ATTENTION AUX CITATIONS DÉFORMÉES ! : synthèse de mes recherches
10.05.2016
J’ai déjà publié en 2014 un tableau récapitulatif de citations couramment mal attribuées. Voici en quelque sorte le complément : le tableau récapitulatif de cent-trente-et-une citations couramment répandues sous une forme inexacte. J’indique à chaque fois l’emplacement de la vraie citation, mais de façon sommaire, ce tableau ne se voulant, comme l’autre, qu’une synthèse de mes recherches. J’ai sous le coude, pour chacune, une référence plus précise, avec numéro de page, etc.
On constatera que certaines citations se retrouvent dans les deux tableaux. Il ne faut pas s'en étonner : à partir du moment où il s’est trouvé des gens assez désinvoltes pour attribuer à X une phrase de Y, il est normal qu’ils ne se soient pas non plus embarrassés du scrupule de la recopier littéralement.
Dans certains cas, la citation authentique est très éloignée de la citation répandue (notamment la deuxième de Hugo, celle de Pascal, celle de Paulhan, la première de Platon). C’est pourtant ce que j’ai trouvé de mieux. Il faut en déduire que si une citation authentique et beaucoup plus proche de celle répandue existe, elle est tellement difficile à trouver qu’elle a échappé à mes recherches, bien que je commence à être un peu aguerri dans cet exercice.
Il y a un cas de figure où la déformation est très compréhensible : c’est quand une phrase narrative, exprimant l’action ponctuelle d’un personnage, a été transformée en maxime, c’est-à-dire en formule universellement valable (les deux de Balzac, la première de Malraux, celle de Zola, etc). C’est une trahison, car l’auteur n’avait pas conçu ainsi sa phrase et n’entendait nullement généraliser un constat individuel. Mais du coup c’est une sorte de création seconde : une observation des mœurs humaines a été ajoutée au patrimoine de l’humanité.
On sera peut-être aussi, comme moi, frappé par le constat que la version populaire est souvent meilleure que la formule authentique : plus ramassée, plus percutante, comme si, en passant de bouche en bouche, elle s’était dépouillée de ce qui l’alourdissait pour se resserrer autour de son idée essentielle. Celà doit nous amener à ne pas nous laisser obnubiler par la maniaquerie de l’authenticité, aussi légitime et salubre soit-elle. C’est un irréfragable devoir moral et intellectuel de n’attribuer à quiconque rien d’autre que ce qu’il a exactement et littéralement dit. Mais les belles infidèles existent, et on a le droit aussi d’aimer telle ou telle formule remarquable pour elle-même, dès lors qu’on sait que celui qui en est à l’origine avait, dommage pour lui, énoncé autre chose. « Le moyen infaillible de rajeunir une citation est de la faire exacte », aurait dit Émile Faguet [1] : eh bien non, pas toujours, car la patine des générations a pu lustrer une citation et nous la rendre plus brillante, voire plus éclatante. Dailleurs, Faguet a-t-il vraiment dit « rajeunir » ? Cette phrase orale nous est connue par un de ses amis qui l’a citée quinze ans après sa mort. N’était-ce pas, plus banalement, « améliorer » ou « redécouvrir » ? Qui sait si cette citation qui prône l’exactitude n’a pas gagné à devenir inexacte ?
Version répandue |
Auteur |
Source |
Version authentique |
La femme est l’avenir de l’homme. |
Aragon |
Le Fou d’Elsa, III, « Zadjal de l’avenir » |
L’avenir de l’homme est la femme |
Guerre impossible, paix improbable |
Raymond Aron |
Le Grand schisme, I, 1 |
Paix impossible, guerre improbable |
Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. |
Raymond Aron |
Le Spectateur engagé, 3, II, d |
Tous les combats politiques sont douteux. Ce n’est jamais la lutte entre le bien et le mal, c’est le préférable contre le détestable. |
L'insouciance est l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde cassera. |
Balzac |
Les Employés |
Cet artiste [=Jean-Jacques Bixiou], vraiment profond, mais par éclairs, se balançait dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde casserait. |
Les hommes se prennent à la conversation d'une jolie femme comme des oiseaux à la glu. |
Balzac |
Le Contrat de mariage |
Les hommes se prenaient à sa conversation [=celle de Mme Évangélista] comme des oiseaux à la glu. |
Monsieur Zola se roule dans le ruisseau, et il le salit ! |
Barbey d’Aurevilly |
« L’Assommoir, par M. Émile Zola », dans Le Constitutionnel du 29 janvier 1877 Paul Bourget « Souvenirs sur Barbey d’Aurevilly » (1889), repris dans Études et portraits III. Sociologie et littérature (1906) |
L’auteur de L’Assommoir, cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias, et qui y ajoute !…
[Louis Nicolardot] « C'est le Narcisse du ruisseau, qui salit la boue en s'y regardant. » |
On ne se console de rien, le temps passe et l’on oublie.
[version déformée par Jean Lorrain] |
Barbey d’Aurevilly | Lettre à Armand Royer, 26 février 1886 | On ne se console de rien, le temps fait son travail dans les âmes vulgaires, mais les âmes distinguées […] ne perdent jamais la douleur de leurs cicatrices et les blessures, la gloire des blessures, c'est, fermées, de toujours faire mal. |
Tout obtenir afin de tout mépriser. |
Maurice Barrès |
François Mauriac, dans La Rencontre avec Barrès, résumant un passage de « La mort de Venise » (dans Amori et dolori sacrum) |
Tout posséder pour obtenir le droit de tout mépriser. [Mauriac] Ces quatre bayadères qui tournoient […] sont-ce des fantômes, une chimère de mon cœur, une pure idée métaphysique ? Je sais leurs noms. L’une murmure : « Tout désirer » ; l’autre réplique : « Tout mépriser » ; une troisième […] me dit : « Je fus offensée », mais la dernière signifie : « Vieillir ». [Barrès] |
J'ai mis longtemps à devenir infaillible. [citation répandue par Philippe Sollers] |
Lettre à Louis Martinet, juillet 1861 |
J’ai pris l’habitude, depuis mon enfance, de me considérer comme infaillible. |
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Ne pas revenir sur le passé, c'est la meilleure façon que le passé revienne sur vous. |
Le Chemin de la Croix-des-Âmes, III |
On vous affirme maintenant, on vous répétera plus tard, qu’il ne faut pas revenir sur le passé. Ce n’est pas nous qui revenons sur le passé, c’est le passé qui menace de revenir sur nous. |
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Le polémiste est admirable à vingt ans, supportable à trente ans, ennuyeux jusqu’à cinquante ans, et obscène au-delà. |
Journal de la guerre d'Espagne |
Passé la quarantaine, un polémiste n'est pas grand-chose. Mais un polémiste septuagénaire me parait aussi répugnant qu'un septuagénaire amoureux. |
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L'homme libre est celui qui n'a pas peur d'aller jusqu'au bout de sa pensée. |
Léon Blum |
Jules Renard, Journal, 31 janvier 1901 |
