JULIEN GREEN : CHOIX DE CITATIONS
25.07.2017
Julien Green (1900-1998) ne compte pas parmi les plus grands producteurs d’aphorismes. Je l’avais placé au début dans ma page des romanciers français de la première moitié du vingtième siècle ; mais son Journal est si vaste qu’il y a forcément un grand nombre d’idées plus ou moins intéressantes à y récolter. De fait, le volume de ses citations commençait à excéder très largement celui des autres gros contributeurs de cette page collective. Et comme je suis encore loin d’avoir lu à fond les vingt tomes de son Journal, je me suis dit que cette part allait forcément enfler au fil des années et devenir disproportionnée, de telle sorte qu’il valait mieux prendre les devants en lui ouvrant une page individuelle, à la faveur d'une fournée d'ajouts.
J’ai réparti les citations en quatre rubriques : La vie, le monde, la religion Psychologie humaine La société Art et littérature
. « Lorsque j’étais enfant, trois choses me procuraient une inquiétude dont les mots ne peuvent donner qu’une très faible idée. La première était que les fleurs de la tenture, dans ma chambre, se missent à remuer, si je ne les surveillais pas. La seconde était qu’il n’arrivât quelque chose à ma mère. Et la troisième était que la France mourût. » (Julien Green, interviou avec Claude Cezan publiée dans Les Nouvelles littéraires, 13 août 1953, sous le titre « Êtes-vous superstitieux ? » ; Pléiade tome III, 1973, p. 1509).
. La vie n’est jamais si belle que lorsqu’elle s’éloigne de ce qu’on appelle la vie. Que signifient dans l’éternité le putsch de Hitler, les mutineries à bord de croiseurs anglais, la chute de la livre ? Tout est ailleurs. Rien n’est vrai que le balancement d’une branche dans le ciel. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 15 octobre 1931 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 127).
. On voudrait tant désirer autre chose que le plaisir ! Non par puritanisme, mais parce que le plaisir ne mène à rien. Il veut être une fin en soi, et c’est un rôle qu’il joue pauvrement ; c’est le singe de l’absolu. Le plus qu’il puisse faire, c’est de procurer l’illusion de l’anéantissement. (Julien Green, Journal 2. Les Derniers beaux jours (1935-1939), 15 août 1937 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 444).
. Jamais je ne lis sans étonnement la phrase de Pascal sur la peinture. Il a l’air de croire que le but de l’art c’est « d’attirer l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire pas les originaux » ! Ce serait trop simple. / De même, cette phrase célèbre, qui me paraît ne vouloir rien dire : « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. » Se faire égorger pour une histoire ne prouve point qu’elle soit véritable, elle prouve tout au plus que le témoin y croit. L’erreur a eu ses martyrs. (Julien Green, Journal 2. Les Derniers beaux jours (1935-1939), 3 février 1939 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 502-503).
. L’autre nuit une jeune fille a été poignardée à Central Park, peut-être par un fou. Elle avait sur elle le manuscrit d’un journal qu’elle tenait régulièrement. La dernière page de ce journal portait ces mots : « Il ne m’arrive jamais rien. » (Julien Green, Journal 4. L’Œil de l’ouragan (1943-1945), entre le 5 et le 12 janvier 1943 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 703). [1]
. Je m’aperçois que je cesse, peu à peu, de croire en l’humanité. Elle m’en a imposé fort longtemps avec ses discours, ses lois, ses livres, mais je commence à la voir sous son vrai jour, qui est triste, car c’est une vieille folle dont les crises de férocité alternent avec des sourires. Elle se croit auguste et vénérable ; elle oublie ce goût du sang qu’elle a toujours eu et cet immense appétit de malheur. Qu’on ne me dise pas qu’elle cherche le bonheur ; il est trop apparent qu’elle aime le grabuge. (Julien Green, Journal 4. L’Œil de l’ouragan (1943-1945), 3 mai 1943 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 722).
. De désillusion en désillusion, on finit par devenir plus intelligent. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 18 juillet 1946 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 922).
. On finit toujours par avoir ce que l’on veut, on l’a un peu tard, le plus souvent trop tard et quand on n’en veut presque plus, mais on l’a. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 8 novembre 1947 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 986).
. Le christianisme sans la croix n’est qu’une rêverie de philosophe, mais personne ne veut de la croix. Même la représentation du Christ en croix est insupportable à certains. Beaucoup d’orthodoxes et de protestants n’en veulent pas. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 3 juillet 1948 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1019).
