OSCAR WILDE : SES MEILLEURES CITATIONS VÉRIFIÉES, RÉFÉRENCÉES, CLASSÉES !
13.07.2017
Je présente rapidement Oscar Wilde (1854-1900) sur cette page connexe, où je précise les principes qui ont déterminé le vaste choix ici proposé de citations vérifiées, référencées, classées.
Pour qu’on puisse circuler aisément parmi ces 391 sentences, je les ai réparties en 26 rubriques, que j’ai voulu courtes et précises. Naturellement, le choix de ces rubriques, leur ordre de succession, et la répartition des sentences entre elles, tout celà implique une certaine subjectivité. Je l’ai même assumée et renforcée en faisant précéder chaque rubrique d’un court chapeau introductif : lus à la suite, ces vingt-six chapeaux dessinent une sorte de parcours du « dandy wildien » tel que je le vois.
Philosophie Religion Scepticisme Paradoxes et cynisme Anti-moralisme Désabusement Égocentrisme Amoralisme Morale Psychologie humaine Le temps et les âges de la vie La famille et les amis Les femmes L’amour Le mariage La vie sociale et mondaine Les classes inférieures Politique La société moderne L’Amérique, l’Angleterre et le monde Le journalisme La critique et le public face à l’art Le beau L’artiste L’art La littérature
Le dandy wildien n’est pas un philosophe – il tient la pensée pour une chose frivole –, mais celà ne l’empêche pas d’avoir quelques idées philosophiques sur la vérité, sur la nature et sur la vie humaine…
. Lord Henry Wotton : « En êtes-vous tout-à-fait sûr, Dorian ? » — Dorian Gray : « Tout-à-fait. » — Lord Henry Wotton : « Ah bon ! En ce cas c’est nécessairement une illusion. Les choses dont on est absolument certain ne sont jamais vraies. Telle est la fatalité de la Foi, et la leçon du romanesque. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 554).
. Gilbert : « Qu’est-ce que la Vérité ? En matière de religion, c’est simplement l’opinion qui a survécu. En matière de science, c’est l’impression la plus récente. En matière d’art, c’est le dernier état d’âme qu’on a ressenti. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 883).
. Une vérité cesse d’être vraie dès lors que plus d’une personne y croit. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Algernon : « La vérité est rarement pure, et elle n’est jamais simple. Sinon, la vie moderne serait fort ennuyeuse, et la littérature moderne complètement impossible ! » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1442).
. M. Erskine : « Le chemin des paradoxes est le chemin de la vérité. Pour éprouver la réalité, il faut l’observer sur la corde raide. C’est lorsque les vérités deviennent des funambules que nous pouvons les juger. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. III ; Pléiade, 1996, p. 386).
. « Les plus détestables mensonges sont ceux qui se rapprochent le plus de la vérité. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à Alger, le 28 janvier 1895, à André Gide, rapporté par celui-ci dans Si le grain ne meurt, II, 2 (1921) ; Pléiade Souvenirs et voyages, 2001, p. 305).
. Vivian : « La Nature est tellement inconfortable ! L’herbe est dure, humide, pleine de bosses et d’horribles bestioles noirâtres. […] Si la Nature avait été confortable, l’homme n’aurait jamais inventé l’architecture. […] À l’intérieur d’une maison, nous avons tous le sentiment d’être harmonieusement proportionnés. Tout y est subordonné à notre personne, à notre usage, à notre plaisir. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 774).
. Vivian : « La Nature se montre si indifférente, si incapable d’apprécier votre présence ! Quand je me promène dans ce parc, j’ai toujours le sentiment que je ne lui importe pas davantage que les troupeaux qui broutent sur la colline ou que la bardane qui fleurit dans le fossé. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 774).
. Vivian : « La Nature a l’intellect en horreur, c’est une évidence. Rien n’est plus malsain que de réfléchir et les gens en meurent comme de n’importe quelle autre maladie. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 774).
. Il y a de l’animalité dans l’âme, et le corps a ses moments de spiritualité. Les sens sont capables de raffiner, et l’intellect est capable de dégrader. Qui peut dire où s’arrête l’élan charnel, où commence l’élan psychique ? (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 404).
. Lord Henry Wotton : « La vie n’est gouvernée ni par la volonté, ni par les intentions. La vie est une affaire de nerfs, de fibres, et de cellules lentement élaborées où la pensée se cache et où les passions poursuivent leurs rêves. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 555).
. La vie est trop courte pour qu’on prenne le temps d’assumer les erreurs d’autrui. Chaque homme vit sa vie, et l’ayant vécue, paye sa note. Tout au plus peut-on regretter qu’il faille payer si souvent pour une même faute. Car il faut payer et encore payer, payer sans cesse. Quand elle traite avec l’homme, la Destinée n’arrête jamais les comptes. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVI ; Pléiade, 1996, p. 529).
. Effacer le passé, on le peut toujours : c'est une affaire de regret, de désaveu, d'oubli. Mais on n'évite pas l'avenir. [The past could always be annihilated. Regret, denial, or forgetfulness could do that. But the future was inevitable.] (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. X ; Pléiade, 1996, p. 463).
. Le passé, c’est ce que l’homme n’aurait pas dû être. Le présent, c’est ce que l’homme ne devrait pas être. L’avenir, c’est ce que sont les artistes. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 960).
Et la religion ? Restons sérieux. Si le dandy wildien ne croit pas aux vérités établies, ce n’est pas pour gober les fables de la religion. En outre, il se fait du péché une conception à l’opposé de celle du christianisme…
. Les religions meurent quand on fait la preuve de leur vérité. La science est le registre des religions mortes. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 969).
. La religion ne m’est d’aucune aide. La foi que d’autres accordent à l’invisible, je l’accorde au palpable, au visible. Mes dieux habitent des temples édifiés par la main de l’homme, et c’est dans le cercle de l’expérience concrète que ma croyance devient complète et parfaite. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 627).
. Lord Henry Wotton : « Seules les choses sacrées méritent qu’on porte la main sur elles. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 398).
. Les dieux sont bizarres. Ce n’est pas seulement de nos vices qu’ils se servent pour nous châtier. Ils provoquent notre chute en se servant de ce qui en nous est bon, doux, humain, aimant. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 589).
. Sir Robert Chiltern : « Je me rappelle avoir lu quelque part, dans quelque livre étrange, que lorsque les dieux veulent nous punir, ils exaucent nos prières. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1370). [1]
. Lord Henry Wotton : « Quant aux présages, ils n’existent pas. Le destin ne nous envoie pas de hérauts. Il est trop sage ou trop cruel pour celà. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 542).
. Lord Illingworth : « Dans un temple, tout-le-monde devrait être sérieux, à l’exception de l’être qui est l’objet du culte. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1275).
. Gilbert : « Il y a eu très peu de réveils spirituels, si tant est qu’il y en ait eu, qui n’aient gâché les aptitudes du monde à force de stériles espérances, d’infécondes aspirations et de croyances vides ou paralysantes. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 849).
. Les idéaux que nous devons au Christ sont les idéaux de quelqu’un qui abandonne complètement la société, ou qui résiste absolument à la société. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 963).
. Jésus : « Essayez donc de façonner votre vie de telle façon que les choses extérieures ne puissent lui faire de mal. Et tentez également de vous débarrasser de vos biens personnels. Ils entraînent des soucis sordides, un travail sans fin, des préjudices continuels. La possession de biens freine à tout instant l’individualisme. » (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 939).
. Chasuble : « Les principes, autant que la pratique de l’Église primitive, étaient clairement contre le mariage. » — Miss Prism : « C’est manifestement la raison pour laquelle l’Église primitive n’a pas survécu jusqu’à nos jours. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1470-1471).
. Lord Illingworth : « La seule différence entre le saint et le pécheur, c’est que le saint a un passé, tandis que le pécheur a un avenir. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1306).
. Gilbert : « Il est heureux pour sa paix intérieure que le saint subisse son martyre. Le spectacle d’horreur qu’est sa moisson lui est ainsi épargné. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 850).
. Gilbert : « Ce qu’on nomme le Péché est un élément essentiel du progrès. S’il n’existait pas, le monde stagnerait, ou bien il vieillirait ou perdrait ses couleurs. C’est grâce à sa curiosité que le Péché accroît l’expérience de la race. Par l’affirmation accentuée de l’individualisme, il nous sauve de la monotonie du type. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 849).
. Gilbert : « Les gens s’en prennent au pécheur ; pourtant ce ne sont pas les méchants mais bien les imbéciles qui nous font honte. Le seul péché, c’est la bêtise. » [There is no sin except stupidity.] (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 899).
On l’a compris, le dandy wildien est dabord un sceptique : il ne croit en rien, ne pense pas qu’il faille croire en quelque chose, et trouve même un intérêt psychologique et esthétique à l’insincérité.
. Lord Henry Wotton : « Dès l’instant où l’on s’assied pour réfléchir, on n’est plus que nez, que front, bref, quelque chose d'horrible. Regardez tous ces hommes arrivés, au sein des professions savantes. Ils sont tous absolument hideux ! À une exception près, bien entendu : l’Église. Mais c’est aussi que, dans l’Église, on ne pense pas. À l’âge de quatre-vingts ans, un évêque continue à dire ce qu’on lui a dit de dire quand il en avait dix-huit et, en conséquence, il paraît toujours absolument adorable. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 351).
. Il ne commit jamais l’erreur de bloquer son développement intellectuel en se ralliant formellement à une croyance ou à un système, ni en prenant pour une véritable demeure une auberge tout juste bonne pour y passer la nuit. [2] (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XI ; Pléiade, 1996, p. 476).
. Lord Illingworth : « On devrait en toute chose ne jamais prendre parti […]. Prendre parti est le début de la sincérité, et l’esprit de sérieux suit peu de temps après, et c’est ainsi que l’être humain devient un raseur. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1270).
. Les gens bien élevés contredisent les autres. Les sages se contredisent eux-mêmes. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 969).
. Lord Goring : « C’est une chose très dangereuse que d’écouter. Si l’on écoute, on court le risque d’être convaincu ; et un homme qui se laisse convaincre par un argument est une personne entièrement déraisonnable. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1347).
. J’ai toujours pensé que la logique est le dernier refuge des gens sans imagination. [I have always been of opinion that consistency is the last refuge of the unimaginative.] (Oscar Wilde, « La relation des vêtements à l’art. Note en blanc et noir à propos de la conférence de M. Whistler », article paru dans Pall Mall Gazette le 28 février 1885 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, II, 2, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 71).
. « Vous êtes si évidemment, si indubitablement sincère, et surtout si véridique, que je ne peux pas croire un seul mot de ce que vous dites. » [You are so evidently, so unmistakably sincere, and most of all so truthful, that I can’t believe a single word you say.] (Oscar Wilde, propos oral tenu à Coulson Kernahan et rapporté par celui-ci dans In Good Company. Some Personal Recollections, John Lane, London,1917, p. 216).
. Lord Henry Wotton : « La valeur d’une idée n’a strictement rien à voir avec la sincérité de l’homme qui l’exprime. À vrai dire, tout laisse prévoir que plus l’homme en question est insincère, et plus l’idée sera purement intellectuelle, car elle ne sera alors colorée ni par ses besoins, ni par ses désirs, ni par ses préjugés. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 357).
. Erskine : « Une idée n’est pas nécessairement vraie du fait qu’un homme meurt pour elle. » [A thing is not necessarily true because a man dies for it.] (Oscar Wilde, Le Portrait de M. W.H.(1889), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 206).
. Je pense que je serais prêt à mourir pour une idée à laquelle je ne crois pas, plus volontiers que pour une autre que je tiens pour vraie. Je me ferais tuer pour une sensation en restant sceptique jusqu’au bout ! (Oscar Wilde, lettre à Henry Marillier, 12 décembre 1885 ; dans Lettres, Gallimard, 1994, p. 118).
. Le manque de sincérité est-il vraiment quelque chose d’abominable ? Je ne le crois pas. Ce n’est rien d’autre qu’une méthode qui nous permet de multiplier nos personnalités. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XI ; Pléiade, 1996, p. 485).[3]
. Le but de la conversation [étant] la récréation, non l’instruction, le menteur est un être bien plus civilisé que la bête qui exprime lourdement son incrédulité à l’écoute d’une histoire qui n’est racontée que pour l’amusement de la compagnie. (Oscar Wilde, « Aristote à l’heure du thé », article paru dans Pall Mall Gazette le 16 décembre 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 8, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 255-256).
. Vivian : « Qu’est-ce qu’un beau mensonge ? Tout simplement ce qui est une preuve en soi. Si quelqu’un se trouve manquer à ce point d’imagination qu’il éprouve le besoin d’apporter des preuves pour étayer un mensonge, il ferait aussi bien de dire d’emblée la vérité. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 775).
Sur cette base sceptique, le dandy wildien se plaira à énoncer les paradoxes les plus ébouriffants, et à affecter un cynisme horrifiant pour les âmes sensibles et les esprits simples.
. Gladys : « J’ai foi en notre race. » — Lord Henry Wotton : « Elle représente le triomphe des arrivistes. » — « Elle connaît le progrès. » — « Le déclin me fascine davantage. » — « Et l’Art ? » — « C’est une maladie. » — « L’amour ? » — « Une illusion. » — « La religion ? » — « Le succédané élégant de la conviction. » — « Vous êtes un sceptique ! » — « Jamais de la vie ! Le scepticisme est le début de la foi. » — « Qu’êtes-vous donc ? » — « Définir, c'est limiter. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 535).
. Cecil Graham : « Qu’est-ce qu’un cynique ? » — Lord Darlington : « Un homme qui sait le prix de chaque chose, et ne connaît la valeur de rien. » [4] — Cecil Graham : « Et un sentimental […] est un homme qui place une valeur absurde en toute chose, et qui ne connaît jamais la valeur marchande de rien. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1210).
. Lord Henry Wotton : « Je crois, Basil, que vous avez tort, mais je n’en discuterai pas avec vous. Seuls discutent ceux qui sont intellectuellement perdus. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 359).
. Basil Hallward : « J’aime le secret. C’est, je crois, la seule chose qui puisse nous rendre la vie mystérieuse ou merveilleuse. La chose la plus banale devient délicieuse dès l’instant qu’on la dissimule. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 352).
. Lord Henry Wotton : « Le naturel n’est qu’une pose, et la pose la plus irritante que je connaisse ». (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 353). [5]
. Gilbert : « Une petite quantité de sincérité est chose dangereuse, beaucoup de sincérité est absolument fatale. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 885).
. Erskine : « Tous les gens charmants, me semble-t-il, sont gâtés. C’est là le secret de leur charme. » (Oscar Wilde, Le Portrait de M. W.H.(1889), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 195).
. « Seuls les médiocres s’améliorent. » [Only mediocrities improve.] (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 249).
. Le marron : « C’est quoi, un être sensible ? » — La chandelle romaine : « Quelqu’un qui écrase constamment les pieds des autres sous prétexte qu’il a des cors. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 182).
. Cecil Graham : « Que ferions-nous vraiment de notre pureté et de notre innocence ? Une boutonnière fleurie avec goût est beaucoup plus efficace. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1210).
. Lord Henry Wotton : « Les tragédies d’autrui ont toujours quelque chose de terriblement mesquin. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 400).
. « Si j’étais roi, je m’installerais dans une grande salle et je peindrais sur de l’ivoire vert. Et quand mes ministres viendraient me dire que le peuple meurt de faim, je continuerais à peindre sur de l’ivoire vert et je dirais : "Laissez-le mourir de faim." » [If I were king, I would sit in a great hall and paint on green ivory and when my ministers came and told me that the people were starving, I would continue to paint on green ivory and say : Let them starve.] (Oscar Wilde, propos oral tenu à Edgar Saltus et rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde. An Idler’s Impression, AMS Press, 1917, p. 18 ; repris dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. II, p. 428).
. Lord Henry Wotton : « Je peux compatir à tout sauf à la souffrance […]. À celà je suis incapable de compatir. C’est trop laid, trop horrible, trop attristant. Il y a quelque chose de terriblement malsain dans la sympathie que notre époque porte à la souffrance. C’est pour la couleur, la beauté, les joies de la vie, qu’il faut avoir de la sympathie. Moins on parle des plaies de la vie, mieux celà vaut. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. III ; Pléiade, 1996, p. 386).
. Lord Henry Wotton : « Puisque le XIXe siècle s’est ruiné à dépenser sa compassion, je suggère que nous fassions appel à la Science pour qu’elle redresse la situation. L’avantage des émotions réside en ce qu’elles nous font faire fausse route, et l’avantage de la Science en ce qu’elle exclut l’émotion. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. III ; Pléiade, 1996, p. 387).
. Mrs. Allonby : « La santé, quel mot épouvantable ! » — Lord Illingworth : « Le mot le plus stupide de notre langue, et on connaît si bien l’idée que les gens du peuple se font de la santé : un gentilhomme campagnard anglais galopant après un renard… L’innommable à la poursuite de l’immangeable. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1270).
. Algernon : « Ma foi, il faut bien être sérieux dans un domaine ou dans un autre, si l’on veut s’amuser un peu dans la vie. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1502).
. Lord Goring : « J’adore parler de rien […]. C’est le seul domaine où je connaisse quelque chose. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1347).
