AUTEURS RUSSES : ANTHOLOGIE DE CITATIONS
15.09.2019
Les prénoms russes posent un problème délicat. Jusqu’au début du XXe siècle, c’est-à-dire tant que le français était une langue forte, qui assimilait hardiment ce qui vient de l’extérieur, il ramenait les prénoms russes ou polonais (qui font partie de la langue) à des prénoms français. Ainsi a-t-on fait, à peu près jusqu’à la fin du XVIIIe, avec les prénoms et même les noms de nos voisins italiens (François Pétrarque, Nicolas Machiavel) et espagnols (Fernand Cortès, François Pizarre), et même anglais (François Bacon, Gilles Shakespeare) et allemands (Emmanuel Kant, Frédéric Schiller). Aujourdhui où nous nous faisons gloire de nous laisser envahir de tous les côtés, traduire les prénoms est devenu impensable, et nous commençons à ne même plus traduire les titres.
Cependant l’adaptation des appellations russes du XIXe s’est maintenue, comme celle des Italiens de la Renaissance (alors que pour les autres langues, on a défrancisé ce que nos ancêtres avaient francisé) : on déconcerterait nos contemporains en parlant d’Evgueni Onieguine par Aleksander Pouchkine, de Nikolaï Gogol, du prince Andreï et son ami Piotr Bezoukhov, les héros de Lev Tolstoï, etc. Cependant l’usage est flottant pour d’autres appellations : Michel ou Mikhaïl Lermontov ? Eugène ou Evgueni Zamiatine ? André ou Andreï Biely ?
Partisan résolu de l’interpretatio gallica, j’ai décidé de m’appuyer sur l’usage du XIXe siècle pour maintenir la francisation des prénoms russes les plus proches du français, y compris pour les auteurs du XXe qu’on connaît sous un prénom non francisé (comme Andreï Bitov, Evgueni Evtouchenko ou Vassili Axionov). Ainsi Aleksander => Alexandre ; Anatoly => Anatole ; Andreï => André ; Anton => Antoine, Evgueni => Eugène ; Fiodor => Théodore ; Gueorgui => Georges ; Iossif ou Ossip => Joseph ; Lev => Léon ; Mikhail => Michel ; Nikolaï => Nicolas ; Piotr => Pierre ; Sergueï => Serge ; Vassili => Basile. Néanmoins je garde tels quels Iouri et Ivan, dans lesquels on ne reconnaît pas spontanément Georges ni Jean.
La moisson étant trop abondante pour Dostoïevski et Tolstoï (déjà une cinquantaine de citations chacun), je les ai retirés de cette page, afin qu’ils ne la gonflent pas de façon disproportionnée, et leur consacre une page spéciale pour tous les deux.
Comme pour toutes les citations d’auteurs étrangers, j’ai pu retoucher légèrement les traductions ; donc les références indiquées ne sont là que pour pouvoir retrouver facilement la citation, il peut arriver qu’elles ne correspondent pas à la littéralité du texte que je produis.
Principaux contributeurs, accessibles d’un clic : Nina BERBEROVA (3) ; Nicolas BERDIAEV (11) ; Michel BOULGAKOV (7) ; Ivan BOUNINE (3) ; Valéry BRIOUSSOV (6) ; Léon CHESTOV (4) ; Nicolas GOGOL (35) ; Maxime GORKI (4) ; Alexandre GRIBOÏEDOV (3) ; Basile GROSSMAN (10) ; Nicolas LESKOV (3) ; Vladimir NABOKOV (31) ; Iouri OLECHA (7) ; Boris PASTERNAK (6) ; Alexandre POUCHKINE (30) ; Basile ROZANOV (6) ; Alexandre SOLJÉNITSYNE (15) ; Antoine TCHÉKHOV (20) ; Ivan TOURGUÉNIEV (35) ; Iouri TYNIANOV (8) ; Alexandre ZINOVIEV (6).
ALEXANDRE RADITCHEV (1749-1802, Russe) : [À compléter]
SERGE AKSAKOV (1791-1859, Russe) : [À compléter]
PIERRE TCHAADAEV (1794-1856, Russe)
. Il y a des sols tellement stériles que le soleil même du génie ne saurait les féconder. / Il y a des esprits tellement faux que le vrai même devient faux exprimé par eux. (Pierre Tchaadaev, Aphorismes et remarques diverses (1855), n°13-14 ; dans Œuvres inédites ou rares, Bibliothèque slave – Centre d’études russes, 1990, p. 192).
. La maladie seule est contagieuse, la santé ne l’est pas : ainsi de l’erreur et de la vérité. Voilà pourquoi les erreurs se répandent avec rapidité, les vérités avec lenteur. (Pierre Tchaadaev, Aphorismes et remarques diverses (1855), n°15 ; dans Œuvres inédites ou rares, Bibliothèque slave – Centre d’études russes, 1990, p. 192).
. Il n’y a rien de plus facile que d’aimer les gens que l’on aime, mais il faut aussi aimer un peu ceux que l’on n’aime pas. (Pierre Tchaadaev, Aphorismes et remarques diverses (1855), n°20 ; dans Œuvres inédites ou rares, Bibliothèque slave – Centre d’études russes, 1990, p. 194).
ALEXANDRE GRIBOÏÈDOV (1795-1829, Russe)
. Sophie : « Où vit-on le mieux ? » — Tchatski : « Où l’on n’est point. » (Alexandre Griboïèdov, Le Malheur d’avoir de l’esprit (1823), acte I scène 7 ; Pléiade, 1973, p. 20 ; ou L’Arche, 1989, p. 15).
. Tchatski : « Quand on revient chez soi après avoir voyagé longtemps / On trouve agréable jusqu’à la crasse du pays. » (Alexandre Griboïèdov, Le Malheur d’avoir de l’esprit (1823), acte I scène 7 ; Pléiade, 1973, p. 20 ; ou L’Arche, 1989, p. 16).
. Famoussov : « Mais que le monde est donc bizarre ! / Dès qu’on philosophe, on s’y perd. » (Alexandre Griboïèdov, Le Malheur d’avoir de l’esprit (1823), acte II scène 1 ; Pléiade, 1973, p. 25 ; ou L’Arche, 1989, p. 20).
ALEXANDRE POUCHKINE (1799-1837, Russe)
. Ne disputons jamais contre l'opinion du monde ; la coutume est le seul despote sur la terre. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, I, 25 (1823) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XII-48, avril 1863, p. 549 [1]).
. Celui qui a vécu et qui a réfléchi ne peut point, quoi qu’il fasse, ne pas mépriser les hommes dans son âme. Celui qui a senti vivement est condamné à être hanté par le spectre des jours qui ne peuvent revenir. Celui-là n’a plus d’enchantement ; le serpent du souvenir le mord plus cruellement que celui du repentir. Tout celà, du reste, donne un grand charme à la conversation. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, I, 46 (1823) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XII-48, avril 1863, p. 553-554). [2]
. Nous serait-il donc impossible / De composer d’autres poèmes / Que ceux qui parlent de nous-mêmes ? (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, I, 56 (1823) ; Seuil, 1990, p. 40).
. L'habitude est un don que nous accorde le ciel pour remplacer le bonheur qu'il ne peut nous donner. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, II, 31 (1823) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XII-48, avril 1863, p. 565).
. Eugène Onéguine : « Écoutez-moi donc sans colère : Une jeune fille remplace plus d’une fois ses rêveries par d’autres rêveries. Ainsi un jeune arbre change ses feuilles à chaque printemps. Le Ciel l’a voulu, et vous aimerez de nouveau. » (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, IV, 16 (1825) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-49, mai 1863, p. 105).
. Le goût des farces, aussi bien que l'amour, autre folie, passe avec la bouillante jeunesse. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, VI, 7 (1826) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-50, juin 1863, p. 305).
. Ô mes amis, vous prenez pitié du poëte. Dans la fleur de ses joyeuses espérances, n'ayant pas encore eu le temps de rien achever, à peine sorti des langes de l’enfance, il est tombé. Où sont les agitations ardentes, les élans généreux, les sentiments et les pensées jeunes, élevés, tendres, hardis ? Où sont les désirs infinis de l’amour, et la soif de la science et du travail, et la terreur du mal et de la honte ? Et vous, illusions mystérieuses, vous, apparitions d’une vie qui n’est point celle de la terre, vous, rêves de la sainte poésie ? (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, VI, 36 (1826) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-50, juin 1863, p. 311).
. Aline : « Quelle vilaine chose que la vie quand on est vieux ! » (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, VII, 42 (1827) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-51, juillet 1863, p. 479).
. Heureux celui qui a été jeune dans sa jeunesse ; qui a mûri au temps de la maturité ; qui a su résister au refroidissement progressif qu’apporte la vie. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, VIII, 10 (1830) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-51, juillet 1863, p. 484).
. Il est triste de penser que la jeunesse nous a été donnée en vain ; que, trompée à chaque pas, elle nous a trompés nous-mêmes ; que nos plus nobles désirs, que nos rêves les plus généreux, ont été corrompus aussi soudainement que les feuilles des arbres l’ont été au souffle de l’automne. Il est insupportable pour un homme de ne voir devant lui qu’une longue file de dîners ; de ne plus considérer la vie que comme une cérémonie à effectuer, et de marcher sur les traces de la foule disciplinée, sans partager avec elle ni aucune de ses opinions, ni aucune de ses passions. (Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, VIII, 11 (1830) ; dans Revue nationale et étrangère, tome XIII-51, juillet 1863, p. 484-485).
. Le tsar : « La populace abhorre le pouvoir des vivants. Elle n’aime que les morts. […] Voilà la populace et sa faveur ! Sème l’amour, tu récoltes la haine. » (Alexandre Pouchkine, Boris Godounov (1825), scène 7 ; Pléiade, 1973, p. 126).
. Chouïski : « Mais tu connais l’absurde populace, / Si versatile et si superstitieuse, / Livrée à ses instincts, instable, obscure, / Capable de tourner au moindre vent, / Obéissante à toute suggestion, / Aveugle et sourde pour la vérité, / Les fables, les ragots sont sa pâture, / Et l’impudence a le don de lui plaire. » (Alexandre Pouchkine, Boris Godounov (1825), scène 10 ; Pléiade, 1973, p. 141).
. Le tsar : « Oui, quand tu veux garder en main le peuple, / Il faut sérénité et vigilance. / C’était déjà l’avis du tsar Ivan, / Dompteur d’émeutes, et sage autocrate. / Son cruel petit-fils pensait de même. / Le peuple est insensible à la bonté. / Fais-lui du bien – attends l’ingratitude. / Torture-le – et rien n’ira plus mal. » (Alexandre Pouchkine, Boris Godounov (1825), scène 20 ; Pléiade, 1973, p. 174).
. Le tsar à son fils : « Sois rigoureux dans le respect des rites. / Sois taciturne, car la voix du tsar / Ne doit pas retentir à tout propos. / Parfois, comme une cloche magistrale, / Elle vient annoncer un grand malheur / Ou une grande joie. Et c’est assez… / Mon cher enfant, tu approches de l’âge / Où le désir vient nous fouetter le sang. / Préserve-toi, garde ta pureté, / Et ta pudeur orgueilleuse et secrète. / Celui qui jeune, donne libre cours / À ses instincts, aux voluptés du vice, / Devient, plus tard, morose et sanguinaire / Et son esprit se voile et s’assombrit. / Dans la famille tiens toujours la tête. / Honore ta mère, mais règne seul. » (Alexandre Pouchkine, Boris Godounov (1825), scène 20 ; Pléiade, 1973, p. 177).
. Ibrahim : « Le monde frivole traque en réalité implacablement ce qu’il permet en théorie. » (Alexandre Pouchkine, Le Nègre de Pierre le Grand (1827), ch. 2 ; Pléiade, 1973, p. 204).
. Suivre les pensées d’un grand homme est la plus captivante des études. (Alexandre Pouchkine, Le Nègre de Pierre le Grand (1827), ch. 3 ; Pléiade, 1973, p. 208).
. Korsakov : « La comtesse ? Elle a naturellement été, au début, très chagrinée de ton départ ; ensuite, celà va de soi, elle s’est peu à peu consolée et elle a pris un nouvel amant. […] Est-ce que celà te paraît étrange ? Ne sais-tu pas qu’un long chagrin n’est pas dans la nature humaine, et surtout féminine ? » (Alexandre Pouchkine, Le Nègre de Pierre le Grand (1827), ch. 3 ; Pléiade, 1973, p. 210).
. Ibrahim : « Peut-on croire à l’amour ? Existe-t-il dans le cœur frivole de la femme ? » (Alexandre Pouchkine, Le Nègre de Pierre le Grand (1827), ch. 5 ; Pléiade, 1973, p. 225).
. Orlik : « Avec une biche tremblante / Atteler un vieux destrier / Est une absurdité criante. » (Alexandre Pouchkine, Poltava, II (1829) ; Œuvres poétiques, L’Âge d’homme, tome I, 1981, p. 499). [3]
. Vladimir : « Je n’ai jamais pu voir sans affliction l’abaissement de nos lignées historiques ; personne chez nous n’en fait cas, à commencer par ceux qui leur appartiennent. » (Alexandre Pouchkine, Un roman par lettres (1829), VIII ; Pléiade, 1973, p. 243).
. Vladimir : « J’ai imaginé l’autre jour une légende pour le portrait de la petite princesse Olga […] : Sotte comme la vérité, insipide comme la perfection. À moins de dire peut-être : Insipide comme la vérité, sotte comme la perfection. L’un et l’autre ont l’air d’une pensée. » (Alexandre Pouchkine, Un roman par lettres (1829), X ; Pléiade, 1973, p. 247).
. Les proverbes sont particulièrement utiles dans les cas où, de nous-mêmes, nous ne trouvons pas grand-chose pour nous justifier. (Alexandre Pouchkine, Récits de feu Ivan Pétrovitch Bielkine, « La tempête de neige » (1831) ; Pléiade, 1973, p. 272).
. Pierre Griniov : « J’eus un rêve que je n’ai jamais oublié et dans lequel je vois jusqu’aujourdhui quelque chose de prophétique, lorsque je regarde à travers lui les étranges évènements de ma vie. Le lecteur m’excusera car il sait par expérience, sans doute, combien il est naturel à l’homme de s’abandonner à la superstition malgré tout le mépris qu’on peut avoir pour les préjugés. » (Alexandre Pouchkine, La Fille du capitaine (1836), ch. II ; Pléiade, 1973, p. 629).
. Si la foule lit avidement les confessions, les mémoires, etc, c’est parce que, dans sa vilenie elle se réjouit de l’abaissement de celui qui est haut et des faiblesses du puissant. Chaque fois qu’elle découvre une turpitude, elle est enchantée : il est petit comme nous ! il est vil comme nous ! – Vous mentez, canailles ; oui, il est petit et vil, mais différemment : pas comme vous ! (Alexandre Pouchkine, lettre n°119 à P.A. Viazemski, fin novembre 1825 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 181).
. Écrire ses mémoires est attrayant et agréable. On n’aime personne, on ne connaît personne comme soi-même. Le sujet est inépuisable. Mais c’est difficile. Ne pas mentir, c’est possible ; être sincère, c’est une impossibilité physique. […] Mépriser le jugement des gens n’est pas difficile ; mépriser son propre jugement est impossible. (Alexandre Pouchkine, lettre n°119 à P.A. Viazemski, fin novembre 1825 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 181).
. Les vrais génies de la tragédie ne se sont jamais souciés d’une autre vraisemblance que celle des caractères et des situations. Voyez comme Corneille a bravement mené Le Cid : ha, vous voulez la règle des 24 heures ? Soit. Et là-dessus il vous entasse des évènements pour quatre mois. (Alexandre Pouchkine, Lettre n°182 à Nicolas N. Raevski, 30 janvier 1829 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 258 ; ou Pléiade, 1973, p. 193).
. Il faut tâcher d’avoir la majorité des voix de son côté : alors, n’offensez pas les imbéciles. (Alexandre Pouchkine, Extraits de lettres, pensées et remarques, n° 26, décembre 1827 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 230).
