ROBERT LINHART OU LA FOLIE DU MAOÏSME FRANÇAIS
30.10.2012
J'écrivais hier un petit article à propos du documentaire de Virginie Linhart consacré à la connaissance de la Choa par les Alliés pendant la 2ème G.M. Cela me remet en mémoire que Virginie Linhart est la fille de Robert Linhart, un intéressant bonhomme qui est à lui seul un symbole de l’égarement d’une génération intellectuelle, celle des soixante-huitards, versant fanatique : ce brillant normalien était un marxiste-léniniste-maoïste pur et dur, l’un des plus en vue du quartier latin, bardé de certitudes dialectiques et de sectarisme idéologique comme savent l’être les jeunes fats de la colline Sainte-Geneviève qui croient que le monde n’a fait jusqu’ici que les attendre. Avec le fameux Benny Lévy, il joua un rôle actif dans les groupuscules gauchistes qui, au début des années 70, crurent très sérieusement que la révolution était imminente en France, notamment cette « Gauche prolétarienne » dont les membres devaient ensuite réellement prendre le pouvoir… en essaimant dans les médias, la pub, les partis bourgeois. Mais contrairement aux Kouchner, July, Glucksmann, Plenel, Cohn-Bendit, BHL, Bruckner, Goupil ou Geismar, on ne peut guère reprocher à Linhart d’être de ceux qui « sont passés du col Mao au Rotary », selon le titre du rude et déjà ancien pamphlet de Guy Hocquenghem. Dès la grande époque, en bon maoïste, il était allé « s’établir » dans une usine (comme Ouvrier Spécialisé chez Citroën) pour se purger de son intellectualisme petit-bourgeois en s'immergeant dans la saine et revigorante vie prolétarienne. Une cure malheureusement insuffisante car, tout comme son maître Althusser, Linhart aura été une bonne partie de sa vie perturbé par de graves symptômes psychopathiques : dépression, tentative de suicide, mutisme prolongé pendant vingt-quatre ans (!), troubles bipolaires, délires maniaques…
On lira dans Libération un portrait somme toute pathétique de ce curieux personnage, qui persiste à juger le bilan de Mao Tsé-Toung globalement positif. La fin est vraiment terrible. « Il pense que la révolte est encore possible », conclut le journaliste, qui croit rendre hommage à la constance du personnage, alors qu’il ne fait que souligner la désespérante cécité du dévot, muré dans sa foi contre toute raison. L’avant-dernier paragraphe expliquait pourtant, en une seule anecdote, que Robert Linhart avait les moyens de se rendre compte que la bourgeoisie avait gagné. « [Il est] invité de temps en temps dans un lycée pour parler de L’Établi. Question d’élève, dans un établissement professionnel près de Rouen : "M’sieur, on gagne beaucoup d’argent en faisant des livres ?" Autre temps. » Une question à laquelle se heurtent immanquablement tous ceux qui parlent de livres à des lycéens. Eh oui : quand la jeunesse fait de l’argent la valeur suprême et n’envisage plus le travail de l’esprit que comme une source de lucre, il est vain d’espérer encore la soulever contre le capitalisme.
On lira dans Libération un portrait somme toute pathétique de ce curieux personnage, qui persiste à juger le bilan de Mao Tsé-Toung globalement positif. La fin est vraiment terrible. « Il pense que la révolte est encore possible », conclut le journaliste, qui croit rendre hommage à la constance du personnage, alors qu’il ne fait que souligner la désespérante cécité du dévot, muré dans sa foi contre toute raison. L’avant-dernier paragraphe expliquait pourtant, en une seule anecdote, que Robert Linhart avait les moyens de se rendre compte que la bourgeoisie avait gagné. « [Il est] invité de temps en temps dans un lycée pour parler de L’Établi. Question d’élève, dans un établissement professionnel près de Rouen : "M’sieur, on gagne beaucoup d’argent en faisant des livres ?" Autre temps. » Une question à laquelle se heurtent immanquablement tous ceux qui parlent de livres à des lycéens. Eh oui : quand la jeunesse fait de l’argent la valeur suprême et n’envisage plus le travail de l’esprit que comme une source de lucre, il est vain d’espérer encore la soulever contre le capitalisme.