. C’est grâce à leurs anachronismes que les différentes époques vivent dans l’histoire. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
Le dandy wildien n’est pas seulement un cynique, c’est aussi un anti-moraliste : il juge que l’élan vers le bien fait souvent plus de mal que de bien !
. Toute sympathie est noble, mais la sympathie face à la souffrance en représente la forme la moins raffinée. Elle est entachée d’égoïsme. Elle court le risque de devenir morbide. Nous y révélons une certaine terreur à l’égard de notre propre sort. Nous redoutons de devenir nous-même comme le lépreux ou l’aveugle, sans que personne prenne soin de nous. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 962).
. Gilbert : « Il est si facile aux gens d’être en sympathie avec ceux qui souffrent, si difficile d’être en sympathie avec la pensée. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 879).
. Gilbert : « Être bon, selon l’idée que le vulgaire se fait de la bonté, est manifestement bien facile. Celà n’exige qu’une certaine quantité de terreur sordide, un certain manque de pensée imaginative et une certaine dose de vile passion pour la respectabilité bourgeoise. » [To be good, according to the vulgar standard of goodness, is obviously quite easy. It merely requires a certain amount of sordid terror, a certain lack of imaginative thought, and a certain low passion for middle-class respectability.] (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 899).
. Lord Henry Wotton : « Quand un homme accomplit un acte parfaitement stupide, c’est toujours à partir des motifs les plus nobles qui soient. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 418).
. Le prince Paul : « Je préfèrerais perdre mon meilleur ami que mon pire ennemi. Pour avoir des amis, il suffit d’être accommodant […] ; mais quand un homme n’a plus d’ennemi, c’est sans aucun doute qu’il y a quelque chose de vilain en lui. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1006).
. La majorité des gens gâchent leur vie par un altruisme malsain et excessif, et à vrai dire sont contents de la gâcher ainsi. […] Mais leurs remèdes ne guérissent pas la maladie ; ils ne font que la prolonger. Mieux : leurs remèdes font partie de la maladie. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 929-930).
. Gilbert : « Nous sommes dominés par le fanatique, dont le pire des vices est d’être sincère. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 899).
. Gilbert : « La Charité est à l’origine de quantité de maux, comme ont dû le reconnaître ceux-là mêmes qui en font un élément essentiel de leur religion. La simple existence de la conscience […] est un signe de l’imperfection de notre développement. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 849-850).
. Lord Darlington : « Vous savez, j’ai peur que les gens de bien ne fassent beaucoup de mal en ce monde. Assurément, le plus grand tort qu’ils causent, c’est de donner au mal une importance aussi extraordinaire. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1166).
. Mrs. Cheveley : « La philanthropie me semble devenue uniquement le refuge des gens qui souhaitent contrarier leurs semblables. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1343).
. Lord Goring : « S’il y avait moins de compassion dans le monde, il y aurait moins de problèmes dans le monde. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1397).
. Lord Illingworth : « Le devoir, c’est ce qu’on attend des autres, ce n’est pas ce que l’on fait soi-même. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1297).
Si le dandy wildien profère gaiement tant d’horreurs, c’est peut-être bien parce qu’il y a au fond de lui un désespoir définitif. Qu’est-ce que le scepticisme, sinon le masque souriant du nihilisme ? Tout est néant, donc la vie ne mérite pas d’être traitée autrement que comme un jeu.
. Lord Henry Wotton : « La mort est la seule chose au monde qui me terrifie. Je la hais. […] Parce que […] on peut survivre à tout, sauf à celà. La mort et la vulgarité sont les deux seuls faits du XIXe siècle qui défient l’explication. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 550-551). [6]
. Lord Henry Wotton : « Les tragédies de la vie réelle présentent fréquemment, quand elles surviennent, un aspect si peu artistique qu’elles nous choquent par leur violence grossière, leur incohérence absolue, leur absurde manque de sens, leur totale absence de style. Elles nous affectent exactement comme nous affecte la vulgarité. Elles ne nous donnent qu’une impression de force brutale, et c’est contre celà que nous nous révoltons. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 445).
. Dumby : « Dans ce monde, il n’y a que deux tragédies. La première est de ne pas obtenir ce que l’on veut, et la seconde est de l’obtenir. La dernière est de loin la pire, la dernière est une véritable tragédie ! » [In this world there are only two tragedies. One is not getting what one wants, and the other is getting it. The last is much the worst, the last is a real tragedy !] (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1210). [7]
. Le souvenir d'une joie a lui-même son amertume, et le rappel d'un plaisir, sa douleur. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XI ; Pléiade, 1996, p. 475).
. La vie réelle n’est que chaos, mais l’imagination a quelque chose d’effroyablement logique. C’est l’imagination qui pousse le remords à s’attacher aux pas du péché. C’est l’imagination qui donne à chaque crime sa monstrueuse progéniture. Dans l’univers ordinaire, dans l’univers des faits, les méchants ne sont pas punis, ni les bons récompensés. Le succès va aux forts, l’échec frappe le juste. C’est tout. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 539).
. Lord Goring : « La vie n’est jamais juste […], et peut-être est-ce une bonne chose pour la plupart d’entre nous. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1367).
. Lord Henry Wotton : « Tous les chemins aboutissent au même point, […] la désillusion. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 545).
. Dorian Gray : « Comme je voudrais que ce fût la fin du globe. […] La vie est bien décevante. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519).
. « Le suicide est le plus grand compliment qu’on puisse faire à la société. » [Suicide is the greatest compliment that one can pay to society.] (Oscar Wilde, propos oral rapporté par Robert Sherard dans Oscar Wilde. The Story of An Unhappy Friendship (1902), chap. 4 ; Haskell House, New York, 1970, p. 41).
. Lady Windermere : « Quel dommage que dans la vie, nous ne tirions la leçon que lorsqu’elle ne nous sert plus à rien ! » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte IV ; Pléiade, 1996, p. 1215).
. Lady Narborough : « Ne me dites pas que vous avez épuisé les charmes de la vie. Quand un homme dit celà, on sait que c’est la vie qui l’a épuisé. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519).
. Rien de ce qui arrive réellement n’a la moindre importance. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 969).
. « Nous devrions traiter toutes les choses banales de la vie très sérieusement, et toutes les choses sérieuses de la vie avec une banalité sincère et étudiée. » [We should treat all the trivial things of life very seriously, and all the serious things of life with sincere and studied triviality.] (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 250).
. Le comte Rouvaloff : « Apparemment, il n’y a rien dans la vie qui ne soit pas pour vous matière à plaisanter. » — Le prince Paul : « […] La vie est bien trop importante pour qu’on en parle avec sérieux. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nhihilistes (1880), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1006).
. Lady Windermere : « Pourquoi parlez-vous alors de la vie d’une façon aussi superficielle ? » — Lord Darlington : « Parce que je trouve que la vie est une chose bien trop importante pour qu’on en parle jamais sérieusement. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1168-1169).
. Lord Illingworth : « Le monde a toujours ri de ses tragédies, c’est seulement ainsi qu’il peut les supporter. En conséquence, tout ce que le monde a traité sérieusement appartient au registre de la comédie. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1306).
. Lord Illingworth : « De nos jours, les gens sont tellement superficiels qu’ils ne comprennent pas la philosophie du superficiel. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1303).
Mais le dandy wildien n’est pas un romantique tenté par le suicide. Il surmonte son désespoir par le culte du Moi, par un égocentrisme exacerbé et insolent : le monde n’est pas digne d’être aimé mais il est, lui, digne de s’auto-adorer. Et plus il se démarquera des autres, plus il jouira de lui-même.
. Le pétard : « Je déteste ces gens qui ne parlent que d’eux-mêmes alors que, comme moi, tout-le-monde veut parler de soi. C’est ce que j’appelle de l’égoïsme. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 182). [8]
. S'aimer soi-même, c'est se lancer dans une belle histoire d'amour qui durera toute la vie. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970). [9]
. Lord Illingworth : « Je suis sans arrêt en train de m’étonner moi-même. C’est la seule chose qui rende la vie digne d’être vécue. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1308).
. « J’ai les goûts les plus simples, je me contente toujours du meilleur. » [I have the simplest tastes, I am always satisfied with the best.] (Oscar Wilde, propos oral tenu à Edgar Saltus et rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde. An Idler’s Impression, AMS Press, 1917, p. 20 ; repris dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. II, p. 429) [10]
. Le pétard : « Je pardonne à votre ignorance. Il y aurait de l’injustice à attendre des autres qu’ils fussent aussi remarquables qu’on l’est soi-même. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 187).
. Le pétard : « La seule chose qui nous soutienne à travers l’existence est la conscience de l’immense infériorité d’autrui, et c’est un sentiment que j’ai toujours cultivé. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 182-183).
. Même le disciple a son utilité. Il se tient derrière votre trône et, à l’heure de votre triomphe, il vous susurre à l’oreille qu’après tout vous êtes immortel. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 968). [11]
. Je suis de ces hommes faits pour les exceptions, non pour les lois. Mais si je vois bien qu’il n’y a rien de mauvais dans ce que l’on fait, je vois aussi qu’il y a quelque chose de mauvais dans ce que l’on devient. Il est bon d’avoir appris celà. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 627).
. Dumby : « Je suis la seule personne au monde que j’aimerais connaître à fond ; mais je ne vois pas en ce moment la moindre chance d’y parvenir. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1188-1189).
. Lord Darlington : « Il y a des moments où l’on doit choisir entre vivre sa propre vie, pleinement, entièrement, absolument… ou traîner l’existence fausse, absurde, avilissante que le monde, dans son hypocrisie, exige de nous. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1190).
. Vivre est la chose la plus rare au monde. La plupart des gens se contentent d’exister. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 936). [12]
. Lord Goring : « La Mode, c’est ce que l’on porte soi-même. Ce qui n’est pas à la mode, c’est ce que portent les autres. […] Tout comme la vulgarité est simplement la façon dont les autres se comportent. […] Tout comme les mensonges sont les vérités des autres. […] Les autres sont vraiment épouvantables. La seule compagnie acceptable, c’est soi-même. […] S’aimer soi-même est le commencement d’une histoire d’amour qui dure toute la vie. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1393). [13]
. Aucun crime n’est vulgaire, mais la vulgarité est un crime. La vulgarité, c’est ce que font les autres. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Lord Darlington : « Nous sommes tous dans la boue, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » [We are all in the gutter, but some of us are looking at the stars.] (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1209).
. Cecil Graham : « Quand les gens sont de mon avis, j’ai toujours le sentiment que j’ai tort. » [Whenever people agree with me, I always feel I must be wrong.] (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1208). [14]
. Dumby : « Ce n’est pas la peine de parler à Tuppy. Autant parler à un mur de briques. » — Cecil Graham : « Mais j’aime bien parler à un mur de briques… c’est la seule chose au monde qui ne me contredise jamais ! » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1211).
. La plupart des gens sont des gens autres. Leurs pensées sont les opinions d’autres personnes, leur vie n’est qu’une copie, leurs passions, des citations. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 644).
. Il n’est pas égoïste de penser par soi-même. Un homme qui ne pense pas par lui-même ne pense pas du tout. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 961).
. Le pétard : « Pourvu qu’il soit dépourvu d’imagination, le premier venu peut avoir le sens commun. Mais j’ai de l’imagination, moi, jamais je ne vois les choses simplement telles qu’elles sont. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 182).
. Les gens ordinaires attendent que la vie leur dévoile ses secrets, mais au petit nombre des élus, les mystères de la vie sont révélés avant que le voile ne soit soulevé. C’est parfois l’effet de l’Art, et surtout de l’art littéraire, qui traite sans médiation des passions et de l’intellect. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 403).
. Le pétard : « Une personne de ma condition n’est jamais d’aucune utilité. […] Je n’ai de sympathie pour aucune forme d’industrie […]. J’ai toujours pensé que se donner de la peine n’est qu’une échappatoire pour les gens qui n’ont rien à faire. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 187).
. Gilbert : « Avoir pour voisin de table un homme qui a passé sa vie à essayer d’éduquer les autres, quelle horrible expérience ! […] De quelle étroitesse d’esprit ce malheureux fait-il donc preuve ! Comme il vous ennuie, comme il doit s’ennuyer, à rabâcher inlassablement les mêmes choses, à répéter les mêmes fadaises ! Quel manque absolu de développement intellectuel ! Dans quel cercle vicieux tourne-t-il sans relâche ! » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 878).
. Gilbert : « Ne m'abaisse pas au rang de dispensateur de savoir utile. L’éducation est une chose admirable, mais il convient de se rappeler de temps à autre que rien de ce qui vaut d'être connu ne saurait s’enseigner. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 838). [15]
Si le Moi devient la valeur suprême, alors la morale ordinaire s’effondre. Le dandy wildien pense et agit par-delà le bien et le mal, il conteste l’opposition courante entre les bons et les méchants.
. Lord Illingworth : « Toute pensée est immorale. Son essence même est la destruction. Si vous pensez à quelque chose, vous le tuez. Rien ne survit à la pensée. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1309).
. L'immoralité est un mythe inventé par les honnêtes gens pour expliquer la curieuse attirance qu'exercent les autres. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 969).
. Le duc : « La conscience n’est que le nom que la lâcheté, fuyant devant l’ennemi, griffonne sur son bouclier. » (Oscar Wilde, La Duchesse de Padoue (1883), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1056).
. Lord Henry Wotton : « La conscience et la lâcheté sont une seule et même chose […]. La conscience est la raison sociale de la firme. C’est tout. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 354-355).
. Mrs. Cheveley : « Celà ne me gêne pas que vous fassiez un peu la morale. La morale est simplement l'attitude que nous adoptons envers les gens pour lesquels nous avons personnellement de l’aversion. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1388).
. Cecil Graham : « Moi, je ne fais jamais la morale. Un homme qui fait la morale est d’ordinaire un hypocrite, et une femme qui fait la morale est forcément laide. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1208).
. Gilbert : « Les gens ordinaires comprennent si peu ce qu’est réellement la pensée qu’ils semblent imaginer qu’il leur suffit pour condamner une théorie de la déclarer dangereuse, alors que seules les théories dangereuses ont une véritable valeur intellectuelle. Une idée qui n'est pas dangereuse ne mérite même pas le nom d’idée. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 879).
. Lord Henry Wotton : « La morale moderne consiste à accepter les critères de son époque. Je considère pour ma part que, pour un homme cultivé, accepter les critères de son époque est faire preuve de l’immoralité la plus grossière. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 423).
. Lord Henry Wotton : « Le but de la vie, c’est l’épanouissement de soi. Réaliser notre propre nature à la perfection, voilà notre raison de vivre en ce bas monde. Les gens, aujourdhui, ont peur d’eux-mêmes. Ils ont oublié le plus important des devoirs, celui qu’on a envers soi-même. Certes ils sont charitables. Ils nourrissent les affamés, et vêtent les mendiants. Mais leur âme meurt de faim, elle est nue. Notre race a perdu tout courage. Peut-être n’en avons-nous jamais eu. Cette terreur devant la société qui forme la base de la morale, cette terreur devant Dieu qui est le secret de la religion, voilà les deux principes qui nous gouvernent. Et pourtant… » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 365).
. Lord Henry Wotton : « Les plus courageux d’entre nous ont peur d’eux-mêmes. La mutilation que s’imposent les sauvages survit tragiquement dans l’esprit de renoncement qui défigure notre vie. Nous sommes punis de nos refus. Tout élan que nous nous efforçons d’étouffer pèse sur notre esprit, et nous empoisonne. Que le corps pèche une fois, et c’en est fini de son péché, car l’action est une forme de purification. Il n’en reste rien ensuite, si ce n’est le souvenir d’un plaisir, ou le luxe d’un regret. La seule façon de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder. [16] Résistez-y, et vous verrez votre âme infectée par le désir des choses qu’elle s’est interdites, par le désir de ce que ses lois monstrueuses ont rendu monstrueux et illicite. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 365-366).
. La personnalité est une chose très mystérieuse. On ne peut toujours évaluer un homme en fonction de ce qu’il fait. Peut-être respecte-t-il la loi tout en étant sans valeur. Peut-être transgresse-t-il la loi tout en étant noble. Peut-être est-il mauvais, sans jamais rien faire de mal. Peut-être pèche-t-il contre la société, tout en réalisant par ses péchés sa propre perfection. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 940).
. Lady Windermere : « Je ne pense pas aujourdhui que l’on puisse diviser les gens en bons et en mauvais comme s’il y avait deux races ou deux créations distinctes. Les femmes que l’on qualifie de vertueuses ont aussi en elles des choses épouvantables, des moments de folie, de témérité, d’autorité, de jalousie, de péché. Quant aux femmes sans morale, comme on les appelle, elles peuvent avoir en elles du chagrin, du repentir, de la compassion, un esprit de sacrifice. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte IV ; Pléiade, 1996, p. 1216).
. Lady Windermere : « Le monde est le même pour nous tous, et le bien et le mal, le péché et l’innocence, marchent main dans la main. Se refuser à voir la moitié de la vie pour pouvoir vivre en sécurité, c’est comme si on s’aveuglait pour marcher plus sûrement sur une terre pleine de gouffres et de précipices. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte IV ; Pléiade, 1996, p. 1227).