. Il est facile de faire courir après soi les célibataires écornifleurs ; il suffit de trompetter : « j’aime beaucoup ça ». Voilà tout le secret de la coquetterie. Pourvu qu’il y ait une auge, il y aura des cochons. (Alexandre Pouchkine, lettre n°348 à sa femme, 30 octobre 1833 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 477).
. D’une façon générale, j’écris beaucoup pour moi personnellement, mais j’imprime par nécessité et uniquement pour de l’argent ; quel plaisir y a-t-il à se présenter devant un public qui ne vous comprend pas pour qu’ensuite, pendant six mois, dans leurs revues, quatre imbéciles vous couvrent d’injures qui bravent presque la décence. Il fut un temps où la littérature était une carrière noble, aristocratique. Aujourdhui, c’est un marché aux puces. (Alexandre Pouchkine, lettre n°356 à M.P. Pogodine, vers le 7 avril 1834 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 500).
. L’homme par sa nature est plus enclin à condamner qu’à louer (dit Machiavel [4], ce grand connaisseur de la nature humaine). La sottise d’une condamnation n’est pas aussi sensible qu’un sot éloge. Le sot ne voit aucun mérite à Shakespeare, et la chose est imputée à l’exigence de son goût, son étrangeté, etc. Le même sot est emballé par un roman de Ducray-Duminil ou L’Histoire de M. Polévoï, et on le regarde avec mépris. Pourtant dans le premier cas sa sottise s’est exprimée plus clairement pour l’homme qui raisonne. (Alexandre Pouchkine, Propos de table, n°3 ; Œuvres complètes, tome III, André Bonne éditeur, 1958, p. 718).
NICOLAS GOGOL (1809-1852, Ukrainien)
. Ah, mes amis, dans quel triste monde il nous faut vivre ! (Nicolas Gogol, Mirgorod, 3. « La brouille des deux Ivan » (1832), ch. VII, excipit ; Pléiade, 1966, p. 374). [5]
. Le juif : « Quand un homme est amoureux, il ne vaut guère mieux qu’une semelle trempée : tordez-la, elle plie. » (Nicolas Gogol, Taras Boulba (1839), ch. 7 ; Pléiade, 1966, p. 456).
. Tout était en désordre, tout était morne et triste. Que la réalité est donc affreuse ! Peut-on la comparer au rêve ! (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « L’avenue de la Néva » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 550).
. Piskariov : « En persistant à vivre, un fou peut-il faire le bonheur de ceux-là mêmes qui l’aimaient jadis, de ses amis, de ses parents ?… Quelle horreur que notre vie, et ses contrastes entre le rêve et la réalité !… » (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « L’avenue de la Néva » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 553).
. Piskariov : « Il n’y a rien de plus agréable que de dépendre de soi seul. » (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « L’avenue de la Néva » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 555).
. Il était très satisfait de son grade, obtenu depuis peu, et, bien qu’il répétât souvent, étendu tout de son long sur son divan : « Tout n’est que vanité ! Me voilà lieutenant ; mais quelle importance celà a-t-il ? », son amour-propre en était secrètement flatté pourtant, et dans le cours de la conversation il faisait volontiers allusion à son grade. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « L’avenue de la Néva » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 558).
. Obtenons-nous jamais ce que nous désirons ? Arrivons-nous à réaliser ce à quoi nos facultés paraissent nous prédisposer ? Non ! C’est tout le contraire qui se produit constamment. […] Le destin se joue de nous bien étrangement. […] Tout n’est que mensonge ici, tout n’est que rêve, et la réalité est complètement différente des apparences qu’elle revêt. […] Vous croyez que ces dames… Mais ayez encore moins confiance en ces dames qu’en qui que ce soit. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « L’avenue de la Néva » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 567-568).
. Proprichtchine : « Oh ! quelle créature rusée que la femme ! C’est seulement maintenant que j’ai compris ce qu’est la femme. Jusqu’à présent, personne ne savait de qui elle est amoureuse : je suis le premier à l’avoir découvert. La femme est amoureuse du diable. » (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le journal d’un fou » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 590).
. Proprichtchine : « Monte en selle, postillon, tinte, ma clochette ! Coursiers, foncez vers les nues et emportez-moi loin de ce monde ! Plus loin, plus loin, qu’on ne voie rien, plus rien. » (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le journal d’un fou » (1835) ; Pléiade, 1966, p. 595).
. Rien n'est durable en ce monde ; au bout d’une minute, la joie perd de sa vivacité ; une minute encore et la voilà plus faible ; elle se fond ainsi par degrés avec notre état d’âme habituel, comme le cercle fermé par la chute d’un caillou se dilue à la surface de l’eau. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le nez », II (1835) ; Pléiade, 1966, p. 614).
. On ne saurait scruter l’âme humaine jusque dans son tréfonds ni deviner tout ce qui s’y passe. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le manteau » (1840) ; Pléiade, 1966, p. 651).
. Il se trouve toujours des gens pour attacher de l’importance à des choses qui n’en ont aucune. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le manteau » (1840) ; Pléiade, 1966, p. 656).
. Il connut cette affreuse torture qui ronge parfois les talents médiocres quand ils essaient vainement de dépasser leurs limites. Pareil tourment peut inspirer de grandes œuvres à la jeunesse, mais hélas ! pour quiconque a passé l’âge des rêves, il n’est qu’une soif stérile et peut mener l’homme au crime. (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le portrait », I (1842) ; Pléiade, 1966, p. 705).
. L’impératrice : « Ce n’est point sous les régimes monarchiques que se voient réfrénés les généreux élans de l’âme ni méprisés les ouvrages de l’esprit, de la poésie, de l’art. Bien au contraire, seuls les monarques en ont été les protecteurs : les Shakespeare, les Molière se sont épanouis, grâce à leur appui bienveillant, tandis que Dante ne pouvait trouver dans sa patrie républicaine un coin où reposer la tête. Les véritables génies se produisent au moment où les souverains et les États sont dans toute leur puissance, et non pas dans l’abomination des luttes intestines ni de la terreur républicaine, qui jusqu’à présent n’ont donné au monde aucun génie. » (Nicolas Gogol, Nouvelles de Pétersbourg, « Le portrait », II (1842) ; Pléiade, 1966, p. 713).
. Ikhariev : « Il se trouvera toujours un filou plus filou que toi ! un coquin qui d’un seul coup fera crouler l’édifice auquel tu travailles depuis des années ! Le diable m’emporte, quelle tromperie que ce monde ! Les seuls qui ont une chance d’être heureux, ce sont les imbéciles, les bûches, ceux qui ne comprennent rien, qui ne pensent à rien, qui ne font rien de rien, qui jouent deux sous au whist avec des cartes usées ! » (Nicolas Gogol, Les Joueurs (1842), scène XXV, excipit ; Pléiade, 1966, p. 932 ; ou Théâtre complet, Babel n°777, 2006, p. 180).
. Ne t'en prends pas au miroir si tu as la gueule de travers. (Dicton populaire mis par Nicolas Gogol en épigraphe au Révizor (1836) ; Pléiade, 1966, p. 943 ; ou Théâtre complet, Babel n°777, 2006, p. 181). [6]
. Le Gouverneur : « Hélas ! telle est l'insondable loi de la destinée : dès qu'un homme est intelligent, ou bien c'est un ivrogne ou bien il fait des grimaces à faire fuir tous les saints du paradis. » (Nicolas Gogol, Le Révizor (1836), acte I scène 1 ; Pléiade, 1966, p. 954 ; ou Théâtre complet, Babel n°777, 2006, p. 197).
. La bonne éducation se donne, comme on sait, dans les pensionnats ; et dans les pensionnats trois matières résument, comme nul ne l’ignore, toutes les vertus : le français, indispensable à la félicité conjugale ; le piano, destiné à faire passer au mari quelques moments agréables ; enfin le ménage proprement dit, c’est-à-dire le tricotage de bourses et d’autres surprises. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, ii ; Pléiade, 1966, p. 1140).
. Tchitchikov approuva : mener une vie retirée, contempler la nature, lire quelque bon livre, quoi de plus agréable ? (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, ii ; Pléiade, 1966, p. 1143). [7]
. Tchitchikov : « Tu veux sans doute que je te caresse les épaules ? » — Le cocher Sélifane : « Comme il plaira à Votre Seigneurie. Le maître est le maître et le fouet a du bon ; quand le vilain fait des siennes, il faut le rappeler à l’ordre. » (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, iii ; Pléiade, 1966, p. 1156).
. Certaines gens ont la rage de faire des vilenies à leur prochain, souvent sans aucune raison. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, iv ; Pléiade, 1966, p. 1182).
. Certains êtres existent seulement en tant que taches ou mouchetures sur les objets. Ils restent toujours à la même place, ne remuent jamais la tête ; on les confond presque avec les meubles ; on jurerait qu’ils n’ont jamais proféré un traître mot. Mais surprenez-les à l’office ou à la lingerie, alors vous verrez qu’ils ont une langue. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, v ; Pléiade, 1966, p. 1206).
. Chaque peuple porte en soi un gage de force, possède en propre des facultés créatrices, des particularités bien tranchées, d’autres dons du ciel encore ; mais il se distingue surtout par son Verbe, qui reflète en toute occasion un trait du caractère national. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, v ; Pléiade, 1966, p. 1217).
. Un homme peut ainsi se ravaler, devenir si mesquin, si vilain, si ladre ! Est-ce vraisemblable ? Tout est vraisemblable, la nature humaine est capable de tout. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, vi ; Pléiade, 1966, p. 1235).
. L’impétueux jeune homme d’aujourdhui reculerait d’horreur à la vue du vieillard qu’il sera un jour. Quand, au sortir des années charmantes de la jeunesse, vous vous engagez dans le chemin ardu de l’âge mûr, emportez pour viatique vos premiers mouvements d’humanité ; autrement vous ne les retrouverez plus. La vieillesse vous menace, l’impacable vieillesse qui ne laisse rien reprendre de ce que l’on a une fois abandonné. La tombe est plus clémente, on peut y lire : « ci gît un homme », tandis qu’on ne déchiffre rien sur les traits sombres et glacés de l’inhumaine vieillesse ! (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, vi ; Pléiade, 1966, p. 1235).
. [Le] profond sommeil, [le] merveilleux sommeil, apanage des heureux mortels qui ignorent les puces, les hémorroïdes et l’excès d’intelligence. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, vi ; Pléiade, 1966, p. 1240).
. Jusqu’alors, tout en rendant justice à sa parfaite éducation, les dames de N… s’étaient peu occupées de Tchitchikov ; dès qu’on l’eut fait millionnaire, elles lui trouvèrent d’autres qualités. […] Le charme secret du mot millionnaire opère sur les honnêtes gens comme sur les pieds plats. Le millionnaire a le privilège de connaître la bassesse désintéressée, de la contempler toute nue ; bien des gens savent qu’ils n’ont rien à attendre de lui, et pourtant ils volent à sa rencontre, le saluent, lui sourient, n’ont de cesse qu’ils ne soient invités à dîner en sa compagnie. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, viii ; Pléiade, 1966, p. 1265).
. Les mortels sont faits d’étrange sorte. L’un d’eux a-t-il appris quelque absurde commérage, aussitôt il en fait part à un autre, ne fût-ce que pour dire : « Voyez quel mensonge on répand ! ». L’autre tend l’oreille, approuve : « Oui, vous avez raison, c’est un affreux mensonge !… », et il n’a rien de plus pressé que de le colporter à un troisième, afin de pouvoir s’écrier avec lui, dans un élan de noble indignation : « Ah ! ah ! l’abominable mensonge !… ». L’absurde ragot fait ainsi le tour de la ville ; et tous les habitants, après s’en être rassasiés, le proclament indigne d’attention. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, viii ; Pléiade, 1966, p. 1277).
. Nous avons tous la faiblesse d’être indulgents pour nos erreurs et de passer notre dépit sur nos proches : femme, subordonné, domestique, ou même sur notre chaise, qui s’envole au diable et va se briser contre la porte ! (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, ix ; Pléiade, 1966, p. 1279).
. Chacun sait que les cancans sont aussi indispensables aux habitants des petites villes que le boire et le manger. (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1841), I, ix ; Pléiade, 1966, p. 1293).
. Tchitchikov : « J’ignore l’ennui, le temps me manque pour celà. » (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1842), II, i, 3 ; Pléiade, 1966, p. 1398).
. Kostanjoglo : « On ouvre des écoles dont un imbécile n’aurait pas l’idée. Il en sort des propres-à-rien, aussi bien pour la ville que pour la campagne, des ivrognes ayant le sentiment de leur dignité. » (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1842), II, i, 3 ; Pléiade, 1966, p. 1416).
. Kostanjoglo : « L’expérience des siècles démontre que dans l’état agricole l’homme est plus moral, plus pur, plus noble. Je ne prétends pas qu’il ne faille rien faire d’autre ; j’estime seulement que l’agriculture doit se trouver à la base de tout. L’industrie se développera d’elle-même, celle du moins qui a sa raison d’être, qui répond aux besoins immédiats de l’homme et non à ces raffinements qui amollissent les gens d’aujourdhui. Pas de ces usines qui, pour se maintenir et écouler leur produits, recourent à des moyens répugnants, démoralisent et corrompent le pauvre peuple. Jamais je n’introduirai chez moi – quoi qu’on dise en leur faveur, et dussé-je y perdre un million – de ces fabrications qui développement des besoins raffinés. Non, non ; pas de sucre ; pas de tabac ! Si la corruption envahit le monde, que ce ne soit pas mon œuvre ! » (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1842), II, i, 3 ; Pléiade, 1966, p. 1417).
. Khlobouïev : « Mon dieu ! qu’il y a loin de connaître le monde à savoir utiliser cette connaissance ! » (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes (1842), II, i, 4 ; Pléiade, 1966, p. 1434).
. Plus sublimes sont les vérités, plus leur maniement demande de prudence ; sinon, du jour au lendemain, elles se changent en lieux communs, et les lieux communs, le public n'y croit plus. (Nicolas Gogol, Passages choisis de ma correspondance avec des amis, IV (1844) ; Pléiade, 1966, p. 1513).
VISSARION BELINSKI (1811-1848, Russe) : [À compléter]
ALEXANDRE HERZEN (1812-1870, Russe) : [Voir page spéciale en préparation dévolue aux auteurs et penseurs de gauche]
IVAN GONTCHAROV (1812-1891, Russe)
. Le matin, à peine levé, il se recouche sur le divan aussitôt après le thé, appuie sa tête sur une main et se met à réfléchir sans ménager ses forces, jusqu’à ce que, lorsque son cerveau ressent enfin la fatigue de ce travail difficile, sa conscience lui dise : « Assez œuvré aujourdhui pour le bien commun. » (Ivan Gontcharov, Oblomov (1859), ch. VI ; Livre de poche-Biblio n°3315, 1999, p. 95-96).
MICHEL BAKOUNINE (1814-1876, Russe) : [Voir page spéciale en préparation dévolue aux auteurs et penseurs de gauche]
MICHEL LERMONTOV (1814-1841, Russe) : [À compléter]
IVAN TOURGUÉNIEV (1818-1883, Russe)
. Nourrissez le loup tant que vous voudrez, dit le proverbe, il n’en regarde pas moins vers la forêt. (Ivan Tourguéniev, Mémoires d’un chasseur, II. Iermolaï et la meunière (1847) ; Pléiade tome I, 1981, p. 207).
. Quand on se sent très bien, le cerveau, c’est bien connu, ne travaille plus guère. Un sentiment de tranquille bonheur, de contentement, pénètre tout votre être ; il vous absorbe entièrement ; la conscience de votre personnalité s’y dissout, et vous nagez dans la béatitude, comme disent les poètes mal élevés. Mais lorsqu’au bout du compte cet « enchantement » est passé, on en éprouve parfois du dépit et on regrette de s’être si peu observé en plein bonheur, de ne pas avoir su doubler, prolonger par la méditation et le souvenir, ses jouissances… comme si l’homme « plongé dans la béatitude » avait le temps de méditer sur ses sentiments, et comme si celà en valait la peine ! L’homme heureux est comme une mouche au soleil. (Ivan Tourguéniev, Le Journal d'un homme de trop (1850), 24 mars ; Pléiade tome I, 1981, p. 557).
