GEORGES COURTELINE : SES MEILLEURS APHORISMES
19.04.2017
Georges Courteline (1858-1929) est un bon représentant de cet « esprit » français de la Belle époque, qui brilla si fort avec Jules Renard, Tristan Bernard, Alphonse Allais, Alfred Capus et quelques autres. Son champ d’observation est étroit mais son regard y est fort acéré. À l’éternelle comédie du cocuage (Boubouroche et de nombreuses autres petites comédies et petits récits), il a ajouté des thèmes plus modernes comme la bureaucratie (Messieurs les ronds-de-cuir), la vie de caserne dans une armée de conscription (Les Gaîtés de l’escadron, Le Train de 8h47), la police et la justice (Le Gendarme est sans pitié, Le Commissaire est bon enfant, L’Article 330). Il lui manque d’avoir pris de la hauteur pour s’élever au niveau de Molière : on rit à ses saynètes, mais on n’en garde pas l’impression d’avoir enrichi sa connaissance de l’humanité. Il leur manque – à moins que je les aie lues trop vite – ce petit frisson qui fait que le comique s’approche du terrifiant, et qu’on peut ressentir dans Knock de Jules Romains ou même Topaze de Marcel Pagnol, – ou Le Schpountz, ce Don Quichotte du XXe siècle qui fait songer loin, sans parler bien sûr de Kafka. On fait parfois crédit à Courteline d’être un des meilleurs observateurs de la bêtise humaine. C’est à voir : il me semble qu’il en a été le simple entomologiste, qu’il n’a guère fait qu’en consigner les différentes manifestations dans ses albums : par contraste, on trouve par exemple chez Flaubert des vues plus profondes, plus philosophiques sur ce sujet. Et de manière générale, son œuvre est trop engluée dans les sempiternelles variations sur l’adultère bourgeois. Il reste qu’on rencontre dans ses livres quelques dizaines de jolies formules, que j’ai ici rassemblées [1]. Je croyais au début n’en avoir qu’une petite trentaine et pouvoir le placer dans la page collective des humoristes, mais avec un peu plus de septante-cinq trouvailles, j'ai décidé qu'il méritait sa page individuelle. Le recueil d’aphorismes qu’il a publié à la fin de sa vie, La Philosophie de Georges Courteline, n’est ma foi pas déshonorant, et prouve que son auteur vaut mieux qu’un simple fournisseur de bons mots pour les émissions radiophoniques de la fin d’après-midi.
J’ai classé ces aphorismes en cinq rubriques : La vie Les hommes Les femmes et l’amour La société Littérature
. Mauvais souvenirs !… Soyez pourtant les bienvenus : vous êtes ma jeunesse lointaine ! (Georges Courteline, Les Gaîtés de l’escadron (1886), 1. « Souvenirs et impressions » ; Bouquins, 1990, p. 667).
. Des Rillettes : « Plus on avance dans la vie, plus on en voit l’inanité. Qu’est la volupté ? Un vain mot ! Qu’est le plaisir ? Une apparence ! » (Georges Courteline, Les Boulingrin (1898), scène 1 ; Bouquins, 1990, p. 117).
. Lavernié : « Il n'y a pas de milieu dans la vie : dès qu'on n'est plus jeune on est vieux, et au-dessus de cinquante ans on est tous du même âge. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 1 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 467).
. Lavernié : « Le livre de la destinée ne se juge pas sur son prologue, comme un roman dont les premières pages ennuient. La vie ne vaut pas cher, la créature non plus, toute la question est de savoir laquelle des deux, de la créature ou de la vie, est le plus injuste pour l’autre. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 1 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 467).
. Lauriane : « Je suis tout oreilles. Cause. » — Lavernié : « Tu l’exiges ? Eh bien, allons-y ! Aussi bien, quelles que doivent en être les conséquences, mieux vaut une explication franche qu'une situation fausse. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 2 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 469).