. Lord Darlington : « C’est absurde de diviser les gens en bons et en mauvais. Les gens sont soit charmants, soit assommants. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1166).
. Lord Henry Wotton : « Il n'y a que deux sortes d’êtres qui soient véritablement fascinants : ceux qui savent absolument tout et ceux qui ne savent absolument rien. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VII ; Pléiade, 1996, p. 430).
. Toute préoccupation touchant au bien et au mal en matière de conduite traduit un arrêt du développement intellectuel. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Lord Henry Wotton : « Désormais je n’approuve ni ne désapprouve plus rien. C’est prendre, face à la vie, une attitude absurde. Nous n’avons pas été créés pour faire parade de nos préjugés moraux. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 419).
Mais comme le dandy wildien n’est pas à une contradiction près, il peut lui arriver aussi d’émettre des opinions morales, des conseils sur la meilleure attitude à adopter.
. Il faut toujours être un peu invraisemblable. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Lord Illingworth : « Le monde est simplement divisé en deux catégories : ceux qui croient l’incroyable, comme par exemple le public… et ceux qui créent l’improbable. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1308).
. Lord Henry Wotton : « La modération est une attitude fatale. Assez est aussi mauvais qu’un repas. Trop est aussi bon qu’un festin. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 520). [17]
. Lord Darlington : « Je n’ai pas pu m’en empêcher. Je peux résister à tout sauf à la tentation. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1167). [18]
. Lord Henry Wotton : « La seule chose horrible au monde, […] c’est l’ennui. C’est le seul péché pour lequel il n’y ait pas de miséricorde. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 542).
. On peut pardonner à un homme d’avoir réalisé une chose utile dès l’instant qu’il ne l’admire pas. La seule excuse à la réalisation d’une chose inutile, c’est qu’on l’admire intensément. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 348).
. Gilbert : « Souvent indulgente avec le criminel, la société ne l’est jamais avec le rêveur. […] Si, dans l’opinion de la société, la faute la plus grave dont un citoyen puisse se rendre coupable est la Contemplation, celle-ci demeure, aux yeux des personnes d’une très grande culture, la seule occupation digne de l’homme. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 872).
. L’ambition est le dernier refuge du raté. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Dorian Gray : « Seuls les êtres superficiels ont besoin de plusieurs années pour se débarrasser d'une émotion. Dès qu’un homme est maître de lui-même, il peut aussi aisément mettre fin à un chagrin qu’inventer un plaisir. Je refuse d’être à la merci de mes émotions. Je veux m’en servir, en jouir et les dominer. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IX ; Pléiade, 1996, p. 453).
. Lord Henry Wotton (cité par Dorian Gray) : « Devenir le spectateur de sa propre vie […], c'est échapper aux souffrances de la vie. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IX ; Pléiade, 1996, p. 455).
. Lord Henry Wotton : « Si un homme traite la vie en artiste, son cerveau devient son cœur. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 553).
. L’égoïsme ne consiste pas à vivre comme on en a envie, mais à demander aux autres de vivre comme on a soi-même envie de vivre. Et l’altruisme consiste à laisser les autres vivre leur vie, sans soi-même s’en mêler. L’égoïsme vise toujours à s’entourer d’une uniformité absolue. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 961).
. N'importe qui peut compatir aux souffrances d'un ami, mais il faut une nature très noble […] pour être sensible à la réussite d'un ami. [Anybody can sympathise with the sufferings of a friend, but it requires a very fine nature […] to sympathise with a friend’s success.] (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 962).
. Lord Henry Wotton : « Quand on est heureux, on est toujours bon, mais quand on est bon, on n’est pas toujours heureux. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 423).
. Lord Henry Wotton : « Être bon, c’est être en harmonie avec soi-même […]. Il y a dissonance lorsqu’on est contraint d’être en harmonie avec autrui. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 423). [19]
. Le signe d’une personnalité parfaite n’est pas la rébellion, c’est la sérénité. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 937).
. Si les gens les insultent, qu’ils ne répondent pas. Quelle importance ? Ce que l’on dit d’un individu ne change pas cet individu. Il est ce qu’il est. L’opinion publique n’a pas la moindre valeur. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 939).
. Lord Henry Wotton : « J’adore les plaisirs tout simples. Ils constituent le dernier refuge des êtres complexes. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 375). [20]
. La faute suprême, c’est d’être superficiel. Tout ce dont on prend conscience est juste. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 629).
. L’expérience n’a pas de valeur éthique. C’est simplement le nom que les hommes donnent à leurs erreurs. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 404). [21]
. Rejeter ses propres expériences, c’est entraver son propre développement. Nier les expériences qu’on a vécues, c’est installer un mensonge au cœur de sa vie. Ce n’est rien d’autre qu’un déni de l’âme. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 629).
. Il y a une purification dans la punition. Ce n’est pas : « Pardonne-nous nos péchés », mais : « Punis-nous de nos iniquités », qui devrait être la prière des hommes à un Dieu parfaitement juste. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XX ; Pléiade, 1996, p. 558).
Si le dandy wildien s’autorise ainsi à émettre des avis voire des prescriptions, c’est qu’il est un grand observateur de la faune humaine, dont il a percé le fonctionnement.
. La seule chose qu’on sache vraiment sur la nature humaine, c’est qu’elle change. Le changement est le seul prédicat qu’on peut lui affecter. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 960).
. Lord Henry Wotton : « Je me demande qui a bien pu définir l’homme comme un animal raisonnable [22]. C’est la définition la plus imprudente qu’on ait jamais donnée. L’homme est bien des choses, mais il n’est pas raisonnable. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 375).
. Comme les acteurs ont de la chance ! Ils peuvent choisir de paraître dans la tragédie ou la comédie, de faire souffrir ou d’amuser, de rire ou de pleurer à chaudes larmes. Mais dans la vie réelle il en va tout autrement. La plupart des hommes et des femmes sont contraints de jouer des rôles pour lesquels ils n’ont aucune aptitude. Ce sont nos Guildenstern qui jouent Hamlet pour nous, et nos Hamlet qui doivent se livrer aux facéties du prince Hal. Le monde est une scène, mais la pièce est mal distribuée. (Oscar Wilde, Le Crime de Lord Arthur Savile (1887), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 105).
. Peut-être ne paraît-on jamais autant à l'aise que lorsqu'on doit jouer un rôle. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 515).
. C’est lorsqu’il parle en son nom que l’homme est le moins lui-même. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 881).
. N’est-il pas étrange que nous en sachions si peu sur nous-mêmes, et que notre personnalité la plus intime nous soit dissimulée ? Nous [faut]-il donc chercher dans les tombes pour y trouver notre vie réelle, et dans l’art pour y trouver la légende de nos jours ? (Oscar Wilde, Le Portrait de M. W.H.(1889), chap. V ; Pléiade, 1996, p. 253).
. Seules les personnes superficielles se connaissent. [Only the shallow know themselves.] (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Gilbert : « Ah ! il est si facile de convaincre autrui et si difficile de se convaincre soi-même. Pour arriver à ce qu’on croit réellement, il faut s’exprimer par une autre bouche que la sienne. Pour connaître la vérité, il faut imaginer des myriades de contre-vérités. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 883).
. Lord Illingworth : « L’insatisfaction est le premier pas dans la marche d’un homme ou d’une nation. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1298).
. Dorian Gray : « Pourquoi as-tu changé d’avis ? Tu es comme tous ces gens qui se prétendent logiques : vous faites autant de caprices que les autres. La seule différence, c’est que vos caprices n’ont absolument aucun sens. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IX ; Pléiade, 1996, p. 457).
. Lord Henry Wotton : « La seule différence entre un simple caprice et une passion éternelle, c'est que le caprice dure un peu plus longtemps. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 371).
. Les douleurs superficielles et les amours superficielles ont la vie longue. Les grandes douleurs et les grandes amours sont détruites par leur plénitude même. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 540).
. Il existe des poisons si subtils qu’on est obligé, pour en connaître les propriétés, de se laisser contaminer par eux. Il existe des maladies si étranges qu’il faut les attraper pour en comprendre la nature. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 403).
. Ce sont en effet les passions dont nous méconnaissons l'origine qui exercent sur nous la plus grande tyrannie. Nos motivations les plus faibles sont celles dont nous connaissons la nature. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 405).
. Lord Henry Wotton : « Toute action qu’on accomplit trop souvent devient un plaisir. […] C’est un des secrets les plus importants de la vie. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 552).
. Il arrive souvent que, lorsque nous pensons expérimenter sur autrui, nous soyons en réalité en train d’expérimenter sur nous-mêmes. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 405).
. Lord Henry Wotton : « Si nous aimons tous penser du bien d’autrui, c’est que nous craignons tous pour nous-mêmes. Le fondement de l’optimisme, c’est la terreur pure et simple. Nous croyons être généreux parce que nous créditons notre prochain de la possession de vertus qui pourraient nous être profitables. Nous louons le banquier pour obtenir un découvert, et trouvons quelques qualités au bandit de grand chemin dans l’espoir qu’il épargnera nos poches. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 420).
. Une fatalité s’attache toujours aux bonnes résolutions : on les prend toujours trop tôt. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970). [23]
. Lord Henry Wotton : « Les bonnes résolutions sont des efforts inutiles pour contrarier les lois scientifiques. Elles n’ont d’autre source que la vanité. Leur résultat est parfaitement nul. Elles nous procurent de temps à autre quelques-unes de ces émotions somptueuses et stériles auxquelles les faibles trouvent un certain charme. Il n’y a rien de plus à dire en leur faveur. Ce n’est rien d’autre que des chèques tirés sur une banque où l’on n’a pas de compte ouvert. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 444-445). [24]
. Lord Henry Wotton : « Les gens adorent donner ce dont ils sont le plus dépourvus. C’est ce que j’appelle le comble de la générosité. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 402).
. Tout ce que [l’expérience] démontre en réalité, c’est que notre avenir sera identique à notre passé, et que le péché commis une fois avec répugnance sera commis maintes fois dans l’allégresse. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 404).
. Lord Henry Wotton : « Rien n’est aussi flatteur que de s’entendre dire que l’on est un pécheur. La conscience nous rend tous narcissiques. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 447).
. Basil Hallward : « C’était une confession. Maintenant que je l’ai faite, j’ai l’impression d’avoir perdu quelque chose de moi-même. Peut-être ne devrait-on jamais traduire en paroles un sentiment d’adoration. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IX ; Pléiade, 1996, p. 460).
. Il y a une certaine volupté à s'accuser soi-même. Lorsque nous nous blâmons, il nous semble que personne d'autre n'a le droit de nous blâmer. C’est la confession, et non le prêtre, qui nous donne l’absolution. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 440).
. Vivian : « L'homme peut croire l'impossible mais jamais il ne pourra croire à l'improbable. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 802).
LE TEMPS ET LES ÂGES DE LA VIE
Le dandy wildien ne voit pas les êtres comme des individus figés dans leur essence : il est attentif au passage du temps sur eux. Obsédé par la jeunesse, il est forcément sensible à la dégradation que la vie nous inflige.
. Les vieillards croient tout. Les personnes d’âge mûr doutent de tout. Les jeunes savent tout. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Lord Illingworth : « Je n’ai pas l’intention de vieillir. L’âme naît vieille mais elle rajeunit. C’est la comédie de la vie. » — Mrs. Allonby : « Et le corps naît jeune, et il vieillit. C’est la tragédie de la vie. » — Lord Illingworth : « C’est aussi sa comédie parfois. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1278).
. Lord Henry Wotton : « La jeunesse est la seule chose qui mérite qu’on la possède. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 369).
. Lord Henry Wotton : « Vous ne disposez que de quelques années pour vivre réellement, parfaitement et pleinement. Quand votre jeunesse s’en ira, votre beauté s’en ira avec elle, et vous découvrirez alors qu’il n’y a plus de triomphes en réserve pour vous, ou vous devrez vous contenter de ces triomphes médiocres que le souvenir de votre passé rendra plus amers à votre cœur que des défaites. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 369).
. Lord Illingworth : « Il n’y a rien de tel que la jeunesse. La Vie a déjà une hypothèque sur les gens d’âge mûr. Quant aux vieux, ils sont dans l’antichambre de la Mort. Mais la jeunesse est maîtresse de la Vie. La jeunesse a tout un royaume devant elle. Tous les hommes naissent rois et la plupart meurent en exil, comme la plupart des rois. […] Il n’y a rien que je ne serais prêt à faire pour reconquérir ma jeunesse… sauf faire de l’exercice, me lever de bonne heure, ou être un membre utile de la communauté. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1301). [25]
. Lord Henry Wotton : « La tragédie de la vieillesse, ce n’est pas qu’on est vieux, c’est qu’on est jeune. » [The tragedy of old age is not that one is old, bat that one is young.] (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 555).
. Cecil Graham : « Dans mon expérience, dès que les gens sont assez vieux pour avoir un peu plus de bon sens, ils n’ont plus le sens de rien. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1183).
. Lord Henry Wotton : « J’aime les hommes qui ont un avenir, et les femmes qui ont un passé. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 520).
. Lord Henry Wotton : « Le seul charme du passé réside dans ce qu'il est le passé. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 446).
Aussi égocentrique qu’il se veuille, le dandy wildien ne peut pas faire qu’il n’ait pas une famille, et même des amis. Mais ils n’échappent pas à son regard acerbe.
. Lord Henry Wotton : « Je ne peux m’empêcher de détester l’ensemble de ma famille. Sans doute celà vient-il de ce qu’aucun d’entre nous ne supporte que d’autres aient les mêmes défauts que lui. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 357).
. Algernon : « Une famille, ce n’est qu’une masse de gens assommants qui ne savent pas le moins du monde comment vivre, et ne sentent absolument pas quand il est temps de mourir. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1455).
. Les enfants commencent par aimer leurs parents ; en avançant en âge, ils les jugent ; parfois ils leur pardonnent. [Children begin by loving their parents ; as they grow older they judge them ; sometimes they forgive them.] (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 412). [26]
. Lord Henry Wotton : « Je marque une très grande différence entre les gens. Je choisis mes amis pour leur beauté, mes relations pour leur bonne réputation et mes ennemis pour leur intelligence. On ne saurait être trop soigneux dans le choix de ses ennemis. Je n’en ai pas un seul qui soit un sot. Ce sont tous des gens dotés de certaines capacités intellectuelles, et en conséquence ils m’apprécient tous. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 356).
. Lord Henry Wotton : « Le rire n’est pas une mauvaise entrée en matière pour une amitié, et en fait de conclusion, c’est de loin la meilleure qu’elle puisse connaître. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 356).
. En fin de compte, le lien qui préside à toute vie commune, qu’il s’agisse de mariage ou d’amitié, est celui de la conversation, et toute conversation doit avoir une base commune, et entre deux êtres de culture profondément différente, la seule base possible se trouve au niveau le plus bas. (Oscar Wilde, De profundis (1897) ; Pléiade, 1996, p. 577).
. L’amitié est beaucoup plus tragique que l’amour. Elle dure plus longtemps. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 967).
. Basil Hallward : « On a le droit de juger un homme par l’effet qu’il produit sur ses amis. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XII ; Pléiade, 1996, p. 493).
Le dandy wildien ne saurait être qu’un mâle, et comme on sait, il est surtout attiré par les jeunes mâles. Pour autant, il ne lui a pas échappé que la société humaine est composée pour moitié de ces étranges bipèdes que sont les femmes. Comme il fraye avec elles, il les observe et les juge…
. Mrs. Cheveley : « La force des femmes vient du fait que la psychologie ne peut pas nous expliquer. On peut analyser les hommes ; les femmes… on ne peut que les adorer. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1342).
. Lord Illingworth : « Il ne faut jamais essayer de comprendre [les femmes]. Les femmes sont des tableaux. Les hommes sont des problèmes. Si vous voulez savoir ce qu’une femme veut dire réellement… – ce qui est toujours, entre parenthèses, une entreprise dangereuse –, regardez-la, mais ne l’écoutez pas. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1303-1304).
. Lord Henry Wotton : « Aucune femme n’est géniale. Les femmes forment un sexe purement décoratif. Elles n'ont jamais rien à dire, mais elles le disent d'une façon charmante. La femme représente le triomphe de la matière sur l'esprit, et l'homme le triomphe de l'esprit sur la morale. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 393). [27]
. Lord Goring : « La vie d’un homme a plus de valeur que la vie d’une femme. Elle a des perspectives plus vastes, un champ d’action plus large, des ambitions plus grandes. La vie d’une femme suit les courbes de ses émotions. La vie d’un homme progresse selon les lignes droites de son intelligence. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte IV ; Pléiade, 1996, p. 1430).
. Lord Illingworth : « Les mères des autres m’ennuient toujours à mourir. Toutes les femmes deviennent comme leurs mères. C’est là leur tragédie. » — Mrs. Allonby : « Et aucun homme ne devient comme la sienne. C’est là sa tragédie. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1294). [28]
. Lord Illingworth : « Dans la bonne société, il n’y a que deux [sortes de femmes] : les laides et les maquillées. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1304).
. Cecil Graham : « Les femmes immorales nous agacent. Les vertueuses nous ennuient. C’est la seule différence entre elles. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1207).