. Qui donc a dit que seule la vérité est réelle ? Le mensonge est tout aussi vivace que la vérité ; peut-être l'est-il plus encore. (Ivan Tourguéniev, Le Journal d'un homme de trop (1850), 25 mars ; Pléiade tome I, 1981, p. 563-564).
. Alexis Pétrovitch : « On peut parler de n’importe quoi au monde avec chaleur, avec enthousiasme, avec passion, mais il n’y a que de soi-même que l’on parle avec appétit. » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), VI ; Pléiade tome I, 1981, p. 864).
. Alexis Pétrovitch : « Nous sommes sots comme des enfants, mais nous ne sommes pas sincères comme eux ; nous sommes froids commes des vieillards, mais nous n’avons pas la sagesse du grand âge… » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), VI ; Pléiade tome I, 1981, p. 866).
. Alexis Pétrovitch : « Craindre le ridicule, c’est ne pas aimer la vérité. » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), X ; Pléiade tome I, 1981, p. 877).
. Alexis Pétrovitch : « Il faut croire et que l’on ne peut changer son propre destin, et que l’on ne se connaît jamais soi-même, et puis on ne peut pas non plus prévoir l’avenir. En réalité, il n’arrive jamais dans la vie que de l’inattendu, et nous passons toute notre existence à essayer d’être à la hauteur des évènements… » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), XV ; Pléiade tome I, 1981, p. 887).
. Alexis Pétrovitch : « L’amour n’est même pas du tout un sentiment ; c’est une maladie, un état bien connu de l’âme et du corps. […] Il s’empare habituellement du sujet sans préavis, subitement, contre sa volonté : c’est le choléra, c’est la fièvre chaude… Il l’agrippe, le pauvre innocent, comme un faucon agrippe un poussin, et l’emporte où il lui plaît, malgré tous ses efforts pour se débattre et pour résister… En amour, il n’y a pas d’égalité, de prétendue libre union des âmes et autres poncifs idéalistes inventés pendant leurs loisirs par des professeurs allemands… Non, en amour l’un est l’esclave, l’autre le maître, et c’est à bon droit que les poètes parlent des chaînes imposées par l’amour. Oui, l’amour est une chaîne, et la plus lourde des chaînes. » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), XV ; Pléiade tome I, 1981, p. 889-890).
. Alexis Pétrovitch : « Les seuls que la vie ne trompe pas sont ceux qui ne réfléchissent pas à elle et qui, n’exigeant rien de sa part, reçoivent tranquillement ses rares présents et en usent tranquillement. » (Ivan Tourguéniev, Une correspondance (1856), XV ; Pléiade tome I, 1981, p. 890).
. Lejniev : « Le malheur de Roudine vient de ce qu’il ne connaît pas la Russie et c’est effectivement un grand malheur. La Russie peut se passer de nous, mais aucun de nous ne peut se passer d’elle. Malheur à celui qui le pense, deux fois malheur à celui qui effectivement se passe d’elle ! Le cosmopolitisme est une sottise, le cosmopolite est un zéro, moins qu’un zéro ; en dehors du sentiment national il n’y a ni art ni vérité ni vie, il n’y a rien. Sans physionomie il n’y a même pas de visage idéal. » (Ivan Tourguéniev, Roudine (1856), XII ; Pléiade tome I, 1981, p. 1048-1049).
. Vladimir Pétrovitch : « La soudaine réalisation de mes désirs secrets me réjouit et m’effraya en même temps. » (Ivan Tourguéniev, Premier amour (1860), III ; Pléiade tome II, 1982, p. 463).
. Le père : « Prends toi-même ce que tu peux et ne te laisse pas dominer ; s’appartenir à soi-même, c’est tout ce qui compte dans la vie. » (Ivan Tourguéniev, Premier amour (1860), VIII ; Pléiade tome II, 1982, p. 480).
. Le père : « Mon fils, crains l’amour des femmes, crains ce bonheur, ce poison… » (Ivan Tourguéniev, Premier amour (1860), XXI ; Pléiade tome II, 1982, p. 521).
. Vladimir Pétrovitch : « Et qu’est-il advenu de tout ce que j’espérais ? maintenant que sur ma vie commencent déjà à passer les ombres du soir, que me reste-t-il de plus frais, de plus cher que les souvenirs de cet orage d’un matin de printemps, vite enfui ? » (Ivan Tourguéniev, Premier amour (1860), XXII ; Pléiade tome II, 1982, p. 523).
. On se laisse toujours influencer par le son de ses propres paroles. (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), V ; Pléiade tome II, 1982, p. 543).
. Bazarov : « Je dis, moi, qu’un homme qui a tout misé sur l’amour d’une femme et qui, lorsque cette carte lui est enlevée, se retrouve assommé, effondré, et se laisse aller au point de n’être plus bon à rien, je dis que cet homme n’est pas un homme, n’est pas un mâle. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), VII ; Pléiade tome II, 1982, p. 556).
. Paul Pétrovitch : « Vous êtes contre votre propre peuple ? » — Bazarov : « Et pourquoi pas, après tout ? Quand le peuple entend le tonnerre, il croit que c’est le prophète Élie qui traverse le ciel sur son char. Et alors ? Faut-il que je sois de son avis ? » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), X ; Pléiade tome II, 1982, p. 574).
. Eudoxie : « Nos femmes reçoivent une éducation déplorable. » — Sitnikov : « Il n’y a rien à en tirer. Elles ne méritent que le mépris, et je les méprise entièrement et sans réserve ! […] Pas une femme ne serait capable de comprendre notre conversation ; pas une ne mérite que des hommes sérieux comme nous parlent d’elle ! » — Bazarov : « Mais elles n’ont aucun besoin de comprendre notre conversation. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XIII ; Pléiade tome II, 1982, p. 593).
. Arcade : « Pourquoi ne veux-tu pas tolérer la liberté de pensée chez les femmes ? » — Bazarov : « Mon vieux, parce que, d’après mes observations, les seules femmes qui pensent librement sont des horreurs. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XIV ; Pléiade tome II, 1982, p. 600).
. L’intervention de la vulgarité est souvent utile dans la vie : elle détend les cordes qui vibrent un peu trop haut, tempère les débordements de vanité ou d’abnégation en rappelant par sa seule présence son étroite parenté avec ces deux sentiments. (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XIX ; Pléiade tome II, 1982, p. 633).
. Bazarov : « Mon dieu, que tout ça est bête ! Alors que notre vie est suspendue à un fil et qu’un abîme peut à chaque instant s’ouvrir sous nos pieds, il faut que nous allions encore nous inventer un tas de désagréments pour nous gâcher l’existence. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XIX ; Pléiade tome II, 1982, p. 638).
. Arina Vlassievna était très bonne et, à sa manière, point sotte du tout. Elle savait qu’il y a en ce monde des « maîtres » faits pour commander, et des simples faits pour servir ; c’est pourquoi elle n’avait rien contre l’obséquiosité ni contre les grands saluts jusqu’à terre. (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XX ; Pléiade tome II, 1982, p. 649).
. Bazarov : « La toute petite place que j’occupe est si infime en comparaison du reste de l’espace où je ne suis pas et où rien ne me concerne ; et la portion de temps qu’il me sera donné de vivre est tellement insignifiante à côté de cette éternité où je n’étais pas et où je ne serai pas… Et dans cet atome, dans ce point mathématique, le sang circule, le cerveau travaille, désire aussi… Quel scandale ! Quelle inanité ! » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXI ; Pléiade tome II, 1982, p. 655).
. Bazarov : « Tout ce qui signifie quelque chose est exquis, même si la signification est fausse, comme c’est souvent le cas dailleurs ; on peut même se résigner à la non-signification, dailleurs… mais les vétilles, les vétilles… voilà notre malheur. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXI ; Pléiade tome II, 1982, p. 656).
. Bazarov : « Qu’une femme puisse soutenir une demi-heure de conversation, c’est déjà bon signe. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXI ; Pléiade tome II, 1982, p. 664).
. La moitié des étables fut détruite par un incendie, parce qu’une vieille domestique aveugle était allée par un jour de grand vent passer un tison sous le ventre de sa vache pour la préserver du mauvais œil… (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXII ; Pléiade tome II, 1982, p. 670).
. Nicolas Pétrovitch : « Envoyer chercher la police ? mes principes me l’interdisent ; or sans la crainte du châtiment, on n’arrive à rien ! » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXII ; Pléiade tome II, 1982, p. 671).
. Paul Pétrovitch : « Je trouverais également malséant d’approfondir les causes réelles de notre conflit. Nous ne pouvons pas nous souffrir. À quoi bon en dire plus ? » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXIV ; Pléiade tome II, 1982, p. 681-682).
. Bazarov : « Il y avait une place vide dans ma valise, alors j’y mets du foin ; dans la valise de notre vie c’est pareil ; tassons-y n’importe quoi, l’essentiel est de combler le vide. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVI ; Pléiade tome II, 1982, p. 714).
. Le paysan : « Tant plus le maître est exigeant, tant plus il est aimé du paysan. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVII ; Pléiade tome II, 1982, p. 719).
. Bazarov : « C’est étonnant ce que les hommes peuvent encore croire aux mots. Qu’on traite quelqu’un d’imbécile, par exemple, mais sans le battre, il s’en affecte ; qu’on dise de lui : "Qu’il est intelligent !" sans lui donner un sou, le voilà tout aise ! » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVII ; Pléiade tome II, 1982, p. 727).
. Bazarov : « Vieille plaisanterie que la mort, mais pour chacun de nous elle est comme neuve. » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVII ; Pléiade tome II, 1982, p. 730).
. Bazarov mourant : « Regardez bien ce spectacle repoussant : un ver de terre à moitié écrasé, et qui se tortille encore, malgré tout. Moi aussi, pourtant, je me disais que j’en ferais, des choses et des choses, que je ne mourrais pas ; moi, mourir ? Oh ! non, avec tout ce que j’ai à faire ! Car je suis un géant, moi ! Et maintenant il ne lui reste qu’une chose à faire, au géant, c’est de mourir le plus décemment possible, encore que celà n’importe à personne… » (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVII ; Pléiade tome II, 1982, p. 731).
. Il est de ceux qui pensent qu’on doit « raisonner » les paysans, c’est-à-dire les réduire à l’épuisement par la fréquente répétition des mêmes mots. (Ivan Tourguéniev, Pères et fils (1862), XXVIII ; Pléiade tome II, 1982, p. 735).
. Il existe une mélancolie qu'il n'est pas possible de dissiper ni de consoler, la mélancolie de la vieillesse dont on a conscience. (Ivan Tourguéniev, Eaux printanières (1871), XIX ; Pléiade tome III, 1986, p. 316).
THÉODORE DOSTOÏEVSKI (1821-1881, Russe) : [page spéciale en préparation]
ALEXANDRE OSTROVSKI (1823-1886, Russe) : [À compléter]
MICHEL SALTYKOV-CHTCHÉDRINE (1826-1889, Russe) : [À compléter]
NICOLAS TCHERNYCHEVSKI (1828-1889, Russe)
. Lopoukhov : « On s’efforce jusqu’à la dernière extrémité de conserver l’état de choses où l’on s’est installé ; au plus profond de notre nature gît un élément conservateur auquel nous ne dérogeons que par nécessité. » (Nicolas Tchernychevski, Que faire ? (1863), IV, 1 ; éd. des Syrtes, 2000, p. 259).
. Lepoukhov : « Il est assez difficile de concevoir les particularités des autres, on est toujours enclin à se représenter les autres selon son propre naturel. Ce qui est superflu pour moi l’est sans doute pour les autres : c’est le raisonnement que nous suggère notre personnalité. » (Nicolas Tchernychevski, Que faire ? (1863), IV, 1 ; éd. des Syrtes, 2000, p. 260).
LÉON TOLSTOÏ (1828-1910, Russe) : [page spéciale en préparation]
NICOLAS LESKOV (1831-1895, Russe)
. Serge : « Je suis complètement seul. Par moments je désespère vraiment… » — Catherine : « Pourquoi ne te maries-tu pas ? » — « C’est facile à dire […], se marier ! Avec qui ? Je suis un petit personnage : une fille de patron ne voudra pas de moi. Et quant aux filles pauvres, vous devez le savoir vous-même […], elles n’ont aucune instruction ; peuvent-elles comprendre quelque chose à l’amour ? Les riches aussi du reste ! » (Nicolas Leskov, Lady Macbeth au village (1865) ; Pléiade, 1967, p. 64-65).
. L'important pour celui qui entreprend un voyage c'est d'avoir un bon compagnon : avec un homme intelligent et bon on supporte plus aisément et la faim et le froid. (Nicolas Leskov, L'Ange scellé (1873), X ; Pléiade, 1967, p. 528).
. Comment les gens s'épousent-ils parfois ? De fins observateurs prétendent que l'insouciance humaine ne se manifeste nulle part autant que dans le mariage. Les hommes les plus sages, dit-on, achètent leurs bottes avec plus de soin qu'ils n'en mettent à prendre compagne pour la vie. En vérité, il n'est pas rare que ce choix obéisse simplement au hasard le plus aveugle et le plus narquois. (Nicolas Leskov, Le Paon (1874), IX ; éd. de l’Aube, Poche n°74, 2002, p. 53).
NICOLAS DOBROLIOUBOV (1836-1861, Russe) : [À compléter]
DIMITRI PISSAREV (1840-1868, Russe) : [À compléter]
ALEXIS APOUKHTINE (1840-1893, Russe) : [À compléter]
PIERRE KROPOTKINE (1842-1921, Russe) : [Voir page spéciale en préparation dévolue aux auteurs et penseurs de gauche]
SOPHIE TOLSTOÏ (1844-1919, Russe)
. Toujours et partout Léon Nicolaïevitch [Tolstoï] prétend et écrit qu’il faut aimer et servir Dieu et son prochain. Je le lis, je l’écoute toujours avec la même stupeur : du matin et jusque tard dans la nuit, son existence tout entière s’écoule sans aucun contact personnel avec autrui, sans intérêt pour quiconque. […] Jour après jour s’écoule cette vie régulière, égoïste, sans amour, sans participation à la vie de sa famille et aux intérêts de celle-ci, aux joies ou aux peines de ses proches. C’est cette froideur qui m’a usée. (Sophie Tolstoï, Journal intime, 4 septembre 1897 ; tome 1. 1862-1900, Albin Michel, 1980, p. 342).
SOPHIE KOVALEVSKAÏA (1850-1891, Russe) : [À compléter]
BASILE ROZANOV (1856-1919, Russe)
. Je n’ai cessé de parler du mariage, encore du mariage, toujours du mariage… et c’est la mort, encore la mort, toujours la mort qui est venue vers moi. (Basile Rozanov, Esseulement (1912) ; L’Âge d’homme, 1980, p. 115).
. Aucun homme n’est digne de louanges. Tout homme n’est digne que de pitié. (Basile Rozanov, Esseulement (1912) ; L’Âge d’homme, 1980, p. 128).
. Ce qui m’a frappé ma vie durant ? / La bassesse. / Et la noblesse. / Mais aussi le fait que tout ce qui est noble est toujours humilié. / L’obscénité triomphe presque toujours. L’obscénité offensante. (Basile Rozanov, Feuilles tombées I (1913) ; L’Âge d’homme, 1984, p. 68).
. La civilisation européenne périra de compassion. / Comme la Grèce est morte des sophistes et Rome des parasites. / Le mécanisme du dépérissement de la civilisation européenne consistera en une paralysie totale face au mal, à l’infamie, au crime ; les scélérats finiront par mettre le monde en pièces. / Remarquez comme aujourdhui on opprime, on ridiculise, on vilipende tout ce qui est bon, simple, vertueux. (Basile Rozanov, Feuilles tombées I (1913) ; L’Âge d’homme, 1984, p. 118-119).
