DU MAOÏSME INTÉGRISTE AU CATHO-ROYALISME INTÉGRISTE : DANIEL HAMICHE OU L’ART DE TOUJOURS SE TROMPER (06.01.2013)
« Je n’ai jamais imaginé qu’il soit nécessaire
de liquider physiquement les cadavres politiques :
tout au plus convient-il, régulièrement,
de les désinfecter à cause de l’odeur qu’ils dégagent »
(Daniel Hamiche, dans les Essais choisis de Lou Sin, tome I p. 47).
Après nous être penchés sur Vivien Hoch, venons-en maintenant à Daniel Hamiche, le premier recopieur des élucubrations sur Noël une seconde fois recopiées par celui-là (que je réfuterai dans un troisième article). Mais il ne me semble pas inutile de mesurer auparavant à qui on a affaire avec ce relayeur, car cela est fort instructif. Daniel Hamiche est un journaliste et éditeur, né en 1947, dont le parcours ne manque pas d’originalité. Dans une première vie, sa jeunesse des années 70, il est ultra-maoïste, fervent défenseur de la sublime « Grande Révolution culturelle prolétarienne » déclenchée par Mao Tsé-toung pour éliminer ses adversaires trop modérés et ressaisir la plénitude du pouvoir, période noire qui plongea la Chine dans un chaos épouvantable et la plus affreuse barbarie. Puis, dans une seconde vie, il devient… catholique traditionaliste et royaliste légitimiste !! Soit peut-être ce qu’il y a de plus stupide, de plus fermé à la réalité, de plus illuminé sur l’échiquier politique. Daniel Hamiche fait ainsi partie de ces gens très précieux pour les observateurs flaubertiens de la bêtise : ceux qui sont capables de se tromper tout le temps, même quand ils changent d’avis ! On pense à André Glucksmann, qui aura déployé toute sa vie le même manichéisme borné, d’abord au service du maoïsme puis, trente ans plus tard, au service du droidlomisme impérialiste. Cependant, quand Glucksmann défend Bush fils et Sarkozy ou réclame une intervention internationale contre Poutine en Tchétchénie, on peut juger ses positions très dangereuses, mais on ne peut pas incriminer des hallucinations mystiques ou des superstitions caduques. Daniel Hamiche va donc beaucoup plus loin dans l’art difficile de ne jamais avoir raison et de ne proférer que des âneries… tout en étant passé d’un bord à l’autre. Remplacer le culte de Mao Tsé-toung par celui du Christ-Roi, justifier successivement les horreurs de la Révolution culturelle et l’attente du Grand Monarque, c’est tout de même un exploit qui force le respect et mériterait plus de notoriété.
Le vestige majeur de la période maoïste de D. Hamiche, c’est la préface qu’il a donnée aux Essais choisis en deux volumes de Lou Sin (= Lu Xun), coll. 10/18 n°1093-1094, 1976, essais qu’il a lui-même choisis et traduits de l’anglais[1], parce qu’il ignore le chinois, ce qui ne l’empêche pas de poser au grand spécialiste de l’histoire chinoise contemporaine et des luttes au sein du parti communiste chinois. Cette préface s’accompagne d’une longue chronologie de Lou Sin suivie de copieuses notes, si bien que l’ensemble hamichien s’étend jusqu’à la p. 146.
Le nouvelliste et essayiste Lou Sin (1881-1936) est un écrivain important, au minimum la figure dominante de sa génération, celle qui voit la Chine s’ouvrir au monde, mettre fin au régime impérial, tenter une république, basculer dans la révolution et le chaos. On peut à bon droit le considérer comme le premier écrivain chinois moderne, et pas seulement parce qu’il a contribué à introduire la culture occidentale en Chine. Il y avait donc beaucoup à dire sur cet auteur pour le faire connaître au public français. Mais Daniel Hamiche se moque éperdument de la littérature et de la Chine : seuls lui importent le destin du communisme et la glorification du président Mao Tsé-toung. Son introduction porte un titre finalement assez honnête, eu égard à son contenu : « 1936-1966 : trente années de lutte entre deux lignes sur le front culturel ». En effet, elle tourne tout entière autour de l’idée que l’histoire du Parti Communiste Chinois est traversée par le conflit entre deux lignes : une ligne bonne, authentiquement communiste, celle de Mao Tsé-toung et de Lou Sin ; une ligne mauvaise, révisionniste, celle de Liou Chao-chi (= Liu Shaoqi) et de Tcheou Yang (= Zhou Yang), le Jdanov chinois : « celui qui ne peut comprendre l’essence de la lutte entre les deux classes, les deux voies et les deux lignes, ne peut strictement rien comprendre à l’histoire du Parti communiste chinois » (p. 19). En effet : autant on peut comprendre la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie, et entre les communistes et les réactionnaires, autant on a du mal à comprendre comment le P.C.C. a pu abriter si longtemps en son sein une faction aussi nuisible et même une autre classe sociale que le peuple prolétaire ou paysan. On ne peut décidément se fier à personne…
D. Hamiche accable de son aversion téléguidée Liou Chao-chi – dont il faut rappeler qu’il a été torturé sous la Révolution culturelle, avant de mourir en prison, des suites de mauvais traitements et des conditions effroyables de son incarcération[2], alors qu’il avait 70 ans, en 1969 – : « Si Lou Sin est qualifié aujourd’hui en Chine de "précurseur" dans la révolution culturelle par les protagonistes révolutionnaires mêmes de ce grandiose et unique mouvement [sic !!], c’est qu’il avait su, en communiste, déceler dès 1935, la nature révisionniste de la ligne prônée par les renégats de Changhaï qui osaient s’affubler du titre de "communistes" (c’est-à-dire principalement les "quatre lascars" Tcheou Yang, Tien Han, Hsia Yen, Yang Han-cheng et d’autres, manipulés dans la coulisse par Liou Chao-chi, comme on le verra plus loin) » (incipit, p. 19) ; « Il y prêche la philosophie de la survie et de la capitulation » (p. 21-22) ; « La ligne développée par Tcheou Yang était une ligne révisionniste, une ligne de capitulation et en même temps une ligne "sectaire de gauche". Elle s’est affirmée contre la ligne développée par Lou Sin, et ne s’est imposée temporairement que par des manœuvres de couloir » (p. 41) ; « L’attitude de Tcheou Yang ne relève pas principalement de l’idéologie du règlement de compte avec Lou Sin. Mais il s’agit bien, au travers de Lou Sin, de frapper et d’abattre Mao Tsé-toung. Tcheou Yang n’était rien d’autre qu’un agent de la ligne représentée par Liou Chao-chi. Et c’est pourquoi la révolution culturelle mit fin à la brillante carrière de ce falsificateur, de ce révisionniste » (p. 44).
Cette dernière citation est la plus intéressante : D. Hamiche frôle la vérité, en entrevoyant que s’attaquer à des icônes culturelles est une vieille méthode chinoise pour justifier latéralement un conflit d’individus [3]. Il accuse Tcheou et Liou de chercher à abattre personnellement Mao (qui était pourtant sur la touche à ce moment-là), mais l’idée ne l’effleure pas que ce soit Mao qui ait cherché à abattre Liou. Et bien sûr, pas la moindre allusion au Grand Bond en avant et ses 30 millions de morts dûs à la folie doctrinale de Mao ! Ces 30 millions de morts de faim auraient bien aimé que Liou et sa « philosophie de la survie », vomie par le jeune maoïste français, fussent au pouvoir un peu plus tôt… À l’en croire, l’ignoble Liou a toujours été un traître « révisionniste » infiltré au sein du Parti pour le saboter de l’intérieur. Que Liou Chao-chi et Teng Hsiao-ping, quand ils ont gouverné la Chine entre 59 et 66, aient consacré le plus gros de leurs efforts à réparer les dégâts causés par Mao, et que la Révolution culturelle ait été pour l’essentiel une manœuvre de celui-ci pour revenir au sommet, il n’y songe pas une seconde. Et pourtant il le sait. Les Habits neufs du président Mao, de Simon Leys, ont paru en 1971 ; Ombres chinoises, du même, en 1974, tout comme Révol. cul. dans la Chine pop. Daniel Hamiche connaît ces livres, et il les a lus. Mais il les tient pour un tissu de mensonges et de désinformation, qui ne cherche qu’à calomnier « ce grandiose et unique mouvement ». Stupéfiant cas de négationnisme…
À ce propos, j’espère qu’on aura été frappé, dans les quatre citations que j’ai données, par le retour du terme « révisionniste », qui semble pour l’auteur le stigmate le plus infamant qui soit, l’injure suprême qu’il ne doit prononcer qu’avec un mélange d’horreur et de dégoût[4]. Cela donne à songer, non ? D. Hamiche, à une date que j’ignore, a viré sa cuti pour devenir non pas simple chrétien, mais catholique traditionaliste. Comme s’il ne pouvait accepter une idéologie que dans sa version la plus pure, la plus intégriste, la plus férocement fidèle à on ne sait quel fond originaire, la plus farouchement préservée de toute évolution, de toute contamination par l’air du temps, de toute adaptation aux circonstances, de toute révision selon les nouveaux acquis de l’expérience. Fascinant fanatisme de la pureté, appliqué à l’identique dans deux adhésions radicalement antagonistes…
De manière plus globale, son attitude de dévot éclate tout au long de son texte. En effet, sa méthode de démonstration consiste pour l’essentiel… à citer des extraits de discours ou écrits de Mao ! Je compte, en 27 pages, pas moins de 28 citations du Grand Timonier, la plupart assez copieuses (jusqu’à une page entière). Mises bout à bout, elles doivent occuper un bon quart de l’introduction hamichienne. Ces textes de Mao sont cités dans l’édition des Œuvres choisies publiée en langues étrangères à Pékin en 1967-68 (tomes II et III) : pas une seconde l’idée ne traverse D. Hamiche que ces textes ne sont peut-être pas d’une fiabilité absolue et qu’ils ont dû être soigneusement révisés en fonction du contexte de la Révolution culturelle, selon l’usage courant des pays totalitaires… et des Églises. Pourtant, il constate que l’édition des œuvres complètes de Lou Sin, entreprise en 1956-58, « comporte un nombre invraisemblable de falsifications » (p. 42). Et les œuvres « choisies » de Mao, elles, seraient pures de tout traficotage ?!? De qui se moque-t-on ! Simon Leys dit pourtant que cette édition des Œuvres choisies « a été soigneusement expurgée » (Essais sur la Chine, R. Laffont, coll. Bouquins, 1998, p. 538), et il donne l’exemple d’un important discours de Mao, datant de 1938, qui a totalement disparu à partir de 1949. Et pour cause : ce discours faisait l’éloge de Tchang Kai-shek ! (p. 25. Voir aussi p. 437). Ce passage est d’ailleurs inclus dans un développement (p. 24-28) où S. Leys conteste absolument l’idée que l’opposition entre Mao et Liou pût avoir la moindre portée idéologique : pour lui, il ne s’agissait que d’une simple rivalité personnelle, tout à fait similaire à la brouille finale entre de Gaulle et Pompidou.
