LE FELD-MARÉCHAL VON BONAPARTE, de JEAN DUTOURD (revue critique) (06.03.2011)
Le titre vient d'une rêverie uchronique : si la France n'avait pas acheté la Corse en 1768, Napoléon n'aurait pas été Français. Il se fût sans doute engagé au service de l'empereur d'Autriche, se fût forcément fait remarquer, eût obtenu des commandements d'armées et eût fini, au terme de sa carrière, par recevoir le bâton de feld-maréchal, en récompense de ses guerres victorieuses contre les Ottomans, la Russie ou la Prusse.
Mais cette fantaisie romanesque n'occupe que quelques pages dans le livre (p. 143-144, 153-155, 159, 164-168), dont le propos véritable est cerné par le sous-titre, repris de Montesquieu : « Considérations sur les causes de la grandeur des Français et de leur décadence ». Une formule dailleurs trompeuse, car Dutourd ne se penche nullement sur les causes de la grandeur de la France, qui est pour lui la donnée de base de l'histoire européenne avant 1789. Seule l'intéresse la décadence de la France, c'est-à dire sa chute consécutive à la Révolution : on voit qu'il suffit de la situer dans le temps pour l'expliquer. Le Feld-Maréchal von Bonaparte est en quelque sorte le prolongement du Vieil homme et la France, dont il reprend la forme et l'allure, mais ce second volet est très décevant, car la pensée y est consternante par son simplisme et sa fausseté, ne faisant que ruminer une hostilité absolue à la Révolution. Le ton bonhomme rend la lecture de ce livre plus plaisante que celle des Considérations sur la France du comte Joseph de Maistre, mais les deux pamphlétaires rivalisent dans l'absurdité aveugle.
Certes, comme toujours chez Dutourd, moraliste digne de la grande lignée française, on trouvera des observations aigües et suggestives, comme celle-ci : « Il faut se garder de donner un nom aux choses : tant qu'elles n'en ont pas, elles n'existent pas, ou elles existent à peine ; en revanche, sitôt qu'elles sont désignées, décrites, exprimées, cataloguées, fût-ce faussement, on peut tout redouter » (p. 63). Toutefois ces aphorismes lucides appartiennent à l’observation des mœurs. Dès qu'il s'aventure dans le domaine historique ou politique, Dutourd se fourvoie complètement, non seulement dans les principes, mais même dans les faits. Par haine de la cuistrerie, il refuse d'adjoindre à son texte la moindre note en bas de page et ne donne donc jamais la référence de ses citations. Cette fausse élégance est l'alibi de la paresse, car il n'a pas fait l'effort de vérifier ce que lui fournissait sa mémoire : par exemple, il attribue à Wilde une boutade de W.C. Fields (p. 102), il date de 1767 au lieu de 1768 la vente de la Corse à la France (p.143), il croit qu'Ulysse Grant n'a fait qu'un mandat alors qu'il a été réélu en 1872 (p. 112). Il prétend étourdiment qu' « en 1919, on ne refusait rien à la France » (p. 16), comme si on l'avait laissée reprendre la rive gauche du Rhin ou remorceler l'Allemagne par une Rhénanie et une Bavière indépendantes ! Bien plus grave, il croit que Louis XVI n'aurait jamais vendu la Louisiane aux EUA, comme l'a fait Bonaparte en 1803 (p. 108) : c'est oublier que la France avait dû céder la Louisiane à l'Espagne en 1762, et que c'est le Premier Consul qui la récupéra par le traité de San Ildefonso le 1er octobre 1800 ! Et encore ne s'agit-il que de ce qu'un rapide refeuilletage m'a fait sauter aux yeux. Si on regroupait les erreurs à rectifier et les chimères à dissiper, il y aurait peut-être une vingtaine d'interventions à faire. Tout ce qui, sur le plan historico-spéculatif, tient à peu près la route, vient de Bainville. À l'inverse, toutes les considérations spécifiques à Dutourd sur les bienfaits de la monarchie sont presque toujours hautement fantaisistes. Par exemple, sa rêverie sur une « grande Louisiane française vivant côte à côte en bonne intelligence » avec l'Amérique yanquie (p. 110) relève d'un fantasme assez dérisoire : la disproportion démographique était trop énorme. Il suffit de voir comment les États-uniens se sont comportés à l'égard des régions mexicaines qu'ils guignaient : infiltrations de colons, menées subversives, soutien à un parti sécessionniste, absorption de l'état fantoche (Texas), et guerre en bonne et due forme pour les autres, débouchant sur l'annexion (Arizona, Colorado, Californie, Nevada, Nouveau-Mexique, Utah). On ne voit pas pourquoi il en eût été différemment pour une Louisiane française. (Quant à un éventuel soutien militaire de la métropole, il eût sans doute connu, à la fin, le même sort que les autres guerres coloniales.)
