JEAN GIRAUDOUX : SES MEILLEURS APHORISMES
20.06.2017
Voici une petite collecte d’aphorismes de Jean Giraudoux (1882-1944), sur lequel je développe de rapides considérations politiquement incorrectes dans cette page connexe. Qu’on veuille bien considérer que cette page ne se croit pas complète. Quand la moisson sera plus riche, je la reclasserai sans doute par thèmes.
Pour l'instant, elle est classée par genres accessibles d'un clic : Romans Théâtre Essais littéraires Essais politiques et sociaux Correspondance
. Je connais les femmes, elles aiment qu'on soit brutal à condition qu'elles sachent qu'on l'est pour leur faire plaisir. (Jean Giraudoux, Provinciales, I, 2. « Sainte Estelle » (1908), II ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome I, 1990, p. 53).
. Ne prenez jamais de confident à vos chagrins d'amour : il vous écoute deux minutes, puis vous étourdit de ses propres souffrances. (Jean Giraudoux, Provinciales, II, 2. « La pharmacienne » (1907), II ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome I, 1990, p. 103).
. Mon poète a raison de dire que les belles choses, quand elles se rapprochent, nous enserrent, nous font leurs prisonniers et que le bonheur est exigeant comme une épouse légitime. (Jean Giraudoux, L’École des indifférents, II. « Don Manuel le paresseux » (1910), III ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome I, 1990, p. 170).
. « Si un homme s'ennuie, […] excitez-le ; si une femme s'ennuie, retenez-la ! » (Jean Giraudoux, Suzanne et le Pacifique (1921), chap. I ; Pléiade Œuvres romanesques complètes, tome I, 1990, p. 478).
. Zelten : « Les pays sont comme les fruits, les vers sont toujours à l'intérieur. » (Jean Giraudoux, Siegfried (1928), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 15).
. Robineau : « Le plagiat est la base de toutes les littératures, excepté de la première, qui dailleurs est inconnue. » (Jean Giraudoux, Siegfried (1928), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 16).
. Waldorf : « Servir. […] C'est la devise de tous ceux qui aiment commander. » (Jean Giraudoux, Siegfried (1928), IV, 3 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 64).
. Jupiter : « Le plus beau moment de l’amour d’une femme. […] Le consentement. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), I, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 118).
. Sosie : « Ce qu’on appelle la paix, […] l'intervalle entre deux guerres ! » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 120).
. Le guerrier : « Le civil s’exagère les dangers de la guerre. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 124).
. Jupiter : « Les femmes fidèles sont celles qui attendent du printemps, des lectures, des parfums, des tremblements de terre, les révélations que les autres demandent aux amants. En somme, elles sont infidèles à leurs époux avec le monde entier, excepté avec les hommes. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), I, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 133).
. Alcmène : « L'amant est toujours plus près de l'amour que de l'aimée. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 137).
. Mercure : « C'est avec les mensonges du matin que les femmes font leurs vérités du soir. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 163).
. Amphitryon : « Il ne faut pas se regarder trop en face, entre époux, si l'on veut s’éviter des découvertes… » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), II, 7 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 171).
. Sosie : « Les femmes fidèles sont toutes les mêmes, elles ne pensent qu’à leur fidélité et jamais à leur mari. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), III, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 176).
. Le trompette : « Le propre de la divinité, c’est l’entêtement. Si l’homme savait pousser l’obstination à son point extrême, lui aussi serait déjà dieu. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), III, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 176).
. Jupiter : « Ce conflit est donc non pas un conflit de fond, mais, hélas, un conflit de forme, comme toux ceux qui provoquent les schismes ou les nouvelles religions. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), III, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 184).
. Alcmène : « Je sais ce qu’est un avenir heureux. Mon mari aimé vivra et mourra. Mon fils chéri naîtra, vivra et mourra. Je vivrai et mourrai. » (Jean Giraudoux, Amphitryon 38 (1929), III, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 192).
. Le contrôleur : « Peut-être que les esprits ne croient pas aux hommes. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), I, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 284).
. Le contrôleur : « Il nous faut bien convenir que la spécialité la plus émouvante de la France ce ne sont ni ses cathédrales, ni ses hôtelleries, mais cette jeune femme dont le corsage tendrement moulé de satin ou d’organdi aimante dans chaque petite ville aux diverses heures du jour l’itinéraire du sous-préfet, des lycéens, et de toute la garnison ! » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), I, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 290).
. L’inspecteur : « J’étais sûr qu’il y avait des femmes à la base de ces turpitudes. Dès qu'on laisse un peu de liberté à ces fourmis dans l'édifice social, toutes les poutres en sont rongées en un clin d'œil. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), I, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 292).
. L’inspecteur : « Je vais leur apprendre ce qu’est la vie à ces nigaudes : une aventure lamentable, avec, pour les hommes, des traitements de début misérables, des avancements de tortue, des retraites inexistantes, des boutons de faux col en révolte, et pour des niaises comme elles, bavardage et cocuage, casserole et vitriol. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 300).
. L’inspecteur : « Dieu n'a pas prévu le bonheur pour ses créatures ; il n'a prévu que des compensations, la pêche à la ligne, l'amour et le gâtisme. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 301).
. Isabelle : « Nous vivons dans l’hypocrisie, et les milliards de chrétiens qui professent que les morts ont une autre vie le disent sans le croire. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), II, 3 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 316).
. L’inspecteur : « Il faut des vivants pour apprécier la gravité des occupations des vivants. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), III, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 335).
. L’inspecteur : « L'Humanité est […] une entreprise surhumaine […] qui a pour objet d'isoler l'homme de cette tourbe qu'est le Cosmos […] grâce à deux forces invincibles, qu’on nomme l’Administration et l’Instruction obligatoire. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), III, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 336).
. Le contrôleur : « Nous savons tous […] ce que c’est que la mort, c’est un repos définitif. Se torturer à propos d’un repos définitif, c’est plutôt une inconséquence. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), III, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 347).
. Le spectre : « [L'homme] se tient debout sur les pattes de derrière, pour recevoir moins de pluie et accrocher des médailles sur sa poitrine. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), III, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 349).
. Le spectre : « Ce qu’aiment les hommes, […], ce n’est pas connaître, ce n’est pas savoir, c’est osciller entre deux vérités ou deux mensonges. » (Jean Giraudoux, Intermezzo (1933), III, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 350).
. Andromaque : « Il m’a juré que cette guerre était la dernière. » — Cassandre : « C'était la dernière. La suivante l’attend. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 483).
. Cassandre : « Je ne prévois rien. Je tiens seulement compte de deux bêtises, celle des hommes et celle des éléments. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 484).
. Andromaque : « Je ne sais pas ce qu’est le destin. » — Cassandre : « Je vais te le dire. C'est simplement la forme accélérée du temps. C’est épouvantable. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 1 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 484).
. Hector : « Tu sais, quand on a découvert qu'un ami est menteur ? De lui tout sonne faux, alors, même ses vérités… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 3 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 488).
. Andromaque : « On ne tue bien que ce qu'on aime ». (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 3 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 488).
. Pâris : « Voyons, Hector ! Tu connais les femmes aussi bien que moi. Elles ne consentent qu'à la contrainte. Mais alors avec enthousiasme ». (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 491).
. Pâris : « Un seul être vous manque, et tout est repeuplé… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 493).
. Pâris : « L'amour comporte des moments vraiment exaltants, ce sont les ruptures… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 493).
. Hécube : « Ce ne sont pas ceux qui font l’amour ou ceux qui sont la beauté qui ont à les comprendre. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 496).
. Hector : « L’avenir des vieillards me laisse indifférent. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 498).
. Demokos : « C’est vraiment pénible de constater que les femmes sont les dernières à savoir ce qu’est la femme. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 499).
. Demokos : « Les guerriers qui n’ont pas un portrait de femme dans leur sac ne valent rien. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 499).
. Andromaque : « [La femme], c’est un pauvre tas d’incertitude, un pauvre amas de crainte, qui déteste ce qui est lourd, qui adore ce qui est vulgaire et facile. […] Elle aime les lâches, les libertins. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 499).