. Quel sens peut avoir tout ceci ? Notre vie est un livre qui s'écrit tout seul et dont les thèmes principaux nous échappent quelquefois. Nous sommes des personnages de roman qui ne comprennent pas toujours bien ce que veut l'auteur. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 15 août 1949 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1094).
. S’il veut bien réfléchir un instant, qui n’a honte de sa vie ? Moi, j’ai honte de la mienne, fort souvent, mais je travaille. (Julien Green, Journal 6. Le Miroir intérieur (1950-1954), 9 novembre 1950 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1190).
. Rien ne ressemble plus à des vies ratées que certaines réussites. (Julien Green, Journal 6. Le Miroir intérieur (1950-1954), 24 mars 1951 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1211).
. « Je n’ai jamais rien fait de mal », disait un jour à Anne une amie que nous avons perdue. Parole mystérieuse. Peut-on être aussi aveugle sur soi-même ? Le bien que nous aurions pu faire et que nous n’avons pas fait n’est-il pas aussi du mal ? (Julien Green, Journal 7. Le Bel aujourdhui (1955-1958), 30 août 1955 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1439).
. Une femme du pays, âgée de quatre-vingt-quatorze ans, a eu cette dernière parole sur son lit de mort : « C’est ben court, la vie. » (Julien Green, Journal 9. Ce qui reste de jour (1966-1972), 18 août 1969 ; Pléiade tome V, 1977, p. 527).
. Le démon théologien et moraliste. Imbattable avec les laïcs qui s’en croient dans ces mystères. Imbattable avec les théologiens à qui il peut faire croire qu’ils sont très intelligents. (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 18 août 1991, Fayard, 1993, p. 284).
. La vie. Il faut lire le livre jusqu’au bout pour saisir ce qu’il voulait dire dès la première ligne. Et dans quel désordre l’histoire semble racontée. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 23 mai 1994 ; Fayard, 1996, p. 167).
. Un homme à qui manque le sens de l’ironie est un homme avec qui la conversation est assez vite impossible, parce qu’une ironie secrète est cachée au fond même de toute la vie dès que nous apprenons à parler. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 7 juin 1995 ; Fayard, 1996, p. 306).
. C’est une marque d’intelligence que de ne pas avoir d’opinion sur certains sujets. Politiques, par exemple. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 5 janvier 1996 ; Fayard, 1996, p. 392).
. La sincérité est un don comme un autre. N’est pas sincère qui veut. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 19 décembre 1928 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 33).
. Changer d’opinion est ennuyeux, demande un travail de mise au point ; c’est une sorte de déménagement à laquelle les gens ne se prêtent qu’à la dernière extrémité. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 24 mars 1932 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 162).
. L’idée d’une conversion religieuse me paraît aujourdhui la manière la plus fausse de régler des difficultés morales. En appeler à Dieu contre soi-même est la ressource des faibles. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 25 mars 1932 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 162).
. Que de gens lisent et étudient non pour connaître la vérité, mais pour augmenter leur petit moi ! (Julien Green, Journal 3. Devant la porte sombre (1940-1942), 25 mai 1941 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 580).
. Passé un certain âge, la vie est un escalier que l’on descend à reculons, à reculons parce qu’on ne veut pas voir. (Julien Green, Journal 3. Devant la porte sombre (1940-1942), 14 février 1942 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 638).
. J’entends dire quelquefois : « Il suffit de vouloir. » Mais on dit celà sans bien réfléchir, car à partir du moment où l’on se met à vouloir, le problème est résolu, quel qu’il soit. Aussi la vraie difficulté n’est-elle pas de vouloir, mais de vouloir vouloir. Tant il est vrai qu’il y a une volonté qui précède la volonté et la met en branle. (Julien Green, Journal 4. L’Œil de l’ouragan (1943-1945), 19 octobre 1945 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 863-864).
. « La plupart des hommes meurent de chagrin », écrit Buffon [2]. Mais le cœur d’un homme ne se brise pas d’un seul coup ; il lui faut vingt, trente ans pour celà. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 27 novembre 1948 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1053).
. La vérité à laquelle j’arrive après des années de lutte et de réflexion, c’est que je hais l’instinct sexuel. Je reconnais son importance, j’admire cette force énorme qui a produit tant d’œuvres, mais je hais le désir, cette force qui jette tant d’êtres sages aux pieds de tant d’imbéciles et les fait délirer comme des enfants luxurieux. Je voudrais qu’il n’en fût pas ainsi. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 26 février 1949 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1065).
. La jeunesse ne sent pas les limites de son intelligence et celà lui confère une espèce de supériorité. (Julien Green, Journal 6. Le Miroir intérieur (1950-1954), 20 juillet 1951 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1241).