« L'homme libre est celui qui ne craint pas d'aller jusqu'au bout de sa raison. » |
Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. |
Bossuet |
Histoire des variations des églises protestantes, livre IV, § 2 |
Mais Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l'approuve et qu'on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. |
La femme est le produit d'un os surnuméraire. |
Bossuet |
Élévations sur les mystères, V, 2 |
Les femmes n'ont qu'à se souvenir de leur origine, et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu'elles viennent d'un os surnuméraire où il n'y avait de beauté que celle que Dieu y voulut mettre. |
Sire, vous méprisez la grammaire, un jour vous mépriserez la raison ! |
Bossuet |
À Monseigneur le Dauphin, début |
Vous parlez maintenant contre les lois de la grammaire ; alors vous mépriserez les préceptes de la raison. |
Le plus grand dérèglement de l'esprit c'est de voir les choses telles qu'on voudrait qu'elles soient et non pas telles qu'elles sont en réalité. |
Bossuet |
De la connaissance de Dieu et de soi-même, I, 16 |
Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet. |
Nous entrons dans la vie avec la loi d'en sortir ; nous venons faire notre personnage et il nous faudra ensuite disparaître. |
Bossuet |
Fragment sur la brièveté de la vie, dans Pensées chrétiennes et morales, XIV |
J’entre dans la vie avec la loi d’en sortir ; je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres ; après il faudra disparaître. |
Le bonheur est composé de tant de pièces qu'il en manque toujours. |
Bossuet |
Premier sermon pour le troisième dimanche de carême : « Sur l’enfant prodigue ou l’amour des plaisirs », 1662 |
La félicité des hommes du monde est composée de tant de pièces, qu'il y en a toujours quelqu'une qui manque ; et la douleur a trop d'empire dans la vie humaine pour nous laisser jouir longtemps de quelque repos. |
En remontant aux origines des grandes fortunes, on trouverait des choses à faire trembler. [citation faite par Georges Darien dans Le Voleur]
[Autre version :] Il y a à l'origine de toutes les grandes fortunes des choses qui font trembler. |
Bourdaloue | Sermons pour le carême, XIII. Sur les richesses | Parcourez les maisons et les familles distinguées par les richesses et par l’abondance des biens ; je dis celles qui se piquent le plus d’être honorablement établies, celles où il paraît d’ailleurs de la probité, et même de la religion ; si vous remontez jusqu’à la source d’où cette opulence est venue, à peine en trouverez-vous où l’on ne découvre, dans l’origine et dans le principe, des choses qui font trembler. |
Nous savons que nous allons mourir, mais nous ne le croyons pas. |
Bourdaloue |
Sermon pour le jeudi de la quatrième semaine : Sur la préparation à la mort | Nous savons bien en général que tous les hommes mourront ; mais par mille illusions et mille fausses espérances qui nous jouent, quoi qu'il en soit du général, nous trouvons toujours le moyen de nous excepter en particulier. Disons mieux, nous avons bien une évidence et une conviction spéculative que nous mourrons nous-mêmes ; mais au même temps mille erreurs pratiques nous font croire que nous ne mourrons pas. |
Le génie est une longue patience. |
Buffon |
Hérault de Séchelles, Voyage à Montbard |
« Le génie n'est qu'une plus grande aptitude à la patience. » |
Le style, c’est l’homme. |
Buffon |
Discours de réception à l’Académie française |
Le style est l’homme même. |
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. |
Albert Camus (paraphrasant Brice Parain qui explique Platon) |
« Sur une philosophie de l’expression », article paru dans Poésie 1944 |
Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde. |
On trouve rarement le bonheur en soi, jamais ailleurs. [Cette citation modifiée semble due à Jean Dutourd] |
Produits de la civilisation perfectionnée, éd. G.-F., maxime n°1095 |
Le bonheur, disait M…, n’est pas chose aisée. Il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs. [2] |
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Les raisonnables ont duré , les passionnés ont vécu ! [Cette citation modifiée semble due à de Gaulle en 1942] |
Produits de la civilisation perfectionnée, éd. G.-F., maxime n°118 |
Les passions font vivre l’homme, la sagesse le fait seulement durer. |
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L'amour n'est que l'échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. |
Produits de la civilisation perfectionnée, éd. G.-F., maxime n°359 |
L'amour, tel qu'il existe dans la société, n'est que l'échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes. |
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Il faut être économe de son mépris, compte tenu du grand nombre de nécessiteux. |
Chateaubriand |
Mémoires d’outre-tombe, XXII, 16 |
Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux. |
On compte ses ancêtres quand on ne compte plus. |
Chateaubriand |
Vie de Rancé, II |
Insipidité du temps : on compte ses aïeux lorsqu'on ne compte plus. |
Les institutions passent par trois périodes : celle des services, celle des privilèges, celle des abus. |
Chateaubriand |
Mémoires d’outre-tombe, I, 1 |
L'aristocratie a trois âges successifs : l'âge des supériorités, l'âge des privilèges, l'âge des vanités ; sortie du premier, elle dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier. |
Le monde est rempli d'idées chrétiennes devenues folles. |
G.K. Chesterton |
Orthodoxie, III |
Le monde moderne est plein de vieilles vertus chrétiennes devenues folles. |
Depuis que les hommes ne croient plus en Dieu, ce n'est pas qu'ils ne croient plus en rien, c'est qu'ils sont prêts à croire en tout. |
G.K. Chesterton |
« L’oracle du chien », nouvelle incluse dans le recueil L’Incrédulité du père Brown |
Le Père Brown : « C’est le premier effet de ne pas croire en Dieu : vous perdez votre sens commun et ne pouvez plus voir les choses comme elles sont. »[3] |
Un journaliste : « Vous n’aimez pas cette œuvre ? Pourtant, le public l’adore. » — Jean Cocteau : « Il est bien le seul ! » |
Jean Cocteau |
Le film Orphée (1950) |
Orphée (joué par Jean Marais) : « Le public m’aime ». — Un homme : « Il est bien le seul. » [4] |
Dieu nous garde du Malin et de la métaphore ! |
Paul-Louis Courier |
Pamphlet des pamphlets |
Dieu, dis-je en moi-même tout bas, Dieu, délivre-nous du malin et du langage figuré ! […] Jésus, mon Sauveur, sauvez-nous de la métaphore. |
Un homme doit savoir braver l'opinion ; une femme s'y soumettre. [5] |
Suzanne Curchod-Necker |
Commencement d’un éloge de Mme de Sévigné, dans Mélanges extraits des manuscrits de Mme Necker, tome III |
Enfin l’homme qui sait braver l’opinion, et la femme qui s’y soumet et même s’y sacrifie, montrent également la noble fierté de leur caractère. |