. Si le propre de la raison est de se méfier d’elle-même, combien est persuasive l’éloquence des déments à prêcher qu’ils sont la sagesse, et qu’il est malaisé de démontrer leur erreur ! (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803). [2]
. Il faut éviter le paradoxe comme une fille publique qu'il est, avec laquelle on couche à l'occasion, pour rire, mais qu'un fou, seul, épouserait. / La difficulté est de savoir à quel point exact il commence. J’en ai entendu soutenir qui rapprochaient si étrangement des vérités dites « premières » ! (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803). [3]
. Il n’est tel axiome, même inepte, qui ne trouve son admirateur. En revanche, il n’est telle vérité dont le moraliste qui l’émet ne suspecte l’exactitude, de l’instant où il l’a émise. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803).
. La vie donne rarement ce qu’on attendait d’elle. / La raison se prononce dans un sens, l’évènement solutionne dans l’autre, et l’homme continue gravement à tirer des conclusions et à émettre des pronostics. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803).
. La Vérité est faite d’une accumulation de suppositions et de légendes que les pères repassent aux fils comme des souvenirs de famille et qui, à son insu, lentement, sont devenues son armature. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803).
. La Vérité philosophique, variable, dailleurs, avec les milieux et les civilisations, est une convention comme une autre. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 803).
. Il est indispensable, dans toute discussion, de se placer au point de vue où se place l’adversaire ; il faut le battre avec ses propres armes, sur son propre terrain, chez lui ! / Ainsi seulement (et encore !…) on approchera (et pas beaucoup !…) de ce qu’on est convenu d’appeler un petit rien du tout de tantinet de vague commencement de vérité. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 804).
. Je ne crois vraiment pas qu’il existe une vérité philosophique à laquelle on ne puisse victorieusement répondre, avec Montaigne : « Que sais-je » ; avec Rabelais : « Peut-être » [4]; avec le docteur Marphurius : « C’est incertain. Il se peut faire. Il n’y a pas impossibilité. » [5] (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 804).
. Il est consolant de penser que si la folie ne gagne rien au contact de la raison, en revanche, la raison s'altère au contact de la folie. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), I ; Bouquins, 1990, p. 804).
. Je ne sais pas de spectacle plus sain, d'un comique plus réconfortant, que celui d'un monsieur recevant de main de maître une beigne qu'il avait cherchée. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 804).
. L’avantage qu’il y a d’être dans le vrai, c’est que toujours, forcément, on finit par avoir raison. En théorie, du moins. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 805).
. S'il fallait tolérer aux autres tout ce qu'on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 806).
. On ne sait trop lequel est le plus bête et, par conséquent, le plus dangereux, de se figer dans la routine des choses ou d’en prendre systématiquement et aveuglement le contre-pied. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 806).
. Prenons toujours au-dessous de nous notre point de comparaison et voyons surtout, avant tout, dans les disgrâces qui nous affligent, un effet de la clémence des dieux, auxquels il eût été aisé de nous accabler davantage. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 809).
. La vraie pudeur est de cacher ce qui n'est pas beau à faire voir. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 812).
. À mesure que, marchant vers la vieillesse, on s’éloigne de cet autre soi qui fut ce demi-dieu, un jeune homme, on se reprend à l’aimer pour ces mêmes sentiments qui vous avaient lassé de lui : ses candeurs et ses emballements agaçants et irréfléchis, ses pudeurs conscientes d’elles-mêmes dissimulant leur fausse honte derrière une forfanterie du vice qui lui ferait avaler au besoin des rivières entières de purin sans broncher, sa rage d’épater le monde et de trancher les questions sans en connaître le premier mot, et sa même attirance absurde vers tout ce qui est la chimère, le paradoxe, l’extravagance et le pourpoint de velours grenat. Ainsi, par la pensée, on revoit avec plaisir de vieux amis laissés de côté comme ennuyeux et de qui on se dit, une pointe de repentir à l’âme : « Un peu nigauds, un peu turbulents, c’est possible ; mais si honnêtes gens, au fond ! » (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 820).
. J'étais né pour rester jeune, et j'ai eu l'avantage de m'en apercevoir, le jour où j'ai cessé de l'être. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 819).
. Il vaut mieux gâcher sa jeunesse que de n’en rien faire du tout. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 819).
. Je nie absolument que chaque âge ait ses plaisirs, la Jeunesse gardant tout pour elle. / Qui dit « Vieillesse » dit « Tout Perte ». (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 820).
. Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 831).