. « Comme ça fait du bien d’admirer ! » écrit Flaubert à Tourguéniev en mai 1873 [3]. Mais que d’hommes sont trop petits pour pouvoir admirer ! Celà demande une disposition du cœur, un grand désintéressement et par-dessus tout de la jeunesse, une capacité d’enthousiasme assez rare passé la trentaine. (Julien Green, Journal 7. Le Bel aujourdhui (1955-1958), 25 mars 1955 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1395).
. À quelqu’un qui me demandait s’il devait répondre à une attaque assez basse dans un journal hebdomadaire, j’ai conseillé de se taire. Le silence est une arme admirable et dont le maniement est du reste fort délicat. Il faut savoir contre qui on l’emploie et quel sens il peut prendre dans l’esprit de celui à qui on répond de cette manière. Il y a le silence indigné, ou blessé, ou dédaigneux, méprisant, amusé, ironique, ou plein de reproches douloureux, ou pathétique, goguenard, jovial, taquin, furieux, vengeur, etc, etc. Mais il finit toujours par être interprété comme il faut, à moins que ce ne soit le silence mystérieux qui veut laisser l’adversaire dans le doute, et celui-là est exaspérant. […] [Il y a aussi le] silence de la rage impuissante, ou celui dont nous avons tous usé et abusé : le silence indifférent. Nommons enfin pour être complet le silence qui dit oui et le silence qui dit non, et celui qui justifierait presque un assassinat parce qu’il ne dit ni oui ni non. (Julien Green, Journal 7. Le Bel aujourdhui (1955-1958), 7 avril 1955 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1399-1400).
. Il est vrai que le fait de posséder quelque chose confère à ce quelque chose un prix tout particulier, une sorte de vertu qu’il n’aurait pas s’il appartenait à autrui. Je le dis à ma honte : je connais ce sentiment-là. (Julien Green, Journal 7. Le Bel aujourdhui (1955-1958), 24 juin 1955 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1425).
. Il me paraît certain que l'aboutissement normal de l'érotisme est l'assassinat. Le crime n’est que le prolongement de certains excès charnels. (Julien Green, Journal 8. Vers l’invisible (1958-1966), 27 octobre 1958 ; Pléiade tome V, 1977, p. 152).
. Que le désir assouvi amène la satiété, et la satiété l’ennui, et l’ennui le dégoût, il y a trop d’exemples de celà pour qu’on en doute. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec un jeune marié catholique qui me disait qu’en effet l’union des deux âmes était sensible à un moment, mais qu’avec le temps venait la déconvenue. (Julien Green, Journal 8. Vers l’invisible (1958-1966), 4 mars 1966 ; Pléiade tome V, 1977, p. 388).
. On dit parfois que la majorité des hommes est incapable d’aimer, ce qui est stupide : nous naissons tous éperdument amoureux de nous-mêmes. Ce qu’on cherche ensuite, c’est quelqu’un qui nous aimera et à qui nous pourrons dire : « Je t’aime », comme on le dirait à un miroir. Les amoureux se tuent quand ils se rendent compte qu’ils ne sont plus aimés. On ne se tue pas quand on n’aime plus. Ce qu’aima Roméo, c’est Roméo aimé par Juliette. (Julien Green, Journal 10. La Bouteille à la mer (1972-1976), 13 novembre 1974 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 196).
. La passion d’apprendre, je n’ai jamais pu m’en débarrasser. Elle peut devenir un obstacle quand elle tourne à la dévorante curiosité qui me fait ouvrir livre après livre alors que je devrais écrire. (Julien Green, Journal 11. La Terre est si belle (1976-1978), 28 avril 1978 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 471).
. Qui a jamais vécu autrement que dans les sincérités successives ? Parle-t-on à tout le monde de la même façon ? À une femme comme à un homme ? À un vieux monsieur comme à un jeune homme ? À un écrivain comme à un homme d’affaires ? Tient-on des propos passe-partout ? (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 6 janvier 1994 ; Fayard, 1996, p. 131-132).
. J’ai toujours pensé et pense de plus en plus que la politesse est une forme de charité. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 16 mai 1995 ; Fayard, 1996, p. 295).
. Les honneurs ont un point commun : ils banalisent. L’homme se déguise pour ressembler au voisin, car tout ce que le monde offre de gloires passagères participe du déguisement. L’esprit libre n’a que faire de fanfreluches, décorations, titres… Rien ne peut donner disons du talent que la solitude et le silence à celui qui crée un monde ; c’est dans ce silence et cette solitude intérieure que ce monde prendra sa forme, sa force et sa réalité. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 17 octobre 1995 ; Fayard, 1996, p. 359).