Les considérations dutourdiennes tournent entièrement autour de deux idées : a) Tous nos malheurs viennent de la Révolution Française ; b) Il s'en est fallu d'un cheveu que celle-ci n'éclatât pas. Bref, le plus puissant royaume du monde s'est effondré par la seule faute d'un grain de sable dans l'urètre de Cromwell, ah non, à cause de l'incompréhensible apathie de Louis XVI (p. 60), ou de la chaleur de juillet 1789 à Paris, ou du regard perçant du maître de poste de Sainte-Menehould (p. 86), etc.
Il est regrettable que Dutourd n'ait pas médité cette forte pensée de son modèle déclaré (chap. 18 des Considérations de Montesquieu) : « Ce n’est pas la Fortune qui domine le monde. On peut le demander aux Romains, qui eurent une suite continuelle de prospérités quand ils se gouvernèrent sur un certain plan, et une suite non interrompue de revers lorsqu’ils se conduisirent sur un autre. Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque monarchie, l’élèvent, la maintiennent, ou la précipitent ; tous les accidents sont soumis à ces causes, et, si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire une cause particulière, a ruiné un État, il y avait une cause générale qui faisait que cet État devait périr par une seule bataille. En un mot, l’allure principale entraîne avec elle tous les accidents particuliers. » Mais non, tournant le dos à Montesquieu (et à Thucydide et Polybe avant lui), Dutourd préfère adopter résolument la philosophie de l'Histoire de Pascal, ce maître d'erreurs qui n'a jamais rien entendu à l'Histoire : « Le nez de Cléopâtre est la seule explication du monde. Tout tient toujours à un quart de millimètre de chair au milieu du visage. Il n'y a pas d'autre philosophie de l'Histoire que celle exprimée par Pascal dans une pensée de deux lignes » (p. 86). Du coup, n'importe quoi peut arriver n'importe quand, et si les Français ont été longtemps glorieux, ils n'en ont aucune vanité à tirer, puisque c'est le seul hasard qui leur a fait tirer quelques bons numéros à la loterie des siècles...
Croire que tous nos malheurs procèdent de la Révolution est un manichéisme si désolant qu'il décourage la polémique. Croire que la Révolution est un accident absolu, surgi de nulle part plutôt que préparé par des décennies d'Ancien régime, relève soit de l'ignorance soit de la bêtise. Dutourd sait pourtant que Tocqueville a démontré la continuité entre l'Ancien Régime et la Révolution, mais il lui reproche de n'en avoir pas tiré la conclusion que la Révolution était inutile (p. 62-63). Que n'en a-t-il tiré lui-même la conclusion que la Révolution n'était pas un pur accident !
Toute réflexion sur le bilan de la Révolution française est nulle et non avenue si elle ne se fonde pas sur une comparaison avec la grande sœur ennemie de la France, l'Angleterre. Mesurer le mal que la Révolution a fait à la France n'a de sens que si on mesure parallèlement le bien que l'Angleterre a tiré de son autre façon d'accéder à la modernité. Manière de poser le problème qui, du reste, dévoile déjà une partie de la solution : l'Angleterre n'a-t-elle pris qu'un autre chemin pour arriver au même but que nous, ou bien s'est-elle déportée vers une destinée si éloignée de la nôtre qu'elle nous est devenue complètement étrangère ? La réponse est dans la question... Aux petits maistro-maurrassiens actuels qui continuent de croire que la France se porterait infiniment mieux si le descendant de Louis XVI était toujours sur le trône, il faut sans relâche poser la même question : croyez-vous vraiment que la prospérité soit tellement plus enviable, la société tellement plus vivable, les mœurs tellement plus estimables, l'air tellement plus respirable, l'État tellement plus formidable, la créativité tellement plus admirable, dans cette Grande-Bretagne où règne toujours la descendante de George III ? L'avantage de ce pays qui a fait le choix que nous aurions dû faire selon eux est-il à ce point écrasant ? Et avant même de porter un jugement de valeur, qu'en est-il simplement de la différence entre la France républicaine et la Grande-Bretagne monarchiste, deux siècles après la Révolution ? Compte tenu des spécificités culturelles antérieures des deux nations, le maintien de la monarchie a-t-il, depuis deux siècles, donné aux Anglais un visage radicalement autre que celui que la République nous a modelé ?