. Hécube : « Voilà cinquante ans que je suis femme et je n’ai jamais pu encore savoir au juste ce que j’étais. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 499).
. Hécube : « À mesure que nous vieillissons, nous les femmes, nous voyons clairement ce qu’ont été les hommes, des hypocrites, des vantards, des boucs. À mesure que les hommes vieillissent, ils nous parent de toutes les perfections. Il n’est pas un souillon accolé derrière un mur qui ne se transforme dans vos souvenirs en créature d’amour. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 500).
. Priam : « La paix […] vous donnera des maris veules, inoccupés, fuyants, quand la guerre fera d’eux des hommes !… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 501).
. Priam : « Savez-vous pourquoi vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C’est parce que vos maris et vos pères et vos aïeux furent des guerriers. S’ils avaient été paresseux aux armes, s’ils n’avaient pas su que cette occupation terne et stupide qu’est la vie se justifie soudain et s’illumine par le mépris que les hommes ont d’elle, c’est vous qui seriez lâches et réclameriez la guerre. Il n'y a pas deux façons de se rendre immortel ici-bas, c'est d'oublier qu'on est mortel. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 501).
. Demokos : « La lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 502).
. Demokos : « Vous nous ennuyez avec votre jeunesse. Elle sera la vieillesse dans trente ans. ». (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 502).
. Hélène : « C’est curieux comme ceux qui vous attendent se découpent [sur l’horizon] moins bien que ceux que l’on attend ! » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 506).
. Hélène : « L’homme qui découvre la faiblesse dans une femme, c’est le chasseur à midi qui découvre une source. Il s’en abreuve. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 9 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 507).
. Hélène : « N’allez pas croire, parce que vous avez convaincu la plus faible des femmes, que vous avez convaincu l’avenir. Ce n’est pas en manœuvrant des enfants qu’on détermine le destin… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 9 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 507).
. Hector : « C’est curieux comme les dieux s’abstiennent de parler eux-mêmes dans les cas difficiles. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 9 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 510).
. Hector : « On croit lutter contre des géants, on va les vaincre, et il se trouve qu’on lutte contre quelque chose d’inflexible qui est un reflet sur la rétine d’une femme. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), I, 9 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 510).
. Pâris : « Il suffit de chanter un chant de paix avec grimace et gesticulation et pour qu'il devienne un chant de guerre… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 516).
. Demokos : « Voyez les officiers : Braves devant l’ennemi lâches devant la guerre, c’est la devise des vrais généraux. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 517).
. Le géomètre : « Le corps est plus vulnérable quand l’amour-propre est à vif. Des guerriers connus pour leur sang-froid le perdent illico quand on les traite de verrues ou de corps thyroïdes. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 518).
. Hector : « Nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 522).
. Hector : « Trouve une vérité qui nous sauve. Si le droit n’est pas l’armurier des innocents, à quoi sert-il ? Forge-nous une vérité. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 523).
. Demokos : « Celà devient impossible de discuter d’honneur avec ces anciens combattants. Ils abusent vraiment du fait qu’on ne peut les traiter de lâches. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 524).
. Hector : « Un discours aux morts de la guerre, c’est un plaidoyer hypocrite pour les vivants, une demande d’acquittement. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 524).
. Andromaque : « Il est comme tous les hommes. Il suffit d’un lièvre pour les détourner du fourré où est la panthère. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 529).
. Andromaque : « Ils ne le croient pas. Mais aucun n’avouera qu’il ne le croit pas. Aux approches de la guerre, tous les êtres sécrètent une nouvelle sueur, tous les évènements revêtent un nouveau vernis, qui est le mensonge. Tous mentent. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 530).
. Hélène : « Les gens ont pitié des autres dans la mesure où ils auraient pitié d'eux-mêmes. Le malheur ou la laideur sont des miroirs qu'ils ne supportent pas. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 532).
. Ulysse : « L’eau sur le canard marque mieux que la souillure sur la femme. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 12 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 538).
. Ulysse : « Je la connais, Aphrodite ! Son serment favori c’est le parjure… » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 12 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 539).
. Iris : « Pallas [Athéna] me charge de vous dire que la raison est la loi du monde. Tout être amoureux, vous fait-elle dire, déraisonne. Elle vous demande de lui avouer franchement s’il y a plus bête que le coq sur la poule ou la mouche sur la mouche. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 12 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 542).
. Iris : « Zeus, le maître des Dieux, vous fait dire que ceux qui ne voient que l'amour dans le monde sont aussi bêtes que ceux qui ne le voient pas. La sagesse […], c’est tantôt de faire l’amour et tantôt de ne pas le faire. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 12 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 543).
. Ulysse : « Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes d’une terrasse. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 545).
. Hector : « L'univers peut se tromper. C'est à celà que l'on reconnaît l'erreur, elle est universelle. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 545).
. Ulysse : « Ce n’est pas par des crimes qu’un peuple se met en situation fausse avec son destin, mais par des fautes. […] Les nations, comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 547).
. Ulysse : « C’est là la difficulté de la vie, de distinguer, entre les êtres et les objets, celui qui est l’otage du destin. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 547).
. Ulysse : « Si nous nous savions vraiment responsables de la guerre, il suffirait à notre génération actuelle de nier et de mentir pour assurer la bonne foi et la bonne conscience de toutes nos générations futures. Nous mentirons. Nous nous sacrifierons. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 548).
. Ulysse : « Il est des pays idiots qui vivent florissants sur une base imbécile. Il faut bien le dire. Il y a dans la brutalité et l’inconscience quelque chose qui rassure les dieux. » (Jean Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), version primitive de II, 13 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 1523 (variante a de la p. 543)).
. Mr. Banks : « La grandeur de l'homme est justement qu'il peut trouver à peiner là où une fourmi se reposerait. » (Jean Giraudoux, Supplément au voyage de Cook (1935), scène 4 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 568).
. Le président : « [La vie] peut être très agréable. Tout a plutôt tendance à s’arranger dans la vie. La peine morale s’y cicatrise autrement vite que l’ulcère, et le deuil que l’orgelet. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 604).
. Le président : « C’est avec la justice, la générosité, le devoir, et non avec l’égoïsme et la facilité, que l’on ruine l’État, l’individu et les meilleures familles. […] Parce que ces trois vertus comportent le seul élément vraiment fatal à l’humanité, l’acharnement. Le bonheur n'a jamais été le lot de ceux qui s'acharnent. Une famille heureuse, c’est une reddition locale. Une époque heureuse, c’est l’unanime capitulation. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 604-605).
. Électre : « On a beaucoup de droits dans la confrérie des femmes. Si vous payez le droit d’entrée, qui est lourd, qui est d’admettre que les femmes sont faibles, menteuses, basses, vous avez le droit général de faiblesse, de mensonge, de bassesse. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 654).
. Électre : « Le seul bonheur que j'ai connu en ce monde est l'attente. » — Clytemnestre : « C’est un bonheur pour vierges. C’est un bonheur solitaire. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 655).
. Égisthe : « Et cette justice qui te fait brûler ta ville, condamner ta race, tu oses dire qu’elle est la justice des dieux ? » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 673).
. Égisthe : « Il est des vérités qui peuvent tuer un peuple. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 674).
. Électre : « J’ai déjà trop vu de vérités se flétrir parce qu’elles ont tardé une seconde. Je les connais, les jeunes filles qui ont tardé une seconde à dire non à ce qui était laid, non à ce qui était vil, et qui n’ont plus su leur répondre ensuite que par oui et par oui. C’est là ce qui est si beau et si dur dans la vérité, elle est éternelle mais ce n’est qu’un éclair. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 674).
. La femme Narsès : « Comment celà s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourdhui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ? » […] — Le mendiant : « Celà a un très beau nom, femme Narsès. Celà s’appelle l’aurore. » (Jean Giraudoux, Électre (1937), II, 10, excipit ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 685).
. Ondine : « Nous sommes chez les humains. Que je sois malheureuse ne prouve pas que je ne sois pas heureuse. » (Jean Giraudoux, Ondine (1939), III, 5 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 845).