L’une des citations de Mao, page 30, appelle deux remarques. D. Hamiche cite cette assertion de son héros, datant de 1942 : « Le mouvement littéraire et artistique révolutionnaire a connu un grand développement pendant les dix années de la guerre civile [1927-37]. Il allait dans le même sens général que la guerre révolutionnaire de l’époque, mais ces deux armées sœurs manquaient de coordination dans leur travail pratique, car la réaction avait réussi à les isoler l’une de l’autre ». Notre dévot commente immédiatement : « Cette précision, contenue dans le dernier membre de la citation, est de la plus haute importance, car elle confirme en toutes lettres que pendant la première guerre civile révolutionnaire, l’organisation clandestine du Parti de Changhaï (ville contrôlée par le Kuomintang) était quelque peu "isolée" de l’organisation du Parti des zones libérées. Cela infirme définitivement les thèses de certains individus selon lesquels Lou Sin, à la fin de sa vie, se serait révolté contre le Parti communiste ». – D’abord, on ne peut manquer d’être surpris par la curieuse logique de D. Hamiche : en quoi un aperçu historique fait par Mao prouve-t-il quoi que ce soit concernant les opinions de Lou Sin ? Si les positions ultimes de celui-ci ne sont pas claires, c’est en étudiant ses textes qu’on les éclaircira, pas en se penchant sur la récupération qu’en ont faite d’autres plus tard ! On songe à la logique des exégètes bigots, pour lesquels il suffit que la tradition de l’Église ait attribué telle assertion à Jésus pour que cela prouve ipso facto que Jésus a bel et bien pensé et dit cela… « Elle confirme en toutes lettres » : c’est la Bible, ma parole, ce texte de Mao ! Si l’Écriture le dit, inclinons-nous camarades, mes frères… – Mais avant même cette pseudo-démonstration, c’est le sens littéral lui-même qui fait problème. Il me paraît clair que Mao déplore ici le manque d’alliance entre « le mouvement littéraire et artistique révolutionnaire » (c’est-à-dire les intellectuels de gauche) et « la guerre révolutionnaire » (c’est-à-dire le parti communiste), qui œuvraient chacun vers le même but, mais séparément. Je ne vois pas ce que vient faire dans cette citation la coupure entre le Parti de la zone libre et le Parti de la zone occupée. Je ne suis pas assez spécialiste de la question pour affirmer que D. Hamiche soit en proie à une hallucination mystique en lisant le texte de Mao, mais le simple bon sens me fait soupçonner qu’il dit n’importe quoi. En tout cas, ce militant qui fait la leçon aux spécialistes n’a pas compris grand-chose à l’histoire de la Chine populaire, puisqu’il lui échappe complètement que la Révolution culturelle, et déjà, dix ans avant, la campagne des « Cent fleurs », ont été, aussi paradoxal que cela puisse paraître, des offensives menées par Mao contre l’appareil du P.C.C., jugé à son gré timoré, conservateur, engoncé dans la routine administrative. Évidemment, cette façon de démanteler et purger le Parti en s’appuyant sur les masses populaires (dûment manipulées) ne peut être comprise d’un militant formé par le léninisme…
Le plus ahurissant, dans ces deux tomes, c’est ce qui les termine : peut-être une des manifestations les plus stupéfiantes de cette folie d’époque que fut le maoïsme français. D. Hamiche a tenu à proposer un dossier sur « Lou Sin et la Grande Révolution culturelle prolétarienne ». Après une courte présentation (t. II p. 355-359), notre dévot reproduit sept textes prononcés ou publiés en 1966, à l’occasion du trentième anniversaire de la mort de l’écrivain, totalisant soixante-cinq pages. Comme on s’en doute, Lou Sin ne sert ici que de prétexte pour glorifier Mao. À ce titre, ce sont des documents remarquables sur la « pensée captive » (expression de Czeslaw Milosz) en régime totalitaire. Par exemple, le troisième s’intitule : « Mettons-nous à l’école de Lou Sin et soyons éternellement fidèles au président Mao », et le cinquième : « La lumière de la pensée de Mao Tsé-toung éclaire Lou Sin ». Croyez-vous que D. Hamiche soit gêné aux entournures par ces textes insensés, terrifiantes preuves de la monstrueuse entreprise d’asservissement mental de tout un peuple que fut la Révolution culturelle ? Pas du tout, il assume son choix, et sur le mode agressif : « Je ne m’abaisserai pas à réfuter ceux qui ne voient dans ces textes que des "lieux communs" (quand on est "bête à manger du foin", comme on dit dans ma famille, il faut se résigner à ruminer toute sa vie). J’ai tenu à donner à lire aux lecteurs ces documents que je considère comme les pièces d’un dossier historique » (p. 358) [5]. Eh oui : l’imbécilité n’est pas du côté de ceux qui entonnent des dithyrambes à la gloire du plus monstrueux despote de l’histoire de la Chine, elle est du côté de ceux qui se désolent du vide de ces dithyrambes !… Une telle énormité nous fige et nous réduit au balbutiement pendant quelques secondes. On comprend le titre du premier livre de Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao : au pays des aliénés, il faut l’ingénuité d’un enfant pour oser dire que le roi est nu.
Je voulais moi-même rejeter en note un échantillon de ces textes, mais tout bien réfléchi, cette prose auto-aliénée est trop au cœur de mon propos pour que je la marginalise. J’ai choisi la fin du quatrième texte : « Nous sommes les jeunes soldats rouges du président Mao, nous sommes des rebelles rouges. Tenant haut levé la grande bannière rouge de la pensée de Mao Tsé-toung, utilisant la pensée de Mao Tsé-toung comme arme acérée, et avec Lou Sin comme modèle, nous mènerons la révolution culturelle jusqu’au bout ! Nous devons répandre dans le ciel et sur la terre la pensée de Mao Tsé-toung et nous devons donner à tous les peuples cette arme invincible. Nous voulons planter partout dans le monde la grande bannière rouge de la pensée de Mao Tsé-toung ! Nous voulons faire la révolution jusqu’au bout ! Nous voulons donner notre jeunesse et notre sang pour la révolution prolétarienne mondiale ! Nous jurons de poursuivre jusqu’au bout la grande révolution culturelle prolétarienne ! Nous serons éternellement loyaux envers le président Mao ! Nous serons éternellement loyaux envers la pensée de Mao Tsé-toung ! Vive le grand Parti communiste chinois ! Vive notre grand dirigeant, le président Mao, qu’il vive longtemps, très longtemps ! » (p. 404-405). Une telle litanie de platitudes agenouillistes accable. On comprend qu’un jeune esprit, lobotomisé par la propagande totalitaire, en vienne à débiter spontanément ces stupidités, mais on ne comprend pas qu’un intellectuel français puisse les considérer avec respect. Et cependant, n’est-ce pas le fond commun de toute dévotion ? Effectuons de menues transpositions sur ce texte, et relisons-le : « Nous sommes les jeunes fidèles du seigneur Jésus, nous sommes des soldats de la foi. Tenant haut levé le grand étendard du Christ, utilisant le message de Jésus comme levier pour ouvrir les cœurs, et avec Jean-Paul II comme modèle, nous propagerons la bonne nouvelle jusqu’au bout de la terre ! Nous devons répandre dans tous les continents l’évangile de Jésus-Christ et nous devons offrir à tous les peuples ce don inépuisable. Nous voulons planter partout dans le monde la grande croix divine du sacrifice de Jésus-Christ ! Nous voulons purifier nos cœurs jusqu’au bout ! Nous voulons donner notre jeunesse et notre âme pour l’Église ! Nous jurons de consacrer toute notre vie à la cause de la vraie foi ! Nous serons éternellement fidèles envers Jésus-Christ ! Nous serons éternellement fidèles envers l’enseignement de Jésus-Christ ! Gloire à l’Église ! Gloire à notre seigneur Jésus-Christ, pour des siècles de siècles ! ». Cette seconde version fait moins sourire (ou beaucoup plus, au contraire), parce qu’elle est très proche des insanités bigotes dont on nous rebat les oreilles depuis vingt siècles et qui nous ont déformé l’esprit jusqu’à les faire prendre au sérieux, mais c’est bien la même chose. On commence à entrevoir que Daniel Hamiche n’a fait que retourner sa veste : autrement dit, c’est toujours la même veste qu’il porte, la veste de la dévotion bornée : même coupe, même taille, même couleur, même tissu.
Un bon dévot consacre une partie importante de son énergie à pourchasser les impies. C’est pourquoi un aspect remarquable du texte de D. Hamiche est la suite d’agressions haineuses contre Simon Leys qu’il contient. (Comme il l’attaque de façon toute privilégiée, c’est à lui seul que je me référerai moi-même dans cet article). Quiconque s’intéresse un tant soit peu à la Chine connaît le nom de Simon Leys (Pierre Ryckmans pour l'état-civil belge) : par ses traductions d’auteurs classiques (Confucius, Shitao, Chen Fou) ou modernes (Kouo Mo-jo, Lou Sin, Chen Jo-hsi), par ses essais politiques qui ont été les premiers à dévoiler la réalité de la Révolution culturelle, par ses recueils d’articles culturels et politiques (La Forêt en feu et L’Humeur, l’honneur, l’horreur), il s’est acquis une reconnaissance durable auprès de tout honnête homme curieux de cet « autre pôle de l’expérience humaine » (selon la formule de Malraux). Tout le monde se souvient de sa mémorable intervention à Apostrophes en 1983, où il pulvérisa Maria-Antonietta Macciocchi et à travers elle tous les maoïstes français (Bernard Pivot lui-même en garde un souvenir bouleversé : voir Le Métier de lire. Réponses à Pierre Nora, Folio n°3552, 2001, p. 217-219). Bien plus, il a ensuite élargi sa palette et, assumant le lettré universel qu’il porte en lui, publie depuis 1998 des recueils d’essais sur tous sujets, qui ont confirmé qu’il est un des meilleurs esprits de notre temps, offrant à ses lecteurs ravis les plaisirs raffinés d’une érudition prodigieuse et d’un style clair et piquant, car c’est aussi un maître de la satire [6] (L’Ange et le cachalot, Protée et autres essais, Le Bonheur des petits poissons, Le Studio de l’inutilité). Il n’est pas étonnant que Jean-François Revel ait préfacé le recueil de ses essais sinologiques en Bouquins, car il y a beaucoup d’analogies entre leurs deux esprits, comme le montre la citation donnée en note, si revélienne dans sa tournure : amour indomptable de la liberté, vaste culture polyglotte [7], humour mordant, tempérament polémique qui n’oublie jamais de relier la circonstance du moment à un enjeu moral, et par-dessus tout, peut-être, ce que j’appellerais le génie du commentaire, dans la filiation de Montaigne. Tous deux ne sont pas vraiment des créateurs mais plutôt des agitateurs d’idées ; c’est en prenant appui sur la pensée d’autrui qu’ils excellent à déployer la leur.