Je suis loin de porter un jugement globalement positif sur la Révolution, et à vrai dire je pense aussi que la France eût beaucoup gagné à l'éviter. Mais lui attribuer TOUS nos malheurs, et surévaluer de façon délirante ses conséquences, est tout simplement ridicule. Quoique sa lecture soit divertissante et même stimulante, ce livre montre qu'une thèse pertinente peut être sabotée par de mauvais arguments.
Dutourd est avant tout un esprit littéraire, au bon et au mauvais sens du terme. C'est un contemporain de La Bruyère, de Diderot, de Stendhal, de Flaubert, de France, de Gide. Cela confère à ses livres de moraliste non seulement un grand charme, mais aussi une grande valeur, car c'est un cadeau exceptionnel de la Providence d'avoir fait vivre un esprit aussi caduc parmi nos contemporains : en ouvrant ses livres de chroniques ou de critique littéraire, on peut se faire une idée de ce que les susnommés auraient pensé des évènements et des œuvres de notre temps, délectable anachronisme. Mais, presque toujours, la grande faille de l'esprit littéraire est de ne pas percevoir la large soumission de l'esprit à la matière, c'est-à-dire le poids de l'économie et de la technique dans la marche de l'Histoire. On ne peut guère exiger d'un esprit littéraire qu'il soit aussi imprégné de Fernand Braudel et de Lewis Mumford. Le Feld-Maréchal von Bonaparte en est une magnifique illustration : son auteur croit très sérieusement que la face de la terre eût été radicalement changée sans la Révolution française, comme si le monde actuel résultait plus de celle-ci que de la révolution industrielle, comme si l'empire du capitalisme et de la société de consommation n'était pas assez prégnant pour pouvoir échapper aux institutions politiques d'un pays parmi d'autres. Plus grave, ou plus comique : il va jusqu'à s'imaginer qu' « une France bourbonienne eût sensiblement retardé le progrès des sciences et des techniques » (p. 135). Parce que, bien sûr, dans l'Angleterre des Hanovre et des Saxe-Cobourg, comme dans l'Allemagne des Hohenzollern, le progrès a été incomparablement plus lent que dans la France républicaine... N'est-ce pas pourtant la Révolution qui a guillotiné Lavoisier, arguant qu'elle n'avait pas besoin de savants ?
PS : La présentation du revers de couverture est d'une gigantesque prétention : « C'est le livre le plus incorrect politiquement qui ait été publié depuis deux siècles. Il va à l'encontre de tout ce qui est posé en principe et enseigné tant en France qu'ailleurs. L'auteur passera pour un fou ou un assassin d'idées admises, ce qui est toujours agréable pour un homme de lettres, même si sa marchandise est boïcottée par les bien-pensants ». J'ai trop de sympathie envers Dutourd pour m'appesantir sur cette forfanterie sénile.
Jean Dutourd : Le Feld-Maréchal von Bonaparte, Flammarion, 1996.
09:14 Écrit par Le déclinologue | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : jean dutourd, france, uchronie, révolution française, oscar wilde, états-unis, romains, thucydide, polybe, ancien régime, wc fields, ulysse grant, louisiane, napoléon, monarchie, joseph de maistre, louis xvi, république, lewis mumford, maurras, bainville, montesquieu, tocqueville, nez de cléopâtre, 14 juillet 1789, autriche, grande-bretagne, angleterre, le feld-maréchal von bonaparte, corse, anachronisme, progrès, décadence, fernand braudel, blaise pascal | | | Facebook | | Imprimer | | Digg |
Commentaires
J'adhère à l'ensemble de cette critique.