. Hans : « Un jour, elles partent. Le jour où tout vous devient clair, le jour où vous voyez que vous n'avez jamais aimé qu'elles, que vous mourrez si une minute elles partaient, ce jour-là, elles partent. » (Jean Giraudoux, Ondine (1939), III, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 847).
. L’archange : « Dieu ne parvient que par sa pitié à distinguer le sacrifice du suicide. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), I, prélude ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 859).
. Lia : « Dieu est comme vous. Lui aussi se dérobe. Que les êtres qu’il a créés soient de pièces et d’arondes que rien n’ajuste, peu lui importe. Il a son tapis volant, qui est le ciel, et l’alibi qu’est pour vous votre corps, pour lui c’est l’ange. C'est de là que vient tout le mal : Dieu est un homme. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 870).
. Jean : « Je pars ! Adieu ! […] Parce que Dieu est injuste… Parce qu’elles ont toujours raison. Tout en elles est ignorance, et elles comprennent tout. Tout vanité, et elles sont simples devant le cœur et ses luttes. Tout en elles est tapage, distraction, et elles contiennent la cage de silence où le moindre grincement et la moindre palpitation du monde sont perçus. Tout en elles est égoïsme, chair, et elles sont le sextant de l’innocence, la boussole de pureté. Tout en elles est crainte, et elles sont le courage. Leurs yeux sont aveuglés de khôl, piqués de faux cils, et elles voient ce que voit l’ange. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 873).
. Lia : « C'est horrible de vivre avec un être qui cache un cœur dans chaque objet de sa maison. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), I, 3 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 878).
. Jean : « On appelle fin du monde le jour où le monde se montre juste ce qu'il est : explosif, submersible, combustible, comme on appelle guerre le jour où l'âme humaine se donne à sa nature. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 888).
. Lia : « Les hommes n'éprouvent pas leurs sentiments : ils les miment, et celà leur suffit. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 900).
. Lia : « Ô Dieu, si tu veux que jamais plus femme n'élève la voix, crée enfin un homme adulte ! Que veux-tu que nous fassions de ce fils maniaque que nous n’avons ni porté ni nourri ? » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 900-901).
. Lia : « Les hommes ont inventé la guerre pour y être sans nous [=les femmes] et entre hommes. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 7 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 902).
. Lia : « Le malheur trempe les êtres dignes de ce nom, mais il les trempe surtout contre eux-mêmes, et il tue en eux ce qui est la vie même. Le malheur est le meilleur moyen que Dieu ait trouvé pour reprendre la générosité aux âmes bonnes, l'éclat aux belles, la pitié aux sensibles. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 7 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 905).
. Lia : « Dieu a laissé discuter un ange. Il a eu Satan. L’homme a laissé discuter sa femme. Il a eu la femme. » (Jean Giraudoux, Sodome et Gomorrhe (1943), II, 8 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 914).
. Le sergent de ville : « C'est un crime contre l'État, […] le suicide. Un suicidé, c'est un soldat de moins, un contribuable de moins… » (Jean Giraudoux, La Folle de Chaillot (1943), acte I ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 975).
. La folle : « Que cherchent-ils ? Ils ont perdu quelque chose ? » — Pierre : « Ils cherchent du pétrole. » […] — La folle : « Curieux ! Qu'est-ce qu'ils veulent en faire ? » — Pierre : « Ce qu'on fait avec du pétrole. De la misère. De la guerre. De la laideur. Un monde misérable. » (Jean Giraudoux, La Folle de Chaillot (1943), acte I ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 982).
. La folle : « Avides ! Alors ils sont perdus ! S’ils sont avides, ils sont naïfs. Où fait-on de mauvaises affaires ? Exclusivement dans les affaires. » (Jean Giraudoux, La Folle de Chaillot (1943), acte I ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 986).
. Irma : « L'amour est le désir d'être aimé. » (Jean Giraudoux, La Folle de Chaillot (1943), acte II ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 1029).
. Eugénie : « On appelle amour le désir, la poursuite, le don, la jalousie, la béatitude et le désespoir. » — Lucile : « Moi pas. J'appelle amour ce qui n'a pas d'autre nom ». (Jean Giraudoux, Pour Lucrèce (1942), I, 2 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 1040).
. Armand : « La vertu [est] la faiblesse des militaires forts et la cuirasse des magistrats faibles. » (Jean Giraudoux, Pour Lucrèce (1942), I, 7 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 1056).
. Lucile : « Il vivra dans la légende, celà le rehaussera à ses propres yeux. Ce sera une légende fausse, mais où sont les légendes vraies ! Le pauvre agneau Vérité est égorgé au pied de tous les vitraux. Dailleurs puis-je faire autre chose ! […] Les héros sont ceux qui magnifient une vie qu'ils ne peuvent plus supporter. » (Jean Giraudoux, Pour Lucrèce (1942), III, 6 ; Pléiade Théâtre complet, 1982, p. 1113).
. J’appelle bourgeois ce qui est, par opposition à tout ce qui tend à être… (Jean Giraudoux, Littérature, III, 7. « De siècle à siècle » (1930) ; Gallimard, coll. Idées n°136, 1967, p. 160).
. La plupart des pièces que nous considérons comme les chefs-d'œuvre tragiques ne sont que des débats et des querelles de famille. (Jean Giraudoux, Littérature (1941), IV, 5. « Bellac et la tragédie » ; Gallimard, coll. Idées n°136, 1967, p. 229).
. Ce n’est pas le démesuré, l’excessif, ni la raison, ni la mesure, qui maintiennent les peuples grands ou sensés, c’est la constance de leur relation avec le personnage que l’histoire ou la fiction ont rendu leur symbole. (Jean Giraudoux, Littérature (1941), « Épilogue » ; Gallimard, coll. Idées n°136, 1967, p. 243).
. Le sport consiste à déléguer au corps quelques-unes des vertus les plus fortes de l’âme : l’énergie, l’audace, la patience. (Jean Giraudoux, Le Sport, Hachette, 1928, p. 8).
. Une vie sportive est une vie héroïque à vide. (Jean Giraudoux, Le Sport, Hachette, 1928, p. 22).
. Dans une espèce d’inertie que lui donnent à égale dose l’optimisme et le stoïcisme, dans ce bel instinct démocratique qui lui fait croire que les jaunes sont blancs, les riches pauvres et les illettrés savants, le dirigeant français croit la race des Français immortelle. Il croit que chaque individu bénéficie sans autre effort de cette immortalité, l’individu animal compris. Il croit que le petit Français de la banlieue aussi bien que la marmotte se tireront d’affaire tout seuls au milieu des typhoïdes et des blaireaux, des avalanches et des embarras de voitures, des braconniers et des voyous. (Jean Giraudoux, « Les animaux rappellent à l'homme d'aujourdhui la vie naturelle », dans Le Figaro, 26 juin 1937, p. 7). [1]
. Le jour où la France devient une nation de second ordre, elle est perdue. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), I ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 21).
. Il est différentes sortes d’exil. […] Il y a aussi l’exil dans sa propre patrie. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), I ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 22).
. Cette invasion pacifique [=la vague d’immigrants de l’entre-deux-guerres], il était évident que la première tâche de notre État, après avoir repoussé l’invasion armée, était de l’utiliser. Il s’agissait, en la distribuant sur les points de la France où les appelait sa déficience même, de remédier à notre manque d’hommes. Il s’agissait, tout immigrant, dans les conditions présentes de notre pays et de l’Europe, étant un Français potentiel, de définir les règles d’une immigration rationnelle. Mais il s’agissait aussi, par un choix méthodique, par une surveillance impitoyable, de refouler tout élément qui pouvait corrompre une race qui doit sa valeur à la sélection et à l’affinement de vingt siècles. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), II ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 43).