. Techniquement le progrès est indispensable, pour l’âme il ne l’est nullement. On a besoin de « fusils perfectionnés », de bottes à trépointe, de poêles qui ne fument pas. / Mais l’âme ne gagne rien à tout celà. Elle y perdrait plutôt. / L’ustensile qui nous facilite la vie nous rend souvent mesquins et nous finissons même en son nom par détruire nos âmes. / La lutte entre « progressistes » et partisans de « l’ordre domestique » est le plus souvent un lutte pour l’âme ou pour un « dîner aux câpres », dans lequel bien évidemment les « câpres » triomphent. (Basile Rozanov, Feuilles tombées II (1915) ; L’Âge d’homme, 1984, p. 198).
. Le soleil s’est allumé avant le christianisme. Et il ne s’éteindrait pas si le christianisme disparaissait. Voilà la limite du christianisme, contre laquelle ne prévaudront ni les « messes », ni les « services funèbres ». Et à propos de messes : on en a célébré beaucoup, mais l’existence de l’homme n’en a pas été allégée. (Basile Rozanov, L’Apocalypse de notre temps (1918), fascicule 2 ; Ivrea, 1997, p. 174).
ANTOINE TCHÉKOV (1860-1904, Russe)
. Niouta : « Seules les personnes très fières se taisent et aiment la solitude. » (Antoine Tchekhov, Nouvelles, Volodia (1887) ; Pléiade, tome II, 1970, p. 163).
. Nicolas Stépanovitch : « On dit que les philosophes et les vrais sages sont indifférents. C’est faux, l’indifférence est une paralysie de l’âme, une mort anticipée. » (Antoine Tchekhov, Nouvelles, Une banale histoire (1889) ; Pléiade, tome II, 1970, p. 735).
. Nicolas Stépanovitch : « Connais-toi toi-même est un conseil très beau et très utile ; il est dommage seulement que les anciens ne se soient pas avisés de nous en indiquer le mode d’emploi. » (Antoine Tchekhov, Nouvelles, Une banale histoire (1889) ; Pléiade, tome II, 1970, p. 735).
. Ivanov : « À vingt ans, nous sommes des héros, nous entreprenons n’importe quoi, nous ne doutons pas de nos forces ; mais à trente ans, nous voilà déjà fourbus et nous ne valons plus rien. Comment, comment expliques-tu la rapidité avec laquelle arrive cette fatigue ? » (Antoine Tchekhov, Ivanov (1887), acte III, scène 5 ; Pléiade, tome I, 1967, p. 254 ; ou Club français du livre, 1958, p. 94). [8]
. Smirnov : « J'ai aimé passionnément, avec rage, de toutes les manières possibles, que le diable m'emporte, je jacassais comme une pie sur l'émancipation des femmes, les sentiments tendres ont englouti la moitié de ma fortune, – mais maintenant je tire ma révérence ! Maintenant, on ne m'aura plus ! C’est fini ! Yeux noirs, yeux de braise, lèvres de pourpre, fossettes aux joues, clairs de lune, doux murmures, soupirs timides… Tout ça, madame, je n'en donnerais plus un kopeck. Je ne parle pas des personnes présentes, mais toutes les femmes, jeunes ou vieilles, sont des mijaurées, des intrigantes, des cancanières… elles sont envieuses, menteuses jusqu'à la moelle, vaines, mesquines, impitoyables, avec une logique à elles, révoltante ; quant à cet objet-là [=le cerveau], eh bien, excusez ma franchise, mais le premier moineau venu pourrait en remontrer à n'importe quel philosophe en jupon ! À la voir, comme ça, cette créature poétique, de la mousseline et de l'éther, pour un peu une déesse, porteuse d'un million d'extases, – mais essayez donc de jeter un coup d'œil au fond de son âme… vous y trouverez un crocodile tout ce qu'il y a de plus ordinaire ! […] Et le plus révoltant dans cette affaire, c’est que ledit crocodile est persuadé, on se demande bien pourquoi, que son chef-d'œuvre, son privilège, son monopole, sont les sentiments tendres ! Mais zut et zut à la fin, vous pouvez me pendre par les pieds à ce clou, est-ce qu'une femme est capable d'aimer qui que ce soit en dehors de son petit chien ? En amour, tout ce qu'elle sait faire c'est geindre et pleurnicher ! Là où un homme souffre et se sacrifie, tout son amour à elle consiste à jouer avec sa traîne et vous mener par le bout du nez. Vous avez le malheur d'être femme, vous devez donc bien connaître la nature féminine. Dites-moi, en toute franchise : avez-vous de votre vie rencontré une seule femme sincère, fidèle et constante ? Vous n'en avez pas rencontré ! Ne sont fidèles et constantes que les vieilles et les guenons ! Il y a plus de chance de rencontrer un chat avec des cornes ou un merle blanc, qu'une femme fidèle ! » (Antoine Tchekhov, L’Ours (1887), scène 7 ; Pléiade, tome I, 1967, p. 581-582 ; ou Club français du livre, 1958, p. 140-141).
. Arkadina : « Les gens prétentieux et sans talent n'ont pas d'autre ressource que de nier les talents véritables. On a beau dire, c’est une consolation ! » (Antoine Tchekhov, La Mouette (1896), acte III ; Pléiade, tome I, 1967, p. 328 ; ou Club français du livre, 1958, p. 407).
. Macha : « L'amour sans espoir ça n'existe que dans les romans. Ce qu'il faut, c'est ne pas se laisser aller, ne pas attendre, toujours attendre Dieu sait quoi… Si jamais l’amour s’installe dans votre cœur, il faut le chasser. » (Antoine Tchekhov, La Mouette (1896), acte IV ; Pléiade, tome I, 1967, p. 336 ; ou Club français du livre, 1958, p. 416).
. Dorn : « La peur de la mort est une peur animale… Il faut la vaincre. Les seuls qui ont consciemment peur de la mort sont ceux qui croient à la vie éternelle, ils s’effrayent à cause de leurs péchés. » (Antoine Tchekhov, La Mouette (1896), acte IV ; Pléiade, tome I, 1967, p. 339 ; ou Club français du livre, 1958, p. 419).
. Astrov : « Une femme ne peut devenir l’amie d’un homme que si elle a été dabord sa camarade, ensuite sa maîtresse. » (Antoine Tchekhov, Oncle Vania (1897), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 378 ; ou Club français du livre, 1958, p. 461).
. Voïnitzki : « Lorsqu’on n’a pas de vie véritable, on la remplace par des mirages. C'est tout-de-même mieux que rien. » (Antoine Tchekhov, Oncle Vania (1897), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 379 ; ou Club français du livre, 1958, p. 462).
. Astrov : « Les paysans se ressemblent tous, ils sont arriérés, vivent dans la saleté ; quant aux intellectuels, il est difficile de s’entendre avec eux. Ils sont fatigants. Tous nos bons amis sont mesquins de pensées et de sentiments, et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez – ils sont tout simplement bêtes. Et ceux qui sont plus intelligents, qui ont un peu plus d’envergure, ceux-là sont hystériques, rongés par l’analyse, dominés par leurs réflexes… Ils geignent, haïssent, médisent de façon maladive, abordent un homme de biais, le regardent en dessous et décident : "Oh, mais c’est un psychopathe !" ou "C’est un blagueur !". Et quand ils ne savent pas quelle étiquette me coller au front, ils disent : "Quel homme étrange, étrange !". » (Antoine Tchekhov, Oncle Vania (1897), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 381 ; ou Club français du livre, 1958, p. 464-465).
. Astrov : « Oui, j’ai laissé passer le temps, il est trop tard… J’ai vieilli, je suis épuisé par le travail, je me suis laissé envahir par la banalité ; tous mes sentiments se sont émoussés et il me semble que je suis déjà incapable de m’attacher à qui que ce soit. Je n’aime personne et… je n’aimerai plus. » (Antoine Tchekhov, Oncle Vania (1897), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 381-382 ; ou Club français du livre, 1958, p. 465).
. Voïnitzki : « Toi et moi, nous n’avons plus qu’un seul espoir, l’espoir qu’une fois endormis dans nos cercueils, nous serons visités par des rêves, et même peut-être par des rêves agréables. […] Dans tout le district, il n'y avait que deux hommes honnêtes et intelligents : toi et moi. Mais en une dizaine d’années, la vie quotidienne, la vie sordide nous a engloutis ; elle a empoisonné notre sang de ses émanations putrides, et nous sommes devenus aussi triviaux que les autres. » (Antoine Tchekhov, Oncle Vania (1897), acte IV ; Pléiade, tome I, 1967, p. 404 ; ou Club français du livre, 1958, p. 493).
. Solioni : « Quand un homme se met à philosopher, celà donne de la philo-sophistique ou, disons, de la sophistique ; mais si c'est une femme qui se met à philosopher, ou deux femmes, alors ça tourne au mords-moi-le-doigt. » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte I ; Pléiade, tome I, 1967, p. 426 ; ou Club français du livre, 1958, p. 513).
. Tousenbach : « Dans mille ans, l'homme soupirera comme maintenant : Ah, comme la vie est dure ! – et tout comme aujourdhui, il aura peur de la mort et ne voudra pas mourir. » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 448 ; ou Club français du livre, 1958, p. 539).
. Macha : « Il me semble que l’homme doit avoir une foi, ou chercher une foi, sinon sa vie est vide, vide… Vivre, sans savoir pourquoi volent les cigognes, pourquoi naissent les enfants, pourquoi il y a des étoiles dans le ciel… Il faut savoir pourquoi on vit, ou alors tout n’est que bêtises, tout va à vau-l’eau… » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 449 ; ou Club français du livre, 1958, p. 541)
. Verchinine : « Avec quelle ivresse, avec quelle exaltation il parlait des oiseaux qu’il voyait par la fenêtre de sa prison et qu’autrefois il n’avait jamais remarqués, quand il était ministre ! Maintenant que le voilà de nouveau en liberté, tout comme avant, il ne remarque évidemment plus les oiseaux. C’est ainsi que vous ne remarquerez pas Moscou lorsque vous l’habiterez. Nous ne sommes pas heureux, et le bonheur n'existe pas, nous ne pouvons que le désirer. » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 451-452 ; ou Club français du livre, 1958, p. 543).
. Tchéboutykine : « Peut-être ne l’ai-je pas cassée, peut-être semble-t-il seulement que je l’ai cassée. Peut-être semble-t-il seulement que nous existons, et qu’en réalité nous n’existons pas du tout. Je n’en sais rien, personne n’en sait rien. » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte III ; Pléiade, tome I, 1967, p. 466 ; ou Club français du livre, 1958, p. 561).
. Macha : « Comment vivrons-nous notre vie ? Qu’adviendra-t-il de nous ? Quand on lit un roman, on a l'impression que tout celà est si vieux et si clair ! Mais quand on aime soi-même, on voit que personne ne sait rien et que chacun doit décider pour soi… » (Antoine Tchekhov, Les Trois sœurs (1901), acte III ; Pléiade, tome I, 1967, p. 472 ; ou Club français du livre, 1958, p. 567).
. Trofimov : « L’homme est physiologiquement mal organisé et, dans l'immense majorité des cas, il est grossier, inintelligent, profondément malheureux. Il faut cesser de s’admirer soi-même. Et travailler, c'est tout. » (Antoine Tchekhov, La Cerisaie (1904), acte II ; Pléiade, tome I, 1967, p. 529 ; ou Club français du livre, 1958, p. 630).
THÉODORE SOLOGOUB (1863-1927, Russe) : [À compléter]
DIMITRI MEREJKOVSKI (1865-1941, Russe) : [À compléter]
LÉON CHESTOV (1866-1938, Russe)
. Lorsque l’homme constate en soi quelque défaut dont il ne parvient pas à se débarrasser, il ne lui reste plus qu’à proclamer ce défaut une qualité. Et plus le défaut est important et significatif, plus impérieusement se manifeste en nous le besoin de l’ennoblir. Du ridicule au sublime il n’y a aussi qu’un pas, et chez les hommes forts, les vices indéracinables se sont toujours appelés qualités. (Léon Chestov, Sur les confins de la vie (1905), I, xii ; dans Philosophie de la tragédie. Sur les confins de la vie, Flammarion, 1966, p. 209).
. L’homme est souvent complètement indifférent à ses succès tant qu’il en jouit. Mais il lui suffit de perdre son influence sur les hommes pour qu’il se mette en peine et la regrette. Et vice-versa. (Léon Chestov, Sur les confins de la vie (1905), I, xlvii ; dans Philosophie de la tragédie. Sur les confins de la vie, Flammarion, 1966, p. 232).
. Napoléon passait pour bien connaître l’âme humaine. Shakespeare aussi. Et cependant, il n’y a rien de commun entre leurs connaissances sur ce sujet. (Léon Chestov, Sur les confins de la vie (1905), I, xcv ; dans Philosophie de la tragédie. Sur les confins de la vie, Flammarion, 1966, p. 255).
. Les nouvelles pensées, même les nôtres, ne conquièrent pas immédiatement nos sympathies. Il faut dabord que nous nous y habituions. (Léon Chestov, Sur les confins de la vie (1905), II, viii ; dans Philosophie de la tragédie. Sur les confins de la vie, Flammarion, 1966, p. 287).
MAXIME GORKI (1868-1936, Russe)
. Satine : « Chacun voudrait que son voisin ait un peu de conscience, mais personne n'en veut pour soi-même. » (Maxime Gorki, Les Bas-fonds (1902), acte I ; dans Théâtre complet, L’Arche, 1962, p. 125 ; ou De Pouchkine à Gorki, tome VI. Théâtre, éd. Rencontre, 1967, p. 436).
. Louka : « C'est toujours comme ça : on croit bien faire, et les autres ne sont pas contents. » (Maxime Gorki, Les Bas-fonds (1902), acte I ; dans Théâtre complet, L’Arche, 1962, p. 127 ; ou De Pouchkine à Gorki, tome VI. Théâtre, éd. Rencontre, 1967, p. 440).
. Pepel : « Alors ? Dieu existe-t-il ? Parle ! » — Louka : « Si tu crois en lui, il existe ; si tu n’y crois pas, il n’existe pas. Rien n’existe si on n’y croit pas. » (Maxime Gorki, Les Bas-fonds (1902), acte II ; dans Théâtre complet, L’Arche, 1962, p. 146 ; ou De Pouchkine à Gorki, tome VI. Théâtre, éd. Rencontre, 1967, p. 475).
. La connaissance est toujours un butin. (Maxime Gorki, Ma vie d'enfant (1913), ch. IX ; Calmann-Lévy, 1921, p. 176). [9]
ALEXANDRE KOUPRINE (1870-1938, Russe) : [À compléter]
IVAN BOUNINE (1870-1953, Russe)
. Sokolovitch : « Tout pasteur sait que le mot "tuer" est employé plus de mille fois dans la Bible et que, dans la plupart des cas, les meurtriers se vantent de leur acte et en rendent gloire à Dieu. » (Ivan Bounine, La Nuit (1925), 8. « Un crime » ; éd. des Syrtes, 2000, p. 139).
. Sokolovitch : « En général le meurtre d’une femme tente les gens bien plus que celui d’un homme. Notre attention est attirée davantage par le corps de la femme, cet être inférieur qui nous enfante en ne se donnant avec volupté qu’aux mâles brutaux et forts. » (Ivan Bounine, La Nuit (1925), 8. « Un crime » ; éd. des Syrtes, 2000, p. 140).
. Les choses et les êtres que nous aimons sont pour nous une souffrance, ne serait-ce que par la crainte perpétuelle de les perdre ! (Ivan Bounine, La Vie d’Arséniev (1929), I, 4 ; Bartillat, 1999, p. 21).
LEONID ANDREIEV (1871-1919, Russe)
. Le ministre : « Ce n'est pas la mort qui est effrayante, c’est la connaissance que l’on en a ; il serait absolument impossible de vivre si on pouvait connaître avec exactitude et à coup sûr le jour et l'heure de sa mort. » (Leonid Andreïev, Histoire des sept pendus (1908), I ; dans Judas Iscariote et autres récits, José Corti, 2000, p. 241).