. Lord Henry Wotton : « Elle est très intelligente, trop intelligente pour une femme. Elle manque de ce charme indéfinissable que donne la faiblesse. Ce sont les pieds d’argile qui donnent leur prix à l’or de la statue. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 521).
. Lord Henry Wotton : « Les femmes ne voient jamais que le rideau est tombé. Elles veulent toujours un sixième acte, et dès que la pièce a perdu tout intérêt, elles suggèrent sa continuation. Si on leur accordait ce qu’elles demandent, toute comédie aurait un dénouement tragique, et toute tragédie se terminerait en farce. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 446).
. Lord Illingworth : « L’histoire des femmes est l’histoire de la pire forme de tyrannie que le monde ait jamais connue. La tyrannie des faibles sur les forts. C’est la seule tyrannie qui dure. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1304).
. Lord Henry Wotton : « Je crains que les femmes n’apprécient plus que tout la cruauté, la cruauté pure et simple. Elles ont des instincts prodigieusement primitifs. Nous les avons émancipées, mais elles restent des esclaves qui cherchent leur maître. Elles adorent être dominées. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 447).
. Lord Illingworth : « Vous êtes vraiment une femme ! Vous parlez le langage des sentiments et vous êtes entièrement égoïste. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1298).
. Lord Henry Wotton : « Comme les femmes adorent faire des choses dangereuses ! […] C’est une des qualités que j’admire le plus chez elles. Une femme est prête à flirter avec n’importe qui pourvu qu’il y ait des témoins. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 543).
. Mrs. Cheveley : « Les femmes ne sont jamais désarmées par les compliments. Les hommes, eux, le sont toujours. Telle est la différence entre les deux sexes. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1409).
. Cecil Graham : « Il n’y a rien au monde qui aille plus mal à une femme qu’une bonne conscience rigoriste. Dailleurs, fort heureusement, la plupart des femmes le savent. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1208).
. Lord Illingworth : « Celà ne me gêne pas qu’une femme laide soit puritaine. C’est la seule excuse qu’elle a à son absence de charme. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1276).
. Lord Illingworth : « On ne devrait jamais faire confiance à une femme qui ne ment pas sur son âge. Une femme qui vous dit son âge vous dira tout. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1276).
. Lord Illingworth : « Les femmes irréprochables ont une conception de la vie si bornée, leur horizon est si étroit, leurs intérêts si médiocres… » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1302).
. Mrs. Allonby : « C’est curieux, les femmes quelconques sont toujours jalouses de leur mari, les jolies femmes ne le sont jamais ! » — Lord Illingworth : « Les jolies femmes n’en ont jamais le temps. Elles sont toujours si occupées à être jalouses des maris des autres. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1274).
. Lord Henry Wotton : « Les femmes nous aiment pour nos défauts. Si nous en avons suffisamment, elles nous pardonnent tout, même notre esprit. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519).
. Lord Goring : « Les femmes ne sont pas faites pour nous juger mais pour nous pardonner quand nous avons besoin de pardon. Leur rôle est de nous absoudre et non de nous châtier. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte IV ; Pléiade, 1996, p. 1429).
. Gladys : « Nous autres femmes, comme l’a dit quelqu’un [29], nous aimons avec les oreilles, tandis que vous autres hommes, vous aimez avec les yeux, pour autant que vous aimiez jamais. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 536).
. Lord Illingworth : « Aucune femme ne devrait avoir de la mémoire. La mémoire chez une femme est le premier signe du manque d’élégance. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1310).
. Lord Henry Wotton : « Ah ! cette terrible mémoire qu’ont les femmes ! C’est une chose effrayante. Et combien révélatrice d’un marasme intellectuel absolu ! Il faut absorber la couleur de la vie, mais ne jamais en retenir les détails. Les détails sont toujours vulgaires. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 446).
. Lord Henry Wotton : « Les femmes ordinaires se consolent toujours. Certaines le font en arborant des couleurs sentimentales. […] D’autres se consolent merveilleusement en découvrant les qualités de leur mari. Elles vous jettent leur bonheur conjugal à la figure comme si c’était le plus fascinant des péchés. La religion en console d’autres. Ses mystères ont tout le charme d’un flirt. […] Oui, les consolations offertes aux femmes par la vie moderne sont infinies. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 446-447).
. [La jeune fille américaine] sait parler de tout avec brio, à condition de ne rien savoir. Son sens de l’humour la préserve de cette tragédie qu’est la grande passion et, du fait que son amour ne comprend ni humilité ni romanesque, elle fait une excellente épouse. (Oscar Wilde, « L’invasion américaine », article paru dans Court and Society Review le 23 mars 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, I, 2, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 44).
. Jack : « Mon cher, la vérité n’est pas le genre de choses que l’on dit à une jeune fille agréable, charmante et raffinée. Vous avez vraiment des idées extravagantes sur la façon de se conduire avec les femmes. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1457).
. Algernon : « La seule façon de se conduire avec une femme, c’est de lui faire la cour si elle est jolie, et de faire la cour à une autre si elle ne l’est pas. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1457).
À force de se fréquenter, hommes et femmes peuvent en venir à développer en eux un sentiment qu’on appelle l’amour. Qu’on ne compte pas sur le dandy wildien pour en être dupe.
. Une girandole : « L’amour n’est plus à la mode, les poètes l’ont tué. Ils ont tant écrit à son propos que personne ne les croit plus. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 180).
. Lord Henry Wotton : « Êtes-vous très amoureuse de lui ? » […] — Gladys : « Je voudrais bien le savoir. » […] — « La certitude serait fatale. C’est l’incertitude qui crée le charme. La brume rend tout merveilleux. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVIII ; Pléiade, 1996, p. 545).
. Lord Henry Wotton : « Une grande passion est le privilège des gens qui n’ont rien à faire. C’est dans tous les pays la seule utilité des classes oisives. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 395). [30]
. Sir Robert Chiltern : « Ce ne sont pas les êtres parfaits qui ont besoin d'amour, ce sont les imparfaits. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1391).
. Lord Henry Wotton : « Quand on est amoureux, on commence toujours par se tromper soi-même, et on finit toujours par tromper les autres. C’est ce que le monde appelle une histoire d’amour. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 398). [31]
. Mrs Cheveley : « Une histoire d’amour ne devrait jamais commencer par le sentiment. Elle devrait commencer par la science et se terminer par un contrat. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1399).
. Lord Henry Wotton : « Le sentiment romantique vit de répétition, et la répétition fait de l’appétit un art. Dailleurs, chaque expérience de l’amour est l’unique expérience de l’amour qu’on ait jamais faite. Le changement d’objet ne modifie pas le caractère unique de la passion. Il ne fait que l’intensifier. On ne peut éprouver au cours de sa vie qu’une seule grande expérience, et le secret de la vie consiste à la reproduire le plus souvent possible. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 536).
. Lord Henry Wotton : « Être adoré est insupportable. Les femmes nous traitent exactement comme l’homme traite ses dieux. Elles nous révèrent et nous sollicitent sans cesse pour obtenir quelque chose de nous. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 424).
. Sir Robert Chiltern : « Telle fut votre erreur [= faire d’un homme comme moi l’idéal de votre vie.] L’erreur que toutes les femmes commettent. Pourquoi vous, les femmes, ne pouvez-vous pas nous aimer avec nos défauts ? Pourquoi nous placez-vous sur un piédestal monstrueux ? Nous avons tous des pieds d’argile, les femmes tout autant que les hommes ; mais quand nous, les hommes, nous aimons les femmes, nous les aimons en connaissant leurs faiblesses, leurs sottises, leurs imperfections, nous les en aimons d’autant plus, peut-être. […] L’amour d’un homme est ainsi fait. Il est plus large, plus vaste, plus humain que celui d’une femme. Les femmes s’imaginent qu’elles font des hommes des idéaux. Elles ne font de nous que de fausses idoles. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1391).
. Lord Henry Wotton : « Les femmes, comme l’exprima un jour un Français plein d’esprit, nous inspirent le désir de réaliser des chefs-d’œuvre, et nous empêchent toujours d’y parvenir. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 424). [32]
. Lord Henry Wotton : « Les gens superficiels sont en vérité ceux qui aiment une seule fois dans leur vie. Ce qu'ils appellent leur loyauté, leur fidélité, je l'appelle, moi, léthargie, routine ou manque d'imagination. La fidélité est à la vie sentimentale ce que la logique est à la vie intellectuelle, tout simplement un aveu d’échec. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 395).
. Lord Henry Wotton : « Ah, l’importance que les gens accordent à la fidélité ! Voyons, même en amour, c’est un problème purement physiologique. Elle n’a rien à voir avec notre volonté personnelle. Les jeunes veulent être fidèles et ne le sont pas ; les vieux veulent être infidèles et ne le peuvent pas ; voilà tout ce que l’on peut dire. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 376).
. Lord Henry Wotton : « La passion de la propriété se trouve incluse [dans la fidélité]. Nombreuses sont les choses que nous jetterions si nous ne redoutions pas que d’autres les ramassent. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 395).
. Algernon : « Quand un homme fait exactement ce qu’une femme attend de lui, elle n’a pas de lui une très haute estime. Il faut toujours faire ce à quoi une femme ne s’attend pas, de même qu’il faut toujours dire ce qu’elle ne comprend pas. Il en résulte invariablement une parfaite harmonie mutuelle. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1504).
. Mrs. Allonby : « Vingt ans d’amour ! Vous croyez que celà existe ? » — Lord Illingworth : « Non, pas à notre époque. Les femmes sont devenues trop brillantes. Rien ne gâte plus un amour que le sens de l’humour chez la femme. » — Mrs. Allonby : « Ou l’absence d’humour chez l’homme. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1275).
. Lord Darlington : « Entre hommes et femmes, il n’y a pas d’amitié possible. Il peut y avoir de la passion, de la haine, de l’adoration, de l’amour, mais pas d’amitié. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1189-1190).
. Pourtant chaque homme tue l’être qu’il aime, / Que tous entendent ces paroles ! / Certains le font avec un regard dur, / D’autres avec un mot flatteur ; / Le lâche, lui, tue avec un baiser, / Et le brave avec une épée ! (Oscar Wilde, La Ballade de la geôle de Reading (1897), VI, vers 649-654 ; Pléiade, 1996, p. 64).
La société étant ce qu’elle est, la fréquentation des hommes et des femmes débouche souvent sur le mariage. Témoin ou acteur de cet usage social, le dandy wildien a tout compris du mariage.
. Lord Henry Wotton : « Toute expérience a sa valeur, et quoi qu’on puisse dire contre le mariage, c’est incontestablement une expérience. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 419).
. Lady Bracknell : « J’ai toujours été d’avis qu’un homme qui désire se marier doit ou bien tout connaître de la vie, ou bien n’en rien connaître. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1451).
. Lord Henry Wotton : « Les hommes se marient parce qu’ils sont las, les femmes parce qu’elles sont curieuses ; la déception les attend tous. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 393). [33]
. Lord Henry Wotton : « Quand une femme se remarie, c’est qu’elle détestait son premier mari. Quand un homme se remarie, c’est qu’il adorait sa première femme. Les femmes courent leur chance ; les hommes risquent la leur. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519).
. Mrs. Allonby : « Tous les hommes sont la propriété des femmes mariées. C’est là le vrai bien des femmes mariées, et sa seule définition véridique. Mais nous, nous n’appartenons à personne. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1280).
. Lord Henry Wotton : « Que de sottises l’on prononce chaque fois que l’on parle de mariages heureux ! […] Un homme peut être heureux avec n’importe quelle femme, dès l’instant qu’il ne l’aime pas. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 520).
. Lord Henry Wotton : « L’un des charmes du mariage réside en ce qu’il fait du mensonge une nécessité vitale pour les deux parties. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 352).
. Lord Henry Wotton : « La véritable faiblesse du mariage, c’est qu’il vous empêche d’être égoïste. Sans égoïsme, les gens sont incolores. Ils manquent d’individualité. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VI ; Pléiade, 1996, p. 419).
. Miss Prism : « Aucun homme marié n’est séduisant, excepté pour sa femme. » — Chasuble : « Et souvent, dit-on, il ne l’est même pas pour elle. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1470).
. Lord Henry Wotton : « Le seul moyen qu’ait une femme d’amener un homme à se réformer est de l’ennuyer si radicalement qu’il en perde tout intérêt pour la vie. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 444).
. Lady Narborough : « De nos jours, tous les hommes mariés vivent comme des célibataires, et tous les célibataires comme des hommes mariés. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519). [34]
. Lady Plymdale : « De nos jours c’est extrêmement dangereux pour un mari de prêter attention à sa femme en public. Celà incite toujours les gens à penser qu’il la bat quand il est seul avec elle. Le monde est devenu si méfiant envers tout ce qui ressemble à une vie conjugale heureuse ! » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1184).
. Algernon : « Vous ne semblez pas vous rendre compte que dans la vie conjugale, à trois on s’amuse, à deux on s’ennuie. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1444).
. Lord Henry Wotton : « Qu’est-ce donc qui vous a séparés ? Je suppose qu’il vous ennuyait. Si c’est le cas, il ne vous a jamais pardonné. C’est une habitude des raseurs. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 552).
Le dandy wildien étant – autre paradoxe – aussi mondain qu’il est égocentrique, c’est la vie sociale en général qui est souvent l’objet de ses observations. Il sait que la bonne société n’aime que les médiocres, mais il ne saurait pas plus en être arraché que le poisson de l’eau.
. Vivian : « L’intérêt que présentent les gens du monde […] réside dans le masque que chacun porte, non dans la réalité qui se cache derrière ce masque. Il est humiliant d’avoir à le reconnaître, mais nous sommes tous faits de la même étoffe. […] Nous ne différons les uns des autres que par l’accessoire : vêtement, allure, ton de la voix, convictions religieuses, apparence extérieure, manies et autres choses du même ordre. Plus on analyse les gens, plus les raisons de les analyser disparaissent. Tôt ou tard, on finit par atteindre cet élément universel épouvantable qu’on désigne sous le nom de nature humaine. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 780-781).
. Quand il a prononcé le mot « mode », il a désigné ce qui est le grand ennemi de l’art dans ce siècle, comme dans tous les siècles. La mode repose sur la bêtise. L’art repose sur la règle. La mode est éphémère. L’art est éternel. En effet, qu’est-ce qu’une mode, en réalité ? Une mode n’est rien qu’une forme de laideur si absolument insupportable que nous devons la remplacer tous les six mois ! [When he said the word fashion, he mentioned what is the great enemy of art in this century, as in all centuries. Fashion rests upon folly. Art rests upon law. Fashion is ephemeral. Art is eternal. Indeed what is a fashion really ? A fashion is merely a form of ugliness so absolutely unbearable that we have to alter it every six months !] (Oscar Wilde, « The Philosophy of Dress », The New York Tribune, avril 1885 ; republié dans John Cooper, Oscar Wilde on Dress, CSM Press, Philadelphie, 2013).
. La société, du moins la société civilisée, n’est jamais portée à rien croire de négatif sur le compte de gens riches et séduisants. Elle sent d’instinct que les manières comptent plus que la morale, et pour elle la plus haute respectabilité vaut infiniment moins que la possession d’un bon cuisinier. Et après tout, c’est une bien mince consolation que de savoir que l’homme qui vient de vous donner un mauvais dîner ou un vin médiocre est, dans sa vie privée, irréprochable. Les vertus cardinales elles-mêmes ne sauraient racheter des entrées tièdes. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XI ; Pléiade, 1996, p. 485).
. Le prince Paul : « Il y a toujours plus de hobereaux que de cerveaux dans une aristocratie. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1023).
. Lord Darlington : « De nos jours dans la bonne société, il y a tant de gens vaniteux qui font semblant d’être bons qu’il me semble que c’est se montrer agréable et modeste que de faire semblant d’être mauvais. Mais il y autre chose. Si vous faites semblant d’être bon, le monde vous prend très au sérieux. Si vous faites semblant d’être mauvais, il ne vous prend pas au sérieux. Telle est la stupéfiante imbécilité de l’optimisme. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1164).
. Lord Illingworth : « Pour entrer dans la meilleure société, de nos jours, il faut soit nourrir les gens, soit les amuser, soit les choquer… et le tour est joué ! » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1303).
. Lord Illingworth : « Faire partie [de la bonne société], c’est tout bonnement assommant. Mais ne pas en faire partie, c’est tout simplement une tragédie. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1303). [35]
. Gladys : « Tous les bons chapeaux sont faits à partir de rien. » — Lord Henry Wotton : « Comme toutes les bonnes réputations. Chaque fois que l’on produit un effet, on se fait un ennemi. Pour être populaire, il faut être médiocre. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 536).
. Basil Hallward : « Mieux vaut ne pas être différent de ses congénères. Ce sont les laids et les sots qui l’emportent en ce monde. Ils peuvent prendre leurs aises et regarder autour d’eux d’un air béat. S’ils ne connaissent jamais la victoire, du moins la connaissance de la défaite leur est-elle épargnée. Ils vivent comme nous devrions tous vivre, insouciants, indifférents, ignorant l’inquiétude. Ils n’apportent pas la ruine à autrui, et ne la reçoivent pas davantage de mains étrangères. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 351).
. Lord Henry Wotton : « Pourquoi l’aurait-on assassiné ? Il n’était pas assez brillant pour avoir des ennemis. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 551).