. [Le] bureau de naturalisation […] [aurait dû devenir un] ministère de physiologie et de psychologie […] [qui] choisit. Il a, en premier lieu, le droit d’exiger des étrangers qu’ils soient sains, vigoureux, sans tare mentale ou physique ; à l’entrée dans la Légion, le conseil de révision est impitoyable pour les étrangers qui doivent se faire tuer pour nous ; il ne doit pas l’être moins pour ceux qui doivent vivre avec nous et en nous. Il a, en second lieu, le devoir de veiller strictement aux règles générales qui ont donné ce type humain assez remarquable, le Français constitué. Ces règles sont formelles. La France les a indiquées clairement par les réactions de son Histoire. Par l’invasion, l’infiltration, l’appel, elle a admis chez elle, outre nos frères suisses et belges, la race anglo-saxonne, la scandinave, la germanique, la latine. Des races qui ne peuvent rien pour sa race, elle a su fort bien se débarrasser dès leur première insistance. Poitiers l’a débarrassée des Arabes et des Noirs ; Châlons, des Asiatiques [2]. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), II ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 44-45).
. Entre chez nous qui veut. […] Entrent chez nous tous ceux qui ont choisi notre pays, non parce qu'il est la France, mais parce qu'il reste le seul chantier ouvert de spéculation ou d'agitation facile, et que les baguettes du sourcier y indiquent à haute teneur ces deux trésors qui si souvent voisinent : l'or et la naïveté. Je ne parle pas de ce qu'ils prennent à notre pays, mais, en tout cas, ils ne lui ajoutent rien. Ils le dénaturent par leur présence et leur action. Ils l'embellissent rarement par leur apparence personnelle. Nous les trouvons grouillants sur chacun de nos arts ou de nos industries nouvelles et anciennes, dans une génération spontanée qui rappelle celle des puces sur un chien à peine né. Entrent chez nous, sous le couvert […] de toutes les persécutions, […] tous les expulsés, les inadaptés, les avides, les infirmes. […] Tous ces émigrés, habitués à vivre en marge de l'État et à en éluder les lois, habitués à esquiver toutes les charges de la tyrannie, n'ont aucune peine à esquiver celles de la liberté ; ils apportent là où ils passent l'à-peu-près, l'action clandestine, la concussion, la corruption, et sont des menaces constantes à l'esprit de précision, de bonne foi, de perfection qui était celui de l'artisanat français. Horde qui s'arrange pour être déchue de ses droits nationaux et braver ainsi toutes les expulsions, et que sa constitution physique, précaire et anormale, amène par milliers dans nos hôpitaux qu'elle encombre. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), II ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 45-46).
. En ce qui concerne les migrations provoquées par lui-même, notre État n'a pas eu plus de prévoyance. Il n'a jamais été guidé que par des considérations matérielles. Dabord, alors qu'il pouvait choisir parmi les races les plus voisines de la nôtre, il a favorisé l'irruption et l'installation en France de races primitives ou imperméables, dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables et rabaisser le standard de vie et la valeur technique de la classe ouvrière française. L'Arabe pullule à Grenelle et à Pantin. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), II ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 46-47).
. Dans l'équipe toujours remarquable des hommes d’État qui prétendent à la conduite de la France, le seul qui aura compris, celui auquel il conviendra de tresser plus tard des couronnes aussi belles qu'au ministre de la Paix, sera le ministre de la Race […]. Qu'importe que les frontières du pays soient intactes, si les frontières de la race se rétrécissent et si la peau de chagrin française est le Français ! […] Le pays ne sera sauvé que provisoirement par les seules frontières armées ; il ne peut l’être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale, car c'était aussi la pensée de Colbert ou de Richelieu. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), II ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 52).
. Notre mission est de maintenir la France à son rang de nation de premier ordre. Il est hors de doute qu’on ne peut y arriver, même si une politique de peuplement nous assure la quantité, que par la qualité, que si le citoyen français est individuellement un citoyen de premier ordre. (Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs (1939), III ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 56).
. En général, le Français estime en soi-même que la défaite n’est qu’une triste religion, et qu’il n’est pas de défaite en ce monde pour celui qui n’y croit pas. Il n’y a même pas cru pour l’Allemagne en 1918. Quand une nation succombe sur un champ de bataille, c’est justement, si elle le veut, que vient son tour de prendre sur le vainqueur cette suprématie en souffrance et en conscience qui lui redonne, comme au jeu de cartes, le mot et l’initiative dans leur confrontation. (Jean Giraudoux, Sans pouvoirs (1943), I ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 166).
. Ce que les autres pays appellent leur mystique n’a jamais été que la recherche d’un mythe d’égoïsme qui leur permît d’agir impitoyablement dans le monde et sur le monde au même titre, avec les mêmes armes, et les mêmes justifications qu’avec l’altruisme et la foi. L’absence totale chez nos chefs de mystique, la répugnance marquée de notre peuple à se nourrir de ce succédané hypocrite, l’incapacité pour la nation des Croisades d’entreprendre des croisades en faveur de soi-même, ont permis que nos plus différents Présidents du Conseil soient à l’aise dans l’humanité et en deviennent de bons fonctionnaires. (Jean Giraudoux, Sans pouvoirs (1943), IV ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 217).
. L’homme était chez lui sur la terre. Il n’y est plus. La tyrannie mécanique coupe chaque jour davantage sa fraternité et sa communauté, qu’elles soient d’intérêts ou de goûts, avec la nature. La mécanique est le scalpel qui tranche les adhérences entre ces jumeaux que sont l’arbre et l’homme, l’animal et l’homme, la pierre et l’homme. (Jean Giraudoux, Sans pouvoirs, VIII (1940); dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 252-253).
. Tout donne à penser que la paix ne sera qu’un pénible ajustement entre une race blanche mutilée et une civilisation mécanique triomphante. (Jean Giraudoux, Sans pouvoirs, VIII (1940) ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 254).
. Car il ne faut plus nier l’évidence ; chaque uniformité donnée à un acte, chaque succédané trouvé à un produit, chaque habileté retirée à une main et confiée à un moteur, chaque voix retirée à des cordes vocales et passée à un résonateur est une atteinte à notre vie physique, à cet état d’alerte et de clairvoyance merveilleux auquel toutes les beautés et les noblesses du monde, de ses êtres et de ses matériaux nous ont hissés. Ce n’est ni plus ni moins que la barbarie qui descend sur l’humanité, une barbarie prétentieuse mais inéluctable, si nous voyons chaque jour, définition de la barbarie, baisser dans l’univers le niveau de l’ouïe, du goût, du toucher et du regard. / Ces sens qui s’aiguisaient autrefois, […] se vulgarisent et s’émoussent pour une masse humaine qui n’a plus ce recours à mesure que le progrès écarte d’elle les vrais métaux, les vrais sons, les vrais objets pour ne lui en fournir que des ectoplasmes. / Ce sera moins la laideur qui s’emparera du monde, qu’une espèce de paralysie qui lui retirera ses saveurs et ses clartés et nous amènera à l’état le plus désespérant, la barbarie sans la simplicité et sans la naïveté. (Jean Giraudoux, Sans pouvoirs, VIII (1940) ; dans De Pleins pouvoirs à Sans pouvoirs, Gallimard, 1950, p. 263).
. Les grands hommes infatués d’eux-mêmes aiment beaucoup dire qu’ils ont pour camarade journalier le destin. (Jean Giraudoux, lettre à Mme Prévost, 28 janvier 1937 ; publiée dans Cahiers Jean Giraudoux, n°10, Grasset, 1981, p. 7).
Autres pages de citations en rapport avec celle-ci sur ce blogue : Historiens et sociologues [en préparation] ; Philosophes politiques classiques [en préparation] ; Auteurs grecs [en préparation] ; Auteurs germaniques et scandinaves [en préparation] ; Écrivains et penseurs de droite [en préparation] ; Humoristes ; Montaigne ; Écrivains divers du XVIIe siècle [en préparation] ; Dramaturges classiques : Corneille, Molière, Racine et les autres ; La Bruyère ; Écrivains divers du XVIIIe siècle [en préparation] ; Libertins du XVIIIe siècle [en préparation] ; Montesquieu [en préparation] ; Voltaire [en préparation] ; Diderot [en préparation] ; Stendhal [en préparation] ; Balzac [en préparation] ; Alexandre Dumas ; Alfred de Musset ; Oscar Wilde ; Paul-Jean Toulet ; Anatole France [en préparation] ; Romanciers français 1848-1914 ; Romanciers français de la première moitié du XXe siècle ; Dramaturges français XIX-XXe siècles [en préparation] ; Poètes français modernes [en préparation] ; Marcel Proust [en préparation] ; André Gide [en préparation] ; Raymond Radiguet ; Jean Cocteau [en préparation] ; Paul Morand ; Alexandre Vialatte [en préparation] ; André Maurois [en préparation] ; François Mauriac [en préparation] ; Montherlant [en préparation] ; Julien Green ; Camus et Saint-Exupéry [en préparation] ; Sartre [e préparation] ; Malraux [en préparation] ; Marguerite Yourcenar [en préparation] ; Marcel Pagnol ; Jean Anouilh [en préparation] ; Maurice Druon [en préparation] ; Jean Dutourd [en préparation], – et la page générale : citations choisies et dûment vérifiées.