. C’était comme si ce regard que le docteur avait jeté sur elle la suivît partout et la contraignît à ne penser qu’à lui. Rien n'est plus proche d'une femme ensorcelée qu'une femme éprise. La volonté ne compte plus, sa pensée même lui est enlevée. Elle n’est rien sans celui qui seul peut la faire agir et, si elle en est séparée, elle tombe dans une espèce d’engourdissement moral et ne garde de la vie que la conscience de sa douleur et de sa solitude. (Julien Green, Adrienne Mesurat (1927), I, vii ; Pléiade tome I, 1972, p. 336-337).
. C'est peut-être la plus grande consolation des opprimés que de se croire supérieurs à leurs tyrans. (Julien Green, Adrienne Mesurat (1927), I, ix ; Pléiade tome I, 1972, p. 347).
. Le cœur humain est ainsi fait. Il laisse s’écouler de longues années et ne songe pas un instant à se mutiner contre son sort, puis il vient un moment où il sent tout d’un coup qu’il n’en peut plus et qu’il faut tout changer dans l’heure même et il craint de tout perdre s’il diffère d’un seul jour cette entreprise dont la veille encore il n’avait pas l’idée. (Julien Green, Adrienne Mesurat (1927), I, x ; Pléiade tome I, 1972, p. 354).
. Il y a quelque chose de terrible dans le fait que nous ne pouvons changer rien à ce qui est accompli. Tant qu’un geste est dans l’avenir, et, pour ainsi dire, devant nous, nous pouvons le faire ou ne pas le faire, mais il suffit que, par l’injuste magie du temps, il passe derrière nous, et que nous l’ayons accompli pour qu’il soit désormais hors de toute atteinte. Une seconde plus tôt, il était aisé de tout empêcher peut-être ; à présent, la plus grande puissance sur terre est comme rien devant cette chose à tout jamais immuable. Si j’étais croyant, il me semble que je chercherais dans mon cœur une prière contre le temps. (Julien Green, Les Clefs de la mort (1927) ; Pléiade tome I, 1972, p. 545).
. Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir ; l’excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l’âme naufragée qui n’ose plus croire. Telle détresse morale est l’abri le plus sûr, tel abandonnement, le repos. (Julien Green, Léviathan (1929), II, 5 ; Pléiade tome I, 1972, p. 746).
. Tristesse immense du boulevard de Clichy, de cette foule qui ne sait pas comment s’amuser. Quel bonheur pour elle si l’esclavage était rétabli ! Elle ne connaîtrait plus l’angoisse du loisir. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 5 décembre 1932 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 211).
. Je crains que la France que j’aime ne finisse par disparaître. Chaque jour semble en emporter un peu. Il naît dans le tumulte actuel je ne sais quel monde où je ne trouve pas ma place. Tristesse générale. Je n’entends parler que de gens qui ont peur et qui veulent partir. (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 27 février 1934 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 302).
. L’histoire est toujours du côté des vainqueurs. C’est la thèse républicaine de la Révolution qui triomphe, par exemple, et fait des royalistes des traîtres. Ou la thèse du Nord (dans la guerre de Sécession) qui fait des sudistes des « rebelles ». (Julien Green, Journal 4. L’Œil de l’ouragan (1943-1945), [23 janvier] 1943 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 706). [4]
. Quand l'homme veut faire un paradis sur terre, c'est toujours raté. Ses enfers sont parfaitement réussis. (Julien Green, Journal 9. Ce qui reste de jour (1966-1972), 6 février 1968 ; Pléiade tome V, 1977, p. 460). [5]
. J’ai cherché des plumes d’acier pour écrire mes livres, mais on ne trouve de ces plumes qu’avec les plus grandes difficultés, l’usage s’en perdant assez vite. On donne aux enfants des stylos à bille. Pas question de faire les pleins et les déliés. C’est un petit signe entre mille de la décadence universelle ! (Julien Green, Journal 9. Ce qui reste de jour (1966-1972), 29 février 1968 ; Pléiade tome V, 1977, p. 464).
. [Notre curé] parle un beau français, ce qui est de plus en plus rare, déplore amèrement la disparition du latin et l’abaissement général de la culture. Une lettre écrite en français, sans fautes, surprend aujourdhui comme une chose d'autrefois. (Julien Green, Journal 10. La Bouteille à la mer (1972-1976), 7 juillet 1972 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 42).