En plus de leur désaccord de fond (l’un voyant dans la Révolution culturelle un grandiose mouvement révolutionnaire, l’autre une sordide et sanglante rivalité entre deux petites factions se disputant le pouvoir et manipulant les masses), Daniel Hamiche et Simon Leys s’opposent sur une question ponctuelle : la position politique du dernier Lou Sin. Pour le premier, Lou Sin a été à la fin de sa vie un pur communiste, en communion totale avec la vraie ligne, celle de Mao, et consacrant même ses derniers mois, malgré la maladie, à « un combat sans merci, son dernier combat » (p. 19) : dénoncer l’horrible ligne révisionniste des ignobles Tcheou Yang et Liou Chao-chi. Il voit même l’aîné devenu le disciple du cadet : « Il est évident par la simple lecture des écrits de Lou Sin (même si, comme c’est mon cas, on ne peut lire que ce qui a été publié en français ou en anglais) démontre que l’écrivain avait profondément lu et assimilé les textes fondamentaux de Mao Tsé-toung (notamment La Tactique de la lutte contre l’impérialisme japonais, de décembre 1935) car comment expliquer, sinon, sa parfaite identité de vue avec le principe de front uni du président Mao ? » (p. 48). Question naïve du béotien de base : euh… peut-être parce que les textes ont été trafiqués ? De toute façon, victime d’une « grave rechute de sa maladie » en janvier 36 (p. 119) et mort en octobre, Lou Sin n’a pas eu le temps de faire grand-chose de son enrégimentement supposé. – Simon Leys le voit plutôt comme un libertaire orwellien, rebelle à tous les pouvoirs. Dans le début de sa préface à La Mauvaise herbe, qui date de 1975 (Essais sur la Chine p. 435-441), il explique clairement comment le régime maoïste a récupéré Lou Sin pour mieux étouffer ce que sa pensée avait de subversif. D. Hamiche n’oppose rien de sérieux à cela, si bien qu’on a le curieux sentiment que c’est le texte de Leys qui, paru après celui d’Hamiche, le réfute, alors qu’en réalité c’est l’inverse. Ne prétendant pas être un grand connaisseur de Lou Sin, je ne puis trancher le fond de la querelle. Néanmoins, si on considère qu’on a d’un côté un grand esprit qui lit le chinois, qui a fait maints séjours en Chine, qui est salué dans le monde entier comme un des meilleurs sinologues contemporains, qui voit ses essais réédités en Bouquins sans qu’il ait à s’amender (sur Lou Sin et la politique, voir p. 349-350 et 495, ainsi que p. 312, 549-551, 630-635), qui a proposé très vite une interprétation de la Révolution culturelle toujours validée aujourd’hui, qui aime Lou Sin et le connaît de l’intérieur pour l’avoir traduit ; et de l’autre côté un médiocre petit adorateur de la Révolution culturelle, qui ne lit pas le chinois, qui ne se sert de Lou Sin que pour proclamer son culte du grand Mao, et qui quelques années plus tard a déserté ce culte pour passer à celui du Christ-Roi, – je crois qu’on peut raisonnablement parier à 10 contre 1 que c’est le premier qui a raison. En tout cas, il suffit de comparer les deux préfaces, celle de Leys à La Mauvaise herbe et celle d’Hamiche aux Essais choisis, pour voir lequel aime le plus Lou Sin, lequel cherche à le faire connaître au public français plutôt qu’à se servir de lui, et lequel écrit le mieux.
(Car D. Hamiche ne brille ni par le sens de la formule ni par la correction de la langue : « Il est évident par la simple lecture […] démontre que… » (p. 48) ; « petit maître ès-ignorance » (p. 51) ; « n’eut-il été pas plus correcte pour le lecteur » (p. 52) ; « faux-monneyeur » (p. 52) ; « n’étant pas moi-même "sinologue" on pourrait me prier de… » (p. 128) : on voit que Vivien Hoch sait reconnaître ses pairs d’instinct ! Qui se ressemble s’assemble…)
Je n’ai pas le cœur de commenter par le menu les morsures que le roquet tente d’infliger au lion. Celui-ci lui a répondu une fois pour toutes par ce coup de griffe magistral, adressé chez Pivot à Mme Macciocchi, mais qui entaille tous les maoïstes occidentaux : « Ce qu'on peut en dire de plus charitable, c'est que c'est d'une stupidité totale, parce que si on ne l'accusait pas d'être stupide, il faudrait dire que c'est une escroquerie ». Je me contente donc de scanner les textes concernés pour les proposer à l’édification de mes lecteurs, en bas de cet article[8]. Je crois que devant ces aboiements ineptes, qui ne font qu’étaler une cécité phénoménale, chacun aura envie de lui crier comme moi : « à la niche, Hamiche ! » Malheureusement le cabot a repris de l’activité sur la Toile, dans le camp d’en face, et il recommence à japper…
La phrase la plus drôlatique de l’introduction hamichienne, datée de mars 1976, c’est celle-ci : « Quand d’ailleurs je parle de "dénouement", il ne s’agit à proprement parler que d’un dénouement provisoire, car, depuis la révolution culturelle, d’autres luttes de lignes se sont développées. Et il en sera encore ainsi à l’avenir » (p. 20). Il ne croyait pas si bien dire ! S’était-il d’ailleurs rendu compte que c’est Mao lui-même qui, à partir de 1972 (après l’élimination de Lin Piao), a commencé à rappeler les cadres éliminés par cette Révolution culturelle dont D. Hamiche se fait l’imbécile thuriféraire ? A-t-il seulement saisi qu’au moment où il écrit, l’homme fort du pays n’est autre que Teng Hsiao-ping, l’ancien bras droit de Liou Chao-chi [9] ?! Revenu aux affaires début 1973, il va progressivement jouer un rôle prépondérant, à la faveur du cancer du Premier ministre Chou En-lai qui, de plus en plus affaibli, lui délègue ses responsabilités (il meurt le 8 janvier 1976) ; quant à Mao, sa sclérose latérale amyotrophique en avait fait une momie vivante, qui a passé les ultimes années de sa vie couchée dans son lit, baragouinant des bouts de phrases de plus en plus inintelligibles [10]. L’ironie de l’Histoire étant impitoyable avec les dévots, c’est le 5 avril 1976, quelques jours après que D. Hamiche eut terminé son introduction, que se produisit un évènement inouï : les masses populaires manifestèrent place Tian’anmen contre le pouvoir maoïste, 100 000 personnes selon les autorités, bien plus en réalité ! (voir Leys p. 431). Ces manifestations entraînèrent d’ailleurs la deuxième chute de Teng. Le dieu vivant, quant à lui, meurt (tous les dieux finissent par mourir) en septembre 1976. Peu à peu, les vaincus de la Révolution culturelle vont revenir sur le devant de la scène, et ceux qui sont morts seront réhabilités de manière posthume, en rafales successives. Parmi les plus notoires, c’est d’abord Teng Hsiao-Ping qui est réhabilité en juillet 77, ce qui va lui permettre de se hisser une troisième fois au sommet du pouvoir, étonnant destin ; puis, en 1978, Tcheou Yang (la bête noire de D. Hamiche) et Peng Dehuai (le populaire Maréchal qui en 59 lança la charge contre Mao suite à l’échec du Grand Bond en avant, aussitôt remplacé par Lin Piao comme Ministre de la Défense (voir Leys p. 22-23) ; incarcéré à partir de fin 1966, il fut torturé et exhibé en public avant de mourir de mauvais traitements et d’absence de soins en 1974) ; puis en 1979 Peng Zhen ; puis en 1980 Liou Chao-chi (le capitulard, le révisionniste, le salaud par excellence, mort en 1969) ; et enfin, en 2007, last but not least, Lin Piao (mort en 1971). En revanche, les principaux instigateurs de ce « grandiose et unique mouvement » (p. 19), de cette « formidable tempête » (t. II p. 357) que fut la Révolution Culturelle : Jiang Qing (la femme de Mao), ses trois complices de la « bande des quatre » et Chen Boda, ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Et la Chine se vautre maintenant dans les délices du capitalisme effréné, ce qui lui permet de connaître une formidable croissance, terriblement retardée par la bêtise criminelle de Mao. S’il doit y avoir encore un « dénouement » à venir, on n’imagine pas que ce puisse être autre chose que la chute définitive du P.C.C. Ainsi passent les idéologies…
Peut-être, je n’en sais rien, est-ce justement ce « dénouement » des années 1976-78 qui a déclenché en D. Hamiche une terrible crise de foi, lui faisant totalement renier le maoïsme pour adorer un autre dieu, un dieu plus sûr, plus intangible, moins soumis au révisionnisme. Être simplement chrétien était périlleux : on a bien vu avec Vatican II combien c’était s’exposer à des révisions déchirantes. Mais opter pour le catholicisme traditionaliste est un meilleur placement dogmatique : une idéologie figée une fois pour toutes, qui se croit par nature à l’écart de l’histoire, ne risque pas de se transformer. Quant au royalisme légitimiste, c’est aussi une assurance en or massif pour les esprits qui veulent par-dessus tout rester figés dans leurs certitudes : comme les chances que le descendant de Philippe V d’Espagne monte un jour sur le trône de France pour y rétablir l’Ancien Régime sont à peu près d’une sur un million, il n’y a quasi aucun risque que cette foi soit un jour confrontée à la dure épreuve du réel. Les légitimistes pourront entretenir encore leur nostalgie éthérée pendant des siècles de siècles, à attendre le retour du Grand Monarque comme quelques Allemands, peut-être, attendent le réveil de Frédéric Barberousse, endormi dans une caverne du Kyffhäuser. C’est beau, l’espérance messianique : comme elle ne se réalise jamais, elle n’est jamais déçue.
En somme, on l’aura compris, cette introduction à Lou Sin ne nous dit à peu près rien sur Lou Sin, mais beaucoup sur la récupération de Lou Sin par Mao, et beaucoup plus encore sur la dévotion maoïste de Daniel Hamiche.
Celui-ci annonçait pages 20 et 48 qu’il travaillait à un ouvrage sur la littérature et la révolution en Chine de 1949 à 1966, qui n’a jamais vu le jour. L’apostasie est venue trop tôt : dommage, on aurait pu se payer d’autres belles tranches de rigolade.
Mais cette préface à Lou Sin n’est pas la seule production de Daniel Hamiche dans sa jeunesse d’extrême-gauche. Il a aussi édité un texte de Jean-Paul Marat : Plan de législation criminelle, Aubier, 1974. Oui, Marat ! L’un des plus extrémistes des révolutionnaires… Et de fait, ce texte de l’Ami du peuple propose la mise en place d’une législation qui limite sévèrement le pouvoir du prince, allant jusqu’à justifier le tyrannicide ! Je regrette de ne pas posséder ce livre, car je suppose que l’introduction et la postface hamichiennes doivent abonder en allusions contemporaines désopilantes.
Je ne possède pas encore non plus son premier livre : Le Théâtre et la Révolution (La lutte de classes au théâtre en 1789 et en 1793), 10/18, 1973. Comme le précédent, j’ai bien envie de le dénicher, car il promet des crises d’hilarité. Il est consacré à deux pièces férocement anticléricales et antiroyalistes : Charles IX ou l’école des rois de Marie-Joseph Chénier, et Le Jugement dernier des rois de Sylvain Maréchal. Ce dernier était un militant de l’athéisme et de l’égalitarisme, lié à Gracchus Babeuf. On mesure à quel point la palinodie de Daniel Hamiche a été radicale ! Grâce à Googlebooks, nous pouvons voir que ce livre contient quatre mentions de Mao Tsé-toung, dont au moins trois correspondent à des citations. C’est vrai que le génial auteur de Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte (1949) doit fournir un appoint théorique indispensable pour analyser justement M.-J. Chénier et S. Maréchal à la lumière du marxisme-léninisme… Dans sa préface à Lou Sin, D. Hamiche fait d’ailleurs au milieu d’une note une brève référence à son premier livre, pour se vanter d’y avoir été un bon petit militant maoïste : « Pour ce qui est de l’histoire de la littérature, notamment des périodes où se développe la lutte des classes dans la littérature, j’ai déjà débusqué des réactionnaires notoires bien qu’ils se camouflent derrière les respectables couvertures des Éditions Gallimard ou des Éditions Sociales » (p. 128)[11]. Ma parole, un vrai Garde rouge ! S’il en avait eu le pouvoir, il eût sans doute désigné ces ennemis de la Révolution à la vindicte du peuple, pour qu’ils fussent battus à mort en place publique... Et aujourd’hui, qu’aimerait-il faire de tous ces impies qu’il « débusque » chaque jour sur son site L’Observatoire de la christianophobie, quelle peine aimerait-il leur voir infliger par le tribunal de la très sainte Inquisition ? C’est fascinant comme la même attitude de traqueur-dénonciateur est employée successivement au service de deux causes absolument opposées.