La femme est tantôt bourreau, tantôt victime, mais plus souvent bourreau que victime. |
Les Femmes d'artistes, prologue |
Le peintre : « Ah ! que j’en ai connu de ces intérieurs disparates où la femme était tantôt bourreau, tantôt victime, plus souvent bourreau que victime, et presque toujours sans s’en douter ! » |
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La gourmandise commence quand on n'a plus faim. |
Alphonse Daudet ?? |
Émile Henriot, « Léon Daudet pamphlétaire et mémorialiste », dans Maîtres d’hier et contemporains. Courrier littéraire XIXe-XXe siècles, nouvelle série |
[Léon Daudet] mangeait quelquefois sans faim, et pour la seule gourmandise. [6] |
En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie. |
Maurice Donnay |
L’Affranchie, I, 5 |
Antonia : « Dire qu’il y en a toujours un qui aime davantage… et c’est celui-là qui souffre. » — Roger : « Mais c’est l’autre qui s’ennuie. » |
Exiger de la nature de ne pas être ingrate, c'est demander aux loups d'être herbivores. |
Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires, XXII |
« Exiger qu’une nation ne soit pas ingrate, c'est demander aux loups d'être herbivores. » |
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Dieu a inventé le Parisien pour que les étrangers ne puissent rien comprendre aux Français. |
Alexandre Dumas fils |
Jules Claretie, La Vie à Paris. 1883 - quatrième année, article du 2 mars 1883 |
« Dieu a créé le Parisien pour que l'étranger ne sût jamais à quoi s'en tenir sur le Français. » |
Le sentiment que l’homme a de l’éternité dans un autre monde lui vient de son désespoir de ne pas être éternel dans celui-ci. |
Alexandre Dumas fils | Réponse au discours de réception de Leconte de Lisle à l’Académie française | L'espérance que nous avons d'être éternels dans un autre monde n'est peut-être faite, pour beaucoup, que du désespoir de ne pas l'être dans celui-ci. |
Celui qui cesse un seul jour d’injurier les femmes est un pauvre homme qui mérite le nom de sot. |
Euripide |
Hippolyte, second épisode, vers 664-666 |
Hippolyte : « Soyez maudites. Jamais je ne pourrai rassasier ma haine contre les femmes, dût-on m’accuser de la ressasser : c’est aussi qu’elles ne cessent de faire le mal. » |
De mémoire de rose, on n’a jamais vu mourir un jardinier. |
Fontenelle |
Entretiens sur la pluralité des mondes, V |
[Les roses] diraient : « Nous avons toujours vu le même jardinier, de mémoire de rose on n’a vu que lui, il a toujours été fait comme il est, assurément il ne meurt point comme nous, il ne change seulement pas ». |
La tête chez les femmes n’est pas un organe essentiel. |
Anatole France |
Jean-Jacques Brousson, Anatole France en pantoufles |
« Vous me direz que la tête n’est point l’organe essentiel d’une femme. Beaucoup s'en passent. » |
Les hommes que les femmes n'intéressent pas s'intéressent à leur toilette ; ceux qui aiment les femmes ne remarquent jamais ce qu'elles portent. |
Anatole France | L'Anneau d'améthyste, chap. XV | Mme de Gromance : « C’est drôle tout de même ! Ce sont les hommes qui n'aiment pas les femmes qui s'intéressent à la toilette des femmes. Et les hommes qui aiment les femmes ne voient pas seulement comment elles sont habillées. » |
Le Saint-Esprit n'inspire pas les gens intelligents. |
Anatole France | Vie de Jeanne d’Arc, préface | On s'efforça de montrer qu'elle n'avait pas d'esprit, pour que l'Esprit Saint fût plus manifeste en elle. [7] |
L’homme a créé Dieu : l’inverse reste à prouver. |
Serge Gainsbourg |
« Negusa Nagast », sur l’album Mauvaises nouvelles des étoiles |
L'homme a créé des dieux l'inverse tu rigoles / Croire c'est aussi fumeux que la ganja / Tire sur ton joint pauvre rasta / Et inhale tes paraboles |
Les bons sentiments ne font pas la bonne littérature. |
André Gide |
Dostoïevski, VI |
C’est avec les beaux sentiments que l’on fait de la mauvaise littérature, et il n’est point de véritable œuvre d’art où n’entre la collaboration du démon. [8] |
Choisir, c'est se priver du reste. |
André Gide |
Les Nourritures terrestres, IV, 1 |
Ménalque : « La nécessité de l'option me fut toujours intolérable ; choisir m'apparaissait non tant élire, que repousser ce que je n'élisais pas. […] Choisir, c’était renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste et la quantité nombreuse de ce reste demeurait préférable à n’importe quelle unité. » |
L'art de gouverner, c'est l'art de choisir ses hommes. |
Émile de Girardin |
« Classification nouvelle des attributions ministérielles », dans Études politiques |
On a dit que l’art de gouverner était l’art de choisir les hommes ; c’est aussi l’art de les ménager. |
Les peuples heureux n'ont pas d'histoire. |
G.W.F. Hegel |
Leçons sur la philosophie de l’Histoire, introduction |
L'Histoire n'est pas le lieu de la félicité. Les périodes de bonheur y sont des pages blanches. |
La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. |
(rapporté par Édouard Herriot) |
Jadis. Avant la première guerre mondiale, Flammarion 1948, chap. V, p. 104. Notes et maximes. Inédits, Hachette, 1961, chap. 4, page 46. |
La culture, – a dit un moraliste oriental, – c'est ce qui reste dans l'esprit quand on a tout oublié. La culture, déclare un pédagogue japonais, c’est ce qui demeure dans l’homme, lorsqu’il a tout oublié. |
Rien n'est admissible ; sauf la vie, à condition de la réinventer chaque jour. |
Carl Hess-Rüetschi (1859-1912) |
Blaise Cendrars, Vol à voile, dernier paragraphe |
« En somme, rien n'est inadmissible, sauf peut-être la vie, à moins qu'on ne l'admette pour la réinventer tous les jours !… » |
Persévérer, secret de tous les triomphes. |
Victor Hugo |
L’Homme qui rit, I, III, 1 |
Il avait glissé, grimpé, roulé, cherché, marché, persévéré, voilà tout. Secret de tous les triomphes. |
La nation, c'est un passé pour se tourner vers l'avenir. [citation produite par Éric Besson] |
Victor Hugo |
Le Rhin, conclusion |
La France modifie et corrige l'arbre, et sur un passé qu'elle subit, greffe un avenir qu'elle choisit. |
Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. |
Jean Jaurès |
Discours à la Chambre des députés, 7 mars 1895 |
Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme une nuée dormante porte l’orage. |
Le soir de la vie apporte avec soi la lampe. |
Joseph Joubert |
Carnets, 28 janvier 1808 |
Le soir de la vie apporte avec soi ses lumières et sa lampe pour ainsi dire. |
Les opinions sont comme les modes, belles quand on les prend, laides quand on les quitte. |
Théodore Jouffroy |
Mélanges philosophiques, I, 2 |
Est-ce à dire que rien n’est absolument vrai ni absolument faux, que les opinions sont comme les modes, belles quand on les prend, laides quand on les quitte ? Nous sommes loin de le penser. |
Si vous voulez dire qu’il pleut, dites : il pleut.