2 commentaires
Quel regard faut-il porter sur Mao-Tsé-Toung et sur le maoisme ?
A mon humble avis, Mao n'était pas un
marxiste-léniniste (il avouera lui-même n'avoir jamais lu le Capital
de Karl Marx) et le maoisme n'est pas une théorie marxiste. Mao doit
être considéré comme un révolutionnaire du tiers-monde dont le bilan
est controversé et contrasté : d'un côté son action a provoqué
indéniablement de gros dégâts (par exemple la catastrophe du "Grand
Bond en Avant" en 1958-1962) mais d'un autre côté, il a permis de
grands progrès et il est à l'origine de la naissance de la Chine
moderne.
Pourquoi le "Grand bond en avant" de 1958-1962, dont l'objectif était
d'accélérer le développement économique, a conduit initialement à une
telle catastrophe en provoquant d'après les estimations récentes
environ 10 fois plus de victimes que la collectivisation soviétique
dans les années 1930 ? D'abord il est à noter que comme l'indique
l’historien britannique Eric Hobsbawm dans "L'ère des Révolutions:
1789-1848", presque toute réforme agraire, progressiste ou pas,
entraine d’abord le désastre. Il cite de nombreux cas en Europe et
quelques-uns en Asie, et l'URSS n'a pas fait exception dans les années
1930. Une ou deux années de bouleversements politiques et économiques
entrainent discontinuité et dysfonctionnements, facteurs de rupture
d’approvisionnement de biens, alimentaires et autres. Mais dans le cas
maoiste, les dégâts ont tout de même été d'une ampleur bien plus
importante et le fait que Mao n'était pas vraiment marxiste n'y est
pas pour rien.
A cause de sa méconnaissance de l'économie politique marxiste mais
aussi en raison de son aventurisme et de son romantisme (qui plaisent
tant aux gauchistes), Mao a négligé les facteurs économiques
objectifs. Il a voulu sauter par dessus les conditions matérielles qui
auraient permis une hausse de la production agricole : une base
agro-technique nouvelle. Mais pour cela il aurait fallu préparer,
comme en URSS, la collectivisation sur la base de la mécanisation, qui
elle-même nécessitait au préalable de mettre l’accent sur l’industrie
lourde. En clair, il aurait fallu que Mao soit un marxiste-léniniste
conséquent comme Lénine et Staline pour limiter très largement
l'ampleur de cette catastrophe.
Malgré cette catastrophe initiale, il faut reconnaitre que Mao a tout
de même réussi à sortir son pays de la misère extrême en peu de temps
: l’espérance de vie passe de 35 ans en 1949 à 65 ans en 1976, soit
près du double. Une évolution similaire aux autres pays socialistes
comme l’URSS ou Cuba et qui est loin d’avoir été aussi rapide dans nos
pays occidentaux. Sans l'action de Mao, la Chine serait au même niveau
d'espérance de vie et de mortalité infantile que l'Inde capitaliste
(où la situation est catastrophique, à l'exception de l'Etat
communiste indien du Kerala où l'espérance de vie est de 74 ans contre
62 ans dans le reste de l'Inde.....) et enregistrerait donc une
surmortalité de plusieurs millions de personnes par an.
Sur le plan international, Mao a permis le retour de la Chine dans le
concert des Nations en tant que grande puissance (la Chine est ainsi
devenue membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU). Cependant,
la Chine maoiste a eu une influence négative car elle fut avec les USA
et le Royaume-Uni le principal soutien des monstrueux khmers rouges de
Pol Pot au Cambodge, dont la politique de destruction et de massacres
systématiques fut comparable à celle menée par l'Allemagne nazie en
Europe (cependant à une moindre échelle, le petit Cambodge n'étant pas
la grande Allemagne). Le monstrueux régime khmer rouge de l'ordure Pol
Pot, soutenu par la Chine, les USA et le Royaume-Uni, fut renversé par
le Vietnam du glorieux Ho Chi Minh (un marxiste-léniniste conséquent)
et l'URSS qui ont sauvé le peuple cambodgien de l'extermination. Les
pourritures khmers rouges de Pol Pot n'avaient absolument rien de
marxiste mais étaient en revanche très proches de la mystique
écologiste : leur politique qui visait le retour à la terre, la
décroissance industrielle et le refus de la médecine moderne fut
chaudement soutenue par les écologistes français tels que René Dumont
qui déclaraient que les khmers rouges menaient une véritable politique
écologiste (en effet !).