Concernant le Daniel Hamiche seconde version, justement, je n’ai ni l’envie ni le temps de me lancer dans une enquête critique sur son compte. Ma réfutation argumentée de l'article sur Noël qu'il a aveuglément copié-collé y suppléera. Comme il se répand largement sur l’internet, tout un chacun peut aller y regarder par lui-même, en interrogeant Google ou en se rendant sur Riposte catholique et sur Christianophobie. Qu’il suffise de signaler qu’il fut le secrétaire particulier du duc d’Anjou (idole plus accessible que Mao, en effet, et qui assuma son rôle de Roi de France (virtuel) jusqu’à mourir lui aussi décapité), et qu'il a dirigé un bimestriel appelé Légitimiste, qui s'adornait de ce sous-titre flamboyant : « Sub Christi Regis vexillis militare gloriamur », autrement dit : « nous nous glorifions de militer sous les étendards du Christ Roi ».
Daniel Hamiche est un tout petit personnage. Il ne figure même pas dans l’index du livre de Christophe Bourseiller : Les Maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Plon, 1996, ni dans celui de Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération, Tome 1 : les années de rêve ; tome 2 : les années de poudre, Seuil, 1987 et 1988 : c’est dire sa faible importance dans le maoïsme français.
Pour autant, son cas est peut-être un des plus fascinants de cette étrange galaxie, à côté du pathétique Robert Linhart, car sa palinodie est l’une des plus radicales. Il n’est cependant pas le seul à avoir basculé dans la foi. On songe bien sûr à Benny Lévy, le chef de la Gauche prolétarienne, qui se convertit au judaïsme et consacra toute la seconde partie de sa vie aux études talmudiques. L’ancien secrétaire de Sartre ne mangeait plus que cascher ! Christian Jambet et Guy Lardreau ont signé l’acte de décès du maoïsme français dans L’Ange (Grasset, 1975), ouvrage abscons qui établit une analogie entre les mythes de la Révolution culturelle (la « pensée Lin Piao ») et la révolution intellectuelle opérée par les premiers chrétiens. Ensuite, Jambet apprendra l’arabe et le persan pour se mettre à l’étude de la théologie musulmane, et plus spécifiquement celle du chiisme iranien. Lardreau, lui, se tourne vers le christianisme syriaque et consacre un essai à Philoxène de Mabboug. Peu avant sa mort en 2008, il préparait une étude sur la tradition catholique contre-révolutionnaire en général et sur Joseph de Maistre en particulier. Mais il s’agissait moins d’une métamorphose que d’un retour aux sources, car il avait, dans son adolescence, une admiration pour Maurras et une révérence pour Louis XVI.
Cette évolution religieuse des « maos » français n’est pas si surprenante qu’il paraît au premier abord, dès lors qu’on se souvient que leur engagement maoïste avait d’emblée une dimension religieuse manifeste. Ce constat est si évident qu’il en est devenu un cliché. Voyez par exemple le situationniste Max Vincent : « Se souvient-on de la façon dont les livres de Simon Leys étaient reçus dans les milieux maoïstes ou assimilés ? Il y aurait de quoi confectionner un impressionnant bêtisier. Les arguments de Leys (et d’autres) glissaient comme la pluie sur les plumes du canard maoïste. Nos prochinois croyaient en un dieu : Mao ; en ses apôtres : les gardes rouges ; en un évangile : le petit livre rouge ; le peuple, dans l’histoire, jouait le rôle du Saint-Esprit dès lors que la pensée de Mao irriguait leur système sanguin et nerveux ».
La religiosité du maoïsme français est aussi le thème central de l’enquête de Jean Birnbaum : Les Maoccidents. Un néoconservatisme à la française, Stock, 2009, court essai (130 petites pages) intéressant et frustrant[12], dont je parlerai peut-être un jour de façon plus développée. L’essentiel est dit dès la page 31 : « les maoïstes français ont embrassé une espérance radicale, vécue avec l’ardeur des croyants ». Ils voulaient casser en deux l’histoire du monde, changer l’homme. G. Lardreau le redit p. 88 : «Le rêve que nous poursuivions était celui d’une transformation radicale de l’homme ». Aspirer aujourd’hui au retour du Trône et de l’Autel, n’est-ce pas aussi une façon de vouloir non pas même changer l’humanité, mais carrément changer d’humanité ?
Je retiens aussi une idée avancée par Simon Leys dans son intervention à Apostrophes susmentionnée, qu’il a repérée dans le De la Chine de M.-A. Macciocchi (Seuil, 1971) : le peuple chinois, sous Mao, serait un peuple sans péché. Peut-être est-ce là une piste à explorer : le royalisme légitimiste ne serait-il pas une aspiration à effacer la tache de la Révolution et du meurtre de Louis XVI, de façon à revenir au peuple innocent de l’Ancien Régime ?
Le cas de Daniel Hamiche est intéressant car fort différent des cas fameux auxquels s’est intéressé J. Birnbaum : ceux-ci se sont totalement retirés de toute forme de militantisme. Ils n’ont pas seulement changé d’idées, ils ont aussi changé de vie. Or D. Hamiche, d’après le très peu que j’en entrevois, est resté le même : un militant de la plume. Pas de métamorphose de l’être, juste un retournement des convictions. Non pas un soldat qui se fait moine, mais un soldat qui reste soldat… et passe dans l’armée d’en face. Passionnante énigme. En outre, comme le souligne Birnbaum, les maoïstes de la G.P. sont restés étroitement hexagonaux : leur but n’était pas d’étudier la Révolution culturelle, mais de la transposer en France. Hamiche, lui, s’est voulu historien de la Chine. J’ignore tout à fait s’il a joué les activistes dans un groupuscule, mais le fait est qu’il s’est lancé, aux côtés de Michelle Loi, dans l’étude des intellectuels communistes chinois, voire dans l’exégèse des écrits de Mao. Autre différence avec les célébrités qui obnubilent Birnbaum.
Plutôt que de perdre son temps dans une vaine propagande bondieusarde sur la Toile, Daniel Hamiche ferait mieux de consacrer la dernière partie de sa vie à une introspection sans concession, en prenant exemple sur le Louis Althusser de L’Avenir dure longtemps (Stock, 1992). Cette génération des soixante-huitards approche maintenant des 65 ans, et elle ne nous a pas encore offert beaucoup d’autobiographies[13]. Il faut que D. Hamiche nous dise quel a été son chemin de Damas, comment il a fait non seulement pour renier le maoïsme mais aussi pour confesser le catho-royalisme, quel regard il porte aujourd’hui sur son passé, ce que lui inspirent ses textes maoïstes, ce qu’il pense maintenant de Simon Leys, de Lou Sin et de Mao, si le sentiment de la continuité l’emporte sur celui de la rupture, etc. Qu’il fasse son autocritique, comme Liou Chao-chi ! On se frotte les yeux quand on relève qu’un de ses amis voit en lui un « côté anarchiste de droite » ! L’anar de droite est un frondeur, rebelle à toutes les chapelles, certainement pas un dévot ou un militant. Le pasteur Blanchard ne sait-il pas de quoi il parle, ou l’amitié l’aveugle-t-il, ou alors Monsieur Hamiche serait-il plus complexe qu’il en donne l’impression ? D'où l'intérêt qu’il s’explique sur son passé et son présent. Un tel essai d’ « ego-histoire » serait très instructif pour tout le monde ; ce pourrait être un document d’une valeur insigne, sur les plans historique, idéologique, intellectuel et humain. Il serait mille fois plus utile que ces petits articles militants, stupides et ignorants qu’il copie-colle pour complaire à ses coreligionnaires, comme celui sur Noël que je m’en vais maintenant réduire à néant.
[1] À vrai dire, la chose n’est pas claire. La page de titre porte : « Introduits et annotés par Daniel Hamiche. Traduits de l’anglais par Liliane Princet ». Mais juste avant que la parole soit donnée à Lou Sin figure un « avertissement », p. 143-146, qui commence ainsi : « Les quatre-vingt-quatorze textes de Lou Sin que nous proposons au lecteur dans ces deux volumes d’Essais choisis, ont été, pour la plupart, traduits par nos soins à partir des quatre volumes des Selected Works of Lu Hsun (en anglais), Foreign Languages Press, Peking, 1957 ». Or cet avertissement est signé « D. H. » !
[2] « Liu qui était gravement malade fut abandonné par ses geôliers, gisant dans ses propres excréments, tout nu sur le ciment glacé de son cachot, jusqu’à ce que mort s’ensuive… Quant à Deng, s’il est vrai qu’il fut traité avec un peu moins de sauvagerie, il a lui-même avoué dans une interviou qu’il avait vécu toutes ces années dans la crainte quotidienne d’être assassiné » (S. Leys, Essais sur la Chine, p. 710).
[3] Lucidité très restreinte, néanmoins : « Aujourd’hui encore, Lou Sin est associé étroitement au mouvement Pi Lin–Pi Kong (critique de Lin Piao et de Confucius) » (p. 45) : D. Hamiche ne semble pas avoir perçu que ce mouvement lancé par Jiang Qing, la femme de Mao, n’avait pour but que de déboulonner l’inamovible Premier ministre Chou En-lai… (Simon Leys avait pourtant déjà tout expliqué dans un article paru en 1975, repris dans Images brisées. Voir Essais sur la Chine, p. 515-523. Mais il n’est pire sourd…). Quelques lignes avant, il a mentionné « l’échec du complot de Lin Piao » (p. 44), en oubliant de mentionner que Lin Piao avait apporté un soutien décisif à Mao dans la Révolution culturelle et l’élimination de Liou Chao-chi. Pourquoi donc ce complot ? Après avoir été le fer de lance de la ligne maoïste, Lin Piao serait-il brusquement passé à la ligne révisionniste, alors même que celle-ci avait été décapitée par ses soins ?? La grille de lecture de D. Hamiche n’a rien à proposer pour expliquer ce trouble épisode… (En fait, il semble que ce soit Mao qui ait fait assassiner, en Chine, Lin Piao, parce qu’il prenait ombrage de l’influence grandissante de celui-ci. Coup classique du vieux potentat qui se sent poussé dans la tombe par la popularité de son dauphin... Voir Yao Ming-le, Enquête sur la mort de Lin Biao, R. Laffont, 1983. La préface de Simon Leys est reprise dans Essais sur la Chine, p. 563-570).