[en tant que précepte de rhétorique] |
Les Caractères, V, 7 |
« Que dites-vous ? Comment ? Je n’y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? J’y suis encore moins. Je devine enfin : vous voulez, Acis, me dire qu’il fait froid ; que ne disiez-vous : "Il fait froid" ? Vous voulez m’apprendre qu’il pleut ou qu’il neige ; dites : "Il pleut, il neige". Vous me trouvez bon visage, et vous désirez de m’en féliciter ; dites : "Je vous trouve bon visage". » |
|
L’amour consiste à donner ce qu’on ne possède pas à quelqu’un qui n’en a pas besoin. |
Jacques Lacan |
Séminaire, XII, 12 (17 mars 1965) |
L’amour consiste à donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. |
Toutes les femmes écrivent. On ne trouve même plus de femme de ménage. |
Théâtre de Maurice Boissard, XXXVII, 1ermars 1912 |
Il n'y a même plus moyen de trouver de femmes de ménage : elles écrivent toutes. |
|
L'Histoire est une conspiration permanente contre la vérité. |
Joseph de Maistre |
Du Pape, II, 12 |
Depuis trois siècles, l’histoire entière semble n’être qu’une grande conjuration contre la vérité. |
En dehors de l’Église, l’Évangile est un poison. |
Joseph de Maistre |
Les Soirées de Saint-Pétersbourg, XI |
Le comte : « Lue sans notes et sans explication, l'Écriture sainte est un poison. » |
L’attention, c’est la piété naturelle de l’esprit. |
Malebranche | Méditations chrétiennes, XV, 9 | L'attention est une prière naturelle, que l'esprit me fait comme à la raison universelle, afin qu'il reçoive de moi la lumière et l’intelligence. |
Les idées ne sont pas faites pour être pensées mais vécues. |
André Malraux |
La Condition humaine, I |
Ici Gisors retrouvait son fils […] à qui l’éducation japonaise […] avait imposé aussi la conviction que les idées ne devaient pas être pensées, mais vécues. |
Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. |
André Malraux |
Témoignage formel d’André Frossard Témoignage formel de Brian Thompson [9] |
« Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas. » [en mai 68 à A.Frossard] « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » [en 1972 à B. Thompson] |
Lorsqu'on est décidé à prendre au sérieux la vérité et à suivre notre conscience, il est très difficile d'être de son parti sans être un peu de l'autre. |
Jean Barois, III, 4, i |
L’abbé Lévys : « Ne croyez-vous pas qu’à un certain niveau de pensée, lorsqu'on est décidé à prendre au sérieux la vérité et à suivre sa conscience, il est bien difficile d'être de son parti, sans être aussi un peu… de l'autre ?… » |
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Le genre humain ne sera heureux que lorsqu'on aura étranglé le dernier des rois avec les boyaux du dernier des prêtres. |
Jean Meslier |
Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, avant-propos |
Il me souvient à ce sujet d’un souhait que faisait autrefois un homme qui n’avait ni science ni étude mais qui, selon les apparences, ne manquait pas de bon sens pour juger sainement de tous ces détestables abus et de toutes ces détestables tyrannies que je blâme ici. […] Il souhaitait que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres. |
L'homme est comme le lapin, il s'attrape par les oreilles |
Mirabeau |
Étienne Dumont, Souvenirs sur Mirabeau |
« Ce sont deux drôles d'animaux bien bêtes que l'homme et le lapin une fois qu'ils sont pris par les oreilles. » |
Ceux qui se taisent disent plus de choses que ceux qui parlent tout le temps. |
Les Affaires sont les affaires, acte I, scène 1 |
Mme Lechat : « Ceux qui ne parlent jamais… en disent beaucoup plus que ceux qui parlent toujours… » |
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Cachez ce sein que je ne saurais voir. |
Tartuffe, III, 2 |
Tartuffe : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. » |
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Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégoûts de la vie. |
Montesquieu |
Pensées n°213 |
L'étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n'ayant jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture ne m’ait ôté. |
Les femmes n'iront pas au Paradis, car il est dit dans un verset de l'Apocalypse : « Et il se fera au ciel un silence d'une demi-heure ! » |
Montherlant |
Textes sous une occupation, « La déesse Cypris » |
Un musulman me donnait pour preuve de l’absence des femmes au paradis ce verset de l’Apocalypse : « Et il se fit dans le ciel un silence d’une demi-heure. » |
Partir est le rêve de tout bon projectile. |
Le Voyage |
Partir ! ce rêve des bons projectiles. |
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La paresse est un manque de courage. |
Alfred de Musset | Poésies nouvelles, « Silvia » | Vous me grondez comme un ami ? / Paresse et manque de courage, / Dites-vous ; s’il en est ainsi, / Je vais me remettre à l’ouvrage. |
Un trône n’est qu’une planche garnie de velours. |
Napoléon |
Discours au Corps législatif, 1er janvier 1814 |
« Qu’est-ce que le trône au reste ? quatre morceaux de bois doré, revêtus d’un morceau de velours ? Le trône est dans la nation, et l’on ne peut me séparer d’elle sans lui nuire. » |
Il n'y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais ; les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais. [Cette citation modifiée est due à Balzac] |
Napoléon |
Napoléon, Mémoires dictés à Montholon, Notes sur les Considérations sur l’art de la guerre de Rogniat, XVIII, 37 |
Il y a deux espèces de plans de campagne : les bons et les mauvais ; quelquefois les bons échouent par des circonstances fortuites, quelquefois les mauvais réussissent par un caprice de la fortune. |
La supériorité de Mahomet est d’avoir fondé une religion en se passant de l’enfer. |
Napoléon |
Mémorial de Sainte-Hélène, 3 octobre 1816 |
[Notre religion] « est toute spirituelle, et celle de Mahomet toute sensuelle ; les châtiments dominent chez nous : c’est l’enfer et ses supplices éternels, tandis que ce n’est que récompenses chez les Musulmans : les houris aux yeux bleus, les bocages riants, les fleuves de lait ; on pourrait dire que l’une est une menace, elle se présente comme la religion de la crainte ; l’autre, au contraire, est une promesse, et devient la religion des attraits, etc. » [10] |
Il existe deux leviers pour faire bouger un homme, la peur et l'intérêt personnel. |
Napoléon |
Bourrienne, Mémoires, tome III |
« Il y a deux leviers pour remuer les hommes : la crainte et l'intérêt. » |
Tout homme qui possède trente millions et qui n'y tient pas est dangereux pour un gouvernement. [Cette citation modifiée est due à Balzac] |
Napoléon |
Ouvrard, Mémoires, tome I |
« Un homme qui a trente millions, et qui n'y tient pas, est trop dangereux pour ma position. » |
Les hommes savent gré de les étonner, tandis que le bonheur semble leur être dû. [Cette sentence est issue de la transformation d’un texte apocryphe par Balzac, qui a réalisé ainsi un apocryphe au carré !] |
[attribué à Napoléon] |
Manuscrit venu de Sainte-Hélène (livre apocryphe dû probablement à Frédéric Lullin de Châteauvieux) |
Je savais cependant qu'il fallait fixer l'attention pour rester en vue, qu'il fallait tenter pour cela des choses extraordinaires : parce que les hommes savent gré de les étonner. |
La neutralité consiste à avoir même poids et même mesure pour chacun ; en politique elle est un non-sens ; on a toujours intérêt au triomphe de quelqu'un. |
Napoléon |
Napoléon, Mémoires dictés à Montholon, Campagne d’Italie, XIX (Venise), 3 |
La neutralité consiste à avoir même poids et même mesure pour chacun. [La suite a été rajoutée par Balzac] |
Quand on voit le nom d’une femme sur la couverture d’un livre, on se dit : encore une ménagère qui s’est trompée de vocation ! |
Nietzsche |
Fragments posthumes, 1885 |
On ouvre un livre de femme – et bientôt on se dit : « encore une cuisinière égarée ! » |
Une femme qui voterait les lois, discuterait le budget, administrerait les deniers publics, ne pourrait être autre chose qu'un homme. |
Charles Nodier |
« La femme libre, ou de l’émancipation des femmes », article dans L'Europe littéraire, 1833 |
J’imagine en effet qu’une femme qui voterait les lois, qui discuterait le budget, qui administrerait les deniers publics, et qui jugerait les procès, serait tout au plus un homme. C’est une pauvre ambition. |
Le rire a été donné à l’homme pour le consoler d'être intelligent. |
Marcel Pagnol |
Le Schpountz |
Françoise : « Le rire, c’est une chose humaine, une vertu qui n’appartient qu’aux hommes et que Dieu peut-être leur a donnée pour les consoler d’être intelligents. » |
Douter de Dieu, c'est y croire. [Citation inventée par Balzac dans La Femme de trente ans, III] |
Blaise Pascal |