_________________________________________
[1] Cette allocution prononcée devant la Société Nationale d’Acclimatation (devenue Société Nationale de Protection de la Nature en 1960) est un véritable petit manifeste écologiste. Soucieux de biodiversité, d’un monde vivant riche, beau et varié, Giraudoux y déplore la disparition de certaines espèces animales et s’inquiète de la survie des espèces actuelles. On y perçoit comment s’articulent écologisme, anti-machinisme, hygiénisme, racisme : c’est le même souci qui pousse à préserver la diversité et la qualité des races animales, et la diversité et la qualité des races humaines. Ce texte a été repris dans les Œuvres littéraires diverses, Grasset, 1958, p. 643, ainsi que dans les Cahiers Jean Giraudoux, n°11, Grasset, 1982, p. 147-154. Giraudoux, dont le vocabulaire est saturé de termes animaliers, est aussi l’auteur de Bêtes (Firmin-Didot, 1931), un album photographique. Le texte en a été repris sous le titre « La bête et l’écrivain » dans le recueil Littérature (1941) : 3ème partie, chapitre 6.
[2] Giraudoux fait allusion à la bataille des Champs catalauniques qui, le 20 juin 451, vit les troupes germaniques fédérées par le patrice Aetius repousser les Huns d’Attila (et les nombreux peuples germaniques qui leur étaient soumis).
9 commentaires
Cher "Dernière gerbe"
Suite à petite discussion avec, non pas une momie, comme dans l'histoire extraordinaire d'Edgar Pöe, mais avec des lecteurs du forum de Brumes, section La bibliothèque de la Pléiade (mentionné en lien de votre note 2) le forumeur "Tigrane" me signale que le volume d'essais abandonné par la Pléiade paraîtra en Classiques Garnier.
Vos florilèges sont riches : je vous félicite d'avoir pris le temps de les établir.
Bien à vous
FM
Cher Monsieur,
Merci pour le tuyau. C'est une bonne nouvelle que les essais de Giraudoux soient bientôt tous rassemblés en une édition unique. Mais ça restera une lacune du catalogue de la Pléiade, et une tache d'avoir renoncé au projet initial. La nouvelle couverture des classiques Garnier est hideuse, ils ont à leur tour abandonné les cahiers brochés pour des pages collées, et il faudra sans doute deux volumes. À défaut de la Pléiade, j'aurais préféré la Pochothèque, ou Bouquins... Il faudra se contenter de ce qu'on aura, et souhaiter le plus grand succès à cette publication, pour qu'Hugues Pradier et Antoine Gallimard se mordent les doigts jusqu'au sang...
Merci pour votre compliment sur mes florilèges riches et soignés. Le bas de la page de sommaire de ce blogue vous a sans doute montré que j'en ai encore plusieurs dizaines en préparation. Je vais essayer de maintenir le rythme d'un nouveau par mois. Malheureusement ce blogue est confronté depuis exactement le 16 octobre à un étrange problème qui semble lié au référencement de ses pages par Google : une recherche simple ne fait plus apparaître la plupart d'entre elles, alors qu'auparavant elles étaient bien classées. Du coup, la fréquentation depuis deux semaines a chuté dans des proportions effrayantes. J'ai écrit à hautetfort.com (ainsi qu'à Google Analytics) mais ils ne m'ont pas répondu. Je ne sais pas comment rétablir la situation antérieure. J'aimerais juste que Google fasse apparaître mes pages quand on tape quelques mots-clefs qui s'y rapportent, comme c'était le cas jusqu'au 16 octobre...
Bien à vous.
De rien : après avoir lu vos florilèges de Wilde et de Giraudoux qui m'avaient procuré du plaisir, je voulais à mon tour vous en procurer un, certes plus léger et pas encore avéré mais du moins annoncé.
Il n'y a pas que les essais de Jean Giraudoux qui se font attendre en Pléiade, vous le savez comme moi... et je redis ici ce que j'écrivais dans mon article "Pierre Boutang ex cathedra" parce que je partage plus que jamais, à mesure que je lis Comte, l'avis de Boutang qui trouvait scandaleux qu'il n'y ait pas une édition des oeuvres complètes d'Auguste Comte à la Pléiade.
Parlant de Boutang, inutile de vous dire qu'on aimerait bien avoir aussi un jour ses oeuvres (au moins un choix d'oeuvres sinon les oeuvres complètes) en Pléiade, en Garnier ou ailleurs mais avec apparat critique, introduction notes dignes du sujet / objet en question.
Un autre exemple tout simple : on a Kant à la Pléiade mais pas G.W.F. Hegel. On ne demande pas la lune mais avoir au moins les oeuvres essentielles : les oeuvres de jeunesse, la Phénoménologie de l'esprit, l'Encyclopédie, la Science de la logique et la correspondance. Quelques gros volumes tout de même... en attendant, la majeure partie de l'oeuvre est traduite chez Vrin, évidemment.
Et Howard Philips Lovecraft, et Roger Caillois, et d'autres attendent...
Bon tout n'est pas noir : c'est bien d'avoir William Faulkner en Pléiade, par exemple, aujourd'hui.
J'aimais beaucoup l'esthétique des anciennes couvertures des classiques Garnier (lettres rouges sur bandeau jaune poussin, au-dessus d'une illustration N&B documentaire, en jaquette ou par la suite imprimée directement) des années 1960-1975. J'aimais aussi, bien qu'un peu moins, sur la même période, les classiques Garnier reliés Sélecta (pleine toile monocolore parfois vive, avec une vignette illustrée N&B en 1ère de couverture). Sur la durée, ce qui résiste le mieux au temps et ce qui est donc le mieux à mon avis, ce sont les classiques Garnier reliés Prestige qu'on trouvait encore vers 1975.
Les couvertures, à partir des années 1980, ont changé et sont devenues moins belles puis sont devenues quelconques. Je ne comprends pas cette manie du changement alors qu'une fois qu'on a trouvé un bel alliage, il faudrait s'y tenir. Platon se plaignait déjà de ce travers des Athéniens et il ne concernait pas que les éditeurs : à quand un florilège chez vous établi à partir du Platon de Léon Robin et Joseph Moreau en Pléiade ? Je serai son lecteur !
Bien à vous
FM
Je suis aussi "pléiadologue", comme l'attestent cet article : http://dernieregerbe.hautetfort.com/archive/2017/02/10/la-germaine-et-la-pleiade-font-le-trottoir-5912900.html, ainsi que d'autres notes dans divers articles, et je suis donc intarissable sur le sujet.
Bien qu'étant extrêmement sévère quant à la politique suivie par la Pléiade depuis 25 ans, qui me paraît dégrader gravement la collection au nom d'impératifs commerciaux, je ne suis néanmoins pas de ces doux rêveurs qui construisent une Pléiade totalement chimérique en rêvant de voir tous leurs auteurs de prédilection inscrits au catalogue, et dans une version intégrale bien évidemment. Ainsi, je pense qu'une édition intégrale des œuvres complètes d'Auguste Comte en Pléiade est un projet absurde, parce que ces volumes ne se vendraient pas... et parce que je doute qu'ils méritent tous d'être lus par l'honnête homme. C'est un projet pour les éditions Champion, ou Droz, qui sont les seules à faire ce genre de séries. Et encore, je suppose que chaque volume doit être tiré à 1000 exemplaires, dont 600 achetés par les bibliothèques publiques, cette clientèle captive... On pourrait à la rigueur concevoir un volume, maximum deux, sélectionnant ses œuvres les plus marquantes. Mais un Comte complet en Pléiade, n'y comptez pas, jamais. Songez que même Voltaire, même Diderot, même Chateaubriand, même Hugo !! ont trop écrit pour être rassemblés en intégralité. Alors Comte...
