’œuvre de toute une éducation. / Comme homme social aussi, j’estime qu’il faut supprimer absolument l’enseignement religieux. […] Il est insensé que l’on reconnaisse pour ainsi dire officiellement la légitimité d’un enseignement monstrueux, en tolérant l’existence des collèges congréganistes. Car le christianisme est une doctrine antisociale, anti-humaine, une doctrine de mort qui supprime la vie, la terre, au profit d’une existence supraterrestre, appât fallacieux à l’aide duquel se poursuit un but de domination trop réelle et trop tangible. Socialement, on n’a pas le droit de mal faire : il faut donc à tout prix enlever à cette secte malfaisante sa puissance nocive. » (Émile Zola, « Enquête sur l’éducation », interviou recueillie par Jean Rodes, La Revue blanche, tome XXVIII, 1er juin 1902, p. 180-181).
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[1] Précision importante : Je n’ai jamais déclaré, dans ces pages d’anthologies de citations que je publie sur ce blogue, fournir une sorte de collecte neutre, fondée sur la notoriété des aphorismes et leur valeur objective, à l’instar des dictionnaires de citations que proposent quelques éditeurs. Mes intérêts sont vastes, mon goût est large, mes idées sont plus tolérantes qu’on pourrait le croire, mais il n’empêche que mon choix est effrontément subjectif et ne se cache pas de l’être.
[2] Je soustrais les 370 pages de correspondance choisie qui figurent à la fin du tome 14. Il y a encore un tome 15 pour le théâtre et la poésie.
[3] Cette formule se retrouve dans un autre article du même recueil, « M. H. Taine, artiste » (15 février 1866) ; même édition page 154.
[4] Cette citation se trouve aussi en exergue, sur la page de titre de l’édition originale du recueil Mes haines.
[5] Il s’agit d’Antoine-Joseph Pons (1829-1884), auteur de Sainte-Beuve et ses inconnues, Ollendorff, 1879.
[6] C’est déjà beaucoup d’avoir compris que l’éducation doit précéder l’émancipation. Mais on peut discuter si l’émancipation de la femme est vraiment judicieuse. Ainsi Balzac, un écrivain beaucoup plus intelligent et génial que Zola, pensait au contraire : « Émanciper les femmes, c’est les corrompre. » (La Femme de trente ans, chap. III ; Pléiade La Comédie humaine Castex, tome II, 1976, p. 1130).
[7] Cette phrase est issue d’ « Avenir du monde », une version primitive de la conclusion des Mémoires d’outre-tombe que Sainte-Beuve a publiée en 1834. On la trouve en appendice des principales éditions des Mémoires, par exemple dans celle de J.-P. Clément (Quarto Gallimard, 1997), tome II p. 3282, ou dans celle de J.-Cl. Berchet (Pochothèque, 2004), tome II p. 1506. Zola avait déjà cité des fragments de ce texte (dont cette phrase) dans son étude sur Chateaubriand, parue dans Le Messager de l’Europe en octobre 1875 et reprise dans Documents littéraires. Études et portraits (1881) : Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1968, p. 288.
[8] C’était le titre primitif du roman La Débâcle, que Zola avait alors commencé et qui devait paraître l’année suivante.
[9] Cette interviou suscita une réaction très critique de Léon Tolstoï, dans son essai Le Salut est en vous (Perrin, 1893). Élie Halpérine-Kaminsky, qui traduisit ce livre en français, écrivit à Zola pour connaître la source des propos de Zola que citait Tolstoï, et qu’il avait dû retraduire du russe en français. Zola lui répondit le 11 août 1893 : « Gardez donc la version telle que vous la donnez. Elle représente à peu près mes idées. » (Correspondance, Presses de l’université de Montréal, tome VII, 1989, p. 420). De fait, cette idée d’une guerre nécessaire au progrès et à la régénération est bien la leçon de La Débâcle.
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