Pensées, Le Guern n°717 ou Sellier n°751 |
Console-toi. Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. |
Vous pouvez employer le mot « puce » pour désigner un éléphant. Mais il vaut mieux prévenir. |
Jean Paulhan |
De la paille et du grain, II |
Si vous disiez puce et que votre voisin comprît éléphant, fleuve et qu’il comprît acacia, vous crieriez à l’incompréhension ! (Bien qu’il y ait tout de même certains rapports entre la puce et l’éléphant.) |
Les kantiens ont les mains pures, mais ils n’ont pas de mains. |
Victor-Marie, comte Hugo |
Le kantisme a les mains pures ; mais il n'a pas de mains. |
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L’idéal c'est quand on peut mourir pour ses idées, la politique c'est quand on peut en vivre. |
Notre jeunesse |
La mystique politique, c’était quand on mourait pour la République, la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit. |
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La perversion de la cité commence par la fraude des mots. |
Platon |
- La République, III, 389 cd
- Ou peut-être Phédon 115 e |
- Tout citoyen pris en train de mentir, quelle que soit sa condition, sera châtié, pour introduire dans le navire de l’État une pratique qui doit en amener le naufrage et la perte. - Une expression vicieuse ne détonne pas uniquement par rapport à cela même qu’elle exprime, mais cause encore du mal dans les âmes. [11] |
Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux, l'autorité de rien et de personne, alors, c'est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. |
Platon |
La République, VIII, 562e-563e |
Le père s'habitue à devoir traiter son fils d'égal à égal et à craindre ses enfants, le fils s'égale à son père, n'a plus honte de rien et ne craint plus ses parents, parce qu'il veut être libre ; le métèque s'égale au citoyen et le citoyen au métèque, et la même chose pour l'étranger. […] Le professeur […] craint ses élèves et les flatte, les élèves n'ont cure de leurs professeurs, pas plus que des pédagogues ; et les jeunes imitent les anciens et s'opposent violemment à eux en paroles et en actes, tandis que les anciens, s'abaissant au niveau des jeunes, se gavent de bouffonneries et de plaisanteries, imitant les jeunes pour ne pas paraître désagréables et despotiques. |
L’homme est un loup pour l’homme. |
Plaute |
La Comédie des ânes, vers 495 |
Le marchand : « Un homme est un loup pour un homme, non un homme, tant qu’il ne le connaît pas. » |
J’écris pour mon plaisir, je publie pour de l’argent. |
Alexandre Pouchkine |
Lettre à M.P. Pogodine, avril 1834 |
D’une façon générale, j’écris beaucoup pour moi, personnellement, mais j’imprime par nécessité et uniquement pour de l’argent. |
Une religion, c’est une secte qui a réussi. |
Ernest Renan |
Histoire du peuple d’Israël, tome V, livre IX, chapitre 7. |
Le christianisme est un essénisme qui a largement réussi. |
Une fois que ma décision est prise, j'hésite longuement. |
Journal, 18 juillet 1899 |
Une fois ma résolution prise, je reste encore indécis. |
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Donnez-moi deux lignes quelconques de la main d'un homme, j'y trouverai de quoi le faire pendre. |
Richelieu |
Madame de Motteville, Mémoires, I |
… le cardinal, qui, à ce que j'ai ouï conter à ses amis, avait accoutumé de dire qu'avec deux lignes de l'écriture d'un homme on pouvait faire le procès au plus innocent, parce qu'on pouvait sur cette matière ajuster si bien les affaires, que facilement on y pouvait faire trouver ce qu'on voudrait. |
Quand une fois j'ai pris ma résolution, je vais droit au but et renverse tout de ma robe rouge. |
Richelieu |
Confidence au marquis de La Vieuville, rapportée par le père Henri Griffet, Histoire du règne de Louis XIII, 1758, tome III. |
« Je n’ose rien entreprendre sans y avoir bien pensé ; mais quand une fois j'ai pris ma résolution, je vais à mon but, je renverse tout, je fauche tout, et ensuite je couvre tout de ma soutane rouge. » |
La vraie vie est ailleurs. |
Rimbaud |
Une saison en enfer, « Délires, I » |
La Vierge folle : « La vraie vie est absente. » |
On récompense parfois des écrivains pour leur œuvre. Pourquoi n'en punit-on jamais ? |
Jules Romains | Propos oral à André Dignimont, rapporté dans le magazine Le Jardin des arts, 1955. | « On récompense des peintres de temps en temps. Pourquoi n'en punit-on jamais ? » |
L'amour a été inventé par les femmes pour permettre à ce sexe de dominer, alors qu'il était fait pour obéir. Dieu a créé la femme pour supporter les injustices de l’homme et pour le servir. La dignité d’une femme est de rester inconnue. Sa seule gloire réside dans l’estime de son mari et le service de sa famille. |
Jean-Jacques Rousseau |
Émile, livre V |
Faite pour obéir à un être aussi imparfait que l’homme, […] elle doit apprendre de bonne heure à souffrir même l’injustice et à supporter les torts d’un mari sans se plaindre. […] Quand elle aurait de vrais talents, sa prétention les avilirait. Sa dignité est d'être ignorée ; sa gloire est dans l'estime de son mari ; ses plaisirs sont dans le bonheur de sa famille. |
Il n’est pire disette pour un État que celle des hommes. [citation faite par Georges Darien dans La Belle France] |
Jean-Jacques Rousseau | Discours sur l’économie politique | Il n'y a point pour une nation de pire disette que celle des hommes. |
Ceux qui ignorent l’histoire [ou : qui oublient leur passé] sont condamnés à la revivre. |
George Santayana |
Reason in Common Sense, chap. XII |
Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter. |
Il ne faut pas désespérer Billancourt. |
Jean-Paul Sartre |
Nekrassov, V, 8 |
Georges de Valera [escroc anticommuniste] : « Désespérons Billancourt ! Je trouverai des slogans terribles ! […] Désespérons Billancourt ! Désespérons Billancourt ! » |
On engage le sort du monde en mettant une cravate. |
Jean-Paul Sartre |
Situations, II, « Présentation des Temps modernes » |
Qu'il écrive ou travaille à la chaîne, qu'il choisisse une femme ou une cravate, l'homme manifeste toujours : il manifeste son milieu professionnel, sa famille, sa classe et, finalement, comme il est situé par rapport au monde entier, c'est le monde qu'il manifeste. |
Aimer, c'est vouloir posséder la subjectivité de l'autre. |
Jean-Paul Sartre |
L’Être et le néant, III, III, 1 |
L'aimé […] ne se transformera en amant que s'il projette d'être aimé, c'est-à-dire si ce qu'il veut conquérir n'est point un corps mais la subjectivité de l'autre en tant que telle. |
Ne pas choisir, c'est encore choisir. |
Jean-Paul Sartre |
L’Être et le néant, IV, I, 1 |
La liberté est liberté de choisir, mais non la liberté de ne pas choisir. Ne pas choisir, en effet, c’est choisir de ne pas choisir. |
Racine passera comme le café. |
Mme de Sévigné |
Lettre à sa fille, 16 mars 1672 |
Racine fait des comédies pour la Champmeslé : ce n’est pas pour les siècles à venir. |
La poésie est cette musique que tout homme porte en soi. [Fausse citation qui semble issue de la préface des Voix intérieures de V. Hugo] |
William Shakespeare | Le Marchand de Venise, V, 1 |
Lorenzo : « L'homme qui n'a pas de musique en soi et qui n'est pas touché par la suave harmonie des sons est fait pour les traîtrises, les stratagèmes, les rapines. » |
Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des puissants… car les puissants ne travaillent qu'à marcher sur nos vies. [citation faite par Christiane Taubira] |
William Shakespeare |
I Henry IV, V, 2 |
Hotspur : « Si nous vivons, c’est pour marcher sur la tête de rois, / Si nous mourons, la mort est belle quand les princes meurent avec nous ! » |
Comprendre, c'est pardonner. |
Corinne ou l'Italie, XVIII, 5 |
Tout comprendre rend très indulgent, et sentir profondément inspire une grande bonté. |
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La seule excuse de Dieu, c’est qu’il n’existe pas. |
Stendhal |
Mérimée, H.B. |
« Ce qui excuse Dieu, disait-il, c'est qu'il n'existe pas.» |
Si tu as une chemise et un cœur, vends ta chemise et va vivre en Italie. |
Stendhal |
Lettre à sa sœur Pauline, 29 octobre 1811 |
Ah ! mon amie, que je t’ai regrettée en Italie ! Quand, par hasard, on a un cœur et une chemise, il faut vendre sa chemise pour voir les environs du lac Majeur, Santa Croce à Florence, le Vatican à Rome, et le Vésuve à Naples. |
L’art de la civilisation consiste à allier les plaisirs les plus délicats à la présence constante du danger. [citation empruntée par Sylvain Tesson à Bruce Chatwin qui l’a lui-même empruntée à Ernst Jünger] |
Stendhal |
Journal reconstitué, 21 novembre 1819 Lettre à Domenico Fiore, 30 avril 1833 |
Le grand inconvénient de la civilisation, c'est l'absence du danger.