. L’aspect infernal de ce qu’on appelle l’actualité me remplit de dégoût. Le monde devient trop bête, et la bêtise est l’engrenage de toutes les terreurs. (Julien Green, Journal 12. La Lumière du monde (1978-1981), 20 août 1979 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 651).
. Une petite libraire fort aimable et intelligente, rue Vaneau, me parle du délabrement du commerce des livres. Jadis le libraire pouvait conseiller ses clients, c’est presque fini, l’avalanche perpétuelle de livres nouveaux emporte ce qui est bon et devrait rester, pour faire place aux médiocrités dont le public se contente et qu’on publie « pour faire de l’argent ». Un jour les petites boutiques disparaîtront, librairies, papeteries, relieurs, et avec elles une certaine culture en ce qui concerne les livres. (Julien Green, Journal 12. La Lumière du monde (1978-1981), 26 décembre 1979 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 688).
. Alvaro nous parle de la montée de la vulgarité en Espagne. […] Nous constatons le même phénomène en France qui fut jadis le pays de la courtoisie et du goût. French courtesy était une expression courante au début du siècle. À présent, c’est la débâcle, sauf dans quelques milieux fanatiquement épris de bonnes façons. Mais qu’appelle-t-on vulgarité ? Son origine, ne la cherchez pas toujours dans la peuple, pas dans l’artisanat ni même chez les ouvriers. Il faut chercher plus haut, je n’ose dire monter, dans la bourgeoisie devenue prospère. « I’m not rude, I’m rich », disait le personnage d’une comédie américaine. (Je ne suis pas mal élevé, je suis riche.) Eh bien, de là ça redescend. Mais quoi, si c’est vrai pour la France, il en va de même partout. (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 21 juillet 1990, Fayard, 1993, p. 115-116).
. Qu’on ne me dise pas que je ne lis pas les contemporains. Je pourrais étonner bien des critiques. Si je me tais, c’est par simple humanité. L’immense fatras qu’on appelle la production actuelle… Les éditeurs ont été pris, à leur tour, de folie : tout le monde veut écrire, tout le monde veut publier, cercle infernal. Que faire des livres ? Valéry avait résolu le problème : pendant la guerre, il se chauffait avec les envois. (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 12 août 1991, Fayard, 1993, p. 280).
. On me demande d’écrire quelque chose sur la fédération possible de l’Europe. Qu’on imagine une solution aussi dangereuse que l’unité européenne ! La Russie n’a pas été autre chose qu’une fédération de pays différents et le bienheureux effondrement de l’Union soviétique devrait nous apprendre qu’il est toujours possible de fabriquer un Staline. L’idée d’une Europe dominée par un président lève le cœur et rappelle de fâcheux souvenirs. Vive la diversité ! (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 28 novembre 1991, Fayard, 1993, p. 328).
. L’unité de l’Europe ! Moins, bien entendu, l’Angleterre qui ne veut pas être engloutie dans le sac d’une fédération. Tous les pays, toutes les races, toutes les familles gouvernés ensemble par un seul homme ou groupe d’hommes, c’est la mort d’une civilisation. La Russie en a fait l’expérience. La vingtaine de pays qui la composaient ont fini par se détacher enfin les uns des autres, chacun retrouvant, avec sa liberté, son individualité. Ce qui ne vaudrait pas mieux d’ailleurs serait une Europe entièrement américanisée. L’accord militaire France-Allemagne ne peut réaliser les espoirs que de quelques gogos. (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 9 décembre 1991, Fayard, 1993, p. 332).
. Ce qui a amoindri les races entrées en décadence, c’est moins la volupté que le simple amour du confort. On pourrait dire la passion du confort, des meubles commodes, des lits profonds, agréables, paresseux, car les livres peuvent être paresseux comme les personnes. M’est revenu un mot d’une des trois sœurs de Louis XV […] : « Ce fauteuil me damnera ! » (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 1er février 1993 ; Fayard, 1996, p. 16).
. Depuis 1990, je me sens en pays étranger dans ce siècle qui tout-à-coup s’est mis à changer trop vite, trop mal. C’est tout ce que je peux dire clairement. Dès janvier, cette année-là, j’ai eu comme beaucoup de gens le sentiment que nous entrions dans quelque chose de nouveau et de triste. On pourrait dire que les malins sont partis avant, comme ces gens qui meurent avant une déclaration de guerre. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 3 mai 1993 ; Fayard, 1996, p. 50).
. Tristan me dit un mot de l’état alarmant des États-Unis où Jaunes et Hispaniques deviennent de plus en plus nombreux. Que voulez-vous, ils font plus d’enfants. Une jour, l’Amérique sera une terre de conquête dont les Blancs seront chassés comme ils sont chassé les Indiens. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 20 septembre 1993 ; Fayard, 1996, p. 89).