[4] Dans un autre texte à la fin du tome II, on trouve aussi : « Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour constater que l’idéologie de Lou Ting-yi flotte au-dessus des classes et se nourrit du goulash révisionniste khrouchtchévien » (p. 356) et : « C’est l’enthousiasme révolutionnaire, la grande réhabilitation de masse de Lou Sin, la formidable tempête révolutionnaire déclenchée par Mao Tsé-toung contre le révisionnisme rejoint dans une apothéose historique le combat engagé par Lou Sin, trente ans auparavant, contre la ligne de droite des révisionnistes de Changhaï » (p. 357-358). La première citation est d’une ingénuité merveilleuse : dénoncer le révisionnisme khrouchtchévien, c’est très clairement proclamer son attachement au stalinisme ! (Ce qui n’empêche pas D. Hamiche de dénoncer (tome I p. 47) « le régime fachiste de l’U.R.S.S. aujourd’hui »). De fait, les Chinois ne pardonnèrent jamais à Khrouchtchev d’avoir remis en cause le stalinisme, et c’est la cause première de la rupture entre les deux géants communistes. Laquelle rupture, comme le fait remarquer S. Leys p. 25, fut consommée tandis que Liou, le prétendu révisionniste, était aux manettes.
[5] Pas de contresens : tout ce qui précède prouve que D. Hamiche approuve absolument cette récupération (pardon : cet hommage au rôle de précurseur) de Lou Sin par la Révolution culturelle. C’est même le fil directeur de son édition, voire l’idée fixe de son appareil (non) critique. Il ajoute cependant, entrevoyant vaguement un petit problème : « Il faut, bien sûr, les lire en s’efforçant de les replacer dans le contexte de la révolution culturelle. Mais il faut également les envisager en fonction de tout ce que nous avons appris depuis dix ans. Pour ce qui est de Tchen Po-ta [= Chen Boda, auteur du dernier texte], pour ne prendre que cet exemple, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler qu’il était aux côtés de Tcheou Yang en 1936… » (t. II p. 358). Ouh là là, mais ça va loin, ça ! Faudrait-il en conclure que la Révolution culturelle elle-même ne serait qu’un perfide complot révisionniste ?? Plaisanterie à part, je ne comprends rien à cette fin allusive. En insinuant que les intentions du dernier orateur n’étaient pas pures, D. Hamiche se rend-il compte qu’il jette aussi le discrédit sur les six autres textes ? Tout ce qu’il a dit jusqu’alors nous répétait que Lou Sin, Mao et la Révo-Cul étaient les ennemis jurés du révisionnisme, et voilà qu’il flanque tout par terre dans les dernières pages, en reconnaissant implicitement qu’on pouvait avoir un pied dans chaque camp ?!! Mystères de la dialectique…
[6] Par exemple : « Le marxisme a acquis une fort mauvaise réputation en Chine – ce qui est assez compréhensible, mais peut-être un peu injuste : après tout, on n’en a encore jamais vraiment fait l’essai » (p. 796), ou la notule sur Barthes (p. 543). Loin de moi cependant la sottise de me faire le dévot de Simon Leys comme un Daniel Hamiche se fait le dévot de Mao. À vrai dire, ses goûts littéraires sont souvent éloignés des miens, et ses idées de base encore plus des miennes, ce qui ne m’empêche pas de savourer sa prose et son esprit. En outre, sa langue n’est pas irréprochable. Enfin je suis assez sceptique quant à son jugement global sur le pouvoir chinois depuis 35 ans, en quoi il semble ne voir qu’une bande de « momies sanguinaires et terrifiées », uniquement soucieuses de s’accrocher à leurs privilèges en maintenant un régime condamné depuis longtemps par sa totale incompétence, et que les aspirations démocratiques du peuple chinois balayeront un jour comme un château de cartes dont il ne restera rien. L’avenir lui donnera peut-être raison, même si je doute qu’on puisse tenir pour rien la formidable croissance économique que le P.C.C. a suscitée depuis le début des années 80. Leys s’est déjà trompé en affirmant que les vieilles badernes stalino-maoïstes étaient incapables de rétablir le capitalisme (p. 777), et il semble bien que, contrairement à Gorbatchev, Teng ait réussi à libérer l’économie sans lâcher l’emprise politique du Parti, sortant de la contradiction dans laquelle l’a enfermé S. Leys (p. 667).
[7] Son érudition n’est pas infaillible, néanmoins. Page 653, il écrit : « Le premier ambassadeur d’Australie en Chine populaire, développant ce thème [la Chine toujours gouvernée par des régimes politiques], eut une image inoubliable : il décrivit le régime de Pékin comme "un despotisme tempéré par le marxisme-léninisme" – ce qui rappelle irrésistiblement le propos fameux qui définissait l’Empire byzantin comme "un despotisme tempéré par l’assassinat" ». D’abord, le propos fameux ne définit pas l’empire byzantin, mais l’empire russe des tsars. Il est dû à Astolphe de Custine : « Le gouvernement russe est une monarchie absolue, tempérée par l'assassinat » (La Russie en 1839, lettre dixième, rééd. Solin, 1990, p. 184). Ensuite, j’ai l’impression que Leys fait un contresens, ou alors qu’il détourne sciemment le propos fameux qu’il cite, mais en trompant son lecteur. En effet, je crois comprendre que dans son esprit, le marxisme-léninisme est encore pire que le despotisme ordinaire, de telle sorte que l’ambassadeur a lâché à son insu une belle sottise, comme s’il avait dit : « la sclérose en plaques est une maladie pénible, heureusement atténuée par la paralysie qu’elle entraîne ». Or ce n’est pas du tout le sens de la phrase de Custine, qui ne met pas ici en cause les tueries ordonnées par les tsars, mais bien l’assassinat des tsars trop tyranniques, « entracte terrible » à leur culte, qui les fait trembler. Sa phrase est à prendre au premier degré : l’assassinat est bien un garde-fou, une façon de tempérer le caractère trop absolu de la monarchie russe. Mais Leys ne peut, comme l’ambassadeur, voir dans le marxisme-léninisme un correctif au despotisme : il prend la phrase comme une ironie involontaire. Donc le rapprochement avec Custine ne colle pas.
[8] Allez, juste une poire pour la soif. « Ryckmans […] ne cesse, à longueur de page, d’ordonner aux amis de la Chine de lire Mao Tsé-toung (dans l’espoir vicieux de les mettre en contradiction, – vicieux et illusoire, va sans dire…) » (p. 51). Ah bon ? Pas possible de pointer des contradictions en lisant Mao ? Eh, pas la peine de se plonger dans les cinq gros volumes d’Œuvres choisies, il suffit de lire Le Petit livre rouge ! (Citations du président Mao Tsé-toung, Seuil, coll. Points-politique n°7, 1967). Ce que j’ai fait, moi, jadis (mon côté maso…). Page 18 on y lit : « En fin de compte, le régime socialiste se substituera au régime capitaliste ; c’est une loi, objective, indépendante de la volonté humaine. Quels que soient les efforts des réactionnaires pour freiner la roue de l’histoire dans son mouvement en avant, la révolution éclatera tôt ou tard et sera nécessairement victorieuse ». Cette profession de foi en l’inéluctable victoire du Bien sur le Mal est tout à fait attendue. Mais juste avant, page 16, on lisait : « Il faudra encore un temps assez long pour décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme dans notre pays », et page 17 : « Sur le plan idéologique, la question de savoir qui l’emportera, le prolétariat ou la bourgeoisie, n’est pas encore vraiment résolue ». Étrange, non ? La première citation du 6 novembre 1957, les deux suivantes du 27 février et du 12 mars de la même année. Qu’est-ce qui a bien pu susciter cette étonnante crise de doute début 1957 ?! C’est que la dialectique maoïste est un art subtilissime, auquel les profanes ne comprennent pas grand-chose. Comme la stratégie maoïste ! Ainsi, page 46 : « Toute pensée qui tend à relâcher la volonté de combat et à sous-estimer l’ennemi est erronée » (5 mars 1949) ; mais page 54 : « tout point de vue qui surestime la force de l’ennemi et sous-estime la force du peuple est faux » (25 décembre 1947). L’ennemi ne doit être ni sous-estimé ni surestimé : tenez-vous sur cette corde raide. De toute façon, D. Hamiche nous avait prévenus qu’il ne suffit pas de lire Mao pour le comprendre : « Ryckmans est sans doute tout à fait capable de lire Mao Tsé-toung dans le texte (ce qui m’est impossible), mais, hélas, il est incapable de le comprendre, "misère de la sinologie"… » (p. 51). Misère de la sinologie, et beauté de la foi éclairée par le Parti… Encore un point commun avec le catholicisme !: la médiation de l’Église est indispensable pour que le fidèle puisse bien interpréter la Bible…
[9] On pourrait me dire qu’il est un peu facile, plus de trente-cinq ans après, de faire la leçon à quelqu’un qui, à l’époque, ne pouvait évidemment pas connaître toute la documentation qui est sortie depuis. À quoi je réponds que personne n’obligeait Daniel Hamiche à poser au spécialiste de la Chine populaire, et que Simon Leys prouve qu’il était parfaitement possible de comprendre ce qui s’y passait : il suffisait d’être honnête. L’introducteur de Lou Sin n’ignore pas les livres de Leys, mais il les rejette. Ainsi D. Hamiche n’est pas seulement un prétentieux qui ferait mieux de se taire parce qu’il ne sait pas de quoi il parle : c’est avant tout un croyant qui ne voit que ce qui concorde avec sa foi. – Une bonne partie de l’œuvre de J.-F. Revel tourne autour de ce vertigineux paradoxe : si les régimes totalitaires se sont acquis tant de complaisance et de sympathie dans les pays démocratiques, ce n’est pas par défaut d’information, c’est par refus d’information. Non pas par ignorance, mais par aveuglement volontaire.
[10] Lire à ce sujet le témoignage de son médecin personnel, le Dr Li Zhisui : La Vie privée du président Mao, Plon, 1994, un livre absolument stupéfiant, un des plus hallucinants qu’on puisse lire sur les coulisses d’une dictature : six cents-pages dont la plupart dépasse les plus folles de Suétone. Rarement l’adjectif « ubuesque », si galvaudé par les médias, n’aura pu être appliqué avec autant de pertinence que pour Mao vu par Li. Un seul exemple, qui montre l’ambiance à la cour de Mao-Ubu : en février 1972, Mao a une syncope. Le chef de sa sécurité prévient Chou En-lai, « qui assistait à une réunion au Palais de l’Assemblée du peuple. Sous le choc, Chou avait perdu le contrôle de sa vessie et de ses intestins, et avait souillé son pantalon. Il avait dû se laver et se changer, avant de se précipiter à la piscine. À son arrivée, Mao avait déjà repris connaissance » (p. 568). Qui eût cru que le distingué Chou, ce Talleyrand de la Chine populaire, pouvait patauger dans sa merdre en pleine réunion officielle ! — Concernant la Révolution culturelle, il est à peine utile de signaler que le Dr Li a sur elle le même jugement que Simon Leys : « Les luttes d’influence au niveau le plus élevé du pouvoir communiste chinois étaient compliquées et embrouillées. Depuis le mouvement "anti-droitiste" de 1957 jusqu’à la Révolution culturelle de 1966, en passant par la campagne dite de "critique du groupe Peng Dehuai anti-parti" de 1959, la plupart des bouleversements politiques ont eu, en apparence, des sources assez variées. Ils n’avaient, en réalité, qu’une seule cause fondamentale : Mao voulait conserver le pouvoir absolu » (p. 30). Le Dr Li souligne aussi que Liou et Teng, hostiles au culte de la personnalité, avaient une conception collective du pouvoir, alors que Mao, héritier de la tradition impériale, se voulait un pur autocrate (p. 213).