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Qui n’a pas vécu sous l’Ancien Régime ne sait pas ce qu’est la douceur de vivre. |
Talleyrand |
Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, tome I |
« Qui n’a pas vécu dans les années voisines de 1789 ne sait pas ce que c’est que le plaisir de vivre. » |
Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. |
Talleyrand |
Discours sur la censure de la presse, à la Chambre des pairs, 24 juillet 1821 |
De nos jours, il n’est pas facile de tromper longtemps. Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, plus d’esprit que Bonaparte, plus d’esprit que chacun des Directeurs, que chacun des Ministres passés, présents, à venir : c’est tout le monde. |
Je le crois parce que c’est absurde. |
Tertullien |
De la chair du Christ, V, 4 |
Le fils de Dieu est mort : c’est croyable parce que c’est inepte ; enseveli, il est ressuscité : c’est certain parce que c’est impossible. |
Être dans le vent, c’est une ambition [ou : un destin] de feuille morte. |
Gustave Thibon |
L’équilibre et l’harmonie, 1976 |
La feuille morte voltige d'un lieu à l'autre, mais tous les lieux se valent pour elle, car son unique patrie est dans le vent qui l'emporte. [12] |
J'aime ma femme, mais j'aime mieux mon roman. |
Léon Tolstoï |
Lettre à Fett, 23 janvier 1865 |
Je suis heureux que vous aimiez ma femme ; bien que je l'aime moins que mon roman, c'est tout de même ma femme, vous savez. |
Quand on est jeune, on se figure que vieillir, c'est se désagréger dans un monde qui dure. Quand on vieillit, on pense que vieillir, c'est durer dans un monde qui se désagrège. |
Alexandre Vialatte |
Chroniques de La Montagne, n°537, 18 juin 1953 |
Quand on est jeune, on s'imagine que la vieillesse va donner l'impression à l'homme de se désagréger dans un monde qui survit ; elle lui donne au contraire l'impression qu'il survit au sein d'un monde qui se désagrège. |
Une vie réussie est un rêve d’adolescent réalisé à l’âge mûr. |
Alfred de Vigny |
Cinq-Mars, chap. XX |
Cinq-Mars : « Amis, qu'est-ce qu'une grande vie, sinon une pensée de la jeunesse exécutée par l'âge mûr ? » |
Les dindons vont en troupe ; le lion est seul dans le désert. |
Alfred de Vigny |
Journal d'un poète, 1844 |
Poème. Les animaux lâches vont en troupes. – Le lion marche seul dans le désert. Qu'ainsi marche toujours le poète. |
La religion a commencé quand le premier escroc [var. : hypocrite, charlatan] a rencontré le premier imbécile. |
Voltaire |
Essai sur les mœurs, chap. XXXI. « Des oracles » Auto-citation dans Examen important de Milord Bolingbroke, chap. IX |
Mais qui fut celui qui inventa cet art [=la divination, la prophétie] ? ce fut le premier fripon qui rencontra un imbécile. |
Plus les hommes seront éclairés, plus ils seront libres. [Citation faite par Condorcet, Vie de Voltaire] |
Voltaire |
Questions sur les miracles, lettre XII |
Plus nous serons des êtres raisonnables, plus nous serons des êtres libres. |
C’est un imbécile, il a réponse à tout. [Cette citation modifiée semble due à Paul Morand] |
Voltaire |
Questions sur l’Encyclopédie, I, article « Annales » |
Il y a des gens qui ont résolu toutes ces questions [=sur les premiers temps historiques]. Sur quoi un homme d’esprit et de bon sens disait un jour d’un grave docteur : « Il faut que cet homme-là soit un grand ignorant, car il répond à tout ce qu’on lui demande. » |
Le cynisme n'est rien d'autre que l'art de voir les choses comme elles sont plutôt que comme elles devraient être. |
Oscar Wilde | L’Éventail de Lady Windermere, acte III | Cecil Graham : « Qu’est-ce qu’un cynique ? » — Lord Darlington : « Un homme qui sait le prix de chaque chose, et ne connaît la valeur de rien. » |
Tout peut se prouver, même le vrai. |
Le Portrait de Dorian Gray, préface |
Aucun artiste ne désire prouver quelque chose. Même les choses qui sont vraies peuvent être prouvées. |
|
Tout chemin aboutit au même point, la désillusion. |
Le Portrait de Dorian Gray, chap. XVIII |
Lord Henry Wotton : « Tous les chemins finissent au même point, ma chère Gladys. — Quel est-il ? — La désillusion. » |
|
Il faut viser la lune, car même en cas d'échec on atterrit dans les étoiles. |
Oscar Wilde | L’Éventail de Lady Windermere, acte III | Lord Darlington : « Nous sommes tous dans la boue, mais certains d’entre nous regardent les étoiles. » |
Le suicide est une concession qu’on ne devrait jamais faire à la société. |
Oscar Wilde | Robert Sherard, Oscar Wilde. The Story of An Unhappy Friendship (1902), chap. 4 | « Le suicide est le plus grand compliment qu’on puisse faire à la société. » |
La politique n’est plus que l’art de brandir des mots bêtes. |
Son Excellence Eugène Rougon, chap. XIV |
Il avait l'éloquence banale, incorrecte, toute hérissée de questions de droit, enflant les lieux communs, les faisant crever en coups de foudre. Il tonnait, il brandissait des mots bêtes. |
|
Le bon Dieu est une idole féroce et jalouse qui ne tolère pas la moindre infidélité. |
Émile Zola | Le Naturalisme au théâtre, I, 9, ii | Alors, que nous veut-on avec cette chose abstraite, le théâtre, dont on fait un bon Dieu, une sorte d’idole féroce et jalouse qui ne tolère pas la moindre infidélité ! |
Quiconque fait une citation exacte accélère la venue du Messie. |
Talmud |
Michna, ordre IV (Nézikin [Dommages]), traité IX (Pirke Avot [Maximes des Pères]), chap. VI, 6 |
Pour acquérir la (connaissance de la) Tora, il faut quarante-huit qualités, à savoir : […] savoir rapporter scrupuleusement ce que l’on a entendu, citer explicitement le nom de l’auteur. Vois, tu apprends ainsi que celui qui rapporte une parole au nom de celui qui l’a dite apporte la délivrance au monde. Exemple : Est 2,22. |
[1] Ce propos oral est rapporté par André Chaumeix dans son discours de réception à l’Académie française, le 30 avril 1931.