. Lavernié : « Il est des mots qui restent jeunes et il n’en est pas de même des bouches qui les prononcent. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 1 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 467).
. Rien de tel comme un coup de fer rouge sur l'amour-propre pour cicatriser les scrupules ! (Georges Courteline, Lieds de Montmartre (1912 ?), « Une canaille », IV ; dans Les Linottes, Éditions littéraires de France, 1917 ?, p. 235).
. Boubouroche : « A-t-on idée d’un entêtement pareil ? […] Tu ne sais pas la conduire, je te dis. […] Depuis des années, je te le répète ! Seulement, voilà ; l'orgueil, l'éternel orgueil, le besoin de briller et d'étonner le monde par des mérites que l'on n'a pas !… Faire le malin et l’entendu… » (Georges Courteline, Boubouroche (1893), I, 1 ; Bouquins, 1990, p. 7).
. M. Nègre : « Plus il mettra d’opiniâtreté à ne pas s’acquitter de sa tâche, plus il déploiera d’énergie à s’en décharger sur les autres et à stimuler leur ardeur. » (Georges Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir (1893), IV, 3 ; Bouquins, 1990, p. 448).
. Qu’il est beau d’être psychologue ! Quelle douceur de pouvoir se dire : Je perçois l’au-delà des choses ; j’en sais les tenants et les aboutissants et les rouages de l’âme humaine sont pour moi des familiers !… Mais je vous entretiens ici de sentiments auxquels vous ne pouvez rien comprendre. Je n’insisterai donc pas davantage ; – aussi bien, ne pas abuser de sa force pour en éblouir les faibles est-il le propre de tout esprit élevé et noble. (Georges Courteline, Ah ! jeunesse (1894), 2. « Lauriers coupés », III ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 156 ; ou Bouquins, 1990, p. 374). [6]
. L'homme est naturellement bon ; il aime à faire payer les services qu'on lui rend. (Georges Courteline, « La première leçon », paru dans Le Journal le 22 juin 1895 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 252 ; ou Bouquins, 1990, p. 378). [7]
. L’homme est un être délicieux ; c’est le roi des animaux. On le dit bouché et féroce, c’est de l’exagération. Il ne montre de férocité qu’aux gens hors d’état de se défendre, et il n’est point de question si obscure qu’elle lui demeure impénétrable : la simple menace d’un coup de pied au derrière ou d’ un coup de poing en pleine figure, et il comprend à l’instant même. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 805).
. La tendance qu’éprouve l’homme à trouver spirituel un propos bêtement méchant, pour peu, seulement, qu’il mette en cause une personne de connaissance, n’est pas un des moindres indices de son excellent naturel. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 805).
. Un des plus clairs effets de la présence d'un enfant dans le ménage est de rendre complètement idiots de braves parents qui, sans lui, n'eussent peut-être été que de simples imbéciles. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 805).
. Il y a des gens chez lesquels la simple certitude de pouvoir les satisfaire fait naître des besoins spontanés. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 806).
. On change plus facilement de religion que de café. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 812).
. Peut-être est-on fondé à reprocher au bon Dieu d’avoir fait les hommes mauvais, mais il le faut louer sans réserve d’avoir placé en contrepoids à leur méchanceté probable leur extraordinaire bêtise qui, elle, ne fait aucun doute. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 815).
. J’admire les poilus de la Grande Guerre, et je leur en veux un petit peu. Car ils m’eussent, si c’était possible, réconcilié avec les hommes, en me donnant, de l’humanité, une idée meilleure… donc fausse. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 815).
. Le médecin exerce sur moi une double action dont je ne suis pas maître : il m’effraie et ne me rassure pas. S’il me dit : « Vous avez telle maladie », je le crois ; s’il me dit : « Je vous guérirai », je ne le crois plus. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), III ; Bouquins, 1990, p. 815).
. Je ne vois nulle honte à être un « vieux cochon », mais beaucoup de ridicule à être un vieil imbécile. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 822).
. On devrait décorer quiconque attendrait l’âge de soixante ans. La vanité des hommes est telle, que la plupart d’entre eux, au lieu de courir la gueuse, de boire comme des trous et de faire les polichinelles, pratiqueraient la sobriété, la sagesse et la continence, dans l’espoir de devenir vieux et d’avoir la croix d’honneur. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), V ; Bouquins, 1990, p. 824).