. Règles du bon ton fin XXe siècle : – Plus on crie, plus on a raison, parce que plus on crie, plus c’est vrai. – Tu es obstiné quand tu t’opposes à l’obstination du prochain. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 1er novembre 1993 ; Fayard, 1996, p. 106).
. Le Français est quelqu’un à qui on ne la fait pas. Donc, peu de visionnaires, notamment chez les romanciers. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 9 novembre 1993 ; Fayard, 1996, p. 112).
. Une amie très chère, Germaine Rouffy […] nous parle de la dégringolade terrifiante de la province, du chômage que nul n’arrête parce qu’il y a à la base de ce fléau une incurable paresse. La jeunesse a grandi et est bien bâtie, mais la tête reste vide, ne sachant rien et ne voulant rien savoir. Les allocations de chômage lui suffisent. Les malins vont demander la charité à la portière des taxis. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 16 décembre 1993 ; Fayard, 1996, p. 122).
. Je ne sais vers quoi nous allons, mais ce qui vient vers nous fait frémir. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 12 février 1994 ; Fayard, 1996, p. 142).
. Humilier le prochain est un des indispensables plaisirs de la conversation mondaine. Je maintiens indispensables, car imagine-t-on de la bonne cuisine sans sel ? (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 24 mars 1994 ; Fayard, 1996, p. 154).
. Ce qui caractérise notre époque, c’est la vulgarité, non seulement des manières et du langage, mais de la manière dont elle offre cette image d’elle-même ; elle ne s’en cache pas, elle en est très satisfaite, elle se veut commune, elle parle mal avec ostentation, mais c’est le fait d’une bourgeoisie qui ne sait plus rien hors l’argent, ou, pour parler comme elle, le fric. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 18 décembre 1994 ; Fayard, 1996, p. 235).
. Nous allons vers une société primitive. […] Le Français moyen d’aujourdhui ne sait rien, absolument rien. Toute allusion à une citation classique est reçue avec un visage de bois, vide de toute expression. […] La disparition du subjonctif, par exemple dans le Missel nouveau que donne l’Église, est une autre simplification imposée par l’inculture. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 26 avril 1995 ; Fayard, 1996, p. 287).
. Nous sommes en ce moment dirigés par des forts en thème, en somme des crétins savants. Sur le plan humain, ils n’ont aucune connaissance. Et nous allons vers le règne tragi-comique du professeur Aliboron. Celà complète le mélange adultère de tout en cette fin de millénaire. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 1er mai 1995 ; Fayard, 1996, p. 290).
. La bataille autour de l’avortement autorisé par la loi est un scandale. L’Antiquité romaine n’a jamais accepté qu’on mît à mort un être humain alors qu’il est en voie de naître. Ce qu’on appelle notre civilisation est un désordre qui va s’aggravant d’année en année. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 8 juillet 1995 ; Fayard, 1996, p. 321).
. Tout me dit que la vie que nous avons connue jusqu’ici existera de moins en moins. La jeunesse ne s’en rend pas compte, elle n’a pas connu autre chose. Dans le monde romain de la décadence, la situation générale était comparable à la nôtre. […] Des peuples entiers se déplaçaient du nord au sud comme un seul homme, mais là, une nuance considérable, un homme blond. […] En tout dominait le début de notre millénaire un homme de race blanche. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 14 juillet 1995 ; Fayard, 1996, p. 324-325).
. La tour Eiffel a eu les honneurs de ce qu’on appelle un concert. Je crois qu’il faudrait redéfinir les mots et inventer ce qui convient entre charivari et bamboula. Et puis, autre nouveauté, un certain monde arabe a déclaré le 14 juillet sa fête nationale, et voilà ! Il devrait dabord faire tomber les Bastilles de son intolérance. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 15 juillet 1995 ; Fayard, 1996, p. 325).
. L’œuvre d’imagination est une denrée qui n’a plus cours, ou si faible… Le livre ne se vend plus guère, par exemple au Danemark où un roman se tire aujourdhui à huit-cents exemplaires, alors que naguère commencer à dix-milles était courant. […] Nous vivions dans un rêve, nous croyions à l’intelligence et à la culture. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 12 août 1995 ; Fayard, 1996, p. 335).
. On peut se demander si le métier d’écrivain n’est pas en voie de disparition. À quoi sert l’écrivain ? Ce qu’on veut maintenant, ce sont des charlatans. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 8 septembre 1995 ; Fayard, 1996, p. 345).