Même chose pour Hegel. Une série complète me paraît inconcevable, et comme pour Comte, je ne m'en plains pas du tout. L'/Encyclopédie/ et la /Phéno/, si ardues, méritent-elles vraiment d'être lues par l'honnête homme ? Meurt-on idiot si on ne les a pas lues en entier ? Et ne parlons pas de la /Science de la logique/... Alors, quand même, un ou deux volumes pour les œuvres majeures, comme Aristote ? Si vous y tenez vraiment, mais moi, si j'étais à la place de Pradier, je laisserais celà à mon successeur. Il est vrai que Malebranche et Kant y sont, ce qui ne laisse pas de m'étonner. Notez qu'en 1989, il y avait un projet Leibniz et un projet Kierkegaard, tous les deux en trois volumes, tous les deux abandonnés semble-t-il. (Et la voilure du Nietzsche a été intolérablement rabaissée, en supprimant les fragments posthumes.) Pourtant Kierkegaard me semble nettement plus intéressant pour l'honnête homme qu'Aristote, Leibniz et Hegel, précisément parce que ce n'est pas un pur philosophe, un spéculateur aride de concepts abscons, mais un écrivain qui parle à notre conscience morale. En attendant, le Descartes doit être refait en deux volumes paraît-il, et il faudrait peut-être songer à refaire le Platon, quand on voit ce que GF a fait. (À propos j'ai une page de citations de "philosophes" en préparation, mais elle ne sera pas très riche. À quel endroit Platon se moque-t-il de la néomanie des Athéniens ? Je ne le relis pas tous les mois...)
Je ne suis pas un grand fan de Boutang, et, opinion personnelle mise à part, je serais très très étonné de voir paraître, de mon vivant, un volume de ses œuvres choisies en Pléiade. Il est vrai que je n'attendais ni Buffon, ni Pline l'Ancien, ni la correspondance de Balzac, ni le /Huainan Zi/, œuvres dont l'intérêt me paraît essentiellement documentaire. Par contre j'imagine bien un ou deux volumes de Boutang en "Bouquins-Laffont", dans 15 ou 20 ans, voire dans 5-10 ans.
Caillois ? Il y a déjà un volume en Quarto. Il pourrait y en avoir un deuxième. En Pléiade je n'y crois pas... et je n'en ferais pas un projet prioritaire.
Lovecraft ? Il y a presque tout dans les trois volumes de Bouquins, de quoi vous plaignez-vous !...
Personnellement je n'aime pas l'esthétique des Garnier 1960-75. Je lui reproche notamment la disproportion de taille entre l'auteur en noir, minuscule, et le titre en rouge, énorme, - et aussi la surface trop importante de l'illustration. En revanche j'aime beaucoup les couvertures 1980-2000 : elles sont sobres, claires, équilibrées, avec un côté "classique" parfait à mes yeux. La nouvelle maquette, avec ses caractères linéaux, est une horreur totale, je l'ai déjà dit. Et quitte à me répéter, l'abandon des cahiers brochés pour des pages collées est un attentat contre le client !
"Je ne comprends pas cette manie du changement alors qu'une fois qu'on a trouvé un bel alliage, il faudrait s'y tenir" => Alors là je vous approuve à 100 % ! J'ai aussi horreur des changements, j'aime les emballages qui restent identiques pendant des dizaines d'années, comme les cachous Lajaunie ou la crème de marron Clément Faugier (ou les canettes de Coca-Cola, horresco referens). J'ai été atterré de voir que Folio, dont j'aimais fort les couvertures blanches avec leur titraille noire en caractères empattés classiques, avait adopté il y a quelques années des caractères linéaux et colorés pour le nom de l'auteur. Quelle soumission à l'esthétique publicitaire ! Le "fun" l'emporte sur le sérieux. Le triomphe de plus en plus écrasant du linéal sur l'empattement est, avec l'abandon de la cravate, un des indices les plus forts de l'effondrement de la civilisation...
Ah j'ai tenté l'expérience : saisir dans la fenêtre de recherche Google "Jean Giraudoux". Vous n'êtes pas dans les premières pages. Par contre, si je saisis "Jean Giraudoux Dernière gerbe", vous êtes en haut de la page 1 des recherches, comme de bien entendu.
Bien à vous derechef
FM
C'est plus compliqué que ça : Si je tape un ou deux mots-clefs suivis de "Gerbe", Google affiche ma page concernée en tête (avec quand même quelques exceptions curieuses, quelques pages qui semblent avoir totalement disparu, comme l'article sur la fausse lettre de Napoléon sur les incendiaires du Var).
Mais bien évidemment, ça ne sert à rien. Pour avoir l'idée a priori saugrenue d'ajouter "gerbe" à une recherche, il faut connaître l'existence du blogue Dernière gerbe, et donc savoir que la page qu'on cherche s'y trouve. Et comme ce blogue est doté d'une page de sommaire, autant y aller directement que passer par Google. Donc cette expérience ne compte pas.
Ce qui est affreux, c'est que depuis le 16 octobre, et seulement depuis cette date, les pages n'apparaissent plus dans une recherche simple. Par exemple si je demande sur Google, sans guillemets, "maximes La Rochefoucauld", ma page (sans doute la meilleure pour cette recherche, en toute modestie) s'était hissée en quatrième position, ce qu'elle méritait bien. Et depuis le 16 octobre, pffft, disparue ! Idem si je tape, sans guillemets, "Giraudoux aphorismes", "Léon Bloy aphorismes", "Jules Michelet citations", "Matzneff citations", etc etc : absence totale, alors que jusqu'au 15 octobre j'apparaissais en première ou deuxième page. Bref je suis devenu quasi totalement invisible depuis deux semaines, et les chiffres de fréquentation que me donne Google Analytics le confirment cruellement...
Quant à la page d'Oscar Wilde (à mon avis le chef-d’œuvre de la collection), c'est dès sa parution qu'elle a été boudée par une recherche Google : signe annonciateur du problème actuel ? Google l'avait répertoriée, puisqu'elle apparaissait si on faisait une recherche ultra-précise (une suite de mots entre guillemets), mais s'obstinait à l'ignorer si on demandait simplement "Oscar Wilde citations"...
Tout celà est incompréhensible et assez décourageant. J'ai relancé hautetfort.com en leur signalant une seconde fois le problème, mais je crains de n'avoir encore aucune réponse...
Cher "Déclinologue"
De mémoire, je crois me souvenir que c'est dans CRITIAS (le dialogue publié à la suite du TIMEE dans la C.U.F. des Belles lettres, ce qui donne comme titre "Timée - Critias" au tome en question) que Platon s'en plaint.
Sur les Classiques Garnier, on ne s'entend pas esthétiquement : c'est la vie ! Tot capites, quot sensu. En revanche je souscris absolument à votre jugement concernant l'abandon absurde du brochage des cahiers.
Votre histoire de référencement Google est mystérieuse. Aux USA, un cinéphile avait fait un site internet colossal, remarquable, sur les photos d'exploitation exposées dans les halls des salles de cinéma depuis les origines muettes à nos jours. Depuis environ un an, lorsqu'on clique sur les titres des films, les liens ne s'ouvrent plus et il ne comprend pas pourquoi. Lui, il est hébergé par un hébergeur au nom imprononçable : Tumblr, quelque chose ça. Bref... des années de travail sont réduites à néant par son hébergeur et il ignore ce qui se passe... des collectionneurs allemands et espagnols numérisaient en HD leurs collections pour lui adresser afin qu'il les publie et il les publiait. Une mine d'or, un trésor se constituait mois après mois sous nos yeux. Et depuis plusieurs mois, inaccessible sans explication. Ahurissant.. enfin bon de mon côté, j'ai sauvegardé les milliers de documents qui m'intéressaient donc je n'ai rien perdu mais on se demande si Internet permettra vraiment, lorsqu'on est témoin de telles aberrations techniques, de sauvegarder nos travaux ?