. Pour ne pas croire à la mort, il faut voir et entendre autour de soi des choses habituelles : des pas, des voix, de la lumière, de la soupe aux choux. (Leonid Andreïev, Histoire des sept pendus (1908), III ; dans Judas Iscariote et autres récits, José Corti, 2000, p. 257).
MICHEL KOUZMINE (1872-1936) : [À compléter]
IVAN CHMELIOV (1873-1950, Russe) : [À compléter]
VALERY BRIOUSSOV (1873-1924, Russe)
. Modeste Ilietsky : « À notre époque, un homme doit savoir tout faire : écrire des vers et faire fonctionner n’importe quel appareil électrique, jouer sur une scène et commettre un meurtre. » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), V ; Mercure de France, 1997, p. 33).
. Nathalie Glebovna : « Les tragédies sont belles sur une scène et en littérature mais, dans la vie, Marivaux est beaucoup plus agréable qu’Eschyle ! » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), VI ; Mercure de France, 1997, p. 34).
. Nathalie Glebovna : « L’amour et la passion, c’est bien beau mais la liberté c’est beaucoup mieux ! » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), VI ; Mercure de France, 1997, p. 37).
. Nathalie Glebovna : « L’amour, c’est toujours le bonheur. Si celui que tu aimes t’aime également, c’est le bonheur dans la joie ; et s’il ne t’aime pas, c’est le bonheur dans la tristesse. De ces deux bonheurs, je ne sais pas lesquel est le plus élevé, le plus beau, le plus noble. Le deuxième est plus profond et plus aigu, le premier, plus grand et plus lumineux… » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), X ; Mercure de France, 1997, p. 57).
. Modeste Ilietsky : « J’ai toujours su qu’un véritable amour est inaccessible à la femme. Un homme est capable de sacrifier sa vie à son amour et d’en éprouver du bonheur. Mais la femme dans l’amour, soit cherche le divertissement (et c’est encore un moindre mal), soit s’attache à l’homme de façon insensée, le sert comme une esclave et trouve sa joie dans un dévouement semblable à celui d’une chienne. L’homme dans l’amour est un héros ou une victime. La femme dans l’amour est une prostituée ou une mère. Seuls sont capables de se donner la mort par amour les hommes, les véritables hommes ayant atteint la maturité et compris le sens de leurs actes, ou alors des fillettes de seize ans s’imaginant être amoureuses : les statistiques du suicide le prouvent. Exiger d’une femme qu’elle vous aime est aussi stupide que de demander à une taupe d’avoir une vue perçante ! » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), XII ; Mercure de France, 1997, p. 64-65).
. Nathalie Glebovna : « Sache que l’on reconnaît dabord un homme cultivé dans le respect qu’il témoigne au livre. » (Valéry Brioussov, Dernières pages du journal d’une femme (1910), XVI ; Mercure de France, 1997, p. 91).
NICOLAS BERDIAEV (1874-1948, Russe)
. Votre délire d’égalité était une attaque meurtrière contre l’être, contre toutes ses richesses et ses valeurs ; c’était la soif de piller le monde divin et d’anéantir toute grandeur ici-bas. […] Vous n’avez jamais aimé l’esprit créateur, il vous a toujours semblé un luxe indu. Créer est aristocratique. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. I ; L’Age d’Homme, 1976, p. 28).
. L’inégalité est la base de tout être cosmique, elle est la justification de l’existence de la personne humaine et la source de tout mouvement créateur dans l’univers. Toute naissance de la lumière dans les ténèbres est une manifestation de l’inégalité. […] Une égalité absolue aurait laissé l’être dans un état indifférent, non manifesté, c’est-à-dire dans le non-être. Exiger l’égalité absolue, c’est vouloir retourner à l’état originel, chaotique, ténébreux, au nivellement et à la non-différenciation ; c’est vouloir le néant. L’exigence révolutionnaire du retour à l’égalité dans le néant est née du refus d’assumer les sacrifices et les souffrances par lesquels passe la voie de la vie supérieure. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. II ; L’Age d’Homme, 1976, p. 47).
. L'idée aristocratique exige la domination réelle des meilleurs ; la démocratie, la domination formelle de tous. En tant que gouvernement des meilleurs, qu’exigence d’une sélection qualitative, l’aristocratie reste à jamais un principe supérieur de la vie sociale, la seule utopie digne de l’homme. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. VI ; L’Age d’Homme, 1976, p. 103).
. Aux époques révolutionnaires, c’est un général une poignée de démagogues qui gouverne en utilisant habilement les instincts des masses. Les gouvernements révolutionnaires qui se prétendent populaires et démocratiques sont toujours la tyrannie d’une minorité, et bien rares ont été les cas où celle-ci était une sélection des meilleurs. La bureaucratie révolutionnaire est généralement d’une qualité encore plus basse que celle que la révolution a renversée. La masse révolutionnaire ne sert jamais qu’à créer le climat favorable à l’instauration de cette tyrannie de la minorité. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. VI ; L’Age d’Homme, 1976, p. 105).
. Tout ordre vital est hiérarchique, il a son aristocratie. Seul un amas de décombres n'est pas hiérarchisé et aucune qualité aristocratique ne s'en dégage. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. VI ; L’Age d’Homme, 1976, p. 105). [10]
. Vous voulez l’égalitarisme, vous ne supportez pas la distinction et l’élévation. Rehausser l’homme n’a jamais présenté pour vous le moindre intérêt. Vous oubliez que l’on s’élève par la lutte et la libre sélection. Ce qui vous intéresse par-dessus tout, ce n’est pas d’élever, c’est d’abaisser. […] Le mystère de l’Histoire est un mystère aristocratique. Il s’accomplit par la minorité. […] Dans l’histoire, ce sont les minorités et l’aristocratie qui dirigent. Se rebeller contre leur direction, c’est porter atteinte au mystère de l’Histoire. Vous ne réussirez pas à détruire la dissemblance ontologique des âmes, à effacer la différence entre les intelligents et les sots, les doués et les incapables, les nobles et les vils, les beaux et les informes, ceux qui ont la grâce et ceux qui ne la portent pas. (Nicolas Berdiaev, De l’inégalité (1918), ch. VI ; L’Age d’Homme, 1976, p. 117).
. Nous entrons dans une époque de démythifications sanglantes où il va falloir vivre avec des réalités démythifiées. En celà se trouve la signification de notre époque tragique et sans joie. […] Il est indispensable de refuser des illusions roses et un optimisme douceâtre. […] La chute des illusions extérieures nous tourne vers la vie intérieure. (Nicolas Berdiaev, Le Nouveau Moyen-Âge, III. « Démocratie, socialisme et théocratie » (1924) ; L’Âge d’homme, 1985, p. 130).
. Il est vil d'oublier la disparition, ne fût-ce que d'un seul être vivant, de se réconcilier avec elle. La mort de la dernière et de la plus infime créature comporte quelque chose d'intolérable et si elle n'est pas vaincue en ce qui la concerne, alors le monde n'a aucune justification et ne peut pas être accueilli. (Nicolas Berdiaev, De la destination de l’homme (1934), III, i ; éd. « Je sers », 1935, p. 328).
. Dieu comme force, comme toute-puissance et pouvoir, je ne puis absolument l'accepter. Dieu ne possède nulle puissance. Il est moins puissant qu'un agent de police. (Nicolas Berdiaev, Essai d’autobiographie spirituelle (1947), ch. VII ; Buchet-Chastel, 1979, p. 221).
. Ce n’est pas la foi en Dieu, c’est la doctrine traditionnelle de la Providence divine dans le monde qu’il est malaisé de soutenir. Cette doctrine ne peut en aucune façon être conciliée avec l’existence du mal et ses triomphes extraordinaires dans ce monde, avec les incommensurables souffrances humaines. Cette doctrine de la Providence est au fond une justification du mal. Il faut complètement renoncer à l’idée rationaliste que Dieu gouverne le monde, qu’il règne dans le monde naturel, monde des phénomènes. (Nicolas Berdiaev, Essai d’autobiographie spirituelle (1947), ch. XI ; Buchet-Chastel, 1979, p. 384).
. La liberté qui devient trop facile, qui n’exige plus de lutte héroïque, dégénère et perd sa valeur. La liberté dégénérée ne s’exprime que dans la conscience négative du fait que je ne subis pas de contrainte. L’expression extrême de la liberté dégénérée, c’est le : « Laissez-moi tranquille. » La liberté n’est nullement la facilité ; la liberté est difficile et lourde à porter. La liberté n’est pas un droit, c’est un devoir. Les libéraux considèrent habituellement la liberté comme un droit et non comme un devoir ; pour eux la liberté est synonyme de facilité et d’absence de contraintes. C’est ainsi que la liberté se transforme en un privilège des classes dirigeantes. (Nicolas Berdiaev, Royaume de l’esprit et royaume de César (1948), ch. VI ; Delâchaux et Niestlé, 1951, p. 98-99).
MICHEL OSSORGUINE (1878-1942, Russe) : [À compléter]
BORIS SAVINKOV (1879-1925, Russe) : [À compléter]
ALEXANDRE GRINE (1880-1932, Russe) : [À compléter]
ANDRÉ BIELY (1880-1934, Russe) : [À compléter]
ALEXANDRE BLOK (1880-1921, Russe) : [À compléter]
KORNEÏ TCHOUKOVSKI (1882-1969, Russe)
. Ils n'interdisent pas beaucoup de livres, mais qu'est-ce qu'ils nous usent les nerfs ! Et ils n'interdisent pas beaucoup pour la bonne raison que nous nous sommes laissé pervertir, que nous nous sommes « adaptés » et que nous n'arrivons plus à écrire quoi que ce soit de spontané et de sincère. (Kornei Tchoukovski, Journal. Tome 1, 1901-1929, 21 janvier 1928, Fayard, 1997, p. 497).
. On ne saurait oublier que la liberté de parole n’est nécessaire qu’à un cercle très restreint de personnes, les autres (même parmi les intellectuels) : les médecins, les géologues, les officiers, les aviateurs, les architectes, les charpentiers, les maçons, les chauffeurs, tous les autres se passant fort bien d’elle pour accomplir leur tâche. (Kornei Tchoukovski, Journal. Tome 2, 1930-1969, 20 mai 1967, Fayard, 1998, p. 459).
ALEXIS TOLSTOÏ (1883-1945, Russe) : [À compléter]
EUGÈNE ZAMIATINE (1884-1937, Russe)
. D-503 : « Vous avez certainement raison, je ne suis pas normal, je suis malade, j'ai une âme, je suis un microbe. Mais la floraison n'est-elle pas une maladie ? Le bouton qui éclate ne fait-il pas mal ? Ne pensez-vous pas que le spermatozoïde soit le plus terrible des microbes ? » (Eugène Zamiatine, Nous autres (1920), ch. 23 ; Gallimard, coll. L’Imaginaire n°39, 1986, p. 138).
. I-330 : « Pourquoi méprises-tu les bêtises ? Si l'on avait soigné et entretenu la bêtise humaine pendant des siècles, de la même façon que l'intelligence, il est possible qu'elle serait devenue une qualité très précieuse. » (Eugène Zamiatine, Nous autres (1920), ch. 23 ; Gallimard, coll. L’Imaginaire n°39, 1986, p. 138-139).
ANNA AKHMATOVA (1889-1966, Ukrainienne) : [À compléter]
BORIS PASTERNAK (1890-1960, Russe)
. Oh ! comme on aimerait parfois laisser le platement sublime, les ténèbres épaisses du bavardage humain [11], pour se réfugier dans l’apparent silence de la nature, dans le bagne muet d’un long travail obstiné ! (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), I, v, 5 ; Pléiade, 1990, p. 854).
. On sentait que seule une vie semblable à celle de tous les autres, disparaissant parmi les autres vies, était une vie véritable, et que le bonheur à huis clos n'est pas le bonheur […]. Et c’était surtout celà qui attristait. (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), I, vi, 4 ; Pléiade, 1990, p. 894).
. Jivago : « La politique ne me dit rien. Je n’aime pas les gens qui sont indifférents à la vérité. » (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), II, viii, 4 ; Pléiade, 1990, p. 990).
. Jivago : « On s’aperçoit que les promoteurs de la révolution n’aiment que le tohu-bohu des changements et des permutations ; c’est là seulement qu’ils sont dans leur élément. Pour leur faire plaisir, il leur faut quelque chose à l’échelle du globe. L’édification de mondes nouveaux, les périodes de transition sont pour eux des fins en soi. C’est tout ce qu’ils ont appris, c’est tout ce qu’ils savent faire. Et savez-vous pourquoi ils s’agitent vainement dans ces éternels préparatifs ? Parce qu’ils manquent de capacités réelles, qu’ils n’ont pas de talent. » (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), II, ix, 14 ; Pléiade, 1990, p. 1034).
. Larissa Fiodorovna : « C'est seulement dans la mauvaise littérature que les vivants sont divisés en deux camps et n'ont aucun point de contact. Dans la réalité, tout est tellement entremêlé ! Il faut être d'une irrémédiable nullité pour ne jouer qu'un seul rôle dans la vie, pour n'occuper qu'une seule et même place dans la société, pour signifier toujours la même chose ! » (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), II, ix, 14 ; Pléiade, 1990, p. 1035).
. Larissa Fiodorovna : « Je n'aime pas les ouvrages consacrés uniquement à la philosophie. À mon avis, la philosophie ne doit être qu'un assaisonnement discret de l'art et de la vie. Ne s'adonner qu'à la philosophie est tout aussi étrange que de ne manger que du raifort. » (Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (1955), II, xiii, 16 ; Pléiade, 1990, p. 1157).
JOSEPH MANDELSTAM (1891-1938, Russe)
. Pour un intellectuel de médiocre origine, la mémoire est inutile, il lui suffit de parler des livres qu’il a lus, et sa biographie est faite. (Joseph Mandelstam, Le Bruit du temps (1925), 13 ; Points-roman n°R330, 1988, p. 77
ILYA EHRENBOURG (1891-1967, Russe)
. À de rares exceptions près, tous les proverbes mentent […] et, entre autres, les classiques proverbes des classiques romains qui disaient : « Ubi bene, ibi patria », « la patrie est là où l’on est bien ». En réalité la patrie est aussi là où l’on est très mal… (Ilya Ehrenbourg, Un écrivain dans la revolution (1961), ch. IX ; Gallimard, 1963, p. 97-98).
MICHEL BOULGAKOV (1891-1940, Russe)
. L’étranger : « Oui, l’homme est mortel, mais ce ne serait encore là que demi-mal. Le malheur, c’est que l’homme meurt parfois inopinément ; voilà le hic ! Et d’une manière générale, il est incapable de savoir ce qu’il fera le soir même. » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), I, i ; Pléiade, tome II, 2004, p. 394-395 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 55). [12]
. Il n’existe aucune force capable d’obliger une foule à se taire tant qu'elle n'a pas exhalé tout ce qui s’est amassé en elle et qu'elle ne se tait pas d'elle-même. (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), I, ii ; Pléiade, tome II, 2004, p. 421 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 82).
. Ivan Bezdomny : « Il faut reconnaître que, parmi les intellectuels, on tombe parfois, à titre exceptionnel, sur des gens très intelligents. » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), I, viii ; Pléiade, tome II, 2004, p. 478 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 147).
. Le visiteur : « On a bien tort de vouloir faire de grands projets, ça ne sert à rien ! » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), I, xiii ; Pléiade, tome II, 2004, p. 544 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 223).
. Woland : « C’est là un fait. Et les faits sont les choses les plus entêtées du monde. » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), II, xxiii ; Pléiade, tome II, 2004, p. 680 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 379).
. Le visiteur : « Oh, procurateur, ce n’était qu’une bagatelle ! » — Pilate : « Il ne faut rien oublier, pas même les bagatelles. » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), II, xxvi ; Pléiade, tome II, 2004, p. 719 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 420). [13]
. Woland : « À quoi servirait ton bien, si le mal n'existait pas, et à quoi ressemblerait la terre, si les ombres en étaient supprimées ? » (Michel Boulgakov, Le Maître et Marguerite (1939), I, xxix ; Pléiade, tome II, 2004, p. 775 ; ou Robert Laffont, 1968, p. 478).