. Pauvre petite, je lui dois bien les plus grandes douleurs de ma vie, mais aussi les heures les plus douces, et toute la question est de savoir si nous devons garder plus de rancune aux femmes du mal qu’elles nous auront fait, ou plus de reconnaissance des joies qu’elles nous auront procurées. (Georges Courteline, Les Femmes d’amis (1888), 3. « Le fils », I ; dans Œuvres, tome I, Flammarion, 1975, p. 153).
. À tout prendre, l'absence de sens, chez la femme, est encore le meilleur garant que l’on puisse espérer de sa fidélité. (Georges Courteline, Boubouroche (1891), I ; dans Œuvres, tome I, Flammarion, 1975, p. 337).
. Le monsieur : « Elle vous tromperait, […] parce que tromper, entendez-vous, tromper encore, tromper sans cesse, toute la femme, monsieur, est là ! Croyez-en un vieux philosophe qui connaît les choses dont il parle et a fait la rude expérience des apophtegmes qu’il émet. Les hommes trahissent les femmes dans la proportion modeste d'un sur deux ; les femmes, elles, trahissent les hommes dans la proportion effrayante de 97 % ! » (Georges Courteline, Boubouroche (1891), II ; dans Œuvres, tome I, Flammarion, 1975, p. 340). [8]
. L’amour, c’est l’idée qu’on s’en fait ; chacun le pratique à sa manière, au prorata des mérites qu’il lui prête et de l’estime dont il l’honore. (Georges Courteline, Ah ! jeunesse (1894), 1. « Ah ! jeunesse », II ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 134).
. La dame : « Pensez-vous que je vous croie ? » — M. Ledaim : « Le contraire me surprendrait. Les femmes passent leur vie à la gâcher en n’ajoutant foi qu’au mensonge. » (Georges Courteline, La Voiture versée (1897), scène 1 ; Bouquins, 1990, p. 105).
. M. Ledaim : « L'amour n'est fait que du désir d'avoir ou de la gratitude d'avoir eu. » (Georges Courteline, La Voiture versée (1897), scène 1 ; Bouquins, 1990, p. 105).
. Trielle : « La femme ne voit jamais ce que l’on fait pour elle, elle ne voit que ce qu’on ne fait pas. » (Georges Courteline, La Paix chez soi (1903), scène 4 ; Bouquins, 1990, p. 210). [9]
. Lavernié : « Comprends donc que le cœur des hommes ne change pas avec leurs traits, et que les femmes seront toujours jeunes pour eux, puisqu’ils auront toujours pour elles des âmes de collégiens et des yeux de vingt ans. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 1 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 467).
. Lavernié : « La quantité de bêtises qu’une femme pas bête peut accumuler en peu de temps est une chose déconcertante. » (Georges Courteline et Pierre Wolff, La Cruche (1909), II, 3 ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 473).
. Les femmes dont on dit qu'elles ont été belles ont à mes yeux le même intérêt que les pièces démonétisées dont on dit qu'elles ont été bonnes. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IV ; Bouquins, 1990, p. 820).
. La moyenne des femmes peut se flatter justement de l’emporter sur celle des hommes, en compréhension, en finesse et en perspicacité ; mais on ne voit pas que le mot génie trouve une application – une seule ! – dans le domaine du féminin. De même l’acteur, souvent supérieur à l’auteur dont il interprète la pièce, restera toujours à mi-côte de sommets accessibles au pied seul du Poète. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 826-827).
. Il en est des femmes comme des fous : il ne faut jamais les défier. Leur facile menace de se jeter par la fenêtre ou d’avaler du sublimé vaut toujours qu’on y réfléchisse. Je sais une dame appelée Légion qui paierait très bien de sa peau le plaisir de gâcher la vie de son amant ou de son mari, en fourrant un remords dedans. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 827).
. De même vibre l’âme des gamins au vide ronflant des tambours, de même vibre l’âme des filles au vide des paroles qui ne signifient rien. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 827).