Je viens d'achever ce bouquin ; j'aime Dutourd quand il se consacre à la littérature pure ("Au bon beurre" est un régal), mais ici, j'ai trouvé bien des pages grotesques.
Ce livre n'est qu'un plaidoyer nostalgique, sans vraie consistance, pour le système monarchique.
Quand un écrivain s'autorise à réécrire l'Histoire à grands coups de "si", il ne peut que faire œuvre de littérature, et absolument pas de philosophie ou d'Histoire.
Ce livre n'est qu'une vaine rêverie de poète qui ne démontre rien.
Écrit par : Eric D. | 12.03.2014
Oui, merci de valider mon jugement assez sévère.
Le problème de ce livre est qu'il se donne pour une uchronie (genre romanesque qui peut être assez plaisant : /Napoléon et la conquête du monde/ de Louis Geoffroy ou /Le Maître du haut-château/ de Ph. K. Dick, et que dailleurs les historiens se mettent à reconsidérer : /Et si on refaisait l'histoire ?/ d'A. Rowley et F. d'Almeida), alors qu'en fait ce n'est guère plus qu'un "ronchonnage" contre la Révolution française.
Et pourtant ce livre prend la suite du /Vieil homme et la France/, qui m'avait énormément plu et que je me permets de vous conseiller en toute priorité, si du moins vous êtes réceptif à un discours qui rejette avec dégoût le monde présent et clame sa nostalgie impénitente de la France d'antan.
A vrai dire, je tiens Dutourd pour meilleur moraliste que romancier : les romans de lui que j'ai lus ne m'ont pas convaincu. Par exemple /Au bon beurre/ m'a paru certes amusant, mais facile et maladroit : l'intrigue parallèle de Léon Lécuyer tient trop de place et tarde à rejoindre l'intrigue principale. Alors que par exemple son recueil d'aphorismes /Carnet d'un émigré/ m'a paru de très haute volée. J'envisage dailleurs d'en publier un jour une anthologie sur ce blogue.
Bien cordialement.
Écrit par : Le déclinologue | 12.03.2014
Je relai votre conseils du sujet, et on vous suis vraiment reconnaissant d'avoir donnée tant de renseignement sur votre blogue.
Écrit par : Un spammeur | 12.05.2014
Bravo pour votre super article, assez complet et limpides, interminable vie à votre blogue.
Écrit par : Un spammeur | 15.06.2014
Je pense que Dutourd a raison de critiquer la Révolution française. Plus on y réfléchit plus on voit bien que toute la merde actuelle vient d'elle. Je ne sais pas si un "Feld-Maréchal von Bonaparte" aurait changer grand-chose, mais je suis sûr que si Louis XVI avait dissout les Etats Généraux début juillet 1789, interdit la franc-maçonnerie et dispersé par la force les députés du Tiers, la situation serait bien meilleure aujourd'hui !
Écrit par : Glonic | 01.02.2015
Le titre du bouquin de Jean Dutourd trouvé dans une bouquinerie m'a interpellé d'autant que j'ai pu apprécier au fil de mes lectures les malheurs que doit la République, et avant elle, la Révolution, à Napoléon.
C'est arrivé à la page 72 du livre, que n'y tenant plus à lire ces inepties, je me suis précipité sur mon clavier et que je suis tombé sur ce blog.
Merci de m'avoir remis sur de bons rails...
Mais n'en rajoutez pas, Dutourd se détruit tout seul, ainsi pages 85 et 86 il ne parle pas de Varennes mais de Sainte Menehould en parlant de Drouet.
Ne tombez pas dans les mêmes inexactitudes que celui dont vous relevez les incohérences de réflexion.
Sur ce même sujet : la Révolution française, je préfère et de loin Erckmann et Chatrian à ce fatras que nous jette à la tête Jean Dutourd. l’histoire d'un paysan est une délectation ! - Kropotkine l'a traduite en Russe.
J'étais super méfiant quant à sa philosophie de la politique et de l'histoire, ce bouquin qui s'annonçait bien promoteur eu égard à son titre, me dégoûte de lire quoi que ce soit de cet académicien
Écrit par : amerein | 21.02.2015
Je vous remercie mais je ne suis pas aussi sévère que vous sur Dutourd en général. Il y a plusieurs livres de lui que j'aime bien, en particulier /Le Vieil homme et la France/ et le /Carnet d'un émigré/. Parmi ses romans, /Une tête de chien/ est digne de Marcel Aymé.