CONSTANTIN PAOUSTOVSKI (1892-1968, Russe) : [À compléter]
MARINA TSVETAÏEVA (1892-1941, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR MAIAKOVSKI (1893-1930, Russe) : [À compléter]
ISAAC BABEL (1894-1940, Russe) : [À compléter]
BORIS PILNIAK (1894-1938, Russe) : [À compléter]
IOURI TYNIANOV (1894-1943, Russe)
. Ermolov : « Voici deux conseils en guise de viatique. Primo : ne frayez pas avec les Anglais. Secundo : ne faites pas le travail de Paskévitch à sa place, pas trop de zèle. Quand il vous aura pressé, il vous jettera. Rappelez-vous que pour pouvoir se dire heureux, il ne faut rien craindre, ni personne. » (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), I, 3 ; Folio n°1073, 1978, p. 45).
. Tchaadaev : « Comme tous les humains vous partez du principe que ce qui compte le plus, c’est que ce qui vous touche au plus près. Erreur. » (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), I, 5 ; Folio n°1073, 1978, p. 53).
. Béghitchev : « La destinée des hommes d'intelligence est de passer la plus grande partie de leur vie avec des imbéciles. » (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), I, 7 ; Folio n°1073, 1978, p. 63).
. Un diplomate a dit que tous les malheurs véritables naissaient de la crainte de malheurs imaginaires. (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), II, 13 ; Folio n°1073, 1978, p. 136).
. Les mots humains ont toujours un sens insolite : parlant d'une foule d'un millier de gens, on pouvait dire « il n'y a personne ». Effectivement, il n’y avait personne. (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), II, 20 ; Folio n°1073, 1978, p. 164).
. Qui n'a pas connu de grand échec ignore quelles libres et pleines goulées d'air il permet d'aspirer. (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), II, 28 ; Folio n°1073, 1978, p. 201).
. On est à l’enterrement d’un ami : que le soleil brille, qu’on déborde de santé, et soudain, l’on s’aperçoit avec horreur qu’on est heureux. (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), III, 4 ; Folio n°1073, 1978, p. 248).
. Griboïedov : « Pourquoi, avec des connaissances si variées, demeurez-vous inconnu, cher docteur ? » — Adelung : « Parce que j'en ai trop. » (Iouri Tynianov, La Mort du Vazir-Moukhtar (1928), V, 3 ; Folio n°1073, 1978, p. 358).
SERGE ESSÉNINE (1895-1925, Russe) : [À compléter]
ANATOLE MARIENGOF (1897-1962, Russe) : [À compléter]
ILIA ILF (1897-1937, Russe) et EUGÈNE PÉTROV (1903-1942, Russe) : [À compléter]
M. AGUÉEV (1898-1973, Russe) : [À compléter]
IOURI OLECHA (1899-1960, Russe)
. Nicolas Kavalérov : « Lui, l’administrateur, le communiste, il édifie un monde nouveau. Et dans ce monde nouveau, la gloire naît du fait que des mains d’un charcutier soit sortie une espèce nouvelle de saucisson. Je ne comprends pas cette gloire ; que peut-elle bien signifier ? Ce n’est pas de celle-là que parlent les biographes, les monuments, l’histoire… La nature de la gloire serait-elle donc changée ? » (Iouri Olecha, L’Envie (1927), I, viii ; Plon, 1936, p. 66-67 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 54). [14]
. Nicolas Kavalérov : « Ce qu’on ne comprend pas semble ridicule ou effrayant. » (Iouri Olecha, L’Envie (1927), I, xv ; Plon, 1936, p. 117 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 83).
. Comme beaucoup de gens remarquables, il fut, durant son adolescence, un gros lourdaud. (Iouri Olecha, L’Envie (1927), II, i ; Plon, 1936, p. 136 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 93).
. Ivan Babitchev : « C’est très bien qu’une légende parvienne à se créer maintenant. Les fins d’époque, les changements d’ère ont besoin de légendes et de fables. » (Iouri Olecha, L’Envie (1927), II, iii ; Plon, 1936, p. 151 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 102).
. Ivan Babitchev : « L’homme du monde nouveau dit : Le suicide est une action de raté. Et l’homme du monde ancien dit : On doit en finir avec soi-même quand il faut sauver son honneur. Nous voyons donc que l’homme nouveau apprend à mépriser les anciens sentiments sanctifiés par les poètes et par la muse de l’histoire. C’est ainsi. Quant à moi, je veux organiser la dernière parade des sentiments périmés. » (Iouri Olecha, L’Envie (1927), II, iii ; Plon, 1936, p. 153 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 103).
. Ivan Babitchev : « Mon cher, ici, il faut ou bien se résigner ou bien faire un scandale. S’en aller en faisant du pétard, en claquant les portes, comme on dit. Là est l’important : partez, mais faites du pétard ! Faites un éclat. Que la gueule de l’Histoire en porte la trace ! Brillez une dernière fois, que diable ! De toute manière, on ne vous laissera pas pénétrer dans son sanctuaire, mais ne vous rendez pas sans combattre. » (Iouri Olecha, L’Envie (1927), II, iv ; Plon, 1936, p. 166 ; ou Points-roman n°R450, 1991, p. 110-111).
. Toute ma vie j’ai été préoccupé par une inquiétude qui m’empêchait de vivre, celle justement de me dire : voilà, il faut que je fasse quelque chose et alors je pourrai vivre en paix. […] Ainsi peut-on réduire tout celà au paradoxe que le plus difficile dans ma vie, c’est la vie elle-même : attendez un peu que je meure et alors vous allez voir comment je vivrai. (Iouri Olecha, Pas de jour sans une ligne, I ; L’Âge d’homme, 1995, p. 21).
VLADIMIR NABOKOV (1899-1977, Russe puis États-unien)
. Elle avait conscience de ne pouvoir être pleinement heureuse hors d’une certaine conjonction de la banque et du lit, et souffrait de ne savoir comment réaliser cette harmonie, éliminer cette discordance. (Vladimir Nabokov, Roi, dame, valet (1928), ch. VI ; Pléiade, tome I, 1999, p. 203).
. Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent souvent. (Vladimir Nabokov, Détails d’un coucher de soleil, 13. « Un homme occupé » (1931) ; Julliard, 1985, p. 204 ; ou Nouvelles, Robert Laffont, 1999, p. 339). [15]
. Hermann Karlovitch : « L’invention artistique contient infiniment plus de vérité intrinsèque que la vie réelle. » (Vladimir Nabokov, La Méprise (1934), ch. VII ; Pléiade, tome I, 1999, p. 1170).
. Hermann Karlovitch : « Un mélange d’honnêteté et de sentimentalité équivaut exactement à de la bêtise. » (Vladimir Nabokov, La Méprise (1934), ch. VIII ; Pléiade, tome I, 1999, p. 1177).
. Hermann Karlovitch : « Terrible chose, une imagination hypertrophiée. » (Vladimir Nabokov, La Méprise (1934), ch. X ; Pléiade, tome I, 1999, p. 1211).
. Hermann Karlovitch : « Il n’est absolument pas question d’un remords quelconque de ma part : un artiste n’éprouve pas de remords, même lorsque son œuvre n’est pas comprise, pas acceptée. Quant à la prime… » (Vladimir Nabokov, La Méprise (1934), ch. X ; Pléiade, tome I, 1999, p. 1211).
. Hermann Karlovitch : « Toute œuvre d’art est une imposture. » (Vladimir Nabokov, La Méprise (1934), ch. X ; Pléiade, tome I, 1999, p. 1212).
. Fiodor : « Dommage qu’on ne puisse imaginer ce qu’on ne peut comparer à rien. Le génie, c’est un Africain qui invente la neige en rêve. » (Vladimir Nabokov, Le Don (1937), ch. III ; Pléiade, tome II, 2010, p. 204).
. V. : « Ne compte pas trop apprendre le passé des lèvres du présent. Méfie-toi de l’intermédiaire le plus honnête. Ne perds pas de vue que tout ce qu’on te dit est en réalité triple : façonné par celui qui le dit, refaçonné par celui qui l’écoute, dissimulé à tous les deux par le mort de l’histoire. » (Vladimir Nabokov, La Vraie vie de Sébastien Knight (1941), ch. VI ; Pléiade, tome II, 2010, p. 427-428).
. L’imagination n’est fertile que lorsqu’elle est futile. (Vladimir Nabokov, Nicolas Gogol (1944), III, 2 ; éd. Rivages, 1988, p. 89).
. On ne peut pas lire un livre : on ne peut que le relire. Un bon lecteur, un lecteur actif et créateur est un re-lecteur. […] Lorsque nous lisons un livre, il nous faut du temps pour faire connaissance avec lui. Nous n’avons pas d’organe physique (comparable à l’œil en ce qui concerne le tableau) qui saisisse d’emblée l’ensemble et puisse ensuite apprécier les détails. (Vladimir Nabokov, Littératures I, 1. Bons lecteurs et bons écrivains ; Bouquins, 2009, p. 38 ; ou Fayard, 1983, p. 42).
. La littérature n’est pas née le jour où un jeune garçon criant « au loup, au loup ! » a jailli d’une vallée néanderthalienne, un grand loup gris sur ses talons : la littérature est née le jour où un jeune garçon a crié « au loup, au loup ! » alors qu’il n’y avait aucun loup derrière lui. Que ce pauvre petit, victime de ses mensonges répétés, ait fini par se faire dévorer par un loup en chair et en os est ici relativement accessoire. Voici ce qui est important : c’est qu’entre le loup au coin du bois et le loup au coin d’une page, il y a comme un chatoyant maillon. Ce maillon, ce prisme, c’est l’art littéraire. (Vladimir Nabokov, Littératures I, 1. Bons lecteurs et bons écrivains ; Bouquins, 2009, p. 40 ; ou Fayard, 1983, p. 44).
. Dans un livre, la réalité d’une personne, d’un objet, d’une circonstance, dépend exclusivement de l’univers de ce livre particulier. […] Il n’y a pas de vie réelle pour un auteur de génie : il lui faut la créer lui-même et en créer ensuite les conséquences. (Vladimir Nabokov, Littératures I, 2. « Le Parc Mansfield » ; Bouquins, 2009, p. 45-46 ; ou Fayard, 1983, p. 50-52).
. Se mêler de temps à autre à la foule est une démarche en faveur de laquelle il y aurait beaucoup à dire, et bien bête et bien myope doit être l’auteur qui renonce aux trésors d’observation, d’humour et de pitié que l’on peut professionnellement amasser grâce à un contact plus étroit avec ses semblables. (Vladimir Nabokov, Littératures I, 9. L’art de la littérature et le bon sens ; Bouquins, 2009, p. 483 ; ou Fayard, 1983, p. 519).
. Il est instructif de penser qu’il n’y a pas une seule personne dans cette salle – ni en l’occurrence dans aucune autre salle du monde – qui, en un point bien choisi de l’espace-temps historique, n’aurait pas été mise à mort, çà et là, ici et maintenant, par une majorité de bon sens animée d’une sainte colère. La couleur d’un crédo, d’une cravate, des yeux, des pensées, des manières, des propos, est assurée de rencontrer quelque part dans le temps ou dans l’espace l’hostilité fatale d’une populace qui hait cette teinte particulière. Et plus l’individu est brillant, plus il est près du bûcher. « Étranger » rime toujours avec « danger ». Le doux prophète, l’enchanteur dans sa grotte, l’artiste révolté, l’écolier différent des autres, tous partagent le même péril sacré. Et celà étant, bénissons-les, bénissons les dissidents, car dans l’évolution naturelle des choses, le singe ne serait peut-être jamais devenu homme si un dissident n’était pas apparu dans la famille. (Vladimir Nabokov, Littératures I, 9. L’art de la littérature et le bon sens ; Bouquins, 2009, p. 485 ; ou Fayard, 1983, p. 521).
. Gogol était une créature étrange, mais le génie est toujours étrange ; seul le brave écrivain de second ordre apparaît aux yeux du lecteur reconnaissant comme un sage vieil ami, qui développe joliment les propres idées du lecteur sur la vie. La grande littérature, elle, frise l’irrationnel. Hamlet est le rêve échevelé d’un érudit névrosé. « Le manteau » de Gogol est un cauchemar grotesque et lugubre, perforant de trous noirs le dessin imprécis de la vie. (Vladimir Nabokov, Littératures II, 2. Gogol ; Bouquins, 2009, p. 593-594 ; ou Livre de poche-Biblio essais n°4083, 1988, p. 103).
. Ce qu’il faut se demander si l’on veut apprécier à sa juste valeur le génie d’un artiste, c’est dans quelle mesure l’univers qu’il a créé lui est propre – et n’a pas existé avant lui (du moins en littérature) – et, ce qui est plus important encore, dans quelle mesure il a réussi à le rendre vraisemblable. (Vladimir Nabokov, Littératures II, 4. Dostoïevski ; Bouquins, 2009, p. 657 ; ou Livre de poche-Biblio essais n°4083, 1988, p. 171-172).
. L’artiste est celui pour qui rien ne tombe jamais sous le sens. (Vladimir Nabokov, Littératures II, 4. Dostoïevski ; Bouquins, 2009, p. 663; ou Livre de poche-Biblio essais n°4083, 1988, p. 179).
. Je ne pense pas qu’un artiste doive se préoccuper de son auditoire. Son meilleur auditoire, c’est la personne qu’il voit tous les matins dans son miroir quand il se rase. Je pense que l’auditoire qu’un artiste imagine, quand il pense à ce genre de choses, c’est une salle remplie de gens portant tous son masque. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 2 : interviou par Peter Duval-Smith et Christopher Burstall pour la télévision B.B.C. (1962) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 26).
. Un écrivain créatif doit étudier avec soin les œuvres de ses rivaux, y compris celles du Tout-Puissant. […] L'imagination sans la connaissance ne conduit pas plus loin que l'arrière-cour de l'art primitif, le gribouillis de l'enfant sur le mur ou le message du débile sur la place du marché. L'art n'est jamais simple. Quand j’étais professeur, je donnais automatiquement une mauvaise note à l’étudiant qui utilisait cette expression affreuse : « simple et sincère ». […] Il faudrait qu’un jour je remonte à la source de cette vulgaire absurdité. Une maîtresse d’école bornée de l’Ohio ? Un âne progressiste de La-Nouvelle-York ? Parce que, bien sûr, quand il atteint des sommets, l’art est fantastiquement trompeur et complexe. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 3 : interviou par Alvin Toffler pour Playboy (1963) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 41-42).
. Je suis tout-à-fait partisan de la tour d’ivoire ; il faut à mon avis écrire pour plaire à un seul lecteur : soi-même. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 3 : interviou par Alvin Toffler pour Playboy (1963) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 46).
. J’écris surtout pour des artistes, mes semblables, mes compagnons. Cependant, je n’ai jamais réussi à expliquer d’une façon satisfaisante à certains étudiants de ma classe de littérature les principes de la bonne lecture qui veulent que l’on lise le livre d’un artiste non pas avec son cœur (le cœur est un lecteur particulièrement stupide), non pas avec son cerveau seul, mais avec son cerveau et sa moelle épinière. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 3 : interviou par Alvin Toffler pour Playboy (1963) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 50-51). [16]
. Il faut également se rappeler – et c’est très important – que les seuls à prospérer sous tous les régimes sont les philistins. Les probabilités de voir paraître sur scène un grand artiste sont exactement les mêmes sous un régime tolérant que pendant les périodes moins heureuses de dictatures méprisables. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 4 : interviou par Jane Howard pour Life (1964) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 60).
. L’aphorisisme est un symptôme d’artériosclérose. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 6 : interviou par Alfred Appel pour Wisconsin Studies (1966) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 93).
. Je travaille longtemps, je peine sur un ensemble de mots jusqu’à ce que je parvienne à une pleine possession et à un plaisir complet. Si le lecteur doit peiner à son tour, tant mieux. L’art est difficile. L’art facile, c’est ce qu’on voit dans les expositions modernes de choses et de graphitis. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 9 : interviou par Nicholas Garnham pour la BBC-2 (1968) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 133).