Encore pire que vous, ce cas car au moins, vous, votre site existe physiquement toujours et est toujours lisible....
Bon après la Toussaint, lorsque vos interlocuteurs de Haut et fort seront rentrés de vacances, vous aurez peut-être une réponse. Tenez vos lecteurs au courant : c'est intéressant de savoir ce qui s'est passé, quelle solution a été trouvée, etc.
J'ai remarqué quelque chose de désagréable avec Google que j'aime bien par ailleurs. Ils coupent régulièrement les requêtes lorsqu'on utilise un VPN ! J'ai expérimenté le phénomène plusieurs fois. Si je déconnecte mon VPN, ils me rétablissent la connection illico presto. On peut biaiser car ce sont des robots, pas des être humains, qui agissent : il suffit de ne pas abuser du VPN mais de s'en servir uniquement à bon escient. Simple question statistique de nombre de connexions effectuées en 24H avec ou sans VPN. Je recommande chaudement le navigateur Opera qui offre un VPN gratuit très simple et très efficace, soit dit en passant. Seul bémol : il faut le déconnecter si on regarde la TV ou certaines vidéo en streaming car il ralentit le flux vidéo.
Une question technique avant que je revienne à nos moutons Pléiade, Classiques Garniers, etc. : lorsque vous écrivez vos textes, êtes-vous forcé d'utiliser ces signes cabalistiques du langage HTML ? Par exemple, si vous mettez un titre de livre en italiques, vous êtes forcé de mettre un de ces signes bizarres avant et après le mot à mettre en italiques ? On me dit que sur Haut et fort, c'est toujours le cas mais je croyais que depuis Web 2, tout ça était terminé et qu'on pouvait directement HTMLiser (néologisme) ou "internetiser" (autre néologisme : je viens d'inventer les deux pendant que je vous écris car je ne les ai jamais lus ailleurs, de mémoire) un texte rédigé en Word ? Vous me direz SVP ? C'est surtout ça qui m'agace depuis la naissance du web et qui me retient de créer mon propre site internet.
Je reviens à nos moutons.
Comte à la Pléiade n'est pas moins irréaliste qu'Aristote à la Pléiade ou même, d'un pur point de vue commercial, que la correspondance en x volumes de Voltaire : puisqu'on a Aristote (ce qui est une excellente initiative mais notez qu'il s'agit d'un philosophe grec de l'antiquité classique dont le corpus a environ 2500 ans d'âge, qu'aucun lycéen n'étudie plus au lycée sauf dans quelques classes de Terminale d'élite mais en réalité, même en Lettres supérieures ou en Première supérieure, peu d'élèves sont aujourd'hui capable de réciter la table de ses Catégories, ont lu l'Organon, ont lu son Histoire des animaux, ses Météores ou ses fabuleuses Parties des animaux, sans parler de la Physique et de la Metaphysique, sommets du système ou du moins sommet de sa recherche systématique) pourquoi n'aurait-on pas Comte (un philosophe français classique dont le corpus a environ 150 ans d'âge) ? D'ailleurs, vous vous souvenez que certains contemporains de Comte ou certains commentateurs un peu plus tardifs de son système, l'avaient surnommé le Hegel français (ce qui ne vous emballera pas) mais aussi l'Aristote français (ce qui ne vous emballera pas davantage mais est cependant plus correct sur le plan philosophique). Sa statue trône place de la Sorbonne depuis 120 ans environ et on ne possède toujours pas une édition unifiée de son corpus. "Ce ne sont que dix volumes à lire. Si on n'y mord pas, c'est que l'on refuse d'être instruit", écrivait Alain qui fut, avec Maurras, un de ses plus célèbres disciples.
Je vais vous dire ce qu'il faudrait faire. Il faudrait commencer par le commencement : un premier volume pour le "Cours de philosophie positive", un second volume pour le "Traité de sociologie positive instituant la religion de l'humanité", un troisième volume rassemblant les opuscules de jeunesse, les deux discours, le catéchisme positiviste, la synthèse subjective et, enfin, un quatrième pour un choix de correspondance. Et tout serait dit, on aurait enfin une édition des oeuvres sinon complètes, du moins essentielles. Et si la correspondance marchait sous forme de quatrième volume, alors on pourrait éditer le restant de la correspondance en tomes supplémentaires. Boutang m'avait raconté que Pierre Arnaud était envisagé comme superviseur du projet à la Pléiade dans les années 1970 avant que divers obstacles n'entravent sa réalisation.
Notez que si on tient à un point de vue commercial, avoir édité un volume consacré aux Présocratiques est suicidaire : qui lit ou qui est censé lire Parménide d'Elée, Héraclite d'Ephèse, Anaximandre, etc ?
Avoir consacré deux volumes à Nicolas Malebranche était de toute évidence suicidaire, sans parler des notes soporifiques de Geneviève Rodis-Lewis. Mais le volume Descartes (excellent bien que datant de 1937 ou parce que datant de 1937 au contraire) et le Spinoza (complet) était en revanche remarquablement commercial. Mais il faut noter que, des trois auteurs, seul Descartes est indispensable : on ne peut pas comprendre Spinoza ni Malebranche si on n'a pas lu Descartes alors que l'inverse est non seulement possible mais nécessaire.
Idem pour Kant : on ne peut pas comprendre les post-kantiens si on n'a pas lu Kant. Et les post-kantiens, ce n'est pas seulement Fichte, Schelling, Hegel. C'est vous et moi. En somme, si Platon, il fallait Aristote. Si Descartes, il fallait Kant. Je reconnais qu'on pouvait se passer de Malebranche mais on ne pouvait pas se passer de Kant. Je ne vais pas dire : hélas... bien que le coeur y soit un peu. Mais attention : pour certaines sections temporelles historiques, la Pléiade tient bien la chaîne, le fil rouge. Pour d'autres sections, parfois colossales en importance, elle n'a rien du tout : il manque par exemple, la patristique grecque et latine, la philosophie du moyen âge en Pléiade. On a Hölderlin et il y avait d'autres Romantiques allemands: très bien. Mais on n'a pas G.W.F. Hegel qui demeure le sommet à la fois du romantisme allemand et le fondateur de la phénoménologie en philosophie, voire du seul système absolu (le système est la manifestation de l'esprit donc il est total) jamais créé dans l'histoire de la philosophie.
Consacrer un ou deux volumes à G.W.F. Hegel serait beaucoup plus sûr commercialement que consacrer un volume aux Présocratiques comme l'a fait la Pléiade, et je la félicite de l'avoir fait, bien entendu : d'abord G.W.F. Hegel est régulièrement au programme des concours de l'ENS, de l'agrégation et du capes donc quelques milliers de clients potentiels assez régulièrement pour l'éditeur. Ensuite il est régulièrement au programme des cours universitaires du cursus licence, maîtrise, D.E.A. et séminaires de doctorat (sous leurs nouveaux noms de code administratifs) donc même remarque finale. Enfin, sans avoir lu G.W.F. Hegel, il est impossible de comprendre vraiment les positions de Friedrich Nietzsche et de Martin Heidegger, de Husserl, de Karl Marx, de Jean-Paul Sartre, de Lacan, etc. donc, en somme de comprendre l'histoire de la philosophie de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Mais il est également impossible de comprendre l'histoire tout court car l'histoire politique et polémologique du XXe a été en partie déterminée par des hégéliens de droite et par des hégéliens de gauche.
Donc oui, cher déclinologue, au moins un ou deux volumes de G.W.F. Hegel, oui, assurément, seraient utiles. Disons, pour être efficace, qu'il faudrait commencer par les oeuvres de jeunesse, puis l'Encyclopédie des sciences philosophiques, puis correspondance. Sacrifions si vous y tenez la Phénoménologie de l'esprit (déjà quatre ou cinq traductions françaises, dont une presque totalement illisible et incompréhensible) et la Science de la logique (objet majeur du système hégélien mais réservé, je le reconnais, à une authentique élite rompue à la logique aristotélicienne, ayant médité l'histoire de la philosophie y compris celle écrite par Hegel dont la traduction a duré des années chez Vrin). Ou bien option élitiste directe : un premier volume Phénoménologie de l'esprit, un second volume Science de la logique. Mais alors il faudrait un troisième volume d'apparat critique, de notes, des bibliographies, des index afin que le jeu en vaille la chandelle sonnante et trébuchante.