. Le prince Paul : « L’indifférence est la revanche que le monde prend sur les médiocres. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1006).
. Lord Henry Wotton : « Il n’y a qu’une chose au monde qui soit pire que d’être l’objet de toutes les conversations, c’est de n’être l’objet d’aucune. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 350).
. Lord Henry Wotton : « La façon dont les gens agissent aujourdhui […] est absolument monstrueuse : ils disent contre vous, derrière votre dos, des choses qui sont absolument et totalement vraies. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 519). [36]
. Cecil Graham : « Oh ! les ragots sont une chose charmante. L’histoire n’est faite que de ragots. Mais la médisance, ce sont des ragots que la morale rend fastidieux. » (Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere (1891), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1208).
. Mrs. Cheveley : « Les questions ne sont jamais indiscrètes. Les réponses le sont parfois. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1343).
. Lord Goring : « Je dis toujours ce que je ne devrais pas dire. En fait, je dis en général ce que je pense vraiment. Grave erreur de nos jours. Celà vous fait courir le risque d’être compris. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1371).
. Algernon : « Il est bien plus intelligent de dire des sottises que d’en écouter. […] Et c’est généralement beaucoup plus rare, en dépit de tout ce que le public peut en dire. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1504).
. La grenouille : « Les discussions sont du dernier vulgaire, puisque dans la bonne société tout-le-monde pense exactement la même chose. » (Oscar Wilde, Le Prince heureux et autres contes (1888), « L’insigne pétard » ; Pléiade, 1996, p. 186).
. Il ne faut jamais écouter. Écouter est une marque d'indifférence vis-à-vis de vos auditeurs. [One should never listen. To listen is a sign of indifference to one's hearers.] (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 968).
Le dandy wildien ne fréquente que la haute société. Mais il sait que le peuple existe ! Il peut même, à l’occasion, éprouver de la compassion pour son aliénation, ou une admiration d’esthète pour sa violence. Cependant, c’est bien sûr l’invincible dégoût face à sa vulgarité qui domine.
. Les riches, en tant que catégorie, sont meilleurs que les pauvres, plus moraux, plus proches des choses de l’esprit, et ils se conduisent mieux. Il n’y a qu’une catégorie sociale qui songe plus à l’argent que les riches, c’est celle des pauvres. Les pauvres sont incapables de songer à rien d’autre. Voilà la tragédie de la pauvreté. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 939).
. Lord Henry Wotton : « À la campagne, tout-le-monde peut être bon. Il ne s’y trouve point de tentations. C’est pour cette raison que les gens qui vivent loin des villes sont si radicalement barbares. La civilisation n’est pas, tant s’en faut, d’accès facile. Il n’existe que deux méthodes pour y accéder. La première consiste à se cultiver ; la deuxième, à se laisser corrompre. Les gens de la campagne n’ont aucune occasion de faire l’un ou l’autre, et en conséquence ils croupissent. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 548).
. En vérité, il y a beaucoup plus de raisons d’admirer la force physique du peuple que l’opinion du peuple. Il arrive que la première soit belle. La seconde est nécessairement stupide. […] La violence même d’une révolution peut donner au peuple grandeur et beauté. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 951).
. Pour qui réfléchit un peu, l’évènement le plus tragique de la Révolution française n’est pas que Marie-Antoinette ait été tuée parce qu’elle était reine, mais que les paysans de Vendée affamés soient allés de leur plein gré mourir pour défendre la cause abominable du système féodal. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 934).
. La misère et la pauvreté sont si fondamentalement dégradantes, et exercent sur la nature humaine un effet si paralysant, qu’aucune classe de la population n’est jamais vraiment consciente des souffrances qu’elle endure. Il faut que d’autres le lui disent, et souvent elle refuse catégoriquement de les croire. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 933).
. Lord Henry Wotton : « Tout crime est vulgaire, de même que toute vulgarité est criminelle. […] Le crime appartient exclusivement aux classes inférieures. Je ne le leur reproche pas le moins du monde. Je serais tenté de penser que le crime est pour elles ce que l’Art est pour nous, rien d’autre qu’un moyen de se créer des sensations extraordinaires. […] Il me semble pourtant que le meurtre est toujours une erreur. Il ne faut rien faire dont on ne puisse parler après souper. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 551-552).
. Et quant au Peuple, que dire de lui et de son autorité ? […] Son autorité est aveugle, sourde, hideuse, grotesque, tragique, comique et obscène. Il est impossible pour l’artiste de vivre avec le Peuple. Tous les despotes corrompent. Le Peuple corrompt et brutalise. Qui lui a dit d’exercer une autorité ? Il est fait pour vivre, pour écouter, pour aimer. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 959).
. Algernon : « Si les couches inférieures ne nous donnent pas le bon exemple, à quoi diable servent-elles ? J’ai l’impression qu’en tant que classe, elles n’ont aucun sens de leur responsabilité morale. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1437).
. L’opinion publique n’existe que là où il n’y a pas d’idées. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 967).
Puisque la société est divisée en classes opposées, est-ce à dire qu’il faudrait la réorganiser ? Le dandy wildien méprise la politique, mais il ne s’interdit pas de lancer de temps en temps quelques fusées sur ce sujet, dans le style provocateur qui est le sien.
. Lady Basildon : « Parler de politique me ravit. J’en parle toute la journée. Mais je ne supporte pas d’écouter les autres en parler. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1347).
. Kelvil : « [Est-ce que] vous considérez que la Chambre des lords est une meilleure institution que la Chambre des communes ? » — Lord Illingworth : « Bien meilleure, bien meilleure naturellement. À la Chambre des lords, nous n’avons jamais le moindre contact avec l’opinion publique. Voilà ce qui fait de nous une assemblée civilisée. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1271).
. Le prince Paul : « Les droits de l’humanité ! Autrefois, les hommes se constituaient des droits à mesure qu’ils avançaient dans la vie alors que, de nos jours, on dirait que tous les bébés naissent avec un manifeste social plus gros qu’eux dans la bouche. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1021).
. Le prince Paul : « Le peuple et ses droits m’ennuient. J’en ai assez de tout celà. On dirait, par les temps qui courent, que le fait d’être une vulgaire brute, commune et illettrée, donne à un homme un nombre infini et fantastique de droits auquel ses honnêtes ancêtres n’auraient même pas rêvé. […] Dans une bonne démocratie, tout homme devrait être un aristocrate ; mais ce peuple russe qui cherche à nous pousser dehors ne vaut pas mieux que les animaux de nos chasses réservées et il est fait, dans sa grande majorité, pour être abattu. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1007).
. Lady Caroline : « Je ne suis pas du tout favorable à l’idée d’offrir des divertissements aux pauvres. Des couvertures et du charbon, c’est bien suffisant. Le goût du plaisir est déjà trop présent dans les classes supérieures. La santé, voilà ce qu’il nous faut dans la vie moderne. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1270).
. Il fut un temps où la démocratie suscitait de grands espoirs ; mais la démocratie signifie simplement le matraquage du peuple par le peuple et pour le peuple. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 941-942).
. Ce qu’on peut dire en faveur du despote, c’est qu’il est un individu, et que, comme tel, il a peut-être une certaine culture, tandis que la foule, qui est un monstre, n’en a aucune. Quelqu’un qui est empereur et roi se baissera peut-être pour ramasser le pinceau d’un peintre ; mais quand la démocratie se baisse, c’est simplement pour jeter de la boue. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 958).
. Je peux tout-à-fait comprendre qu’un homme accepte les lois qui protègent la propriété privée et tolèrent son accumulation, dès l’instant que lui-même est capable, dans une pareille situation, de réaliser pour lui-même une vie de beauté et d’intelligence. Mais je trouve presque incroyable qu’un homme dont la vie est dégradée et enlaidie par de telles lois puisse en aucune façon approuver leur existence. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 933).
. Gilbert : « Une seule chose est pire que l’injustice : la justice sans son glaive. Quand le Droit ne rime pas avec la Force, il s’appelle le Mal. » [37] (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 898).
On aurait tort de croire que le dandy wildien, cet esthète absolu, vit dans un empyrée intemporel. Tout au contraire, il a une conscience aigüe d’un phénomène monstrueux et gigantesque, qui a tout transformé, tout détruit : la modernité.
. Gilbert : « Autrefois on canonisait les héros. La méthode moderne consiste à les vulgariser. [38] Certes, les éditions bon marché de grandes œuvres ne manquent pas de charme, mais les éditions bon marché de grands hommes sont absolument détestables. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 830).
. Sir Robert Chiltern : « Tout homme d’ambition doit se battre contre son siècle avec les armes de son siècle. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1367).
. Vivian : « Je crains que nous ne commencions à être trop instruits. Du moins, tous ceux qui sont incapables d’apprendre quoi que ce soit se mettent à enseigner. Voilà le résultat de notre enthousiasme pour l’éducation. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 774-775).
. Lord Henry Wotton : « Nous vivons en un siècle qui lit trop pour être sage, et qui pense trop pour être beau. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII ; Pléiade, 1996, p. 449).
. Algernon : « Plus de la moitié de la culture moderne est faite de ce qu’on ne doit pas lire. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1440).
. Gilbert : « Le XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire, uniquement en raison de l’œuvre de deux hommes, Darwin et Renan : le premier est le critique du Livre de la Nature, le second le critique des Livres de Dieu. Ne pas le reconnaître, c’est passer à côté de la signification d’une des époques les plus importantes dans la marche en avant du monde. La création est toujours en retard sur l’époque. C’est la Critique qui nous guide. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 900).
. Le prince Paul : « Je pensais risquer ma tête en venant ici et vous me dites que je l’ai sauvée. On s’expose toujours à la déception quand on cherche le romanesque dans la vie moderne. » (Oscar Wilde, Véra, ou les nihilistes (1880), acte III ; Pléiade, 1996, p. 1024).
. Gilbert : « Il est caractéristique d’une époque cupide, telle que celle où nous vivons, qu’elle fasse passer avant les subtiles vertus intellectuelles ces vertus émotionnelles et superficielles dont elle tire un profit pratique immédiat. Et dailleurs, ils manquent leur but, ces philanthropes et ces âmes sensibles de notre temps, qui ne cessent de vous rebattre les oreilles du devoir qui vous incombe à l’égard de votre prochain. Car le développement de la race dépend de celui de l’individu et, là où la culture personnelle a cessé d’être un idéal, on assiste à un abaissement immédiat du niveau intellectuel et souvent à son effondrement final. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 878).
. L’industrie est la racine de tout ce qui est laid. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Un projet praticable est soit un projet déjà réalisé, soit un projet qui, les choses étant ce qu’elles sont, pourrait être réalisé. Mais c’est précisément à cet état de choses qu’on en veut ; et tout projet compatible avec cet état de choses est mauvais et stupide. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 960).
. Partout dans l’Europe occidentale, et peut-être plus particulièrement en Angleterre, la bataille pour la vie est si féroce que tout ce que nous possédons d’idéal et de beau risque d’être pulvérisé par les machines à vapeur et les agiotages de la Bourse. (Oscar Wilde, « Les poètes et le peuple », article paru dans Pall Mall Gazette le 17 février 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 7, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 251).
. Ce n'est qu'en ne payant pas ses factures qu'on peut espérer vivre dans la mémoire des classes marchandes. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 969).
. « Dans ce pays, de même que le travail est la malédiction des classes qui boivent, l’éducation est la malédiction des classes de théâtre. » [Just as work is the curse of the drinking classes of this country, so education is the curse of the acting classes.] (Oscar Wilde, propos oral tenu à Frank Harris vers 1892, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde. His Life and Confessions (écrit en 1910, publié en 1916), chap. 11 ; Wordsworth edition, Ware, 2007, p. 95). [39]
. Lord Henry Wotton : « Aujourdhui les gens savent le prix de tout, et ne connaissent la valeur de rien. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 392). [40]
. Lady Markby : « Rien n'est plus dangereux que d'être trop moderne. On court le risque de se démoder d’un seul coup. » (Oscar Wilde, Un mari idéal (1894), acte II ; Pléiade, 1996, p. 1382).
L’AMÉRIQUE, L’ANGLETERRE ET LE MONDE
Deux pays retiennent particulièrement l’attention du dandy wildien. Il aimerait pouvoir les opposer… hélas, il doit bien constater que la modernité les uniformise.
. Lord Illingworth : « La jeunesse est la plus vieille tradition des Américains. Celà fait actuellement trois-cents ans qu’elle dure. À les entendre parler, on croirait qu’ils sont dans leur première enfance. Alors qu’en tant que civilisation, ils sont déjà dans la seconde. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1269).
. [La jeune génération américaine] n’épargne aucun effort pour élever correctement ses parents et leur donner une convenable, quoique tardive éducation. Dès ses plus jeunes années, chaque enfant américain passe son temps à corriger les fautes de ses père et mère […]. En Amérique, la jeunesse est toujours prête à faire profiter la vieillesse de son inexpérience. (Oscar Wilde, « L’invasion américaine », article paru dans Court and Society Review le 23 mars 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, I, 2, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 42).
. Leur éducation [=aux Américains] diffère assez de la nôtre. Ils connaissent les hommes mieux que les livres et la vie mieux que la littérature. Ils manquent de temps pour étudier autre chose que le cours de la bourse, de loisir pour lire autre chose que les journaux. Il est vrai que, en Amérique, seules les femmes ont des loisirs. De cette curiosité s’ensuivra d’ici à un siècle que toute la culture du nouveau monde résidera dans les jupons. (Oscar Wilde, « L’homme américain », article paru dans Court and Society Review le 13 avril 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, I, 3, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 52).
. Pour rude de manières qu’il soit et défectueux dans cette matière qu’est la pittoresque insincérité de l’idylle, [l’homme américain] reste indéfectiblement bon et prévenant, et a su faire de son pays le Paradis des Femmes. / C’est peut-être pourquoi, à la manière d’Ève, les femmes tiennent tellement à en sortir. (Oscar Wilde, « L’homme américain », article paru dans Court and Society Review le 13 avril 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, I, 3, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 57).
. Rien ne nous distingue plus aujourdhui de l’Amérique, à l’exception du langage, bien entendu. [We have really everything in common with America nowadays, except, of course, language.] (Oscar Wilde, Le Fantôme de Canterville (1887), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 68). [41]
. Les Lords temporels ne disent rien, les Lords spirituels n’ont rien à dire et la Chambre des communes n’a rien à dire et le dit. Nous sommes dominés par le journalisme. En Amérique, le président gouverne pendant quatre ans, et le journalisme gouverne pour l’éternité. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 952).
. Il y a quelque chose de tragique dans l’énorme quantité de jeunes gens qui, aujourd’hui en Angleterre, débutent dans la vie avec un profil parfait et finissent par choisir quelque profession utile. (Oscar Wilde, Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) ; Pléiade, 1996, p. 970).
. Lord Henry Wotton : « [Les Anglais] sont plus rusés que pratiques. Quand ils font leur bilan, ils équilibrent la stupidité par la fortune, et le vice par l’hypocrisie. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 535).
. La stupidité innée de la race – ce qu’il appelait avec jovialité le gros bon sens anglais – était présentée comme le rempart dont avait besoin la Société. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XV ; Pléiade, 1996, p. 521).
. Lord Henry Wotton : « L’opinion publique, en Grande-Bretagne, n’est pas vraiment capable de l’effort intellectuel qu’il faudrait faire pour avoir plus d’un sujet de conversation par période de trois mois. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 550).
. La cuisinière anglaise est une femme absurde qui, pour toutes ses iniquités, devrait être changée en une statue de ce sel dont elle ne sait pas se servir. (Oscar Wilde, « Dîners et plats », article paru dans Pall Mall Gazette le 7 mars 1885 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 3, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 225).
. Les Maures sont paralysés par le fatalisme et pillés par leurs chefs. Peu de races auront autant déchu que la race maure. Il ne reste rien de la grande civilisation intellectuelle des Arabes. […] Le Coran a tué la liberté de penser, le gouvernement celle de vivre. (Oscar Wilde, « Un voyage au Maroc », article paru dans Pall Mall Gazette le 8 octobre 1886 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 6, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 243).
Parmi les tares du monde moderne, il y en a une qui a le don de déclencher inlassablement la fureur du dandy wildien : le journalisme, cette prostitution de l’intelligence et de l’art.
. Gilbert : « [Les industrieux compilateurs de vies et de mémoires] sont le fléau de notre époque, ni plus ni moins. De nos jours tous les grands hommes ont leurs disciples, et c’est toujours Judas qui écrit la biographie. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 830). [42]
. « Mais nous avons besoin de journalistes, M. Wilde. » — « Pourquoi ? Ils ne font qu’enregistrer ce qui s’est passé. Et qu’importe ce qui s’est passé ? Seules les choses durables sont intéressantes, non les horribles incidents de la vie de tous les jours. La création pour la joie de la création, voilà le but de l’artiste, et c’est ce qui fait que l’artiste est un type plus divin que le saint. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 282).
. Le fait est que le public manifeste une curiosité insatiable et veut tout savoir, sauf ce qu’il a besoin de savoir. Le journalisme, qui en est conscient, et qui a des pratiques de commerçant, répond à cette attente. Dans les siècles passés, le public clouait les oreilles des journalistes à la pompe. C’était tout-à-fait abominable. Dans notre siècle, les journalistes ont eux-mêmes cloué leurs oreilles au trou de la serrure. C’est bien pire. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 952).