Je ne vous suis pas dans tous vos propos. Les malheurs que la Révolution doit à Napoléon ? Des malheurs rétroactifs, alors ? C'est un peu paradoxal !... Mais je suis très hostile à la Révolution et très favorable à Napoléon, au contraire de vous apparemment...
"Dutourd se détruit tout seul, ainsi pages 85 et 86 il ne parle pas de Varennes mais de Sainte Menehould en parlant de Drouet" => Je n'ai pas dit un mot de ce détail dans mon article, car Dutourd a raison. C'est bien à Sainte-Menehould que Jean-Baptiste Drouet a reconnu Louis XVI vers 20h. Il y est né, y travaillait comme maître de poste et en sera sous-préfet sous l'Empire. Je crois comprendre que vous croyez que Dutourd a fait une erreur, mais en l'occurrence c'est vous qui vous trompez. (Louis XVI a été arrêté vers 23h à Varennes, Drouet ne l'ayant pas arrêté à Sainte-Menehould.)
"Ne tombez pas dans les mêmes inexactitudes que celui dont..." => Quelles sont mes inexactitudes ? J'aurai plaisir à les corriger.
Merci pour votre lecture de mon article.
Écrit par : Le déclinologue | 21.02.2015
"ou du regard perçant du maître-poste de Varennes (p. 86), etc."
Bonsoir, je reproduis ci-dessus votre propos concernant Drouet.
C'est de cela que je faisais allusion précédemment...
Bien entendu, nous ne partageons pas les mêmes vues sur les services ou les méfaits portés à la Révolution et à la République par Napoléon.
Drouet a fait partie de la "Conjuration des Égaux", il s'en est tiré, soit, mais sa mise en cause n'a-t-elle pas servi à cautionner le transport du tribunal à Vendôme pour mieux pouvoir y condamner les conjurés ?
Napoléon s'est d'ailleurs attaché à pourrir la vie à Madame Drouet par la suite.
C'est d'ailleurs pour cela que le titre de "Feld-maréchal" m'a attiré.
Je ne cache pas que je suis d'accord sur l'ensemble de votre article.
Et je vous prie de m'excuser de ma précédente écriture tranchante sur ce sujet.
Merci de votre prompte réponse qui me permet ainsi d'éclaircir mon propos.
Oui, vous l'avez compris sans doute, je considère que Babeuf avec Boissel sont toujours d'actualité aujourd'hui. Les réactionnaires ne sont pas toujours ceux que les médias nous montrent à l'écran.
Écrit par : amerein | 21.02.2015
Ah oui, en effet ! Je n'avais pas relu mon article depuis un moment, en fait. Je corrige tout de suite cette petite bévue. Vous n'avez pas à vous excuser de votre écriture "tranchante" ; par contre elle était un peu confuse, puisque j'ai justement commis une petite inexactitude qui n'est pas chez Dutourd, et non la même que lui. Mais l'essentiel est qu'on ait fini par se comprendre.
Inutile de polémiquer sur la conjuration des Égaux... Bonne soirée à vous.
Écrit par : Le déclinologue | 21.02.2015
Bonjour,
Je comprends que vous associiez Maistre et Maurras dans votre réprobation du monarchisme, mais ces auteurs s'expriment à des points de vue très-différents.
En effet, Maurras développe une théorie du monarchisme qu'on peut dire, en grande partie, institutionnelle : il s'efforce de démontrer en quoi un régime monarchique serait le seul qui pût convenir à une nation française affaiblie et divisée par la République.
Joseph de Maistre, en revanche, émet une critique bien plus radicale, et philosophiquement réfléchie, de la modernité politique. La question du régime politique, à proprement parler, me paraît secondaire dans sa pensée : la souveraineté est conçue comme une force spirituelle, au-dessus de l'Etat et de ses dirigeants.