Sur Nietzsche, le problème est un peu différent car on dispose d'une édition critique traduite des oeuvres complètes depuis assez longtemps chez un autre éditeur. Je suis cependant d'accord avec vous : dans le cas de Nietzsche, il faut continuer si on a commencé. Un seul volume ne suffit pas. On dispose aussi d'une édition complète de Kierkegaard traduite en français (il me semble que je l'avais vue au complet sur une étagère chez Vrin place de la Sorbonne, vers 1998 : de jolis volumes reliés violets ou bleus protégés par des rhodoïds, à moins que je confonde avec l'édition complète Colli-Montinari de Nietzsche traduite en français, vue à la même époque chez le même libraire ? J'ai un doute...)
Une anecdote sur Kierkegaard. Je possédais les Etudes kierkegaardiennes de Jean Wahl dans ma bibliothèque. Une édition originale en très mauvais état car dos cassé, lue annotée et soulignée dès les années de sa parution (vers 1920 donc je crois)... j'en parlais vers la fin du XXe siècle au tenancier de la librairie Le Chemin des philosophes. Il m'apprit que depuis sa fondation, personne, absolument personne, ne lui en avait demandé un seul exemplaire. Je me demande parfois si mon ami Juan Asensio n'est pas le dernier lecteur de Kierkegaard chez nous ? Je plaisante un peu car je sais que c'est faux puisqu'il arrive encore qu'on lui consacre des n° spéciaux de revues d'histoire de la philosophie. Mais enfin, bref... Kierkegaard est sur le plan littéraire un peu équivalent à Dreyer sur le plan cinématographique : on admire l'un pour une séquence ou deux, un film ou deux tout au plus, on admire l'autre pour une page ou deux, un livre ou deux, tout au plus. Personne en France, sauf une élite très restreinte, n'a lu l'oeuvre complète de Soren Kierkegaard, de même que pratiquement personne n'a vue l'oeuvre filmique complète de Carl Dreyer. il s'agit de dizaines de volumes, de dizaines de films. J'y pense parce que j'ai récemment écrit un texte, demeuré pour l'instant inédit, sur le coffret Carl Dreyer paru chez Potemkine en réédition bluray, reprenant l'ancien coffret Dreyer paru autrefois en dvd zone 2 Pal chez MK2. Un ancien communiste révolutionnaire (Karmitz) éditant Dreyer (le seul cinéaste à avoir filmé une résurrection miraculeuse crédible en se plaçant exactement sur le plan de Crainte et tremblement de S.K.).. amusante rencontre, soit dit en passant et sans insister : de telles rencontres sont fréquentes, alors qu'on croit qu'elles sont rares et leurs raisons ne sont jamais celles qu'on croit.
Sur Boutang, Caillois, Lovecraft, je n'argumenterai pas davantage sur le plan commercial car je pourrais argumenter de manière identique. Mais vous me citez, concernant les deux derniers noms, les collections Quarto ou Bouquins. Question (nouvelle, elle) : offrent-elles une introduction, un apparat critique, une bibliographie, des notes, des index similaires en qualité à ceux procurés par Garnier ou par la Pléiade ? La typographie est-elle identique, la qualité du papier est-elle identique ? Mieux et encore plus simple commercialement puisque tout le monde semble obsédé sur internet par le succès commercial d'une édition : si Lovecraft paraissait en Pléiade, je suis prêt à mettre le petit doigt de ma main gauche à couper (en imitant ce qu'on voit dans une séquence célèbre du fameux "Qui est le boss à Hiroshima ?" (Japon 1972 circa, de mémoire) de Kinji Fukasaku) que le ou les volume(s) - écriture inclusive pour une fois justifiée car c'est une hypothèse quantitative, statistique - que des lecteurs qui n'auraient jamais songé à acheter cet auteur, voudraient alors le découvrir à cause du fameux "effet Pléiade" si français, si dix-huitième siècle. L'esprit de conversation du dix-huitième siècle qu'Emile Faguet avait parfaitement analysé en son propre temps, survit pratiquement intact aujourd'hui : la psychologie des peuples n'est pas, vous le savez comme moi, un vain mot. Du coup, en me répétant, je suis certain que certains Pléiadophiles seraient prêts, rien que pour avoir la collection complète, à acheter Howard Philips Lovecraft qu'ils auraient auparavant snobé à l'époque où il paraissait chez Denoël collection Présence du futur, chez J'ai lu section fantastique ou que sais-je encore ? Vous me suivez jusqu'ici ? Ce simple raisonnement commercial représenterait, dans le cas de Lovecraft comme dans les cas des autres antérieurement défendus, quelques centaines de volume, je pense.
Je vous prie d'excuser la relative longueur de cette réponse : faute avouée sera mieux pardonnée au locuteur, je le gage !
A vous lire, et bien cordialement
FM
CORRIGENDUM et ADDENDUM :
dans le commentaire précédent, lire SVP :
(...) si Lovecraft paraissait en Pléiade, je suis prêt à mettre le petit doigt de ma main gauche à couper - en imitant ce qu'on voit dans une séquence célèbre du fameux "Combat sans code d'honneur : qui est le boss à Hiroshima ?" (Japon 1972) de Kinji Fukasaku - que le ou les volume(s) - écriture inclusive pour une fois justifiée car c'est une hypothèse quantitative, statistique - que des lecteurs n'auraient jamais songé(s) à acheter, se trouverai(en)t alors vendu(s) car ils voudraient alors le découvrir à cause du fameux "effet Pléiade" si français, si dix-huitième siècle. Vulgairement résumé : "Si ça paraît à la Pléiade, c'est que c'est bien !" ou "Si ça paraît à la Pléiade, ça peut constituer un cadeau socialement valable, i.e. objet de reconnaissance". (...)
Pardon de cette visite impromptue. Je désirais juste vous faire savoir que suite à votre billet, j'ai, d'un neurone courageux repoussé ma réticence au giralducisme pour lire Intermezzo. J'y prends grand plaisir. Oh, j'avais bien entendu déjà lu un peu de Giraudoux, mais ça ne "prenait" pas . Je vous copie ma critique postée chez Brumes où je vous ai découvert grâce aux bons soins de Francis Moury ( qu'il en soit remercié) :
" Merci de m’avoir fait découvrir ce site intéressant, je vais en profiter pour allez voir si le giralducisme m’a conquis depuis le temps ou son théâtre ne m’avait pas réellement fait entonner le péan dû à un Ibsen et où ses romans me laissaient insubmersible à toute baignade en admiration. J’entends aussi qu’à côté de T.Mann ou de Lowry … il n y a pas construction d’un monument, d’une écriture-force démiurgique. D’une œuvre qui contienne microcosme et macrocosme, hermétisme et réalisme subsumés par un génie poiétique (sic) colossal. Peu français en cela, j’aime les monstres. d’où mon plaisir à lire « La pérégrination vers l’ouest » presque achevé(e!). Giraudoux me semble frêle, et c’est peu dire. Quant au style,rien n’y a fait jusqu’à présent, je reste du côté de Léautaud qui le jugeait assez mal (vous me direz qu’à part Stendhal et quelques très rares volumes de souvenirs, Léautaud n’aime quasiment rien passé le dix-huitième). J’ai sans doute tort, mais que voulez-vous, peut-on vraiment aimer le Burton de L’anatomie de la mélancolie, le théâtre espagnol du siècle d’or, Bloy, Darien, Pynchon peut-on aimer ces auteurs et tant d’autres vibrant de forces, débridés, fous et l’élégant Giraudoux ?"
Et bien OUI ! me voilà pris par ce ton effectivement très français avec un soupçon d'esprit allemand acclimaté à nos frontières.
Pardon de ce trop long message mais j'ai osé pensé que vous seriez peut-être un brin heureux de savoir que votre travail à réussi à convertir un réfractaire tel que moi -car tout est parti de vos citations. Merci !
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