Je vous remercie pour ce long commentaire, plus copieux que le billet qu'il commente ! Cependant votre point-de-vue marxiste n'est pas le mien...
- Le maoïsme est-il un marxisme ? C'est une question un peu scolastique. Je n'ai pas la compétence pour en juger, et du reste ce point ne me passionne guère. Je me rallie par défaut à l'opinion commune, qui range le maoïsme parmi les branches du marxisme, un marxisme adapté à la situation chinoise, remplaçant les ouvriers par les paysans. Les écrits doctrinaux de Mao s'inscrivent clairement dans l'horizon du marxisme. Du reste, si l'on a une définition très stricte et très orthodoxe du marxisme, le léninisme est-il vraiment marxiste ?
- Concernant le Grand bond en avant, il me semble que l'un des grands facteurs qui a fait de cette politique un cataclysme monumental, c'est que le PCC avait déjà transformé la Chine en société totalitaire, dotée d'une "pensée unique" officielle. Le dogmatisme régnant faisait que la politique mise en oeuvre par le PCC ne pouvait pas être mauvaise. À chaque échelon, le responsable était terrorisé : soit il ne voulait pas voir que la réforme agricole était un échec, soit il le voyait mais il n'osait pas le dire, craignant d'être tenu pour coupable et éliminé, donc il transmettait un rapport positif à l'échelon supérieur. Ainsi le gouvernement central ne voyait remonter que des "retours" positifs, et au lieu de corriger le tir il a poursuivi dans la même voie pendant quelques années, voire exigeait une intensification de la réforme, transformant ainsi en un désastre absolu un échec qui aurait pu être modéré s'il avait été immédiatement perçu, compris et rectifié. Mais l'humilité, le sens de l'écoute, l'aptitude à reconnaître ses erreurs, n'étaient pas le fort de Mao. Le GBA est une tragique illustration des dégâts du formatage des esprits, qui s'entêtent dans l'illusion et l'erreur au lieu de prendre le risque d'être un grain de sable dans le Système.
- Je suis extrêmement sceptique quant à la hausse de l'espérance de vie que vous attribuez au socialisme, et qui me paraît plutôt due au développement industriel en général. Le contre-exemple de l'Inde ne me paraît pas probant, d'une part parce qu'il faut tenir compte de la mentalité religieuse spécifique à ce pays, d'autre part parce que Nehru a justement essayé de mettre en place une économie plus ou moins socialiste, en tout cas pas purement capitaliste. Si tous les pays qui ont essayé d'instituer un système économique communiste ont fini par l'abandonner, c'est bien parce que tous se sont rendus que c'est un système foncièrement inefficace, qui ne peut être soutenu que par un État oppressif qui entretient la misère... et l'inégalité.
Quant au fait que Mao ait "permis le retour de la Chine dans le concert des Nations", n'importe qui d'autre l'aurait fait à sa place, et sans doute plus tôt si le régime n'avait pas été communiste. La place de la Chine dans le conseil de sécurité a été décidée en 1946. Que cette place ait été occupée par Formose pendant 25 ans était une aberration qui devait tôt ou tard être réparée.
- Vous me faites rire avec votre "glorieux Ho Chi Minh", qui a mis en place une dictature communiste classique, avec réforme agraire désastreuse, élimination sanglante des opposants, parti unique, culte de la personnalité, étouffement de la pensée, émigration massive de la population opprimée... et à l'arrivée conversion à l'économie capitaliste.
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