. « Les journalistes rappellent toujours au public l’existence des artistes. Ce qui ne lui sert à rien. Ils rappellent toujours aux artistes l’existence du public. Ce qui est indigne de lui. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 281).
. Gilbert : « En nous faisant connaître les opinions des gens sans instruction, le journalisme nous permet de ne pas perdre de vue l’ignorance de la communauté. En rapportant avec soin les évènements courants de la vie contemporaine, il nous montre le peu d’important qu’ils revêtent en fait. En commentant invariablement l’inutile, il nous fait comprendre ce qui est indispensable à la culture et ce dont elle n’a nul besoin. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 886).
. Funeste fut le jour où le peuple découvrit que la plume est plus puissante que le pavé, et peut blesser autant que la brique. […] Peut-être y a-t-il derrière la barricade beaucoup d’héroïsme et de noblesse. Mais qu’y a-t-il derrière l’éditorial si ce n’est des préjugés, de la sottise, de l’hypocrisie, et du verbiage ? Et la conjonction de ces quatre éléments crée une force terrifiante, qui constitue la nouvelle autorité. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 951-952).
. Gilbert : « Ce qui justifie l’existence [du journalisme moderne], c’est le principe fondamental du darwinisme : la loi de la sélection du plus vulgaire. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 837).
. Ernest : « Quelle est la différence entre la littérature et le journalisme ? » — Gilbert : « Eh bien, disons que les textes journalistiques sont illisibles, et qu’on ne lit pas les textes littéraires. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 837).
. Lady Hunstanton : « Croyez-vous tout ce qui est écrit dans les journaux ? » — Lord Illingworth : « Absolument. Aujourdhui, il n’y a que ce qui est illisible qui arrive. » (Oscar Wilde, Une femme sans importance (1892), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1271).
LA CRITIQUE ET LE PUBLIC FACE À L’ART
Si le dandy wildien a la dent si dure contre les journalistes, c’est parce qu’ils encouragent le public dans son incompréhension viscérale de l’Art : ils contribuent donc à dégrader celui-ci sous couvert de le promouvoir. Car l’Art, accessible seulement à l’élite, a tout à perdre à se rapprocher du vulgaire.
. Le mode autobiographique est la forme de critique la plus haute, mais aussi la plus basse. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 347).
. Gilbert : « Il n’y a jamais eu de grande époque de création artistique qui n’ait pas été aussi une grande époque critique. Car c’est la faculté critique qui invente des formes nouvelles. La création tend à se répéter. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste » (1890) ; Pléiade, 1996, p. 846).
. « À partir du moment où la critique exerce la moindre influence, elle cesse d’être de la critique. Le but de la véritable critique est d’essayer de chroniquer ses propres humeurs, non pas d’essayer de corriger les chefs-d’œuvre d’autrui. » [43] (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 274).
. La seule chose que l’artiste ne puisse pas voir est l’évidence. La seule chose que le public puisse voir est l’évidence. Le résultat, c’est la critique journalistique. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 968).
. « Les critiques ont cessé de prophétiser. C’est déjà quelque chose. C’est dans le silence qu’arrivent les artistes. Ce que l’on attend ne se produit jamais ; ce qui est prédit est sans espoir. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 283).
. Lord Henry Wotton : « Les poètes savent combien la passion sert la publication. De nos jours un cœur brisé garantit plusieurs éditions. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 359).
. Algernon : « Si l’on joue de la bonne musique, les gens n’écoutent pas, et si l’on joue de la mauvaise musique, les gens ne se parlent pas. » (Oscar Wilde, L’Importance d’être constant (1894), acte I ; Pléiade, 1996, p. 1447).
. Ernest : « [Les mémoires modernes] sont généralement le fait de gens qui ou bien ont totalement perdu la mémoire, ou bien n’ont jamais rien fait qui mérite d’être retenu. C’est dailleurs sans doute là qu’il faut chercher la raison de leur succès, car le public anglais se sent parfaitement à l’aise quand une médiocrité s’adresse à lui. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 828).
. Le public a toujours été, à toutes les époques, mal éduqué. Il demande sans cesse à l’Art d’être populaire, de plaire à son absence de goût, de flatter son absurde vanité, de lui redire ce qui a déjà été dit, de lui montrer ce qu’il devrait en avoir assez de revoir, de s’amuser lorsqu’il s’assoupit après un repas trop lourd, et de le distraire lorsque sa propre stupidité l’accable. L’Art ne doit jamais essayer d’être populaire. Le public doit essayer de se faire artiste. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 946).
. « Quand une pièce qui relève de l'art est produite sur scène, ce qui est soumis à examen, ce n'est pas la pièce, mais la scène. Quand une pièce qui ne relève pas de l'art est produite sur scène, ce qui est soumis à examen, ce n'est pas la pièce, mais le public. » [When a play that is a work of art is produced on the stage what is being tested is not the play, but the stage ; when a play that is not a work of art is produced on the stage what is being tested is not the play, but the public.] (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 250).
. La seule chose que le public déteste, c’est la nouveauté. Tout effort pour élargir le champ des thèmes artistiques est très mal vu du public ; et pourtant la vitalité et le progrès de l’art dépendent pour une très large part de l’élargissement continuel de ses thèmes. Le public déteste la nouveauté parce qu’il en a peur. Elle représente pour lui une forme d’individualisme, l’affirmation par l’artiste qu’il choisit lui-même son sujet et le traite comme il le veut. L’attitude du public est tout-à-fait justifiée. L’art est individualisme, et l’individualisme est une force qui dérange et qui désintègre. C’est en celà que réside son immense valeur. Car ce qu’il cherche à déranger, c’est la monotonie du type, l’asservissement à l’usage, la tyrannie de l’habitude et la réduction de l’homme au niveau de la machine. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 947-948).
. C’est à l’œuvre d’art de dominer le spectateur ; ce n’est pas au spectateur de dominer l’œuvre d’art. Le spectateur doit être réceptif. Il doit être le violon sur lequel jouera le maître. Et mieux il sera capable de mettre entre parenthèses ses idées sottes, ses préjugés absurdes, ses conceptions ridicules, sur ce que l’art devrait être ou ne pas être, plus grandes seront ses chances de comprendre et d’apprécier l’œuvre d’art en question. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 955).
. Dès l’instant où [le spectateur] tente d’exercer une autorité, il devient l’ennemi déclaré de l’art, et de lui l’art se désintéresse. Et c’est lui qui en souffre. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 956).
. Le public anglais, comme toute foule, ne prend pas d'intérêt à une œuvre d'art jusqu'à ce qu'on lui dise que l'œuvre en question est immorale. [The English public, as a mass, takes no interest in a work of art until it is told that the work in question is immoral.] (Oscar Wilde, lettre à l’éditeur du St James’s Gazette, 25 juin 1890 ; dans The Letters of Oscar Wilde, Harcourt Brace and World, New York, 1962, p. 257).
. Gilbert : « Le public fait preuve d'une tolérance étonnante. Il pardonne tout sauf le génie. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 828).
. Gilbert : « Je n'ai que trop conscience du fait que notre époque ne prend au sérieux que les sots et je vis dans la terreur de ne pas être incompris. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 838).
. « Le public est tellement terrible qu’il ne connaît jamais un homme que par la dernière chose qu’il a faite. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à André Gide le 19 juin 1897, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde, III (1902) ; Pléiade Essais critiques, 1999, p. 848).
. Autrefois, les livres étaient écrits par les hommes de lettres et lus par le public. Aujourd'hui, ils sont écrits par le public et personne ne les lit. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 967).
C’est qu’en fait, il y a bel et bien un absolu pour le dandy wildien, quelque chose qui justifie qu’on lui consacre et sacrifie sa vie : c’est le Beau.
. Lord Henry Wotton : « La Beauté est une forme de génie – supérieure en fait au génie, car elle ne requiert aucune explication. […] Elle est, de droit divin, souveraine. Elle change en princes ceux qui la possèdent. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 369).
. Lord Henry Wotton : « On dit parfois que la Beauté n’est que superficielle. Celà se peut. Mais du moins n’est-elle pas aussi superficielle que la Pensée. […] Seuls les esprits superficiels refusent de juger sur les apparences. Le véritable mystère du monde, c’est le visible, et non pas l'invisible… » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. II ; Pléiade, 1996, p. 369).
. Le mot « pratique » est presque toujours le dernier refuge des non-civilisés. De tous les mots mal employés, c’est le plus méchamment traité. […] Si le corps est beau, tout habit qui le vêt avec justesse doit également être beau dans sa construction et dans ses lignes. […] / Je voudrais cependant rappeler à ceux qui raillent la beauté sous prétexte qu’elle ne serait pas pratique, qu’une chose laide n’est qu’une chose mal faite ou une chose qui ne remplit pas sa fonction ; que la laideur est impropriété ; que la laideur est échec ; que la laideur est inutilité, tel un ornement à la mauvaise place. (Oscar Wilde, « Idées encore plus radicales sur la réforme des vêtements », article paru dans Pall Mall Gazette le 11 novembre 1884 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 2, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 216).
. Lord Henry Wotton : « C’est une vérité triste à dire : nous ne savons plus donner aux choses de jolis noms. Les noms comptent plus que tout. Avec les actions, je n’ai jamais aucune querelle. Ma seule querelle, je l’ai avec les mots. C’est pour celà que je déteste le réalisme vulgaire en littérature. Tout homme capable d’appeler un chat un "chat", devrait être obligé d’en élever un. Il n’est bon qu’à celà. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XVII ; Pléiade, 1996, p. 534).
. « Savez-vous ce qui fait l’œuvre d’art et ce qui fait l’œuvre de la nature ? Savez-vous ce qui fait leur différence ? […] L’œuvre d’art est toujours unique. La nature qui ne fait rien de durable, se répète toujours, afin que rien de ce qu’elle fait ne soit perdu. […] Chaque fois que la nature invente une forme nouvelle elle la répète aussitôt. […] Dieu invente l’homme, et l’homme invente l’œuvre d’art. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à André Gide fin 1891, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde, I (1902) ; Pléiade Essais critiques, 1999, p. 840).
. Vivian : « La pure modernité de la forme est toujours empreinte de vulgarité. Elle ne peut y échapper. Le public s’imagine que, puisqu’il s’intéresse aux objets qui l’entourent, l’Art devrait s’y intéresser aussi et les prendre pour sujet. Or le simple fait qu’il s’y intéresse les disqualifie en tant que sujet artistique. Comme on l’a dit : seul est beau ce qui ne nous concerne pas. Aussi longtemps qu’un objet nous est utile ou nécessaire, qu’il nous affecte d’une façon ou d’une autre, qu’il nous cause chagrin ou plaisir, qu’il touche en nous quelque corde sensible, qu’il fait partie intégrante du monde où nous vivons, il est exclu de la sphère spécifique de l’Art. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 783).
. S’il est beau en soi, un sujet ne suggère rien à l’artiste. Il manque d’imperfection. (Oscar Wilde, Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites (1894) ; Pléiade, 1996, p. 968).
. Basil Hallward : « Jamais aucun homme n’a rencontré deux fois l’idéal. Rares sont ceux qui l’ont rencontré une seule fois. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IX ; Pléiade, 1996, p. 461).
Le Beau a un serviteur par excellence, c’est l’Artiste. Et cependant même lui n’échappe pas tout-à-fait aux sarcasmes du dandy wildien, qui constate que le grand artiste est un être médiocre : dualité magnifiquement révélatrice de l’ambiguïté du dandy wildien qui vénère l’Art tout en n’étant pas lui-même – par choix ou par impuissance ? – un artiste, de même que Wilde a été, selon son constat tragique, un dandy génial mais un artiste seulement talentueux.
. « [Les critiques] croient que toutes les pensées naissent nues… Ils ne comprennent pas que je ne peux pas penser autrement qu’en contes. Le sculpteur ne cherche pas à traduire en marbre sa pensée ; il pense en marbre, directement. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à André Gide fin 1891, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde, I (1902) ; Pléiade Essais critiques, 1999, p. 843).
. Basil Hallward : « Tout portrait peint avec sentiment est un portrait de l’artiste, non du modèle. Le modèle n’est que l’accident, l’occasion. Ce n’est pas lui que le peintre révèle ; c’est bien plutôt le peintre qui, sur la toile colorée, se révèle lui-même. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. I ; Pléiade, 1996, p. 353).
. Vivian : « Les seuls portraits auxquels on croit sont ceux où très peu de choses viennent du modèle mais où beaucoup viennent de l’artiste. […] C’est le style, rien que le style, qui nous fait croire en quelque chose. La plupart de nos portraitistes modernes sont condamnés à l’oubli absolu. Jamais ils ne peignent ce qu’ils voient. Ils peignent ce que voit le public, or le public ne voit jamais rien. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 801).
. Vivian : « Aucun grand artiste ne voit jamais les choses telles qu’elles sont vraiment. Si c’était le cas, ce ne serait plus un artiste. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 800).
. Gilbert : « Les grandes œuvres d’imagination sont toujours le fruit d’un travail conscient et réfléchi. Si le poète se met à chanter, ce n’est pas qu’il ne peut pas s’en empêcher. Du moins si c’est un grand poète. Un grand poète se met à chanter parce qu’il choisit de le faire. […] Tous les siècles qui ont produit de la poésie ont, à ce jour, été des siècles artificiels, et l’œuvre qui nous apparaît comme le produit le plus simple et le plus naturel de son temps est toujours le résultat d’efforts on ne peut plus conscients. […] Il n’y a pas d’œuvre d’art sans conscience claire ; conscience et esprit critique ne font qu’un. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 844-845).
. « L'artiste ne peut pas s'abaisser à être le laquais du public. […] L’humilité est pour l’hypocrite, la modestie est pour l’incompétent. Le devoir et le privilège de l’artiste est l’affirmation de soi. » [The artist cannot be degraded into the servant of the public. […] Humility is for the hypocrite, modesty for the incompetent. Assertion is at once the duty and privilege of the artist.] (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 247).
. « La vanité est le privilège du créateur. » [Conceit is the privilege of the creative.] » (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 248).
. Un artiste véritable ne tient pas le moindre compte du public. Le public pour lui n’existe pas. Il n’a pas de gâteaux aux pavots ou au miel à jeter au monstre pour l’endormir ou le rassasier. Il laisse celà au romancier populaire. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 956).
. « Plus le public s'intéresse à l'artiste, moins il s'intéresse à l'art. La personnalité de l'artiste n’est pas quelque chose sur quoi le public devrait savoir quoi que ce soit. C’est trop accidentel. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 246).
. Il serait triste de penser qu’un disciple aussi dévoué que M. Dowdeswell ait ainsi pu souiller l’honneur de son maître. S’il est très bon d’être le Boswell du Papillon, il est immodeste, et inutile, de s’en faire le Barnum. [44] (Oscar Wilde, « Le Boswell du papillon », article paru dans Court and Society Review le 20 avril 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, II, 3, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 83).
. On doit reconnaître que, en mettant M. Blunt en prison, [Arthur Balfour] a changé un habile rimeur en poète sérieux et profond. L’étroitesse de la cellule paraît convenir à la « mince parcelle » du sonnet, et un emprisonnement injuste pour une noble cause renforce et approfondit une nature. [45] (Oscar Wilde, « Poésie et prison », article paru dans Pall Mall Gazette le 3 janvier 1889 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, III, 7, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 156-157).
. Un poète peut survivre à tout, sauf à une erreur d’impression. [A poet can survive everything but a misprint.] (Oscar Wilde, « Les enfants des poètes », article paru dans Pall Mall Gazette le 14 octobre 1886 ; repris dans Complete Works, vol. 12 : Reviews, 1910, p. 97).
. Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même des choses qui sont vraies peuvent être prouvées. [No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved.] (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 347).
. Nul artiste n’a de sympathies éthiques. Chez un artiste, toute sympathie éthique est un maniérisme impardonnable. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 348).
. Vice et vertu constituent pour l’artiste des matériaux de son art. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 348).
. « Toute aventure qui se produit dans notre vie est une aventure perdue pour l’art. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 278).
. Lord Henry Wotton : « Basil […] met dans son œuvre tout ce qui fait son charme. Le résultat, c’est qu’il ne lui reste dans sa vie rien d’autre que ses préjugés, ses principes et son bon sens. Les seuls artistes que je connaisse et qui soient personnellement délicieux, sont de mauvais artistes. Les bons artistes existent simplement par ce qu’ils font, et sont en conséquence totalement inintéressants dans ce qu’ils sont. Un grand poète, un poète réellement grand, est l’être le moins poétique qui soit. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. IV ; Pléiade, 1996, p. 402).
. Au total, en Angleterre, un artiste gagne quelque chose à être attaqué. Son individualité devient plus intense. Il devient plus complètement lui-même. Sans doute les attaques sont-elles très vulgaires, très impertinentes, très méprisables. Mais aussi bien nul artiste ne s’attend-il à rencontrer l’élégance chez un esprit vulgaire ni le style chez un esprit provincial. Vulgarité et stupidité sont deux traits bien réels de la vie moderne. Bien sûr on les déplore. Mais ils existent. Ce sont des sujets d’étude, comme tout le reste. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 949).