. Les filles ont ceci pour elles qu’elles le sont toujours un peu plus qu’on ne pensait. Tel pauvre diable acoquiné à une gueuse se croit à l’abri des surprises, qui demeure un beau jour stupéfait à voir son fumier embelli d’une turpitude nouvelle et admirant par quel miracle la peste s’est faite choléra. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 827).
. La femme est meilleure qu’on le dit : elle ne blague les larmes des hommes que si elle les a elle-même fait couler. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 828).
. On est surpris de la place que tient, dans les préoccupations de nombreuses personnes aux yeux de mélancolie et de rêve, la condition de leur intestin et l’accomplissement plus ou moins satisfaisant de leurs fonctions naturelles. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 828).
. L'homme est le seul mâle qui batte sa femelle. Il est donc le plus brutal des mâles, à moins que, de toutes les femelles, la femme ne soit la plus insupportable – hypothèse très soutenable, en somme. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 830).
. « Ah ! que l’amour est agréable ! » proclame une vieille chanson. Elle a raison ; il est agréable en effet ; – bien moins, dailleurs, pour ce qu’il donne que pour ce qu’on en espère. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VII ; Bouquins, 1990, p. 830).
. Paul : « Il est nécessaire que la femme sente le maître dans le mari […]. Si elle ne passe pas par ses mains, c’est lui qui passe par les siennes : tu vois où ça peut le conduire. Les premiers temps de mon mariage, je laissais à la mienne la bride sur le cou ; ça a failli faire du vilain. Pas d’ordre ! Aucun sens de l’épargne ! Les pièces de cent sous fichant le camp, comme des poules devant une auto !… J’ai dû crier : « Halte-là ! », lui serrer la vis d’importance, et aujourd’hui tout marche à souhait. » (Georges Courteline, « Virginie et Paul », La Philosophie de Georges Courteline (1922) ; dans Œuvres, tome II, Flammarion, 1975, p. 622).
. L’huissier : « Nous, nous sommes tranquilles. Tant que le monde sera monde, il y aura d’honnêtes gens et nous trouverons à gagner notre vie en instrumentant contre eux. » (Georges Courteline, Un client sérieux (1896), scène 2 ; Bouquins, 1990, p. 54).
. La Brige : « La République serait bien ce qu’il y a de plus bête au monde, si l’anarchie n’était plus bête qu’elle encore. Non, je suis pour Philippe Auguste, ou pour Louis X, dit le Hutin. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 172).
. La Brige : « Écœuré d’avoir tout fait au monde pour être un bon garçon et d’avoir réussi à n’être qu’une poire, dupé, trompé, estampé, acculé, finalement, à cette conviction que le raisonnement de l'humanité tient tout entier dans cette bassesse : "Si je ne te crains pas, je me fous de toi" [10], j’ai résolu de réfugier désormais mon égoïsme bien acquis sous l’abri du toit à cochons qui s’appelle la légalité. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 172).
. La Brige : « La vérité, c’est que nous vivons dans un pays d’où le bon sens a cavalé, au point que M. de la Palisse y passerait pour un énergumène, et qu’un homme de jugement rassis, d’esprit équilibré et sain, ne saurait prêcher l’évidence, la démontrer par A + B, sans se voir taxé d’extravagance et menacé, à l’instant même, de la camisole de force. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 173).
. La Brige : « La connaissance du Code et la crainte de ses conséquences constituent le seul terrain commun aux gens de bien et à la crapule. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 178).
. Le président : « Un gredin qui tourne la loi est moins à craindre en son action qu'un homme de bien qui la discute avec sagesse et clairvoyance. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 181). [11]
. Le président : « Si les juges se mettent à donner gain de cause à tous les gens qui ont raison, on ne sait plus où l'on va, si ce n’est à la dislocation d’une société qui tient debout parce qu’elle en a pris l’habitude. » (Georges Courteline, L’Article 330 (1900) ; Bouquins, 1990, p. 181).
. On ne saurait mieux comparer l'absurdité des demi-mesures qu'à celle des mesures absolues. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), II ; Bouquins, 1990, p. 813).
. La gravité du châtiment est quelquefois moins en raison de la gravité du délit que du talent du magistrat qui en a réclamé la sanction. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), IX ; Bouquins, 1990, p. 843).