. Voir les choses de loin, et d’un pays aussi tranquille et heureux qu’ici [=en Slovénie], permet de les voir sans parti pris, plus clairement. La France était un grand pays et Paris la plus belle ville du monde, mais voilà que j’emploie déjà le passé. La décadence a été rapide, surtout après de Gaulle. / Parler de l’écroulement de la société, c’est presque absurde. Quelle société ? Il y a belle lurette qu’elle n’existe plus et ce qui se prend pour tel, aujourdhui, n’est qu’un guignol. Avant guerre, il y avait encore les beaux reste d’un monde enfui. Maintenant, hélas ! (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 15 octobre 1995 ; Fayard, 1996, p. 358).
. On entre dans l’ère des gens de lettres synthétiques. Mais, pour les vrais écrivains, il n’y a plus de vrais correcteurs, les protes disparaissent et les fautes pullulent comme des sauterelles. Les à-peu-près, l’ortografe, le charabia se donnent rendez-vous dans des livres robotisés. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 20 octobre 1995 ; Fayard, 1996, p. 366).
. Combien de visiteurs [d’une exposition] se doutent qu’un tableau n’a rien à dire à qui ne le regarde pas au moins cinq minutes ? (Julien Green, Journal 1. Les Années faciles (1926-1934), 10 septembre 1934 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 332).
. Est-il vraiment possible de tenir un journal qui donne de son auteur une idée à peu près exacte ? J’arrive à en douter. Comment me placerai-je tous les jours au point qui me fournira la perspective la plus juste ? Non, il n’est pas possible qu’on ne se trompe souvent, qu’on ne donne à tel propos une importance exagérée et qu’on ne néglige tel évènement dont le souvenir nous harcèlera peut-être jusqu’à la mort. Nous sommes trop près du paysage pour bien distinguer les premiers plans des plans secondaires ; à vrai dire, nous sommes au milieu du paysage que nous voulons peindre, et notre dessin est incorrect. / […] Comment distinguerons-nous le futile de l’essentiel ? Une contrariété financière obscurcira plusieurs journées, qui dans un mois s’effacera à jamais de notre mémoire, alors qu’une parole affectueuse dite en passant nous semblera tout ordinaire, mais reviendra plus tard et se logera dans notre cœur jusqu’à la fin. (Julien Green, Journal 2. Les Derniers beaux jours (1935-1939), 3 février 1939 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 503-504).
. Je suis de [l’]avis [de Somerset Maugham] quand il écrit que le français et l’anglais suffisent à un homme cultivé, parce que l’Angleterre et la France sont les seuls pays à avoir une littérature : les autres n’ont que de grands écrivains. Il n’y a, en effet, que dans ces deux pays qu’on trouve la continuité de grandes œuvres, le fleuve qui coule à pleins bords sans jamais tarir. (Julien Green, Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 11 novembre 1949 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1119).
. La culture, ce n’est pas tant de savoir et d’avoir retenu qu’une disposition à recevoir, c’est pouvoir reconnaître la beauté et goûter n’importe quel grand livre. (Julien Green, Journal 6. Le Miroir intérieur (1950-1954), 1er décembre 1951 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1259-1260).
. Nous devons les Essais en partie à la mauvaise mémoire de Montaigne et la perte du livre de Pascal à la trop bonne mémoire de l’auteur qui, portant son œuvre dans sa tête, croyait bien avoir le temps de l’écrire un jour. Mais peut-être celà vaut-il mieux. (Julien Green, Journal 6. Le Miroir intérieur (1950-1954), 10 août 1954 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1350).
. Celà me gêne toujours d’entendre faire la critique de [Victor Hugo] par des gens qui n’ont pas le droit d‘avoir raison contre lui. Ses faiblesses, je les connais trop, mais la France n’a pas tant de vrais poètes qu’elle puisse se passer de celui-là. (Julien Green, Journal 7. Le Bel aujourdhui (1955-1958), 5 août 1955 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1437).
. On me cite un mot de Saint-Exupéry qui me paraît très contestable : « Vivre dabord, écrire ensuite. » [6] Si Rimbaud avait fait le même raisonnement… Et Keats qui a eu à peine le temps de vivre. Il faut qu’écrire soit vivre. (Julien Green, Journal 8. Vers l’invisible (1958-1966), 10 septembre 1958 ; Pléiade tome V, 1977, p. 143).
. Tant de livres dans cette immense pièce que je ne puis en prendre un sans le laisser pour en choisir un autre. Celui que je lis me prive de celui que je ne lis pas. (Julien Green, Journal 10. La Bouteille à la mer (1972-1976), 5 juillet 1972 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 42).