[2] Ce qui est presque un plagiat de La Rochefoucauld : « Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs. » (Maximes supprimées n°571, Pléiade, 1964, p. 488 ; Maximes supprimées n°61, Pochothèque, 2001, p. 256).
[3] Pour donner la fausse citation reçue, cette phrase a peut-être été contaminée par une autre remarque du même auteur, dans « Le miracle de Moon Crescent » (nouvelle suivante du même recueil) : « Vous vous êtes tous vantés d’être des matérialistes endurcis ; et en réalité vous étiez tous en équilibre sur le bord de la croyance, – la croyance à presque n’importe quoi. »
[4] Je n’exclus pas que Cocteau ait pu réellement reprendre cette réplique de son film, mais je n’en ai trouvé aucune attestation, aucun témoin qui certifierait l’avoir entendue de sa bouche. Par ailleurs, on peut supposer que Cocteau s’est souvenu d’un mot de Chamfort : « On réfutait je ne sais quelle opinion de M. sur un ouvrage, en lui parlant du public qui en jugeait autrement : "Le public, le public ! dit-il, combien faut-il de sots pour faire un public ?" » (Chamfort, Produits de la civilisation perfectionnée, éd. G.-F. n°188, 1968, maxime n°624, p. 194).
[5] Cas particulier : la citation déformée est due à la propre fille de Suzanne Curchod-Necker, à savoir Germaine de Staël, qui l’a mise en épigraphe de son roman Delphine.
[6] Je n’ai trouvé nulle part cette phrase attribuée à Alphonse Daudet. Est-ce que ce serait une sorte de paraphrase inspirée par « Les trois messes basses », un conte des Lettres de mon moulin ? La phrase d’Émile Henriot est ce que j’ai aperçu de plus approchant. Il dit celà pour rebondir sur la phrase de Maurras, qui aurait répondu à la comtesse de Noailles, se plaignant que Léon Daudet ait écrit que Cécile Sauvage était le plus grand poète féminin qu’il y ait jamais eu : « Madame, Léon Daudet est un lion ; il lui faut tous les jours quelqu’un à manger. »
[7] Je sais, c’est assez éloigné, mais je n’ai pas trouvé mieux. Cette phrase simple, forte et corrosive mériterait bien de se trouver telle quelle dans l’œuvre d’Anatole France. Peut-être y est-elle ? Si quelqu’un la débusque, merci de me le signaler. J’ai aussi repéré ce propos oral, qui associe l’intelligence et l’inspiration, mais pour dire bien autre chose : « Rabelais semble même moins intelligent que les auteurs dont il s’inspire » (Paul Gsell, Les Matinées de la villa Saïd. Propos d’Anatole France, chap. VIII, Grasset, 1921, p. 115).
[8] Gide est revenu sur ce mot dans son Journal : « J’ai écrit et suis prêt à récrire encore, ceci qui me paraît d’une évidente vérité : "C’est avec les beaux sentiments qu’on fait de la mauvaise littérature". Je n’ai jamais dit, ni pensé, qu’on ne faisait de la bonne littérature qu’avec les mauvais sentiments. J’aurais aussi bien pu écrire que les meilleures intentions font souvent les pires œuvres d’art et que l’artiste risque de dégrader son art à le vouloir édifiant » (2 septembre 1940, Pléiade tome II, 1997, p. 728-729).
[9] Certes, Malraux a ensuite, dans une interviou au Point parue le 10 décembre 1975, démenti avoir prononcé cette phrase. Quoique trop abrupte (mais de là vient son succès), elle correspond néanmoins assez bien à maintes autres déclarations dûment signées, ainsi que le montre Brian Thompson dans son article fort complet sur cette prophétie fameuse : « "Nul n’est prophète" : Malraux et son fameux "XXIe siècle" », Revue André Malraux review, vol. 35, 2008, p.68-81, accessible ici. Il n’y a aucune raison de penser que Frossard et lui, indépendamment l’un de l’autre, mentent ou se trompent en affirmant l’avoir bien entendue de la bouche de Malraux.
[10] J’ai transposé au discours direct ce que Las Cases donne au discours indirect. La mauvaise foi des catholiques étant sans limite, et leur penchant à l’imposture inépuisable, on notera que ce passage, plutôt favorable à l’islam, a été subverti dans un livre de propagande bigote. En effet, un médiocre publiciste calotin, Robert-Augustin de Beauterne (1803-1846), fit paraître en 1840 un ouvrage intitulé Conversations religieuses de Napoléon, qui prétend recueillir un certain nombre de témoignages inédits (en particulier celui de Montholon, le moins sûr des compagnons de Sainte-Hélène), allant tous dans le sens d’une profonde piété de l’Empereur, d’une grande admiration à l’égard de Jésus, de l’Église, du Pape, des sacrements, etc. À la page 51, on trouve le passage du Mémorial qui nous occupe, mais avec une fin ô combien transformée : « il disait que la nôtre était toute spirituelle, et celle de Mahomet toute sensuelle ; que l’esprit dominait chez nous, avec la charité, tandis que ce n’était que sensualisme chez les Mahométans : les houris aux yeux bleus, les bocages riants, les fleuves de lait ; et de là, il concluait en opposant les deux religions, que l’une était esprit, et se présentait comme la religion de l’amour ; que l’autre, au contraire, était toute terrestre et devenait la religion des sens. » Cette imposture est justifiée par cette note : « Ce passage est le seul où le sens a été essentiellement rectifié d’après le dire du général Montholon. D’ailleurs, la version de M. de Las Cases est inintelligible pour ceux qui connaissent la religion. » Sans commentaire… Cet ouvrage connut de multiples rééditions jusqu’en 1912, le titre devenant en 1843 Sentiment de Napoléon sur le christianisme. Conversations religieuses recueillies à Sainte-Hélène, puis en 1865 La Divinité de Jésus-Christ démontrée par l'empereur Napoléon Ier à Sainte-Hélène (!!). Comme si l’édition contemporaine ne s’était pas encore assez déshonorée, les éditions du Rocher ont commis un véritable attentat philologique en republiant en 2014 des extraits de cette forgerie, sous le titre Conversations sur le christianisme, et en mettant impudemment « Napoléon Bonaparte » comme nom d’auteur. La préface de Jean Tulard, qui n’aura pas commis la meilleure action de sa vie – et qui se trompe sur l’identité de l’auteur, qu’il confond avec son grand-père ! – ne suffit pas à réparer les torts de cette désastreuse publication : elle égare et abuse ses lecteurs en présentant les propos tenus comme authentiques, en s’abstenant de leur fournir le moindre élément d’appréciation critique sur l’élaboration de ce texte, son manque de fiabilité, sa façon de truquer les sources qu’il utilise. Qu’on lise, à titre de garde-fou, le compte-rendu de Paul Chopelin paru Chrétiens et sociétés, 2014, n°21-1, p. 173-176. Il vaut la peine de reproduire sa conclusion très ferme, afin de mettre en garde les curieux de Napoléon qui pourraient être trompés par ce méchant livre : « L’édition de morceaux choisis aujourd’hui proposée par les éditions du Rocher a certes le mérite d’attirer l’attention sur un texte oublié, mais il aurait fallu inviter le lecteur à l’utiliser avec les plus grandes précautions. Ce n’est pas Napoléon qui parle ici, mais l’un de ses thuriféraires, désireux d’en faire une pieuse figure de vitrail, acceptable par les catholiques libéraux de la Monarchie de Juillet. Quitte à tronquer ou omettre tous les témoignages contredisant son propos. Ces Conversations sur le christianisme appartiennent donc avant tout au légendaire napoléonien du XIXe siècle et ne peuvent en aucun cas constituer une source fiable sur les convictions religieuses personnelles de l’empereur. »
[11] On a reconnu la phrase qui, citée et commentée par Brice Parain, a été paraphrasée par Camus ainsi : « Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde ». Mais quant à « la perversion de la cité commence par la fraude des mots », on peut se demander si cette phrase attribuée à Platon ne serait pas plutôt le résumé d’une réflexion qu’on trouve dans les Entretiens de Confucius, XIII, 3 : « Quand les noms ne sont pas corrects, le langage est sans objet. Quand le langage est sans objet, les affaires ne peuvent être menées à bien. Quand les affaires ne peuvent être menées à bien, les rites et la musique dépérissent. Quand les rites et la musique dépérissent, les peines et les châtiments manquent leur but. Quand les peines et les châtiments manquent leur but, le peuple ne sait plus sur quel pied danser. » (traduction de Pierre Ryckmans, Gallimard, coll. Connaissance de l’Orient n°35, 1987, p. 71).