. La fait du véritable artiste n’est pas de se complaire en ce qu’il fit, mais de le comparer tristement à ce qu’il avait voulu faire. Sa mission ne consiste pas à descendre au niveau de la foule, mais à l’attirer, elle, au sien. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 830).
. Il n’est pas de genres inférieurs ; il n’est que des productions ratées, et le bouffon qui divertit prime le tragique qui n’émeut pas. / Exiger simplement et strictement des choses les qualités qu’elles ont la prétention d’avoir : tout le sens critique tient là-dedans. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 830).
. Il est évident que le « Mauvais », parvenu à son paroxysme, confine de très près au « Chef-d’œuvre », en devient même une des expressions. Il détermine donc, logiquement, l’admiration des personnes que le culte de la perfection pousse à lui tirer leur chapeau sous quelque aspect qu’elle se présente et n’importe où elles la rencontrent. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 835).
. Rien n’est plus facile, plus inutile par conséquent, que d’être un poète quelconque. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 838).
. De ceci que n’importe qui peut exercer le métier d’homme de lettres, on conclurait à tort qu’il est à la portée de tout le monde. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 838).
. Il serait vraiment désolant que nous n’ayons pas eu Racine, mais la France ne serait pas la France si Corneille n’eût pas existé. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 839).
. Je me partage équitablement entre le culte de la littérature et la méfiance qu’elle m’inspire de l’instant où elle met son nez dans les endroits où elle n’a que faire. / Il me suffit de flairer chez un historien la moindre hantise littéraire, pour qu’immédiatement, d’instinct, je suspecte sa véracité. (Georges Courteline, La Philosophie de Georges Courteline (1917), VIII ; Bouquins, 1990, p. 841).
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[1] Il règne un grand chaos dans les nouvelles (et les piécettes) de Courteline, car il n’a pas cessé de les faire passer d’un recueil à l’autre. Je possède les œuvres en deux tomes parues chez Flammarion en 1975, ainsi que le Bouquins Laffont de 1990, mais ce ne sont que des anthologies, qui ne permettent pas du tout de se repérer dans ce maquis, vu leur complète désinvolture philologique. Dans l’avant-propos du Bouquins, page XLII, Robert Carlier prétend : « On trouvera donc ici la totalité du répertoire théâtral (à l’exception de la laborieuse Conversion d’Alceste) et l’intégralité des romans et contes ». Quelle impudente imposture ! Pour le théâtre, où sont Godefroy, et La Cruche, et La Cinquantaine, et Le Droit aux étrennes, et Pétin, Mouillarbourg et consorts, et L’Extra-lucide, et Gros chagrin ? Quant aux récits, c’est encore plus nombreux qu’ils manquent, notamment le recueil Les Femmes d’amis, les deux tiers du recueil Boubouroche, presque tout le recueil Ah ! jeunesse !, la moitié du recueil Un client sérieux. En outre, La Philosophie de Georges Courteline a été amputée sans prévenir de sa section VIII (« Corollaires et intermèdes »), quoique deux des quatre morceaux qui la composent, « Le madère » et « Le gora » se retrouvent dans la section Dindes et grues – mais où sont passés « Amitiés féminines » et « Virginie et Paul » ? Pourtant, le verso de la page de titre s’orne de l’indication traditionnelle : « Chacune des œuvres publiées dans "Bouquins" est reproduite dans son intégralité »… Les deux volumes de Flammarion sont plus fournis, mais il manque, si je n’ai pas regardé trop vite, quatre récits des Gaîtés de l’escadron, une dizaine de ceux du Miroir concave, toutes Les Miettes de la table, et d’autres encore. L’ordre suivi, approximativement chronologique, est très incommode, et l’appareil critique est égal à zéro. Certes, le premier coupable est Courteline lui-même, car si l’on reproduisait tous ses recueils dans leur état final, on aurait beaucoup de doublons : il faut donc choisir tel recueil plutôt que tel autre, ce qui fait laisser des textes en chemin. Mais il aurait dû être possible, à défaut de reprendre tous ses textes, d’en dresser une liste exhaustive avec, pour chacun, le détail de tous les ensembles où il a été inclus. On voit qu’il manque une édition intégrale et sûre des œuvres de Courteline, attentive non seulement au foisonnement des ensembles recomposés, mais aussi aux variantes subies par les textes en passant d’un ensemble à un autre. L’édition la moins imparfaite à ce jour est les Œuvres complètes parues en quinze volumes chez François Bernouard entre 1925 et 1927, belle série depuis longtemps épuisée… et bien sûr très infidèle à son prétentieux intitulé, comme on peut s’en douter d’une publication anthume.