Le dandy wildien, finalement, a une religion, c’est l’Art. Ici l’ironie n’est plus de mise.
. « Il y a deux mondes : celui qui est sans qu’on en parle ; on l’appelle le monde réel, parce qu’il n’est nul besoin d’en parler pour le voir. Et l’autre, c’est le monde de l’art ; c’est celui dont il faut parler, parce qu’il ne serait pas sans celà. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à André Gide fin 1891, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde, I (1902) ; Pléiade Essais critiques, 1999, p. 839).
. Vivian : « Il y a toujours un échec artistique quand on cherche à retourner à la Vie et à la Nature et à les idéaliser. On peut parfois utiliser la Vie et la Nature comme éléments du matériau artistique mais, pour qu’elles puissent vraiment servir l’Art, il faut dabord les traduire en conventions artistiques. Dès lors qu’il renonce à l’imagination comme moyen d’expression, l’Art abdique sur toute la ligne. En tant que méthode, le réalisme est un échec absolu, et les deux choses que tout artiste devrait éviter sont la modernité de la forme et la modernité du sujet. […] La Vie prend toujours le réalisme de vitesse, mais le Romantisme est toujours en avance sur la Vie. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 804-805).
. « Il y a des œuvres qui attendent, et qu’on ne comprend pas pendant longtemps ; c’est qu’elles apportaient des réponses à des questions qu’on n’avait pas encore posées ; car la question arrive souvent terriblement longtemps après la réponse. » (Oscar Wilde, propos oral tenu à André Gide fin 1891, rapporté par celui-ci dans Oscar Wilde, I (1902) ; Pléiade Essais critiques, 1999, p. 843-844).
. En art, il n’y a tout simplement pas de vérité universelle. En art, est vérité ce dont le contradictoire est également vrai. (Oscar Wilde, Intentions, « La vérité des masques » (1891) ; Pléiade, 1996, p. 928). [46]
. Une œuvre d’art malsaine […] est une œuvre dont le style est évident, désuet et banal, et dont le sujet a été choisi délibérément, non pas en raison d’un plaisir que l’artiste y prendrait, mais parce qu’il pense que le public l’en récompensera. En fait, le roman populaire que le public déclare sain est toujours un produit foncièrement malsain ; et ce que le public appelle un roman malsain est toujours une œuvre d’art belle et saine. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 950).
. Qu’est-ce que la morbidité sinon une forme d’émotion ou de pensée impossible à exprimer ? Tout public est morbide, car le public ne sait jamais exprimer quoi que ce soit. L’artiste n’est jamais morbide. Il exprime tout. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 951).
. « Si un journaliste est écrasé par un véhicule à quatre roues sur le Strand – incident dont, à mon grand regret, je n'ai jamais été témoin – celà ne m’inspire rien d'un point-de-vue dramatique. Peut-être ai-je tort ; mais l'artiste doit avoir ses limites. » [If a journalist is run over by a four-wheeler in the Strand, an incident I regret to say I have never witnessed, it suggests nothing to me from a dramatic point of view. Perhaps I am wrong ; but the artist must have his limitations.] (Oscar Wilde, interviou accordée à Robert Ross pour la St James’s Gazette sous le titre « Mr. Oscar Wilde on Mr. Oscar Wilde : an interview », 18 janvier 1895 ; reprise dans E.H. Mikhail, Oscar Wilde. Interviews and Recollections, Macmillan, 1979, vol. I, p. 250).
. Gilbert : « Il y a deux façons de haïr l’art. L’une, c’est de le haïr. L’autre, c’est de l’aimer de façon rationnelle. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », II (1890) ; Pléiade, 1996, p. 885).
. Vivian : « La Vie imite l’art bien plus que l’Art n’imite la vie. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 791). [47]
Parmi tous les arts, l’un a une place à part aux yeux du dandy wildien, c’est la littérature. Parce que c’est le langage qui, seul, fait la différence entre l’Homme et l’Animal, et parce que le dandy wildien est lui-même un être de parole, donc, d’une façon ou d’une autre, un artiste du langage.
. Gilbert : « Il n’est pas une seule forme d’action, pas une seule forme d’émotion, que nous ne partagions avec les animaux inférieurs. Seul le langage nous permet de leur être supérieurs, ou d’être supérieurs à nos semblables, le langage qui est père et non fils de la pensée. En fait, l’action est toujours facile, et quand elle […] prend la forme d’une activité véritable, elle devient simplement le refuge de ceux qui n’ont strictement rien à faire. […] Aveugle, dépendant d’influences extérieures, elle résulte d’une impulsion dont elle n’a pas conscience, est incomplète dans son essence, parce que limitée par la contingence, ne sait où elle va puisqu’elle est toujours en désaccord avec son objectif. Elle a pour fondement le manque d’imagination. L’action est l’ultime ressource de ceux qui ne savent pas rêver. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 848).
. Gilbert : « Il est beaucoup plus difficile de parler d’une chose que de la faire. […] N’importe qui peut faire l’Histoire. Mais il n’y a qu’un grand homme qui soit capable de l’écrire. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 848).
. Quel droit un homme a-t-il au titre de poète, s’il ne réussit pas à mettre de la musique dans ses vers, s’il est incapable d’exprimer ses pensées dans un simple langage que le public puisse comprendre, si, au contraire, il maîtrise tellement mal sa langue maternelle que toute une assemblée de piocheurs intellectuels ne peut découvrir ce que ses mots veulent dire ? (Oscar Wilde, « Les poètes et le peuple », article paru dans Pall Mall Gazette le 17 février 1887 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 7, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 249-250).
. Vivian : « Les seuls êtres réels sont ceux qui n’ont jamais existé et si un romancier peut s’abaisser au point d’aller emprunter ses personnages à la vie, il devrait au moins faire croire que ce sont des créations et ne pas venir se vanter d’avoir recouru à des modèles. La justification d’un personnage de roman tient non pas à ce que d’autres personnes sont ce qu’elles sont, mais à ce que l’auteur est ce qu’il est. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 780).
. Vivian : « Une fréquentation assidue de Balzac réduit nos amis vivants à l’état de spectres et nos connaissances à celui d’ombres de spectres. [48] Ses personnages possèdent une sorte de réalité intense et ardente. Ils nous dominent et sont un défi au scepticisme. La mort de Lucien de Rubempré demeure un des plus grands drames de ma vie. Elle me cause une douleur que je n’ai jamais pu entièrement surmonter. Elle me hante jusque dans mes heures de plaisir. Je m’en souviens alors que je ris. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 782).
. Bien entendu, on accusa [Balzac] d’immoralité ; peu d’écrivains qui traitent de la réalité y échappent. […] La morale qu’expriment les personnages de La Comédie humaine n’est ni plus ni moins la morale du monde qui nous entoure. Ils sont le sujet de l’artiste, non pas sa méthode. S’il faut une censure, on ne doit pas l’appliquer à la littérature, mais à la vie. (Oscar Wilde, « Balzac en anglais », article paru dans Pall Mall Gazette le 13 septembre 1886 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, III, 11, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 180-181).
. Il est à la fois trop facile et trop difficile d’être un romancier populaire. Trop facile, car les exigences du public en matière d’intrigue, de style, de psychologie, d’approche de la vie et d’approche de la littérature sont à la portée des esprits les plus médiocres et les moins cultivés. Trop difficile, parce que pour satisfaire à ces exigences, l’artiste serait obligé de faire violence à sa nature, d’écrire non pour trouver dans l’écriture un plaisir artistique, mais pour amuser des gens à demi illettrés, et donc d’étouffer son individualisme, de tuer son style et de renoncer à tout ce qui en lui a quelque valeur. (Oscar Wilde, L’Âme de l’homme sous le socialisme (1891) ; Pléiade, 1996, p. 947).
. Gilbert : « N’importe qui peut écrire un roman en trois volumes. Il suffit d’être parfaitement ignorant, tant de la vie que de la littérature. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le critique comme artiste », I (1890) ; Pléiade, 1996, p. 847).
. Conseiller quoi ne pas lire est une matière […] que je me hasarde à recommander au Programme de Développement des Universités. Elle est même on ne peut plus utile à notre époque, laquelle lit tellement qu’elle n’a plus le temps d’admirer, écrit tellement qu’elle n’a plus le temps de penser. Qui choisira, dans le chaos des programmes scolaires, « les cent plus mauvais livres », et en publiera la liste, celui-là aura rendu un long et durable service à la jeune génération. (Oscar Wilde, « Lire ou ne pas lire », article paru dans Pall Mall Gazette le 8 février 1886 ; repris dans Aristote à l’heure du thé, IV, 5, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 237).
. « Je n’écrire pas pour plaire aux coteries ; j’écris pour me plaire à moi-même. D’autre part, j’ai toujours pensé que le fondement des écoles littéraires était un goût morbide des cocktails. Ce qui les rend tristement peu civilisées. » (Oscar Wilde, interviou accordée à Gilbert Burgess pour The Sketch, publiée le 9 janvier 1895 sous le titre « An Ideal Husband at the Haymarket Theatre. A Talk with Mr. Oscar Wilde » ; reprise dans Aristote à l’heure du thé, IV, 10, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 275).
. Vivian : « La littérature annonce toujours la vie. Elle ne l’imite pas ; elle la façonne pour l’asservir à son objectif. Le XIXe siècle, tel que nous le connaissons, est pour une large part une invention de Balzac. » (Oscar Wilde, Intentions, « Le déclin du mensonge » (1889) ; Pléiade, 1996, p. 793).
. Il n’existe pas de livre moral ou de livre immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, un point c'est tout. (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), préface ; Pléiade, 1996, p. 347).
. Lord Henry Wotton : « Quant à être empoisonné par un livre, c’est tout-à-fait impossible. L’Art n’a aucune influence sur l’action. Il annihile tout désir d’agir. Il est superbement stérile. Les livres que le monde appelle immoraux sont des livres qui montrent au monde sa propre ignominie. C’est tout. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. XIX ; Pléiade, 1996, p. 557).
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[1] Je n’ai pas identifié ce « livre étrange » où se trouve telle quelle cette formule, qui devait être bien connue de la sagesse antique. Ce que j’ai repéré de plus approchant, c’est Juvénal qui, au début de la satire 10, vers 5-8, lance : « Qui jamais conçut un projet sous des auspices assez heureux pour ne s'être pas repenti de l'entreprise et du succès ? Les dieux trop faciles ont souvent ruiné des familles entières en exauçant leurs désirs. » [Evertere domos totas optantibus ipsis di faciles] (par exemple collection Classiques en poche n°61, Les Belles-Lettres, 2002, p. 190-191). Dans la Phèdre de Racine, acte V scène 3, Aricie avertit aussi Thésée : « Craignez, seigneur, craignez que le ciel rigoureux / Ne vous haïsse assez pour exaucer vos vœux » (Pléiade tome I, 1999, p. 870). Ces deux vers sont cités dans Le Crime de Sylvestre Bonnard, d’Anatole France, paru en 1881 (Pléiade Œuvres, tome I, 1984, p. 267). Je relève aussi qu’un certain Thévenot est l’auteur à la fin du XVIIIe siècle d’un Poème sur les remords dans lequel on lit : « Souvent les justes dieux, quand les faibles mortels / De leurs vœux insensés fatiguent les autels, / Pour punir leurs forfaits, exaucent leurs prières » (L’Esprit des journaux français et étrangers, seizième année, tome II, chez la veuve Valade, février 1787, p. 273). On notera enfin que dans une édition anglaise populaire des Fables d’Ésope, due à Joseph Jacobs (première édition en 1889, nombreuses rééditions ensuite) l’adaptateur a ajouté au « Vieillard et la mort » (fable n°69) une moralité de son cru qui ne se trouve pas dans le texte original : « We would often be sorry if our wishes were gratified » (par exemple éd. Macmillan, Londres, 1922, p. 164-165).
[2] Cette phrase, qui commence dans le texte par un « mais », vient aussitôt après un paragraphe exposant comment Dorian Gray a été momentanément attiré par l’Église catholique, ou plutôt par les aspects esthétiques de sa liturgie.
[3] La formule était déjà dans le dialogue « Le critique comme artiste », troisième essai du recueil Intentions, dite par Gilbert, porte-parole de Wilde : « Ce que les gens nomment manque de sincérité n’est tout simplement qu’une méthode qui nous permet de multiplier nos personnalités. » (Pléiade p. 885).
[4] Dans mon volume imprimé le 10 décembre 1996, la Pléiade commet une erreur étonnante en mettant deux fois « prix », alors que la phrase repose sur l’opposition du prix et de la valeur : « A man who knows the price of everything and the value of nothing. » J’espère que cette bévue a été corrigée dans les tirages ultérieurs.
[5] La même idée se retrouve dans Un mari idéal, acte I. Sir Robert Chiltern : « Vous préférez être naturelle ? » — Mrs. Cheveley : « Parfois. Mais c’est une pose très difficile à maintenir. » (p. 1342).
[6] Même idée dans Une femme sans importance, à la fin de l’acte I, prononcée par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton : « De nos jours, on peut survivre à tout sauf à la mort ». Et il ajoute : « et on peut surmonter toutes les épreuves sauf celle d’une bonne réputation » (p. 1278).
[7] Conceptualisation d’une idée qui se dégageait d’une anecdote racontée dans Le Portrait de Dorian Gray, chap. IX : « Tu me rappelles une histoire que Harry [=Lord Henry Wotton] m’a racontée, à propos d’un philanthrope qui avait passé vingt ans de sa vie à obtenir le redressement d’un tort ou la modification d’une loi injuste […]. Il finit par réussir, et sa déception ne connut pas de bornes. Il n’avait absolument plus rien à faire, il faillit mourir d’ennui, et devint un misanthrope confirmé. » (p. 454).
[8] « L’égoïste est celui qui ne pense pas à moi », dira Henri de Régnier.
[9] La formule apparait aussi dans Un mari idéal, acte III, placée dans la bouche du dandy cynique Lord Goring : « S’aimer soi-même est le commencement d’une histoire d’amour qui dure toute la vie. » (p. 1393).
[10] Dans la pièce de George-Bernard Shaw, La Commandante Barbara, qui date de 1905, le personnage de Lady Britomart dit à l’acte I : « Je connais les gens comme Adolphus, calmes, simples, raffinés, poétiques – qui se contentent du meilleur ! » [« I know your quiet, simple, refined, poetic people like Adolphus – quite content with the best of everything ! »]. Rencontre fortuite ? Ou alors la boutade orale de Wilde s'était déjà répandue, et Shaw l'a reprise sans vergogne ? À moins que, la brochure d'E. Saltus n'étant parue qu'en 1917, celui-ci n'ait attribué indûment à Wilde le souvenir déformé qu'il avait de la réplique de Shaw…
[11] Dans la Rome antique, quand un général célébrait son triomphe en défilant dans la Ville à la tête de ses troupes, l’esclave qui, sur son char, debout derrière lui, tenait au-dessus de sa tête une couronne de lauriers, devait en même temps lui répéter : « Souviens-toi que tu es mortel », ou une formule voisine le rappelant à l’humilité. Voir par exemple Tertullien, Apologétique, XXXIII, 4 : « On lui rappelle sa condition humaine le jour même du triomphe, quand il est assis sur le plus sublime des chars, car on crie derrière lui : "Regarde derrière toi ! Souviens-toi que tu es homme !" » [Hominem se esse etiam triumphans in illo sublimissimo curru admonetur ; suggeritur enim ei a tergo : "Respice post te ! hominem te memento !"] (C.U.F., Les Belles-Lettres, 1929, p. 73).
[12] Cette idée est presque déjà dans Chamfort : « Les passions font vivre l’homme, la sagesse le fait seulement durer. » (Produits de la civilisation perfectionnée, éd. G.-F. n°188, 1968, maxime n°118, p. 76).
[13] La dernière phrase se retrouve dans Formules et maximes à l’usage des jeunes gens, une petite collection d’aphorismes que Wilde fit paraître en revue fin 1894, et dont elle constitue le dernier : « S'aimer soi-même, c'est se lancer dans une belle histoire d'amour qui durera toute la vie. » (p. 970).
[14] La phrase se retrouve (avec « when » à la place de « whenever ») dans « Le critique comme artiste », troisième des quatre essais du recueil Intentions. Dominique Jean donne une traduction légèrement différente de celle de Jean-Michel Déprats : « Quand les gens sont d'accord avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper. » (p. 895).
[15] Formule reprise dans Quelques maximes pour l’instruction des personnes trop instruites : « L’éducation est une chose admirable. Mais il est bon de se souvenir de temps à autre que rien de ce qui mérite d’être su ne peut s’enseigner. » (p. 967).
[16] Dans L’Éventail de Lady Windermere, acte I, le personnage de Lord Darlington prononce la célèbre formule : « Je peux résister à tout sauf à la tentation » (p. 1167). Mais déjà, dans Le Père Goriot de Balzac (1834), on lisait ce dialogue entre Rastignac et Bianchon : « Je suis tourmenté par de mauvaises idées. — En quel genre ? Ça se guérit, les idées. — Comment ? — En y succombant. » (Pléiade La Comédie humaine, tome III , 1976, p. 164).