[12] Dans L’Illusion féconde (Fayard, 1995), Gustave Thibon écrit : « "Être dans le vent, idéal de feuille morte", ai-je dit jadis. La feuille vivante est sensible au vent, mais lui résiste. Tel le chrétien dans la cité », etc. Serions-nous en face d’un cas original : une citation qui aurait été déformée par la diffusion populaire, puis assumée par l’auteur dans cette version déformée ? (Dans le même genre, il paraît que le comte d’Artois avait fini par être persuadé d’avoir bien prononcé la phrase fameuse qu’on lui a prêtée en 1814 : « Rien n’est changé en France, si ce n’est qu’il y a un Français en plus », alors qu’elle a été inventée par Beugnot). Il faudrait dépouiller tous les livres de Thibon pour savoir si on y trouve quelque part, avant 1995 : « Être dans le vent, idéal de feuille morte ».
13 commentaires
BUFFON : " Les ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront à la postérité : la quantité des connaissances, la singularité des faits, la nouveauté même des découvertes, ne sont pas de sûrs garants de l’immortalité : si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s’ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront, parce que les connaissances, les faits et les découvertes s’enlèvent aisément, se transportent et gagnent même à être mises en œuvre par des mains plus habiles. Ces choses sont hors de l’homme, le style est l’homme même. Le style ne peut donc ni s’enlever, ni se transporter, ni s’altérer. " (Discours sur le style, 1753, texte de l'édition de l'abbé J. Pierre Librairie Ch. Poussielgue, Paris, 1896).)
Trop souvent tronqué en " le style, c'est l'homme ".
Merci, je vais l'ajouter, avec une de Mme de Sévigné.
" Antonia : « Dire qu’il y en a toujours un qui aime davantage… et c’est celui-là qui souffre. » — Roger : « Mais c’est l’autre qui s’ennuie. » "
Et on sait depuis Schopenhauer que l'ennui est aussi une souffrance.
Cette grande lumière à l'Est (retenu par les communistes)
Jules Romains
Dans le texte : Cette grande lueur à l'Est ; c'est peut-être une aurore, c'est peut-être un incendie.
Référence précise perdue...
« Il y a deux leviers pour remuer les hommes : la crainte et l'intérêt. »
Je crains que Napoléon en ait oublié le troisième...
Charles Péguy
Victor-Marie, comte Hugo
Le kantisme a les mains pures ; mais il n'a pas de mains.
De là le titre de Sartre "Les mains sales" ??
Je pense que l'expression figurée « se salir les mains » est bien plus ancienne - et que c'est justement d'elle que procède la remarque de Péguy.
Gide à Mauriac : " J'écrivis un jour [...] 'C'est avec les beaux sentiments qu'on fait de la mauvaise littérature.' La vôtre est excellente, cher Mauriac. Si j'étais plus chrétien, sans doute pourrais-je moins vous y suivre. "
"Victor Marie, Compte Hugo", c'est un livre de Péguy.... Donc la citation est bien de Péguy ?
Il faudrait rectifier, ou préciser !
Cordialement
Je ne comprends pas votre question et je ne vois pas ce qu'il y a à rectifier ou préciser. Les quatre colonnes s'intitulent : "version répandue", "auteur", "source", "version authentique". Je ne vois pas ce qui vous fait mettre en doute que la citation soit bien de Péguy. Peut-être vous croyez-vous sur la page connexe des citations mal attribuées ? Ici, il n'y a pas de problème d'attribution, mais de mauvaise formulation. Personne n'a jamais dit que cette citation fût d'un autre auteur que Péguy. Je ne comprends pas ce qui vous semble imprécis.
L'ouvrage est sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&exactSearch=false&collapsing=true&version=1.2&query=((dc.creator%20all%20%22P%C3%A9guy,%20Charles%22%20or%20dc.contributor%20all%20%22P%C3%A9guy,%20Charles%22%20)%20and%20dc.title%20all%20%22Victor-Marie,%20comte%20Hugo%22%20)%20&suggest=10#
" Je compte, Halévy, que vous ne réglerez point ces débats par les méthodes kantiennes, par la phisolophie [sic] kantienne, par la morale kantienne. Le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains. Et nous nos mains calleuses, nos mains noueuses, nos mains pécheresses nous avons quelquefois les mains pleines. — Agis, dit Fouillée, comme si tu étais législateur en même temps que sujet dans la république des volontés libres et raisonnables. " (page 223 de l'édition Gallimard 1934.
Hmmm Quête un peu utopique peut-être... Mais pas inintéressante. Par exemple le "il faut donner du temps au temps" de Mitterrand se trouve dans Don Quichotte... Mais il est certain qu'il existe moult versions antérieures... Un tout simple "patiente" fera d'ailleurs l'affaire.
Ou encore "La parole a été donnée au commun des mortels pour communiquer leurs pensées, mais aux sages pour la déguiser." se trouve chez Robert South (vers 1700)
Mais bravo pour votre dada... Je reviendrai. Ne serait que pour nourrir et rectifier le site littéraire à base d'extraits, bien différent et bcp plus complexe que le vôtre, que nous montons avec des amis.
Merci pour votre intérêt. Au plaisir de vous retrouver pour échanger des informations érudites !
Concernant la parole humaine (sur l'autre tableau), je connais la citation de Robert South, qui fait partie des "plusieurs Anglais" que je mentionne et qui ont formulé une idée voisine de celle, très radicale, attribuée à Talleyrand. Voyez : https://books.google.fr/books?id=H_lAAQAAMAAJ&pg=PA311
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