[2] Cette maxime est déjà placée, sans le segment final, dans la bouche du personnage de La Brige, dans Les Balances, pièce en un acte créée en 1901 (Bouquins p. 188).
[3] Cette maxime apparaît déjà, sous une forme simplifiée, dans la bouche du personnage de La Brige, dans L’Article 330, pièce en un acte créée en 1900 (Bouquins p. 173) : « Je ne fais pas de paradoxe : je n’en ai fait de ma vie et ne suis pas près d’en faire, en ayant le dégoût, l’exécration et la crainte, comme d’une fille publique qu’il est. »
[4] L’association du « Que sais-je ? » de Montaigne et du « Peut-être » de Rabelais est un lieu commun. On le trouve chez Voltaire (article « Affirmation par serment » dans les Questions sur l’encyclopédie (1770), Œuvres complètes, éd. Le Siècle, 1867, tome I, p. 62), chez Balzac (La Peau de chagrin (1830), Pléiade Castex, tome X, 1979, p. 119), chez Hugo (Marion de Lorme (1829), IV, 8, Œuvres complètes Jean Massin, tome III, 1967, p. 829), chez Gautier (La Comédie de la mort (1838), V, vers 100 ; Poésies complètes, Firmin-Didot, 1932, tome II, p. 31), chez Flaubert (Rage et impuissance (1836), Pléiade Œuvres de jeunesse, 2001, p. 185 ; lettre à Ernest Chevalier du 18 décembre 1839, Pléiade Correspondance tome I, 1973, p. 58), etc.
[5] Marphurius est une caricature de philosophe sceptique dans Le Mariage forcé (1664) de Molière : scène V, Pléiade Couton, 1971, p. 726-729. Molière s’inspire du personnage de Trouillogan, que Panurge vient consulter pour la même raison que son Sganarelle (Le Tiers livre, chap. XXXV-XXXVI) : doit-il se marier ?
[6] Dans l’édition des Œuvres complètes chez François Bernouard (tome IX, 1926), le récit « Lauriers coupés » a été inclus dans l’ensemble Les Fourneaux, quoiqu’il ne figurât point dans le mince recueil de six récits publié sous ce titre en 1905 chez Albin Michel. L’édition Bouquins suit les ensembles constitués par Courteline à la fin de sa vie, alors que l’édition Flammarion suit plutôt les recueils originaux.
[7] « Première leçon » a été reprise dans Un client sérieux, Flammarion, 1898 ; puis dans L’Ilustre Piégelé, Albin Michel, 1904 ; puis dans Les Fourneaux dans le tome 9 des œuvres complètes chez François Bernouard (1926)… quoiqu’elle ne figurât point dans le recueil original paru sous ce titre chez Albin Michel en 1905. Voir la note n°1.
[8] « Boubouroche » est dabord une nouvelle publiée dans L’Écho de Paris en 1891, puis reprise en tête du recueil de nouvelles du même nom en 1893 (Flammarion). Comme il l’a souvent fait, Courteline a transformé son récit en une pièce de théâtre qui fut créée le 27 avril 1893. La citation donnée s’y trouve, avec de menues variantes, acte I scène 3 (Bouquins, 1990, p. 18).
[9] Maxime reprise dans La Philosophie de Georges Courteline, section VII (Bouquins, 1990, p. 829).
[10] Cette « bassesse » réapparaît dans La Philosophie de Georges Courteline, section VII (Bouquins, 1990, p. 827), mais appliquée aux femmes. Courteline ajoute toutefois qu’il « connaît sur ce point, à l’égal de La Fontaine, bon nombre d’hommes qui sont femmes. »
[11] Maxime reprise dans La Philosophie de Georges Courteline, section IX (Bouquins, 1990, p. 842).
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