. La foi freudienne conduit à des conséquences éthiques dangereuses, comme lorsqu’un assassin immonde avec le cerveau d’un ténia voit sa peine allégée parce que sa mère le fessait trop, ou pas assez – ça marche dans les deux sens. Le raquet freudien me paraît aussi farce que l’énorme machin de bois poli avec un trou également poli au milieu qui ne représente rien d’autre que la face à la bouche béante du philistin à qui l’on affirme qu’il s’agit d’une grande sculpture produite par le plus grand homme des cavernes vivant. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 9 : interviou par Nicholas Garnham pour la BBC-2 (1968) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 134).
. Il n’est pas nécessaire de connaître la théologie pour être athée. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 9 : interviou par Nicholas Garnham pour la BBC-2 (1968) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 134).
. Je suis parvenu il y a longtemps déjà à la conclusion que le meilleur enseignement peut être dispensé grâce à des disques qu’un étudiant peut écouter autant de fois qu’il le veut ou qu’il le doit dans sa cellule isolée du bruit. À la fin de l’année, il devrait subir un examen « à l’ancienne », difficile, de quatre heures, avec des surveillants déambulant entre les pupitres. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 10 : interviou par Martha Duffy et R.Z. Sheppard pour Time (1969) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 143).
. Je me suis toujours émerveillé devant des avatars qui pour moi tiennent du prodige : des staliniens ardents qui se transforment en socialistes inoffensifs, des socialistes qui jettent l’ancre dans le port au soleil couchant du conservatisme, ainsi de suite. Ce phénomène doit tenir de la conversion religieuse, à laquelle je ne connais pas grand-chose. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 13 : interviou par James Mossman pour la BBC-2 (1969) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 168).
. La meilleure part de la biographie d’un écrivain, ce n’est pas le compte-rendu de ses aventures, mais l’histoire de son style. […] Deux parcs ancestraux peuvent être génériquement semblables, mais l’art véritable n’a que faire du genre ou même de l’espèce ; ce qui l’intéresse, c’est l’individu aberrant dans l’espèce. Les raisins secs des faits dans le gâteau de la fiction sont fort éloignés de la grappe originelle. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 14 : interviou par Allene Talmey pour Vogue (1969) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 176).
. Je ne me préoccupe pas beaucoup des livres de demain. Tout ce que j’aimerais, c’est que dans les futures éditions de mes livres, surtout en format poche, on corrige quelques coquilles. (Vladimir Nabokov, Partis pris, I, 14 : interviou par Allene Talmey pour Vogue (1969) ; 10/18 n°3352, 2001, p. 179).
LEONID LEONOV (1899-1994, Russe) : [À compléter]
ANDRE PLATONOV (1899-1951, Russe) : [À compléter]
NADEJDA MANDELSTAM (1899-1980, Russe) : [À compléter]
NINA BERBEROVA (1901-1993, Russe)
. L’idée d’un au-delà ne m’intéresse guère. Elle s’apparente un peu, à mes yeux, à l’« opium du peuple », on l’exploite comme le charbon ou le pétrole. Dès l’instant où elle surgit, je suis sur mes gardes, elle n’apporte que des fausses vérités et des réponses faciles, mieux vaut s’en méfier. Tout ce qui est grand dans le christianisme, qui est l’un des éléments constitutifs de notre civilisation, se retrouve dans les autres religions. Toujours et partout on a tué Dieu pour s’en « nourrir ». (Nina Berberova, C’est moi qui souligne (1966), ch. 1 ; Babel n°22, 1990, p. 26).
. C’était difficile de débattre avec Gorki. On ne pouvait pas le convaincre car il n’écoutait pas ce qui le dérangeait. […] Il ne considérait peut-être pas ses opinions comme infaillibles, mais il ne voulait pas les réviser, et probablement il ne le pouvait plus. On bouge un coin de l'édifice, et tout le reste s'écroule ; alors, on préfère ne pas y toucher. (Nina Berberova, C’est moi qui souligne (1966), ch. 3 ; Babel n°22, 1990, p. 199-200).
. Un Américain : « Un jour deux grenouilles sont tombées dans un pot à lait. "Je suis perdue", dit l'une d'elles. Elle tomba au fond et se noya. L'autre se mit à agiter les pattes de toutes ses forces et se retrouva, au matin, perchée sur une motte de beurre fraîchement baratté. » (Nina Berberova, C’est moi qui souligne (1966), ch. 7 ; Babel n°22, 1990, p. 499).
GAÏTO GAZDANOV (1903-1971, Russe) : [À compléter]
EUGÉNIE GUINZBOURG (1904-1977, Russe) : [À compléter]
MICHEL CHOLOKOV (1905-1984, Russe) : [À compléter]
BASILE GROSSMANN (1905-1964, Ukrainien)
. L’expérience a montré qu’au cours de telles campagnes [d’extermination], la majeure partie de la population obéit de façon hypnotique aux indications du pouvoir. Une minorité de la population suffit pour créer l’atmosphère de la campagne : celà peut être des crétins idéologisés, des êtres sanguinaires qui se réjouissent et jubilent, celà peut être aussi des hommes qui cherchent à régler des comptes personnels, à voler les affaires ou les appartements, à prendre des postes qui se libèrent. La majorité des gens, tout en étant horrifiée par les exécutions massives, cache son sentiment à ses proches et à soi-même. (Basile Grossman, Vie et destin (1962), I, 49 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 197 ; ou Bouquins, 2006, p. 166-167).
. Une des propriétés les plus extraordinaires de la nature humaine qu'ait révélée cette période est la soumission. On a vu d'énormes files d'attente se constituer devant les lieux d'exécution et les victimes elles-même veillaient au bon ordre de ces files. […] Des millions d’êtres humains ont vécu dans des camps qu’ils avaient construits et qu’ils surveillaient eux-mêmes. (Basile Grossman, Vie et destin (1962), I, 49 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 197 ; ou Bouquins, 2006, p. 167).
. Oh, la force claire et merveilleuse d'une conversation sincère ! Oh, la force de la vérité ! Quel prix terrible payaient parfois des hommes pour quelques mots courageux prononcés sans arrière-pensée. (Basile Grossman, Vie et destin (1962), I, 62 ou 66 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 268 ; ou Bouquins, 2006, p. 238).
. Ikonnikov : « Qu’apporta à l’humanité cette doctrine de paix et d’amour ? Les tortures de l’Inquisition, la lutte contre les hérésies en France, en Italie, en Flandre, en Allemagne, la guerre entre les protestants et les catholiques, la cruauté des ordres monastiques, la lutte entre Avvakoum et Nikon, des persécutions séculaires contre la science et la liberté, le génocide de peuples entiers, les criminels brûlant les villages de nègres en Afrique. Tout celà coûta plus de souffrances que les crimes des brigands et des criminels faisant le mal pour le mal… / Telle est la destinée terrible, qui laisse l’esprit en cendres, de la doctrine la plus humaine de l’humanité ; le christianisme n’a pas échappé au sort commun et il s’est lui aussi divisé en une série de petits "biens" privés. » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), II, 15 ou 16 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 381 ; ou Bouquins, 2006, p. 342).
. Ikonnikov : « Des milliers de livres ont été écrits pour indiquer comment lutter contre le mal, pour définir ce que sont le bien et le mal. / Mais le triste en tout celà est le fait suivant, et il est incontestable : là où se lève l’aube du bien, qui est éternel mais ne vaincra jamais le mal, qui est lui aussi éternel mais ne vaincra jamais le bien, là où se lève l’aube du bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule. Non seulement les hommes mais même Dieu n’a pas le pouvoir de réduire le mal sur terre. » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), II, 15 ou 16 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 381-382 ; ou Bouquins, 2006, p. 343).
. Strum : « Dans la vie, ceux qui ont raison sont le plus souvent incapables de se conduire correctement : ils ont des sautes d'humeur, jurent, se montrent intolérants et dépourvus de tact. Et, d'ordinaire, on les rend responsables de tout ce qui ne va pas dans le travail ou la famille. Ceux qui ont tort, qui vous offensent, savent, eux, se comporter comme il faut, ils sont logiques, font preuve de doigté et ont toujours l'air d'avoir raison. » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), II, 54 ou 55 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 552 ; ou Bouquins, 2006, p. 500).
. Victor Pavlovitch : « Il est de bon ton, chez nous, de railler les intellectuels pour leur dédoublement à la Hamlet, leurs doutes, leurs hésitations. Dans ma jeunesse, je méprisais, en moi, ces traits de caractère. Mais j’ai, aujourdhui, un autre point-de-vue : les grandes découvertes, les grands livres, l'humanité les doit à tous ces indécis, à tous ces gens qui doutent. » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), III, 39 ou 40 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 706 ; ou Bouquins, 2006, p. 642).
. Lomov : « Les révolutionnaires sont soit stupides, soit malhonnêtes. On n'a pas le droit de sacrifier toute une génération au nom d'un bonheur futur imaginaire… » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), III, 39 ou 40 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 708 ; ou Bouquins, 2006, p. 644).
. Nadia : « La vieille génération a toujours besoin de croire en quelque chose : pour Krymov, c'est Lénine et le communisme, pour papa la liberté, pour grand-mère le peuple et les travailleurs. Mais tout celà nous semble idiot, à nous, les jeunes. Dailleurs, c'est bête de croire. Il faut vivre, sans croire à rien. » (Basile Grossman, Vie et destin (1962), III, 39 ou 40 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 708 ; ou Bouquins, 2006, p. 644).
. Tous étaient faibles, les justes comme les pécheurs. La seule différence était qu’un misérable qui accomplissait une bonne action se pavanait ensuite toute sa vie, tandis qu’un juste qui en faisait tous les jours ne les remarquait pas, mais était obsédé, des années durant, par un seul péché. (Basile Grossman, Vie et destin (1962), III, 55 ou 56 ; Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 791 ; ou Bouquins, 2006, p. 722).
VARLAM CHALAMOV (1907-1982, Russe) : [À compléter]
IVAN EFREMOV (1908-1972, Russe) : [À compléter]
IOURI DOMBROVSKI (1909-1978, Russe) : [À compléter]
ANATOLE RYBAKOV (1911-1998, Russe) : [À compléter]
VICTOR NEKRASSOV (1911-1987, Russe)
. Je me souviens de ce qu’Ehrenbourg racontait sur sa conversation avec Jose Dias, président ou secrétaire général du Parti communiste espagnol. Ehrenbourg lui avait demandé : « Quand vous serez au pouvoir, vous devrez sans doute interdire la corrida ; C’est inhumain, ce spectacle sanglant, ça éveille des instincts mauvais. » José Dias sourit tristement : « Oui, il faudra sans doute l’interdire. Mais la dernière corrida, j’irai tout-de-même la voir. Et ensuite, je pleurerai toute la nuit… » (Victor Nekrassov, Carnets d’un badaud, Julliard, 1976, p. 161).
CONSTANTIN SIMONOV (1915-1979, Russe) : [À compléter]
EFIM ETKIND (1918-1999, Russe)
. Toute tentative d'imposer à l'humanité un Bien général, obligatoire, absolu, se termine par une catastrophe sanglante, semblable à celles qui ont accompagné toute l'histoire du christianisme, les mouvements socialistes ou la religion musulmane. (Efim Etkind, introduction à Vie et destin de Basile Grossman, Julliard / L’Âge d’homme, 1983, p. 18).
ALEXANDRE SOLJÉNITSYNE (1918-2008, Russe) [17]
. Bien sûr, Roussanov savait que, tous les hommes étant mortels, il devrait un jour y passer lui aussi. Un jour… mais – tout-de-suite ? Il n'est pas affreux de mourir – un jour ; ce qui est terrible, c'est de mourir tout-de-suite. Pourquoi ? Mais parce que : « Et comment ? Et après ? Et sans moi ?… » (Alexandre Soljénitsyne, Le Pavillon des cancéreux (1968), I, xix ; Edito-Service, 1971, p. 273).
. Un monde civilisé et timide n’a rien trouvé d’autre à opposer à la renaissance brutale et à visage découvert de la barbarie, que des sourires et des concessions. L’esprit de Munich est une maladie de la volonté chez les peuples nantis. Un état d’âme permanent chez ceux qui se sont abandonnés à la poursuite de la prospérité à tout prix, ceux pour qui le bien-être matériel est devenu le but principal de leur vie sur terre. Ces gens-là – et il y en a beaucoup dans le monde aujourdhui – ont choisi la passivité et la reculade, afin de prolonger un peu leur train-train quotidien, afin d’éluder la difficulté aujourdhui. Et demain, vous verrez, tout ira bien. Mais rien n’ira bien. Le prix de la lâcheté est toujours le mal. Nous ne récolterons la victoire que si nous avons le courage de faire des sacrifices. (Alexandre Soljenitsyne, Discours de Stockholm (1970), dans Les Droits de l’écrivain, Points n°38, Seuil, 1972, p. 114-115).
. Celui qui n’est pas intérieurement préparé à la violence est toujours plus faible que celui qui l’exerce. (Alexandre Soljénitsyne, L’Archipel du Goulag (1973), I, 1 ; Œuvres complètes, Fayard, tome 4, 2005, p. 25).
. Le désir constant d’avoir toujours plus, toujours mieux, et la lutte serrée qu’il entraîne impriment sur beaucoup de visages occidentaux la marque de la préoccupation et même de l’accablement, en dépit de l’usage qui commande qu’on dissimule soigneusement des expressions comme celles-là. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 18).
. Chacun se voit assurer l’indépendance par rapport à de nombreuses formes de pression étatique, la majorité dispose d’un confort dont nos pères et nos grands-pères n’avaient aucune idée, on peut désormais élever la jeunesse dans l’esprit des nouveaux idéaux, en l’appelant à l’épanouissement physique et au bonheur, de l’argent, des loisirs, en l’habituant à une liberté de jouissance presque sans limites – alors dites-moi au nom de quoi, dites-moi dans quel but certains devraient s’arracher à tout celà et risquer leur précieuse vie pour la défense du bien commun, surtout dans le cas brumeux où c’est encore dans un pays éloigné qu’il faut aller combattre pour la sécurité de son peuple ? / Même la biologie sait celà : il n’est pas bon pour un être vivant d’être habitué à un trop grand bien-être. Aujourdhui, c’est dans la vie de la société occidentale que le bien-être a commencé de soulever son masque funeste. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 18-19).
. Si un homme se trouve juridiquement dans son droit, on ne saurait lui demander plus. Allez donc lui dire, après celà, qu’il n’a pas entièrement raison, allez lui conseiller de limiter lui-même ses exigences et de renoncer à ce qui lui revient de droit, allez lui demander de consentir un sacrifice ou de courir un risque gratuit… vous aurez l’air complètement idiot. L’autolimitation consentie est une chose qu’on ne voit presque jamais : tout-le-monde pratique l’auto-expansion, jusqu’à ce que les cadres juridiques commencent à émettre de petits craquements. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 20-21).
. Une société qui ne possède en tout et pour tout qu’une balance juridique n’est pas […] vraiment digne de l’homme. […] Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme. / Et face aux épreuves du siècle, jamais les béquilles juridiques ne suffiront à maintenir les gens debout. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 21-22).
. Un homme politique qui veut accomplir, dans l’intérêt de son pays, une œuvre créatrice d’importance se trouve contraint d’avancer à pas prudents et même timides, tant il est harcelé par des milliers de critiques hâtives et irresponsables, et mis constamment en accusation par la presse et le Parlement. Il doit justifier chacun de ses pas et en démontrer la rectitude absolue. En fait, il est exclu qu’un homme sortant de l’ordinaire, un grand homme qui voudrait prendre des mesures insolites et inattendues, puisse jamais montrer de quoi il est capable : à peine aurait-il commencé qu’on lui ferait dix crocs-en-jambe. C’est ainsi que sous prétexte de contrôle démocratique on assure le triomphe de la médiocrité. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 22-23).
. La défense des droits de l’individu est poussée jusqu’à un tel excès que la société elle-même se trouve désarmée devant certains de ses membres, et le moment est venu pour l’Occident de ne plus tant affirmer les droits des gens que leurs devoirs. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 23).