[11] Le premier est Marvin Carlson, Américain qui, dans Le Théâtre de la Révolution française (Gallimard, 1970), a eu le tort de « prêter à Marat de soi-disant [sic] "accusations aveugles" ce qui est tout bonnement risible quand on sait, que au contraire, Marat a montré à maintes reprises la preuve de ses intuitions politiques prophétiques » (note p. 189-190). Googlebooks ne m’a pas permis d’identifier le second réactionnaire déguisé en communiste mais démasqué par l'extra-lucide Hamiche (les Éditions sociales étaient une vitrine du P.C.F.). On aura noté l’absurdité de la phrase : comment peut-on être un réactionnaire notoire si on est camouflé ?
[12] Voici deux compte-rendus qui en donneront une idée : celui de Pierre Assouline et celui du site Les Influences.
[13] Je peux signaler À ma fille, du sartrien Michel-Antoine Burnier (R. Laffont, 1993), un livre qui m’a paru remarquable malgré son titre débile. Mais Burnier n’est pas tout à fait de la même génération, il est né en 1942. Ce n’est pas la même chose que d’avoir eu 20 ans au moment de l’indépendance de l’Algérie et 20 ans en mai 68.
04:02 Écrit par Le déclinologue | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : daniel hamiche, vivien hoch, chine, mao tsé-toung, france, maoïstes, révolution culturelle, simon leys, michelle loi, andré glucksmann, lou sin, lu xun, liu shao-qi, zhou enlai, zhou yang, maoïsme, jean-françois revel, bernard pivot, révisionnisme, habits neufs du président mao, essais sur la chine, essais choisis, royalisme légitimiste, catholicisme traditionaliste, palinodie, jean birnbaum, guy lardreau, benny lévy, agenouillisme, dévots, gracchus babeuf, max vincent, christian jambet, lin biao, marxisme, custine, li zhisui, marvin carlson, michel-antoine burnier, maria-antonietta macciocchi, apostrophes, deng xiao ping, grand monarque, marat, marie-joseph chénier, sylvain maréchal | | | Facebook | | Imprimer | | Digg |
Commentaires
Bien envoyé... Mais comment se fait-il que l'article sur Noël que vous annoncez à la fin n'apparaisse nulle part sur votre "blogue" ?
Écrit par : gloubi | 25.02.2013
Merci. Il est rédigé aux neuf dixièmes, mais je ne l'ai pas encore publié, car il me reste quelques petits points mineurs à vérifier et compléter. Vous aurez votre dose d'argumentation et d'érudition. A bientôt.
Écrit par : Le déclinologue | 28.02.2013
Argumentaire critique et bien établi sur l'homme. J'aimerais néanmoins faire part du sentiment que m'inspire votre/vos article(s) en général.
Vous semblez atteint, dans vos argumentations quelques peu excessives, d'un profond irrespect des traditions religieuses monothéistes. Vous semblez être bien certain de la vérité profonde dans laquelle vous vous trouvez. Vous prenez donc le rôle du prophète zélé pour dénigrer toutes croyances, dans le but, me semble-t-il de les rendre illégitimes aux yeux de vos lecteurs. Sachez qu'un catholique ne se trompe pas plus qu'un laïciste républicain, qu'un Maoïste, qu'un Royaliste ou encore qu'un nihiliste anarchiste.
Vous, "le déclinologue", vous trompez bien plus que ceux que vous pourchassez dans vos "essais". Il serait bon que vos articles unilatéraux soient ponctués de réserves et de documentations bi-latérales. Par la démarche que vous avez entrepris, vous vous abaissez aux même contradictions logiques et discursives que ce cher D. Hamiche. Si vous voulez montrer au monde vos idées, faites le au moins de bonne fois.
La sagesse n'est plus de ce monde, vous en êtes le premier exemple.
Écrit par : Fidei | 07.04.2014
Merci pour votre lecture et votre commentaire. Hélas, celui-ci est assez misérable.
Je valide votre diagnostic : oui, je suis « atteint » d'un « profond irrespect des traditions religieuses monothéistes ». Et j'espère bien que je n'en guérirai jamais !
"Vous semblez être bien certain de la vérité profonde dans laquelle vous vous trouvez." => Oh non, détrompez-vous, pas plus que n'importe qui ayant quelques opinions. J'ai même un côté sceptique très prononcé. En tout cas, j'en suis beaucoup, beaucoup moins convaincu que tous les croyants qui sont nantis d'une « foi » qui leur donne des certitudes absurdes, souvent sans rapport avec la réalité, voire résolument incompatibles avec les données de l'expérience rationnelle.
"Vous prenez donc le rôle du prophète zélé" => Absolument pas. Le terme de « prophète » est particulièrement mal choisi. Il ne correspond pas du tout à ma position, ni dans son premier sens ni dans son second sens. Ouvrez un dictionnaire.
"pour dénigrer toutes croyances, dans le but, me semble-t-il de les rendre illégitimes aux yeux de vos lecteurs" => Oui, cela je peux le valider. C'est le sain exercice de l'esprit critique, qu'ont pratiqué avant moi tant de grands penseurs depuis Socrate.
"Sachez qu'un catholique ne se trompe pas plus qu'un laïciste républicain, qu'un Maoïste, qu'un Royaliste ou encore qu'un nihiliste anarchiste." => Amusante, cette phrase. Je présume que vous voulez défendre la légitimité de la foi catholique. Mais votre expression est maladroite, car vous aboutissez à une sorte de relativisme universel : vous semblez dire que toutes les idéologies se valent, en suggérant qu'elles sont égales dans l'erreur. Vous auriez dû assumer plus franchement votre foi, en osant dire carrément que les doctrines matérialistes sont fausses, et le catholicisme la seule vraie vérité. On est croyant ou on ne l'est pas. Quand on est éclairé par Dieu, on ne compose pas avec l'erreur. Ou alors, si on doute, c'est qu'on tient le catholicisme pour une élaboration humaine parmi d'autres.
- Cependant, je suis désolé de m'enfoncer dans mon sectarisme, mais je pense bel et bien, contrairement à vous, que le catholique se trompe bien plus que le partisan de telle ou telle doctrine politique : en effet, celui-ci dresse une hiérarchie de valeurs qui lui est propre, et tente de fonder sur elles une doctrine plus ou moins cohérente. Au moins ne fait-il pas tout découler d'un mythe ! Alors que le catholique s'enivre d'une pseudo "révélation" qui ne peut s'appuyer sur aucune preuve convaincante, et met en avant des monstruosités conceptuelles comme "Dieu unique mais trinitaire", "incarnation de Dieu en Yéchoua bar-Yossef", "eucharistie", "résurrection", "parousie", "communion des saints", etc. Tout cela n'a ni rime ni raison. La vie historique de Yéchoua bar-Yossef est des plus obscures, et sa prédication, pour autant qu'on puisse la cerner, s'oppose presque totalement à celle de l’Église : songez qu'il rejetait le culte de sa mère (que rien ne désigne comme vierge), qu'il proscrivait l'emploi du titre de "père" pour désigner les religieux, qu'il recommandait de rompre avec sa famille, d'abandonner toute fonction sociale, de se défaire de tous ses biens matériels, de ne pas se marier... Et en plus, il croyait en l'imminence de la fin du monde ! Non, vraiment, un catholique est quelqu'un qui se trompe de A à Z. « Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions. La nôtre est sans contredit la plus ridicule, la plus absurde, et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde. » (Voltaire, Lettre à Frédéric II, 5 janvier 1767).
"Vous vous trompez bien plus que ceux que vous pourchassez" => Ah oui, en quoi ? Indiquez-moi mes erreurs, je vous en prie !
"Il serait bon que vos articles unilatéraux soient ponctués de réserves" => Eh bien, par exemple, lesquelles ?
"et de documentations bi-latérales" => Montrez-moi mes ignorances, mes erreurs de fait, les points sur lesquels des données établies rendent impossibles mes assertions.
"vous vous abaissez aux même contradictions logiques et discursives que ce cher D. Hamiche" => Lesquelles, s'il vous plaît ?
"Si vous voulez montrer au monde vos idées, faites le au moins de bonne fois" => Prouvez-moi que je suis de mauvaise foi. Arrêtez vos généralités stériles, et argumentez de façon précise.
"La sagesse n'est plus de ce monde, vous en êtes le premier exemple." => J'en suis tout au plus le deuxième, car sans vous flatter, vous êtes bien supérieur à moi sous l'angle de la non-sagesse. Votre commentaire réussit la prouesse d'être à la fois long et vide. Tout peut s'y ramener à 8 mots : 'Je ne suis pas d'accord avec vous'. Arguments, zéro ; exemples, zéro ; réfutations, zéro (mais fautes de langue : 4). Vous vous contentez d'affirmer que je me trompe globalement, sans daigner montrer une seule de mes erreurs. Les catholiques sont décidément de bien piètres débatteurs. Pas étonnant que leur religion s'effondre.
Écrit par : Le déclinologue | 12.04.2014
Merci de votre longue réponse.
Bon, pour commencer, clarifions: je ne voulais pas émettre une argumentation dans mon premier commentaire. Ce n'était qu'un commentaire, c'est-à-dire un avis, une perception (en l'occurrence vous avez flairé juste en écrivant que mon commentaire exprime simplement un désaccord de fond). En effet, remarquez que je ne m'attaque pas à votre texte en soit, et que donc je n'ai pas à argumenter sur celui-ci.
En ce qui concerne mon commentaire et votre réponse. Prenons point par point (dans le désordre si vous me le permettez):
"Merci pour votre lecture et votre commentaire. Hélas, celui-ci est assez misérable." : Le jugement de valeur que vous émettez à son sujet est l'illustration de ma phrase de clôture. Vous en êtes malheureusement dépourvu, dénigrant l'opposition (même si, comme moi, elle n'est pas recherchée) en frisant l'insulte .
"En tout cas, j'en suis beaucoup, beaucoup moins convaincu que tous les croyants qui sont nantis d'une « foi »": Et biens détrompez vous, le doute existe aussi chez les croyants. Doute sur les actions perpétrées au nom de la foi et des Ecritures, doutes sur le sens donné aux Ecritures, doutes finalement sur la manière d'interpréter ces Ecritures (vérité une? code moral? sens littéral? sens caché? etc..). Chaque croyant doute dans sa vie, les croyants réfléchissent voyez vous, ils s'interrogent aussi, et peut-être même plus que les athées ou autres.
"Le terme de « prophète » est particulièrement mal choisi." : Vous avez ici raison, j'aurais du utiliser le mot prêcheur. Car vous prêchez votre vérité, celle de la fausseté des Ecritures et de toutes croyances qui s'y rapportent. Vous prêchez votre "bonne parole", votre vérité, mais n'agissez pas en prophète, je vous le concède.