. La plupart des gens, même parmi nos hommes de lettres, ne savent pas lire, et on aura beau mettre, entre les mains de tous, les grands livres du passé dans des éditions de poche, il faut des années de lecture attentive et intelligente pour goûter la prose et la poésie qui ont fait la gloire de nos civilisations. La culture ne s’improvise pas. (Julien Green, Journal 10. La Bouteille à la mer (1972-1976), 18 mai 1975 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 226).
. J’ai souffert comme tout écrivain des fautes d’impression dans mes livres. Le Père Bouyer me cite une faute dans un livre écrit par un aliéniste. L'auteur avait indiqué en marge d'un passage tiré de Freud, en plusieurs paragraphes : « Guillemetez les alinéas », ce qui était devenu, inséré dans le texte : « Guillotinez les aliénés. » (Julien Green, Journal 11. La Terre est si belle (1976-1978), 7 décembre 1976 ; Pléiade tome VI, 1990, p. 348).
. Réforme de l’orthographe. Quelle importance ! Les uns n’écriront pas mieux, et les autres ne peuvent pas écrire plus mal. (Julien Green, Journal 15. L’Avenir n’est à personne (1990-1992), 1er août 1992 ; Fayard, 1993, p. 405).
. À trente ans, on doit avoir lu tout ce qu’il est indispensable d’avoir lu de la littérature universelle dans ses grandes lignes. (Julien Green, Journal 16. Pourquoi suis-je moi ? (1993-1996), 4 mars 1995 ; Fayard, 1996, p. 254).
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[1] Cette anecdote a marqué Julien Green, car il la consigne à nouveau dans son journal, à la date du 11 juillet 1991 (L’Avenir n’est à personne. 1990-1992, Fayard, 1993, p. 264). Il l’a aussi racontée à Michel Tournier, lors d’un déjeuner. Celui-ci l’a transcrite ainsi, apparemment sans savoir qu’elle datait d’un demi-siècle : « On a trouvé à Central Park le cadavre d’une jeune fille qui avait été violée et assassinée. Dans son sac se trouvait son journal intime. La veille elle se plaignait d’avoir une vie fade où il ne se passait jamais rien. » (Journal extime, « octobre » ; Folio n°3994, 2004, p. 200). On notera l’amplification : Tournier croit que la jeune fille a été violée avant d’être assassinée, ce qui n’apparaît pas chez Green, ni en 1943 ni en 1991.
[2] « Si l’on observait les hommes, on verrait que presque tous mènent une vie timide ou contentieuse, et que la plupart meurent de chagrin. » Buffon, Discours sur la nature des animaux (1753), Pléiade, 2007, p. 458.
[3] Lettre du 31 mai 1873 : Correspondance Pléiade tome IV, 1998, p. 670. Flaubert félicite Tourguéniev pour les nouvelles qu’il vient de faire paraître en France, en particulier L’Infortunée et Toc… toc… toc… ! qui lui inspirent une vive admiration.
[4] La même idée réapparaît sept ans plus tard. Green se souvient d’un « vieux nègre de Virginie, le dernier esclave de [s]on grand-père qui l’avait libéré longtemps avant la guerre et lui avait donné un champ et une petite maison au bord d’une route. » Mieux encore : « Quand on lui a dit que j’étais le petit-fils de son maître, il m’a pris les mains en souriant. Celà ne ressemblait pas du tout à La Case de l’oncle Tom ! » Et Green conclut comme en janvier 1943 : « Tous les malentendus de l’histoire viennent de ceci, que c’est toujours la thèse du vainqueur qui prévaut. Si l’Allemagne eût gagné la guerre de 40, la France et surtout l’Angleterre, sans parler des autres, feraient figure de grands coupables. » (Journal 5. Le Revenant (1946-1950), 17 mars 1950 ; Pléiade tome IV, 1975, p. 1140-1141).
[5] Réflexion inspirée par la guerre du Vietnam. Même idée dix ans plus tôt, à propos d’une lecture sur des religieux de Port-Royal enfermés à la Bastille : « Quand l’homme essaie de se faire un paradis, c’est en général pitoyable. Il réussit beaucoup mieux dès qu’il s’agit de fabriquer un enfer à l’usage du prochain. » (Journal 8. Vers l’invisible (1958-1966), 21 octobre 1958 ; Pléiade tome V, 1977, p. 147).
[6] Il ne semble pas que cette phrase se trouve chez Saint-Exupéry. Et quand bien même, il ne s’agirait que d’une variation du vieil adage : « Primum vivere, deinde philosophari », qui procède d’Aristote.
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