[17] Même idée dans Une femme sans importance, acte III, prononcée par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton : « La modération est une chose fatale, Lady Hunstanton. Rien ne réussit mieux que l’excès » (p. 1310).
[18] De même, dans Le Portrait de Dorian Gray, chapitre II, Lord Henry Wotton explique : « La seule façon de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder. Résistez-y, et vous verrez votre âme infectée par le désir des choses qu’elle s’est interdites, par le désir de ce que ses lois monstrueuses ont rendu monstrueux et illicite. » (p. 366). Déjà, dans Le Père Goriot de Balzac (1834), on lisait ce dialogue entre Rastignac et Bianchon : « Je suis tourmenté par de mauvaises idées. — En quel genre ? Ça se guérit, les idées. — Comment ? — En y succombant. » (Pléiade La Comédie humaine, tome III , 1976, p. 164).
[19] À rapprocher du paragraphe final de L’Âme de l’homme sous le socialisme : « Lorsque l’homme est heureux, il est en harmonie avec lui-même et avec son milieu. » (p. 965).
[20] On retrouve la même formule (« I adore simple pleasures. They are the last refuge of the complex ») dans Une femme sans importance, à la fin de l’acte I, prononcée par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton. Jean-Michel Déprats propose une traduction légèrement différente de celle de Jean Gattégno : « J’adore les plaisirs simples. Ils sont le dernier refuge des esprits compliqués » (p. 1278).
[21] La formule a été recyclée dans L’Éventail de Lady Windermere, acte III, où elle est placée dans la bouche du personnage de Dumby : « L’expérience est le nom que chacun de nous donne à ses fautes. » (p. 1211). Mais elle figurait déjà dans la toute première pièce de Wilde, Véra ou les nihilistes (1880), à l’acte II, dans la bouche du prince Paul, le premier exemplaire de cette galerie de dandys cyniques, assez stéréotypés, qu’on trouve dans toutes les fictions majeures de Wilde : « L’expérience, le nom que les hommes donnent à leurs erreurs » (p. 1003).
[22] C’est bien sûr Aristote : « zôon logikon », ce qu’on peut aussi traduire par animal capable de logique, ou animal doué de langage. Cette définition ne se trouve pas dans une œuvre canonique, mais dans un fragment (le fragment n°187 dans la classification de Valentin Rose).
[23] Dans Le Portrait de Dorian Gray (1891), chap. VIII, Lord Henry Wotton se lance dans une critique des bonnes résolutions (p. 444-445).
[24] À rapprocher d’un aphorisme de l’article Formules et maximes à l’usage des jeunes gens (1894) : « Une fatalité s’attache toujours aux bonnes résolutions : on les prend toujours trop tôt. » (p. 970).
[25] Cette apologie de la jeunesse est une variation sur un thème qu’on trouve déjà dans la bouche de Lord Henry Wotton, au début et à la fin du Portrait de Dorian Gray : chapitres II (p. 369-370) et XIX (p. 554).
[26] Cette formule a été recyclée dans L’Éventail de Lady Windermere, où elle apparaît deux fois. Dabord à l’acte II, dans la bouche de Lord Illingworth : « Ne vous faites pas d’illusions, Rachel [Arbuthnot]. Les enfants commencent par aimer leurs parents. Au bout d’un certain temps, ils les jugent. Ils ne leur pardonnent que rarement, s’ils leur pardonnent jamais. » (p. 1299) ; puis à l’acte IV, dans la bouche de Mrs. Arbuthnot : « Ne vous faites pas d’illusions, George [Illingworth]. Les enfants commencent par aimer leurs parents. Ensuite ils les jugent. Il est rare qu’ils leur pardonnent. » (p. 1332).
[27] Formule recyclée dans Une femme sans importance, acte III. Gerald demande : « Les femmes sont terriblement intelligentes, n'est-ce pas ? », et Lord Illingworth répond : « On devrait toujours leur dire qu'elles le sont. Mais, pour le philosophe, mon cher Gerald, les femmes sont le triomphe de la matière sur l'esprit – au même titre que les hommes représentent le triomphe de l'esprit sur la morale. » (p. 1304).
[28] Idée reprise trois ans plus tard dans L’Importance d’être constant, acte I, où le personnage d’Algernon dit : « Toutes les femmes deviennent comme leur mère. Voilà leur drame. Les hommes ne le deviennent jamais. Voilà le leur. » (p. 1456).
[29] Je n’ai pas encore réussi à identifier l’auteur que cite Wilde.
[30] Dans la version primitive du roman, parue en revue en juillet 1890, ces phrases se trouvaient dans la confession du peintre Basil Hallward, au chapitre IX. Elles ont aussi été placées dans Une femme sans importance, acte III, prononcées par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton : « Une vraie grande passion est relativement rare à notre époque. C’est le privilège de ceux qui n’ont rien à faire. C’est là la seule utilité des classes oisives dans un pays. » (p. 1305).
[31] Cet aphorisme est recyclé dans Une femme sans importance, acte III, où il est placé dans la bouche de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton (p. 1305).
[32] Ce Français plein d’esprit, c’est Alexandre Dumas fils. Dans sa comédie L’Ami des femmes (1864), acte I, scène 5, on trouve cet échange : le personnage de Mme Leverdet lance avec indignation : « C'est la femme qui inspire les grandes choses ! », et le personnage de M. de Ryons lui répond froidement : « Et qui empêche de les accomplir. » (Théâtre complet, Calmann-Lévy, tome IV, 1922, p. 70). La modification de Wilde est très symptomatique de son esthétisme : les « grandes choses » sont remplacées par des « chefs-d’œuvre ». Wilde connaissait bien le théâtre de Dumas fils, maître du mélodrame à thèse de l’époque : son influence est très sensible sur ses comédies. Voir les notices de la Pléiade, p. 1817 et 1825-1826. On repère même, dans L’Éventail de Lady Windermere (p. 1207) une réplique directement empruntée au Demi-monde de Dumas fils.
[33] Même idée dans Une femme sans importance, acte III, prononcée par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton : « Les hommes se marient par lassitude ; les femmes par curiosité. Les uns et les autres sont déçus. » (p. 1304).
[34] Phrase reprise dans Une femme sans importance, acte II, prononcée par Lady Hunstanton : « On me dit que de nos jours, tous les hommes mariés vivent comme des célibataires, et tous les célibataires comme des hommes mariés. » (p. 1280)
[35] Déjà La Bruyère : «L’on ne peut se passer de ce même monde que l’on n’aime point, et dont l’on se moque. » (Les Caractères, VII,1 ; Pléiade, 1951, p. 202) et « La cour ne rend pas content ; elle empêche qu'on le soit ailleurs. » (ibid., VIII, 8, p. 216).
[36] Même idée dans Une femme sans importance, acte I, prononcée par le personnage de Lord Illingworth, dandy amateur de paradoxes très similaire à Lord Wotton : « C’est parfaitement monstrueux cette façon qu’ont les gens d’aujourdhui d’aller raconter dans votre dos des choses qui sont absolument et entièrement vraies » (p. 1268).
[37] Ce qui bien sûr nous rappelle Pascal : « Il est juste que ce qui est juste soit suivi. Il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » (Pensées, Le Guern n°94, Pléiade tome II, 2000, p. 571-572 ; ou Sellier n°135, Classiques Garnier, 1991, p. 200-201).
[38] Cette phrase figurait déjà comme incipit d’une chronique sur Dante Gabriel Rossetti parue dans Pall Mall Gazette le 18 avril 1887 : « La pauvre édition d’un grand homme » (reprise dans Aristote à l’heure du thé, III, 5, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 131). Wilde était très conscient de l’impact de ses formules et n’hésitait pas à les réutiliser plusieurs fois…
[39] Dans l’édition française, La Vie et les confessions d’Oscar Wilde, Mercure de France, 1928, c’est au tome I, page 161, et c’est traduit ainsi par Henry Davray et Madeleine Vernon : « De même que le travail est le fléau des classes altérées de ce pays, de même l’éducation est le fléau de ses acteurs. » J'avoue que j’ai été déçu de découvrir que ce bon mot était avant tout une pique contre les acteurs de théâtre et que son sel tenait beaucoup à un jeu de mots sur les classes en tant que catégorie sociale et les classes en tant que lieu d’apprentissage (jeu de mots escamoté dans la traduction). Au fait, qu'est-ce que Wilde désigne par les « classes qui boivent » ? Sont-ce les classes populaires qui s'adonnent à l'ivrognerie, ou tout au contraire la haute société qui passe l'essentiel de son temps à siroter du "scotch" et du "brandy" ? J'ai toujours cru que c'était l’aristocratie oisive, mais maintenant j'en doute fortement, et je crois même qu’il s’agit au contraire des ouvriers : de même que les acteurs de théâtre sont bel et bien instruits (à leur détriment selon Wilde), le fait est que les ivrognes travaillent durement. Ne connaissant que la première moitié de la phrase, je croyais que Wilde voulait dire : le travail est le fléau des classes qui boivent, comme l'alcol est le fléau des classes qui travaillent. Autrement dit tout serait merveilleux si les ouvriers n’étaient pas soumis à la tentation de la picole, et si les oisifs de la haute société n’avaient pas des revers de fortune les obligeant à travailler à leur tour. Or c'est le sens qu'on peut tirer d'une plaisanterie communément reçue, que j'ignorais. En effet elle est apparue pour la première fois le 8 avril 1902 dans un dessin humoristique anonyme publié par un journal local états-unien, The Ottumwa Semi-Weekly Courier (Iowa), page 10, où l’on voit un bourgeois dire à un ouvrier : « I tell you, my friend, drink is the curse of the working classes. » et l'ouvrier lui répondre : « And I tells you work is the curse of the drinkin’ classes. » (Il est vrai qu'on peut plutôt comprendre l'échange autrement : le bourgeois veut que ses ouvriers travaillent et voit dans leur propension à la boisson un obstacle à ce travail, tandis que l'ouvrier veut boire et voit dans le travail un obstacle à son goût pour l'alcol, – alors que dans mon idée l'ouvrier, au lieu de s'assumer comme un poivrot soumis au châtiment du travail, rejetait avec mépris le bourgeois comme un oisif débauché qui se refuse à la noblesse du vrai travail, le travail manuel productif.) Le dessin a été reproduit dès le 7 mai 1902 par un autre journal local, The Kalispell Bee (Montana), page 7, colonne 4, et on repère encore la formule « work is the curse of the drinking classes » dans une dizaine de publications états-uniennes, avant qu’en 1916 Frank Harris n’en attribue rétroactivement la paternité à Wilde… mais en en inversant le sens. Simple coïncidence ? Il y a là un petit mystère.
[40] Dans L’Éventail de Lady Windermere, acte III, le personnage de Lord Darlington reprend la formule, en guise de réponse à Cecil Graham qui lui a demandé ce qu’est un cynique : « Un homme qui sait le prix de chaque chose, et ne connaît la valeur de rien. » (p. 1210).
[41] Cette sentence est trop souvent assimilée à une boutade inepte, énoncée à peu près sous cette forme : « L’Angleterre et les États-Unis ont tout en commun, excepté la langue », qui ne viserait qu’à faire sourire gratuitement par son non-sens, comme si on disait par exemple : « Jules César et Jésus-Christ ont tout en commun, excepté les initiales ». Je pense au contraire que Wilde, critique de son temps, a voulu suggérer que la vieille civilisation britannique était maintenant complètement conquise et gangrenée par la barbarie de la modernité industrielle portée par l’Amérique, – le dernier îlot de résistance étant la langue anglaise, du moins tant qu’elle reste l’apanage d’écrivains pétris de culture classique comme lui, alors que la langue américaine est celle des journalistes vulgaires. (Il semble que le traducteur François Dupuigrenet Desroussilles l’ait aussi compris ainsi, d’où le risque qu’il a pris de s’écarter d’une équivalence littérale.)
[42] La seconde phrase figurait déjà comme incipit d’une chronique sur Whistler parue dans Court and Society Review, le 20 avril 1887 : « Le Boswell du papillon » (reprise dans Aristote à l’heure du thé, II, 3, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 77). La formule est devenue célèbre, mais le fait que Wilde ait tenu à la reprendre dans un livre, plutôt que la laisser oubliée dans un article de journal, prouve qu’il était très conscient de son potentiel…
[43] Wilde se rencontre ici avec Anatole France : « La critique est, comme la philosophie et l’histoire, une espèce de roman à l’usage des esprits curieux et avisés, et tout roman, à le bien prendre, est une autobiographie. Le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre. » (La Vie littéraire. Deuxième série, 19. « M. Jules Lemaître » (25 mars 1888) ; Œuvres complètes, Cercle du bibliophile, tome 16, Genève, 1969, p. 445 ; repris dans La Vie littéraire. Première série (1888), préface à M. Adrien Hébrard, ibid., p. 11). Une telle conception réduit la critique à n’être que le réexamen perpétuel, par un esprit de premier ordre, des chefs-d’œuvre consacrés, et anéantit la critique journalistique, celle qui se propose d’appliquer un filtre parmi la masse des parutions récentes, voire simplement de faire connaître l’existence de ces parutions récentes.
[44] Le maître en question, que Wilde surnomme le Papillon, c’est le peintre James Whistler (1834-1903), qui signait ses œuvres avec un monogramme en forme de papillon. James Boswell (1740-1795) fut l’ami, le secrétaire et surtout le biographe de Samuel Johnson (1709-1784), figure dominante des lettres anglaises au XVIIIe siècle : pendant une vingtaine d’années, Boswell consigna scrupuleusement ses conversations avec le maître, qui remplissent le livre qu’il lui consacra en 1791. Quant à Phileas Taylor Barnum (1810-1891), cet entrepreneur de spectacles états-unien poussa à un tel génie l’esbrouffe publicitaire et l’exploitation de la crédulité humaine, que son nom peut désigner, par antonomase, un charlatan magistralement doué dans l’art de la réclame et du bruit médiatique.
[45] Il s’agit de Wilfrid Scawen Blunt (1840-1922), qui fut brièvement incarcéré en 1888, à cause de ses écrits en faveur de l’indépendance irlandaise, du fait d’Arthur Balfour, Secrétaire en chef pour l’Irlande. Wilde vante son recueil poétique composé en prison, In vinculis, très supérieur selon lui à un recueil précédent, Les Sonnets d’amour de Protée (1881). Il cite cet extrait de la préface de Blunt : « L’emprisonnement est une discipline pratique qui est très utile à l’âme moderne, enveloppée qu’elle est dans la paresse physique et le sybaritisme. À la façon d’une maladie ou d’une retraite spirituelle, il ennoblit ; l’âme en sort renforcée et plus autonome » (p. 152). On ne peut manquer de faire de cet article une lecture anachronique, ni de se dire, en songeant à quel point la prison a brisé Wilde, qu’elle n’a pas le même effet sur tous les écrivains… Wilde le pressentait lui-même, puisqu’il continue son article par l’éloge d’un poète gracieux et frivole, Andrew Lang (1844-1912), en établissant une nette différence : « S’il faut ou non envoyer M. Lang en prison est une question différente. Nous pensons qu’il ne faut pas […]. Sa gaie et plaisante muse […] ne gagnerait sans doute que peu d’un si morne exil. […] La prison est faite pour les âmes plus fortes que celles que nous révèlent les charmants chuchotis et les échos mélodieux de L’Herbe du Parnasse. » (p. 157-158). On aimerait bien savoir si Wilde pensait qu’il y gagnerait comme Blunt ou y perdrait comme Lang, six ans avant d’y aller. En 1891, il écrivait aussi dans L'Âme de l'homme sous le socialisme : « Après tout, même en prison un homme peut être tout-à-fait libre. Son âme peut être libre. Sa personnalité peut rester sereine. Il peut être en paix » (Pléiade p. 940), une assertion que l'expérience lui fera sérieusement réviser !
[46] Voilà donc, peut-être, l’origine de ce que Niels Bohr appelait les vérités profondes (dont le contraire constitue une autre vérité profonde), par opposition aux vérités simples (dont le contraire est une fausseté). À vrai dire, Niels Bohr repousse la paternité de cette antithèse que le milieu des savants atomistes, puis la postérité, lui ont attribuée : « À l’Institut de Copenhague […] nous avions l’habitude, quand celà n’allait pas, de nous réconforter par des plaisanteries, notamment par le vieil adage des deux sortes de vérités. De l’une sont les propositions si simples et si claires que la proposition contraire est évidemment insoutenable. De l’autre, de celle des vérités profondes, sont les propositions dont le contraire contient aussi une vérité profonde. » (Niels Bohr, « Discussion avec Einstein sur les problèmes épistémologiques de la physique atomique », dans Physique atomique et connaissance humaine, Folio Essais n°157, 1991, p. 247).
[47] La formule est répétée p. 796 et p. 805.
[48] Cette formule se trouve déjà dans une chronique sur la traduction de quelques romans de l’auteur du « plus grand monument littéraire de notre siècle » : « Balzac en anglais », parue dans Pall Mall Gazette le 13 septembre 1886 (reprise dans Aristote à l’heure du thé, III, 11, coll. 10/18 n°2991, 1998, p. 182). Quelques lignes plus haut, on y lit aussi : « Qui a lu La Comédie humaine se dit que les seuls êtres réels sont ceux qui n’ont jamais existé ».
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