"vous semblez dire que toutes les idéologies se valent, en suggérant qu'elles sont égales dans l'erreur": Saint Thomas d'Aquin parlait de Dieu "in se" (en soit), ce qu'il est vraiment, et "per se" (pour soit), ce qu'il est dans la perception humaine. Les perceptions sont toutes différentes, les hommes perçoivent ce qu'ils peuvent de Dieu organisant des principes autours de théorie (par exemple: la physique est une vision de Dieu). Ne pensez pas que la raison peut réfuter Dieu, car la raison est une création divine; elle peut, par contre, légitimer le divin (je vous conseil la pensée de Saint Thomas d'Aquin, Somme Théologique, 1ère partie, question 2, article 3 : « Dieu existe-t-il ? »). Thomas utilise aussi des principes philosophiques grecques pour appuyer ces déclarations, vous devriez aimer.
Pour toutes vos questions théologiques, je vous conseil aussi de vous référer à Saint Thomas, il est après tout docteur de l'Eglise et sa pensée devrait vous expliquer mieux que moi ces concepts (Trinité, Incarnation, Rémission des péchés, etc...).
Vous cité Voltaire, un grand écrivains qui donnait son avis, un avis bien trempé, mais assez romantique somme toute. Bizarrement il s'attaque aux religions monothéistes (islam, Chistianisme; toutefois en s'opposant plus radicalement à l'islam) mais dit de l'hindouisme que c'est une bonne religion. Je pense que c'est aussi votre avis (?), vous devez aussi penser que le bouddhisme et l'hindouisme n'amène qu'à la paix. Pourtant ce cher Voltaire se trompait (peut être vous aussi?), les hindous tuent plus pour leur religion que les Chrétiens à l'heure actuelle. Lesquels donc sont les plus sages? Vous citez donc un homme qui se trompe lourdement dans ses jugements, pas la meilleure des choses pour exprimer sa vérité. Ah oui, faites le liens ici avec la phrase: "Vous vous trompez bien plus que ceux que vous pourchassez".
""vous vous abaissez aux même contradictions logiques et discursives que ce cher D. Hamiche" => Lesquelles, s'il vous plaît ?": Il me semblait pourtant que cela découlait logiquement de la discussion. Vous accusez Hamiche de se tromper, en général. Hamiche défend une cause qui est la mienne, et qui est dans l'ensemble louable (dénoncer les crimes contre un peuple était il me semble aussi une des grandes passions de Voltaire). Néanmoins je n'aime pas, et trouve dangereux, la manière qui est celle d'Hamiche. Il donne des informations très orientées et manquant parfois de vues critiques, jouant avec les sentiments des Chrétiens. Vous agissez de la même manière. Vous avez votre opinion, et ensuite vous construisez autour. Les principes d'épistémologie préconisent pourtant une observation exhaustive (quoique impossible) avant théorisation. Vous théorisez avant observation, rejetant l'information contradictoire (ce que nombres de chercheurs font aujourd'hui...).
Concernant "l'effondrement" de la religion catholique, nous restons encore la deuxième religion du monde après l'islam (unifiée évidemment; l'on ne prend pas en compte les schismes sunnites chiites et toutes les sectes musulmanes (aux USA par exemple)) et si l'on parle de la Chrétienté, vous avez à faire à plus de 2.5 milliards de personnes, ce qui fait que cette religion est de fait la plus larges au monde dans sa totalité. Les guerres fratricides Chrétiennes ont cessé depuis bien longtemps, nous nous unirons à l'avenir encore bien plus. Je crains que votre lutte soit sans avenir.
J'espère que la certaine difficulté à ordonner mes idées (vous ne me contredirez au moins pas sur ce point) ne vous dérangera pas trop. Cet exercice me permet d'exercer mes facultés discursives, vous m'êtes, sur ce point, d'une plus grande aide.
Meilleures salutations.
Écrit par : Fidei | 14.04.2014
Merci pour vos explications.
"je ne voulais pas émettre une argumentation dans mon premier commentaire." => Alors quelle était l'utilité de ce commentaire ? A quoi bon dire à quelqu'un : 'Je ne suis pas d'accord avec vous', et rien d'autre ? Soit on explique pourquoi on n'est pas d'accord, soit on passe son chemin.
"Le jugement de valeur que vous émettez à son sujet est l'illustration de ma phrase de clôture." => Ah pardon : si j'ai qualifié votre commentaire de misérable, ce n'était pas une simple insulte prouvant mon manque de sagesse, c'était une appréciation d'ensemble, justifiée en détails par le commentaire qui suit. C'était en quelque sorte le titre. Alors que vous-même, dans votre premier commentaire, n'avez pas fourni un seul argument.
"le doute existe aussi chez les croyants." => Si un croyant doute, alors ce n'est pas un croyant, ou du moins ce n'est pas quelqu'un qui a la FOI. C'est juste quelqu'un qui incline pour une certaine option philosophique, tout en s'interrogeant sur le bien-fondé de son choix. Il ne ressent pas une illumination divine, sinon celle-ci serait irréversible. Alors tant qu'à faire, il devrait s'en remettre entièrement à sa raison, et laisser tomber cette espèce de pari pour des croyances irrationnelles.
"Vous prêchez votre "bonne parole", votre vérité" => Bah oui, comme tout le monde, comme vous-même !
"la physique est une vision de Dieu" => Non, c'est l'étude de la nature. Revoyez vos définitions et l'étymologie.
"Ne pensez pas que la raison peut réfuter Dieu, car la raison est une création divine" => Non mais sérieusement, vous gobez un paralogisme aussi énorme, ou bien vous ne dites ça que pour me faire enrager ? Vous ne voyez donc pas que c'est un raisonnement circulaire ?!! On pourrait tout aussi bien dire que la raison ne peut réfuter le monstre en spaguétis volant, puisque la raison a été créée par le monstre en spaguétis volant (renseignez-vous sur le pastafarisme). Ou encore que Belzébuth a créé la parole, donc qu'on ne peut parler contre Belzébuth puisque toute parole est par essence belzébuthienne. Vous commencez par poser un postulat dépourvu de toute preuve (Dieu a créé la raison) et ensuite vous en déduisez que ce postulat est irréfutable, vu qu'il contient en lui-même son irréfutabilité ! Désolé, mais cet argument est misérable. Prenez ça comme une insulte si vous êtes susceptible, mais faites un peu de philosophie avant d'énoncer de pareilles sottises.
"Thomas utilise aussi des principes philosophiques grecques pour appuyer ces déclarations" => Et moi je vous renvoie à Kant, qui a démontré de manière définitive que la raison ne pouvait pas démontrer ni l'existence ni l'inexistence de Dieu.
"je vous conseil aussi de vous référer à Saint Thomas, il est après tout docteur de l'Eglise" => La petite Thérèse de Lisieux est aussi Docteur de l'Eglise, ce qui montre bien le peu de cas que l'Eglise fait du savoir et de la pensée.
"sa pensée devrait vous expliquer mieux que moi ces concepts " => Je vois le genre. J'ai déjà entendu ça 100 fois dans la bouche de croyants : 'Je suis incapable de vous expliquer ça moi-même, mais allez interroger un prêtre / un théologien / Thomas d'Aquin, et vous aurez toutes les réponses à vos questions'. Ce qui montre bien qu'un croyant est incapable de penser par lui-même : il s'en remet à une autorité extérieure pour justifier ce que lui-même ne peut pas expliquer.
"Voltaire, un grand écrivains qui donnait son avis, un avis bien trempé, mais assez romantique somme toute" => Voltaire romantique ?? Drôle d'assertion ! Les romantiques étaient en général assez croyants et peu voltairiens. Voyez le célèbre morceau de Musset : "Dors-tu content, Voltaire..."
"mais dit de l'hindouisme que c'est une bonne religion. Je pense que c'est aussi votre avis (?), vous devez aussi penser que le bouddhisme et l'hindouisme n'amène qu'à la paix. " => Non, je ne pense pas cela.
"les hindous tuent plus pour leur religion que les Chrétiens à l'heure actuelle" => Si c'est à l'heure actuelle, on ne peut guère en tirer argument contre Voltaire. Le christianisme est aujourd'hui peu dangereux parce qu'il a été désarmé partout. On l'a forcé à tolérer les autres religions et les incroyants, on lui a juridiquement ôté les moyens de persécuter, dans tous les pays où il est dominant. On exagérerait à peine en disant que c'est Voltaire et les voltairiens qui ont rendu le christianisme moins sanguinaire et plus acceptable. Mais son passif reste écrasant. Et si les Daniel Hamiche arrivaient au pouvoir, gare aux incroyants ! Ils risqueraient de subir le même sort que les ennemis de Mao lors de la "Grande révolution culturelle prolétarienne" que D.H. admira tellement il y a 40 ans...
"Vous citez donc un homme qui se trompe lourdement dans ses jugements" => Une simple citation en passant ne vaut pas adhésion totale à toutes les idées défendues par l'auteur de la citation, voyons !! Inutile de polémiquer sur Voltaire, ce point est tout à fait marginal.
"Les principes d'épistémologie préconisent pourtant une observation exhaustive (quoique impossible) avant théorisation. " => Je pourrais chicaner en répondant que c'est là un mythe, l'histoire des sciences montrant au contraire que c'est l'observation qui est conditionnée par une théorie apriori. Mais qu'importe. Le problème ici, c'est que vous vous contentez d'une affirmation globale, sans aucune illustration : "Vous avez votre opinion, et ensuite vous construisez autour. Vous théorisez avant observation, rejetant l'information contradictoire". Je vous ai déjà répondu dans ma réponse précédente : Indiquez-moi mes erreurs, montrez-moi les points sur lesquels je me suis trompé, comblez les lacunes de mon savoir. Soyez précis. Prenez un exemple et démontez-le en détail. Argumentez, bon sang ! Mais arrêtez de me dire : 'Je ne suis pas d'accord avec vous parce que vos opinions ne sont pas les mêmes que les miennes'. Ça ne sert à rien et c'est même parfaitement ridicule.
Concernant l'avenir de la religion chrétienne, je dirais 3 choses : 1°) Comparer les effectifs des religions est assez vain, vu que ceux-ci dépendent essentiellement des évolutions démographiques. Après la révolution industrielle, la formidable expansion de l'Occident a pu donner à penser que le christianisme allait évangéliser toute la planète. Pas de chance, la démographie ne l'a pas voulu ainsi. Les chrétiens représentent à peine plus de 30% des terriens aujourd'hui.
2°) Le christianisme est essentiellement porté aujourd'hui par le Tiers-monde et notamment l'Afrique. En Europe c'est l'effondrement : de moins en moins de gens sont chrétiens, et ceux qui le restent le sont de plus en plus superficiellement. Voyez les enquêtes sur les croyances des Français et leurs pratiques religieuses. Les deux tiers des gens qui se disent chrétiens ne le font que par tradition familiale et attachement à un héritage culturel. Ils n'adhèrent pas aux dogmes du christianisme et souvent ne croient même pas en la divinité de JC !! Le christianisme est de plus en plus une coquille vide en Europe, et l'Amérique latine prend à son tour le même chemin. La tendance à l’œcuménisme, sur laquelle vous pariez, est une preuve de plus de cette implosion (je dis bien implosion et non pas explosion : j'emploie ici le terme de façon idoine, contrairement à 9 occurrences sur 10 dans le parler contemporain) : si les chapelles du christianisme s'unissent, c'est parce que leurs croyances deviennent vagues, peu assurées, flottantes, creuses. Quand on a un corpus idéologique rigoureux, riche, ferme, on ne fusionne pas avec les branches rivales ! De fait, les plus hostiles à l’œcuménisme sont les intégristes, et pour cause ! Ils croient vraiment, eux, ils ne sont pas dans le spiritualisme mou.