Ainsi, s'il faut admettre que votre comparaison entre les destinées respectives de la France et de l'Angleterre pourrait troubler Maurras, Joseph de Maistre vous répondrait peut-être que les mêmes idées philosophiques (en l'occurrence, celles des Lumières) ayant influencé ces deux nations, les traits qui distinguent leurs institutions sont d'un ordre tout à fait mineur (peut-être relèverait-il, en outre, que l'Angleterre connut deux révolutions au XVIIème siècle, dont la première, par sa brutalité et par l'avènement successif d'une forme de république, n'est pas sans rappeler la Révolution française). Au reste, le comte de Maistre n'eût probablement pas approuvé la conception historique de J. Dutourd, lui qui, malgré son horreur des exactions révolutionnaires et des mensonges propagés par les destructeurs de l'ordre, voyait dans ces événements extraordinaires le doigt de la Providence voulant régénérer une France décatie ! Vous voyez que ce point de vue métaphysique et philosophique aboutit à un discours nettement plus nuancé que : "la monarchie c'est bien, la République c'est mal, si seulement il n'y avait pas eu de Révolution !" (Je suis le premier à ne pas supporter la jobardise des militants monarchistes dont les idées, les manières, la culture, ne les distinguent en rien des "républicains" qu'ils disent haïr, et qui proposent une critique toute superficielle de la modernité et de la République).
Pour conclure, je vous pense bien trop intelligent et raffiné pour adhérer à cette déroutante profession de foi marxiste : "Mais, presque toujours, la grande faille de l'esprit littéraire est de ne pas percevoir la soumission de l'esprit à la matière, c'est-à-dire le poids de l'économie et de la technique dans la marche de l'Histoire".
Bien à vous,
César.
Écrit par : Cesarlhermite | 04.03.2017
Bonjour,
à tout hasard et au risque de vous déplaire, mais comment échanger sinon ? (en se congratulant d'opinions similaires ?). Je vous réponds sur "la nation française affaiblie par la République" ..."
Ainsi, la Révolution bourgeoise a accouché le 25 septembre 1792 de la 1re République une et indivisible, et cette même bourgeoisie qui révolutionna le royaume de France et bannit la religiosité s'est vite reconnue dans la papauté pour établir sa domination sur la classe laborieuse (les artisans et leurs ouvriers) qui s'était activée à renverser la monarchie, le système féodal et clérical.
Ainsi on passa de la terreur révolutionnaire à la terreur blanche réactionnaire avec toujours les troupes monarchistes européennes en faction aux frontières !
Bonaparte, jouant de son prestige né de ses propres rapports élogieux édités par lui et payés par ses rapines de conquérant, s'autoproclama Empereur des Français le 18 mai 1804 sous le titre de Napoléon 1er.
À mes yeux, cet imposteur s'est servi du message républicain pour duper les bourgeois de toute l'Europe en leur promettant les délivrer des contraintes de leurs princes en provoquant la création de républiques soeurs de la république-empire français (raccourci volontaire). Par népotisme il plaça tous les membres de sa famille et quelques uns de ses plus fidèles lieutenants à la tête des pays "asservis" à rendre gorge.
Je raccourci, Napoléon 1er à ensanglanté l'Europe et, outre les destructions matérielles et les rapines, on peut estimer que les pertes humaines françaises (près d'un million) sont bien supérieures en proportion aux pertes de la 1re Guerre Mondiale 1 400 000 hommes (26 000 000 de français en 1800 et 38 000 000 en 1914) !
Un empire éphémère de quelques années et une partie de la France et Paris occupés, des frontières réduites et la Restauration de la monarchie. Peut-on trouver de quoi se réjouir après le Premier Empire ?
En réalité, Napoléon s'est présenté comme le héraut de la bourgeoisie capitaliste naissante pour arriver à ses fins, promouvoir sa fille sous son aile, être le chef de clan ! Il y a réussi aux détriments de la République française. D'ailleurs Charles Napoléon n'est-il pas le premier des Napoléon à avoir travaillé pour payer ses études alors qu'il était en désaccord avec son père, descendant de Jérôme Napoléon ?
Bien que la République soit pudique sur le patronyme Napoléon, les richesses pillées par Napoléon Ier sont restées dans la famille, dans le clan !
Quel Bilan ! (doublé par Napôléon III, avec rebelote, les russes à Paris et la perte de l'Alsace-Moselle).
Écrit par : amerein | 06.03.2017