. La nécessité de donner avec assurance une information immédiate force à combler les blancs avec des conjectures, à se faire l’écho de rumeurs et de suppositions qui ne seront jamais démenties par la suite et resteront déposées dans la mémoire des masses. Chaque jours, que de jugements hâtifs, téméraires, présomptueux et fallacieux qui embrument le cerveau des auditeurs – et s’y fixent ! La presse a le pouvoir de contrefaire l’opinion publique, et aussi celui de la pervertir. La voici qui couronne les terroristes des lauriers d’Érostrate ; la voici qui dévoile jusqu’aux secrets défensifs de son pays ; la voici qui viole impudemment la vie privée des célébrités au cri de : « Tout-le-monde a le droit de savoir » – slogan mensonger pour un siècle de mensonge, car bien au-dessus de ce droit il y en a un autre, perdu aujourdhui : le droit qu’a l’homme de ne pas savoir, de ne pas encombrer son âme […] avec des ragots, des bavardages, des futilités. Les gens qui travaillent vraiment et dont la vie est bien remplie n’ont aucun besoin de ce flot pléthorique d’informations abrutissantes. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 27-28).
. La liberté sans frein, c’est pour la presse elle-même, ce n’est pas pour les lecteurs : une opinion ne sera présentée avec un peu de relief et de résonance que si elle n’est pas trop en contradiction avec les idées propres du journal et avec cette tendance générale de la presse. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 30).
. Il est des avertissements symptomatiques que l’Histoire adresse à une société menacée ou périssante : par exemple, le déclin des arts ou l’absence de grands hommes d’État. Les avertissements se font parfois palpables, directs : le cœur de votre démocratie et de votre civilisation est resté privé d’électricité durant quelques heures, tout au plus, et voici que soudain jaillissent des foules de citoyens américains, pillant et violant. Telle est la minceur de la pellicule ! Telles sont la fragilité de votre structure sociale et son absence de santé interne. (Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du Courage. Discours de Harvard (8 juin 1978) ; Seuil, 1978, p. 37).
. Les évènements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l'incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps. (Alexandre Soljénitsyne, Discours pour l’inauguration du Mémorial de Vendée, Lucs-sur-Boulogne, 25 septembre 1993.)
. Toute révolution déchaîne chez les hommes les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l'envie, de la rapacité et de la haine : celà, les contemporains l'avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré – ou même seulement de le paraître – passait déjà pour un crime. (Alexandre Soljénitsyne, Discours pour l’inauguration du Mémorial de Vendée, Lucs-sur-Boulogne, 25 septembre 1993.)
. La Révolution française s'est déroulée au nom d'un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s'exclure mutuellement, sont antagoniques l'une de l'autre ! La liberté détruit l'égalité sociale – c'est même là un des rôles de la liberté –, tandis que l'égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n'est pas de leur famille. Ce n'est qu'un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité : elle est d'ordre spirituel. (Alexandre Soljénitsyne, Discours pour l’inauguration du Mémorial de Vendée, Lucs-sur-Boulogne, 25 septembre 1993.)
ALEXANDRE ZINOVIEV (1922-2006, Russe)
. Même si les hommes savent exactement à quoi aboutiront leurs actions, ils n’y renonceront pas de toute façon. Ils les accomplissent indépendamment de leur conscience, en obéissant aux lois du comportement des masses, en leur donnant seulement parfois une forme verbale différente. Il est absurde d’expliquer à un homme qui tombe que sa chute risque de lui causer des désagréments. Mais sachant celà, il est impossible de se taire. (Alexandre Zinoviev, Les Hauteurs béantes, V (1976) ; Bouquins, 1990, p. 492).
. Les gens aspirent eux-mêmes à être trompés, car celà leur coûte peu d’efforts. Or, la vérité signifie un rude travail. (Alexandre Zinoviev, La Maison Jaune (1980) ; L’Âge d’Homme, tome premier, 1982, p. 184).
. Celui qui dira que nous sommes condamnés et que c’est pourquoi nous devons combattre jusqu’au bout (comme disent les Russes, tant qu’à mourir, il faut le faire en musique), celui-là ne sera pas un pessimiste. Ce sera un optimiste, mais d’une espèce particulière : un optimiste historique. L’optimisme historique signifie qu’on sait la vérité, si cruelle qu’elle soit, et qu’on est déterminé à se battre, quoi qu’il en coûte. L’optimisme historique ne compte sur rien ni personne, sauf sur soi-même et sur la bagarre. (Alexandre Zinoviev, Nous et l’Occident (1980), 10. « La bagarre est une affaire sérieuse » ; L’Age d’Homme, 1981, p. 93-94).
. Il est impossible de réfuter une idéologie. On peut seulement l'affaiblir ou la renforcer selon qu'on affaiblit ou qu'on renforce son influence sur les gens. (Alexandre Zinoviev, Le Communisme comme réalité (1980), 96. « Idéologie et science » ; Livre de poche Biblio-essais n°4004, 1983, p. 328).
. Le problème n'est plus comment bâtir le paradis sur terre, mais comment y vivre. (Alexandre Zinoviev, Les Confessions d'un homme en trop (1989), 9 ; Folio-Actuel, 1991, p. 424). [18]
. Je voudrais crier : Bonnes gens ! Ayez peur de ceux qui vous séduisent car les séducteurs trompent toujours ! Mais qui m’écoutera si le monde est mûr pour la séduction ? (Alexandre Zinoviev, Les Confessions d'un homme en trop (1989), postface, excipit ; Folio-Actuel, 1991, p. 696).
IGOR CHAFARÉVITCH (1923-2017, Russe) : [Voir page spéciale en préparation dévolue aux auteurs et penseurs de droite]
VICTOR ASTAFIEV (1924-2001, Russe) : [À compléter]
BASILE BYKOV (1924-2003, Biélorusse) : [À compléter]
ANDRE SINIAVSKI (1925-1997, Russe) : [À compléter]
ARCADI STROUGATSKI (1925-1991) et BORIS STROUGATSKI (1933-2012, Russes) : [À compléter]
IOURI KAZAKOV (1927-1982, Russe) : [À compléter]
TCHINGUIZ AÏTMATOV (1928-2008, Kirguize d’expression russe) : [À compléter]
ANATOLE KOUZNETSOV (1929-1979, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR MAXIMOV (1930-1995, Russe) : [À compléter]
IOURI MAMLÉÏEV (1931-2015, Russe) : [À compléter]
ARCADI VAÏNER (1931-2005) et GEORGES VAÏNER (1938-2009, Russes) : [À compléter]
FRÉDÉRIC GORENSTEIN (1932-2002, Russe) : [À compléter]
ANDRÉ TARKOVSKI (1932-1986, Russe) : [Voir page des artistes et esthéticiens]
EUGÈNE EVTOUCHENKO (1932-2017, Russe) : [À compléter]
BASILE AXIONOV (1932-2009, Russe)
. L'adversaire qui refuse le combat peut troubler une stratégie parfaitement élaborée tout aussi bien qu'une défense puissante. (Basile Axionov, Une saga moscovite (1994), II, 6 ; Gallimard, 1995, p. 410).
VLADIMIR VOÏVONITCH (1932-2018, Russe) : [À compléter]
IOURI DROUJNIKOV (1933-2008, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR MAKANINE (1937-2017, Russe) : [À compléter]
ANDRÉ BITOV (1937-2018, Russe) : [À compléter]
MARC KHARITONOV (1937-…, Russe)
[citation en attente de vérification]
LÉONID BORODINE (1938-2011, Russe) : [À compléter]
VENEDICT EROFEÏEV (1938-1990, Russe) : [À compléter]
JOSEPH BRODSKY (1940-1996, Russe puis États-unien) : [À compléter]
SERGE DOVLATOV (1941-1990, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR BOUKOVSKI (1942-…, Russe) : [Voir page spéciale en préparation dévolue aux auteurs et penseurs de droite]
ÉDOUARD LIMONOV (1943-…, Russe)
[citations en attente de vérification]
LUDMILA OULITSKAÏA (1943-…, Russe) : [À compléter]
ZINOVI ZINIK (1945-…, Russe) : [À compléter]
NICOLAS BOKOV (1945-…, Russe) : [À compléter]
VICTOR EROFEEV (1947-…, Russe) : [À compléter]
SVETLANA ALEXIEVITCH (1948-…, Biélorusse) : [À compléter]
TATIANA TOLSTOÏ (1951-…, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR CHAROV (1952-2018, Russe) : [À compléter]
VLADIMIR SOROKINE (1955-…, Russe) : [À compléter]
ANDRÉ DMITRIEV (1956-…, Russe) : [À compléter]
BORIS AKOUNINE (1956-…, Russe) : [À compléter]
ALEXIS SLAPOVSKI (1957-…, Russe) : [À compléter]
ANDRÉ MAKINE (1957-…, Russe puis Français)
[citations en attente de vérification]
HÉLÉNA ARSENEVA (1958-…, Russe puis Française) : [À compléter]
SERGE BOLMAT (1960-…, Russe) : [À compléter]
ANDRE KOURKOV (1961-…, Ukrainien) : [À compléter]
VICTOR PELEVINE (1962-…, Russe) : [À compléter]
GARY SHTEYNGART (1972-…, Russe puis États-unien) : [À compléter]
ALEXANDRE IKONNIKOV (1974-…, Russe) : [À compléter]
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[1] Il s’agit de la traduction d’Ivan Tourguéniev et Louis Viardot, qui semble n’avoir jamais été imprimée en volume, contrairement à La Fille du capitaine ou aux Poèmes dramatiques des mêmes traducteurs (on la trouve maintenant en document électronique sur le net). Ecrite en prose, elle se veut très explicite et développe un peu lourdement le texte, alors que les traductions récentes sont en vers et visent à imiter la concision de l’original.
[2] Traduction plus ramassée de Nata Minor, en octosyllabes rimés : « Qui a vécu et réfléchi / N’a que mépris pour son prochain. / Qui est sensible est saisi / Par le mirage des jours éteints. / Pour lui, fini merveilles, désirs. / Rampe le serpent des souvenirs, / Surgissent les remords rongeurs, / Et tout celà confère, pour l’heure, / Du charme à la conversation. » (Seuil, 1990, p. 35).
[3] Autre traduction possible : « On n'attelle pas au même timon le cheval fougueux et la biche craintive. »
[4] C’est l’incipit du Discours sur la première décade de Tite-Live : « Bien que la nature envieuse des hommes rende la découverte de nouvelles institutions aussi périlleuse que la recherche d’océans et de terres inconnus, parce que les humains sont plus prompts à blâmer qu'à louer les actions d'autrui… » (Œuvres, Bouquins, 1996, p. 187).
[5] Autre traduction possible : « Ce qu’on s’ennuie à vivre en ce bas monde, messieurs ! »
[6] L’épigraphe est citée par le personnage de Simon Sémionytch dans la scénette Le Dénouement du « Révizor » (1846) : Pléiade p. 1099, ou Théâtre complet, Babel n°777, 2006, p. 636-637.
[7] Autre traduction possible : « Pavel Ivanovitch fut complètement de cet avis et ajouta que rien n'égalait la solitude quand l'homme pouvait jouir de la nature et lire de beaux livres. »
[8] Je fournis les références à deux éditions du théâtre de Tchekhov que j’ai. Celle de la Pléiade est une traduction d’Elsa Triolet, celle du Cleube français du livre (collection Les Portiques) est une traduction d’Arthur Adamov. Mes citations sont un mixte des deux, peut-être en général un peu plus proches de la seconde.
[9] C’est la traduction de Serge Persky. Dans la Pléiade, Guy Verret traduit de façon plus proche de l’original : « Tout savoir est miel » (Œuvres, 2005, p. 1431).
[10] On trouve sur de nombreux sites internet la citation suivante, attribuée à Berdiaev : « Se reconnaître, se vouloir, se chercher toujours plus de devoirs est une attitude aristocratique. Réclamer des droits est une attitude commune. L'aristocratie n'est pas une classe, c'est un principe spirituel. » Elle provient de l’épigraphe mise par Vladimir Volkoff en exergue de son opuscule Pourquoi je serais plutôt aristocrate (Rocher, 2004). La troisième et dernière phrase est bien de Berdiaev, on la trouve en haut de la page 110 de De l’inégalité. Mais il ne semble pas que les deux premières soient de lui. Elles ne se trouvent pas dans ce livre, en particulier dans le chapitre VI, consacré à l’aristocratie. Au mieux, il s’agit d’une paraphrase libre, d’un résumé personnel que Volkoff a fait du début du paragraphe qui précède la troisième phrase (bas de la page 109).
[11] J’ai été sensible à la retraduction en français d’une traduction anglaise : « Comme on souhaite parfois échapper à l’absurde monotonie de l’éloquence humaine ! »
[12] Je fournis les références aux deux éditions du Maître et Marguerite que j’ai. Celle chez Robert Laffont est une traduction de Claude Ligny, celle de la Pléiade est une traduction de Françoise Flamant. Mes citations sont un mixte des deux, mais elles sont souvent plus proches de la première.
[13] Traduction de Françoise Flamant dans la Pléiade : « Oh, procurateur, c’était si peu de chose ! — Si peu que ce soit, il convient de s’en souvenir. »
[14] Je fournis les références aux deux éditions de L’Envie que j’ai. La première (parue chez Plon en 1936) est une traduction de Henri Mongault et Louise Desormonts, la seconde (parue chez L'Âge d'homme en 1978, reprise ensuite en Points-Roman au Seuil), une traduction d’Irène Sokologorski. La première m’a paru nettement supérieure quoique, semble-t-il, elle omette quelques phrases ici ou là. Je donne donc en général la première traduction, parfois en l’amendant avec l’aide de la seconde.
[15] Pour des raisons insondables – mais assez symptomatiques de la très mauvaise fiabilité de l’internet en général et pour les citations en particulier –, cette citation (sans son adverbe final) est fréquemment donnée comme se trouvant dans le petit roman L’Enchanteur, ce qui est absolument faux. Le comble est atteint dans un blogue littéraire, où une certaine Lyra Sullyvan publie une notice critique sur L’Enchanteur. Cette notice, très personnelle, implique que son autrice a lu le roman, puisqu’elle nous fait part des émotions que cette lecture lui a fait ressentir. Or cette notice se termine par deux citations du livre : la première, qui s’y trouve en effet (page 564 dans le tome II de la Pléiade, pour ceux que ça intéresse), et la seconde qui fait l’objet de cette note… et qui ne s’y trouve pas !! Il faut donc croire que Lyra Sullyvan, loin d’avoir recopié une phrase qui l’a marquée en tenant le livre ouvert sous ses yeux, est allée pêcher cette citation dieu sait où, et l’a ajoutée à son article… sans même se rendre compte qu’elle ne figurait pas dans le livre qu’elle venait de lire ! Heureusement que Nabokov écrivait seulement pour lui et pour des gens comme lui, et non pas pour des greluches comme Lyra Sullyvan…
[16] Même idée dans la leçon inaugurale « Bons lecteurs et bon écrivains » : « Un livre de fiction s’adresse avant tout à l’esprit. L’esprit, le cerveau, la cime de la moelle épinière où peut courir un frisson, est, ou devrait être, le seul instrument à appliquer au livre. » (Littératures, Bouquins, 2009, p. 38).
[17] J’aurais aimé inclure cette phrase magnifique : « On asservit les peuples plus facilement avec la pornographie qu'avec des miradors », mais impossible d’en trouver l’origine. Elle est souvent citée dans le monde francophone, mais comme par hasard, personne n’en donne jamais la source. Chose suspecte, elle semble tout-à-fait inconnue du monde anglophone. S’agirait-il d’un propos oral recueilli par un Français ?
[18] Zinoviev cite Ivan Laptev, le héros de son roman Va au Golgotha : « Admettons. Le Royaume de Dieu est réalisé. Et maintenant ? Comment y séjourner, ou plutôt : comment y vivre en hommes ? C’est tout-de-même un peu plus costaud que le problème qui se posait au Christ ! » (Julliard / L’Âge d’homme, 1986, p. 31).
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