3°) Je comprends mal cette façon de parier sur l'avenir du christianisme, puisque celui-ci a été historiquement réfuté aux alentours de 100. En effet, Jésus avait très clairement annoncé que la fin du monde, la Parousie, le Jugement, l'avènement du Règne de Dieu auraient lieu pour les gens de sa génération. Et presque tous les écrits du NT affirment aussi que la fin du monde est imminente. Or s'ils avaient 20 ans en l'an 30, ils ont à peu près tous disparu vers 100. Sa génération s'est éteinte sans que la prophétie soit réalisée. Donc il s'est trompé, donc il n'était qu'un homme. Fermez le ban.
A part ça, ravi de vous être utile. Bien à vous.
Écrit par : Le déclinologue | 26.04.2014
La citation de Daniel Hamiche définit bien le personnage et son cynisme destructeur. Faux-curé, Catho mais peu chrétien; j'ai été choqué par la façon dont il a annoncé sur Radio Courtoisie le décès d'Emmanuel Ratier, homme pour lequel il a déclaré n'avoir pas d'amitié; était-ce une raison pour annoncer d'une façon aussi désinvolte la disparition d'un collègue de cette Radio qui, à commencer par son Président, n'a de courtoisie que le nom.
Écrit par : Jean-Bernard Brisset | 23.08.2015
Quelle citation ? Celle que j'ai mise en épigraphe sur les cadavres politiques ? Moi je la trouve assez rigolote...
"Catho mais peu chrétien" => On pourrait soutenir que, par nature, un catho est un non-chrétien, voire un anti-chrétien ! Il suffit de lire les évangiles...
Écrit par : Le déclinologue | 23.08.2015
« Plutôt que de perdre son temps dans une vaine propagande bondieusarde sur la Toile, Daniel Hamiche ferait mieux de consacrer la dernière partie de sa vie à une introspection sans concession, en prenant exemple sur le Louis Althusser de L’Avenir dure longtemps «. […] sur son passé et son présent. Un tel essai d’ « ego-histoire » serait très instructif pour tout le monde ; ce pourrait être un document d’une valeur insigne, sur les plans historique, idéologique, intellectuel et humain. » Quel dommage qu’il n’ait jamais relevé ce défi !Est-il gêné aux entournures ? IL était question que Serge de beketch et lui s’interrogent mutuellement surleurs itinéraires. . Il semble que ce soit daniel Hamiche qui ait décliné cet exercice d’introspection. IL n’était pourtant pas avare de confidences sur son enfance à Suresne, marquée par les jeux radiophoniques et un catholicisme de bon aloi. Il a également reconstruit sa première vie : il était un chrétien de gauche comme tout le monde,à l’en croire. IL était plus qu’un peu de gauche et tout à fait antichrétien. IL ya donc bien métamorphose, restant sauf le besoin d’avoir un maître à penser. Il en a même trouvé deux pour le prix d’un, quand Dieu et le roi ont remplacé Mao.
Il y a bien un élément commun qui a pu favoriser cette métamorphose : son premier objet d’étude était le théâtre sous la révolution. IL est allé si loin dans la transgression révolutionnaire qu’il devait revenir, tel l’enfant prodigue, s’agenouiller devant le roi, en lui faisant serment de ne pas salir le nom de son altesse en racontant à la solde de quels porcs il avait dilapidé son temps loin de son maître et père.
Daniel Hamiche n’est pas tellement un soldat qui serait passé dans le camp d’en face qu’un soldat qui s’est transformé en serviteur. Dans le milieu royaliste, nombreux étaient ceux qui soulignaient son rare désintéressement. Mais pour ce fils prodigue qui n’a pas eu d’enfant et avait quelque chose d’enfantin dans l’attitude, le roi n’a pas tué le veau gras, et Louis XX l’a abandonné pour prétendre en dandy dans une France qui n’est plus que sa résidence secondaire. On n’a pas tué le veau gras pour Daniel Hamiche, qui a plutôt été mangé par le roi. Beau destin pour ce fils d’un père kabyle qui croit en l’assimilation ! L’assimilation, ce motdu cannibalisme !
Freud a fondé la psychanalyse pour venger son honneur d’avoir vu son père descendre du trottoir et enlever son chapeau au passage des gohys viennois de la bonne société, interprète Elisabeth Roudinesco dans son HISTOIRE DE LA PSYCHANALYSE EN FRANCE. Daniel Hamiche ne voulait pas tant se venger que se trouver des « camarades » (il emploie le mot d’abondance, même en parlant à des abbés). Quand le roi l’a abandonné, il s’est fait des copains.
Cette déroute de chouan a provoqué une dernière mutation dans sa vie : comme le roi se désintéressait décidément du trône et de lui, Daniel Hamiche qui portait à bout de bras une petite maison d’édition et avait formé des créatures – cet ancien soixante-huitard s’est toujours beaucoup intéressé à la jeunesse - (Guillaume de Thieulloy s’est lancé sous son égide sous le nom d’Hugues de Soyecourt), a lui aussi délaissé le royalisme – ou plutôt a mis son royalisme entre parenthèses - à partir de LA PASSION de Mel Gibson. C’était une manière de suivre son maître en Amérique… du Nord. Le royaliste français devenait un républicain américain. Lui qui avait besoin d’une bonne police, s’inféodait à la dernière puissance gendarmesque, et il gendarmait les évêques, le Vatican et l’Église qui n’en avait cure. L’Église n’est pas dangereuse à gendarmer : ses arrêts nécessitent le concours du bras séculier, et le bras séculier de la République ne se prête plus guère à l’Église que pour les relations de bon voisinage. Daniel Hamiche faisait comme au bon vieux temps du maoïsme : il dénonçait. Ce faisant, ce catholique plus romain que le pape, n’avait garde que, soupesant tous les actes de ceux sous l’autorité desquels il était placé pour peu qu’ils déviassent de l’orthodoxie telle qu’il la concevait, il faisait peu de cas du caractère apostolique de l’Église romaine.
Il s’encanaillait sur la toile et, faute de trouver de nouveaux écrivains à former étant donné « la volatilité » de son nouveau support d’intervention internautique, , il trouva des tartufes de la faible stature de Vivien Hoch et leur apprit à copier-coller. Assurément, Daniel Hamiche a une autre densité humaine que Vivien Hoch, mais quelle est la cohérence de ce destin ?
Et vous-même, de quel monde êtes-vous le déclinologue ? Vous me faites penser à un rené Pommier de droite (comme lui, vous pourriez faire partie de l’Union rationaliste), qui, comme lui, aurait une tendance immodérée à être raisonneur, la nostalgie des humanités et la passion de la déconstruction, même si vous ne devez pas beaucoup goûter ce mot derridien de l’analyse. La raison ne vous ayant pas doné les réponses, vous accumulez les preuves qu’il n’y en a pas, mais qu’il y eut tout de même un monde où il faisait bon le dire dans un style voltairien, bien que Baudelaire ait réglé son compte à Voltaire en disant qu’ »on s’ennui en France parce que tout le monde y pense comme Voltaire ». Voltaire défaisait, vous défaites, mais pour quoi faire ?
Vous faites confiance à la raison, qui elle-même est une allégorie, la personnification d’une faculté intellectuelle. La raison n’est-elle pas une croyance, et même une croyance en un dieu personnel ? Une croyance qui a pour consolation la bêtise humaine d’autrui, comparée à tout ce qu’on sait qui n’est pas. L’Évangile ne saurait vous convenir, qui interdit que l’on traite son frère d’imbécile ou de fou. La négation, l’éloquence pour la formuler sans fautes de langue ni de goût dans un pays homogène, la déconstruction, le scepticisme du Montaigne de L’APOLOGIE DE RAYMOND sebon, le « nihilisme européen » comme dirait l’homme du GAI SAVOIR, mais encore ? Pour quoi faire ?
Écrit par : Julien Weinzaepflen (le torrentiel) | 12.07.2016
Merci pour votre commentaire « torrentiel ».
Je vois que vous partagez globalement mon opinion sur le sieur Daniel Hamiche. Vous soulignez comme moi la continuité de son attitude, par delà le revirement de son engagement, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite : dans les deux cas, le besoin de se soumettre à une idole, et de dénoncer les ennemis.
Vous semblez mieux le connaître que moi et pouvoir vous appuyer sur une observation personnelle du bonhomme, que pour ma part je n'ai jamais approché, même pas de loin ou indirectement. Il ne m'intéresse pas tant que ça. Je n'ai fait que lire et mettre en relation des publications à la portée de tout le monde, c'est tout.
Vous distinguez deux sous-périodes dans sa seconde vie : une première sous-période essentiellement royaliste, puis une seconde essentiellement catholique. Dont acte.
Vous faites une allusion (à mon goût trop rapide) à cette idée, selon moi essentielle, que son attitude de croisé du catholicisme est très peu chrétienne, car elle manque à cet impératif de charité qui est au cœur du message évangélique.
Vous n'avez pas tort de me rapprocher de René Pommier. Je le salue au passage dans cet article : http://dernieregerbe.hautetfort.com/archive/2014/03/29/tartuffe-une-triple-imposture-5334813.html , tout en refusant son admiration pour Molière et /Tartuffe/.
Je ne pense pas que Baudelaire « ait réglé son compte à Voltaire » par son sarcasme contre le journal /Le Siècle/. Baudelaire avait sans doute raison de mépriser tous ces petits Homais influents sous le Second Empire, cependant il y a loin entre Voltaire et ses admirateurs, comme entre Épicure et les débauchés qui se prétendent épicuriens, ou comme entre Marx et un militant de base du PCF de la grande époque, ou comme entre Evola et un lecteur de la revue /Éléments/, etc.
Non, la raison n'est pas une « allégorie », ni une « personnification ». Ce n'est pas non plus une « croyance », désolé. Je sais qu'il est à la mode, chez les bigots, de renvoyer dos à dos la science et la religion et de rabaisser la raison au rang d'une simple croyance, mais je ne mange pas de ce pain-là. La raison est un outil, et le seul qui nous donne quelques certitudes. C'est, de loin, la lumière la plus sûre qui nous permette d'avancer dans le chaos du monde.
Vous avez raison de rappeler qu'en Mt 5,22, Jésus envoie au Sanhédrin quiconque traitera son prochain d’imbécile. Et pourtant, en Lc 24,25, Jésus traite lui-même d’imbéciles deux hommes qui ne l’ont pas reconnu. En outre, Paul de Tarse traite lui-même un sceptique d’insensé (1 Co 15,36) et les Galates de stupides (Ga 3,1). Apparemment, les personnes les plus proches de Dieu ont elles-mêmes du mal à appliquer les prescriptions divines...
Dégonfler les baudruches, dissiper les illusions, rectifier les jugements, pour quoi faire ? Pour contribuer à former une élite, peut-être.
Écrit par : Le déclinologue | 12.07.2016