LE FESTIVAL D’AVIGNON OU LA GRANDE MISÈRE DU THÉÂTRE
13.07.2014
Les manifestations des intermittents du spectacle, qui ont déjà causé l’annulation de plusieurs représentations prévues au festival d’Avignon, attirent l’attention générale sur ce festival de théâtre de réputation internationale (le plus important du monde, dit-on), qui compte parmi ces manifestations faisant encore de la France un pays au rayonnement culturel majeur, – mais vu que nous sommes déjà devenus une puissance militaire moyenne, une puissance politique moyenne, une puissance économique moyenne, il serait bien étonnant que dans deux ou trois générations nous ne soyons pas également une puissance culturelle moyenne.
Le festival d’Avignon, pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds, est composé de deux volets : le « in » et le « off » (l’anglais n’est pas une langue étrangère en France, n’est-ce pas), qu’il faudrait plutôt appeler « l’officiel » et le « non-officiel » (mais cela aboutirait à abréger « officiel » en « off »…). Tels qu’ils se présentent depuis quelque vingt (trente ?) années, ces deux festivals concomitants sont radicalement différents. Le festival officiel n’a que peu d’intérêt. Il propose une trentaine de spectacles subventionnés à mort, intello-chiants, prétentieux et chichiteux. C’est par excellence le lieu du théâtre contemporain, au sens le plus détestable du mot (comme dans « art contemporain », « musique contemporaine », etc), c’est-à-dire l’endroit où les metteurs en scène se prennent pour des créateurs de génie et cherchent à imposer leur réputation à grands renforts de provocations ineptes et d’innovations délirantes, sans tenir aucun compte ni des textes ni des acteurs ni du public, voire en les agressant ouvertement. Le public y est pour l’essentiel constitué de jobards cultureux, espèce un peu particulière qui prend son plaisir non pas dans l’agrément (inexistant) d’un spectacle rebutant au possible, mais dans la vanité de se sentir en phase avec l’avant-garde du moment. Autrement dit, ils jouissent d’eux-mêmes, de se regarder applaudir ce qui les ennuie, et de se dire : « comme je suis intelligent de comprendre qu’il faut imaginer ce roi habillé, alors qu’un enfant s’exclamerait qu’il est nu ! ». N’oublions pas non plus les très nombreux spectateurs invités, qui n’osent pas huer ce qui ne leur a rien coûté. Bref, n’assistez jamais à un spectacle de l’Avignon officiel, sauf par exception s’il vous a été dûment recommandé par un ami de toute confiance. En plus, le prix est prohibitif ! Vous lâcheriez jusqu’à cinquante euros pour vous ennuyer pendant deux ou trois heures (voire plus). Du reste, quelques vieux chenoques nostalgiques ont déjà expliqué tout cela mieux que moi, comme Régis Debray dans Sur le pont d’Avignon (Flammarion, 2005 : compte-rendu fielleux ici) ou Jacques Julliard dans une tribune du Nouvel Observateur, « les assassins du théâtre ». Lire aussi cet article accâblant du Figaro, qui rapporte entre autres quelques propos acides de Fabrice Luchini.
Le festival non officiel, c’est la grande foire au spectacle. Avignon semble attirer tous les acteurs de France et d’ailleurs, qui viennent y jouer tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi. Le spectacle envahit la ville dont l'hypercentre, pendant trois semaines, prend les allures d'une fête de la musique permanente : foule dense jusqu'à 1 heure du matin, artistes de rue, bateleurs grimés et costumés qui font de la réclame dans l'esprit du spectacle qu'ils vous proposent. Cette année, ce ne sont pas moins de 1307 spectacles qui sont proposés pendant trois semaines (le chiffre est en constante inflation : il y en avait 966 en 2009 ; 1030 en 2010 ; 1126 en 2011 ; 1161 en 2012 ; 1258 en 2013). Une richesse impressionnante en terme de quantité, mais dont on peut se demander si elle n'implique pas une grande misère en qualité. Il ne s’agit pas uniquement de théâtre au sens strict du terme, car il y a aussi, quoique en faible proportion, du spectacle pour enfants, des marionnettes, du cirque, de la danse, des récitations poétiques, des contes, du mime, de la magie, du théâtre musical, de l'improvisation, – et beaucoup d’humoristes en solo : l’empire de la dérision assoit aussi son règne dans la cité des papes. Dailleurs, un grand nombre des pièces proposées relève du théâtre de boulevard (en particulier celles dont les affiches saturent les murs de la ville) : Pyjama pour six, Une heure avant le mariage, Bon anniversaire mon amour !, Dix ans de mariage, Le Bon la bru et la vieille bique, Un mariage follement gai, etc. Les comédies qui tapent en-dessous de la ceinture sont également très à la mode : Le Sexe pour les nuls, Faites l'amour avec un Belge, Conversations avec ma libido, Contes coquins, Le Sexe de la modèle, Tu penses vraiment qu'à ça !?, Mars et Vénus, La Guerre des sexes, Sexe arnaque et tartiflette, Sexe magouilles et culture générale, Love coach, Dans la peau d'une bombe, Ma femme me prend pour un sex toy, etc. Et je passe sur tous les spectacles qui misent sur le genre déjanté, fût-ce aux dépens des classiques.
Un coup d’œil sur le programme de cette prolifération de spectacles, dans son classement par auteurs, est extrêmement instructif. Qu’il y ait beaucoup de noms tout-à-fait inconnus n’a rien de choquant : le festival d’Avignon, tel qu’il a été créé par Jean Vilar en 1947, se voulait axé sur la création contemporaine. Il est donc normal et légitime que de jeunes auteurs viennent tenter de s’y faire connaître et reconnaître. Mais ce qui est troublant, c’est que ces noms totalement inconnus soient une écrasante majorité. Dans ce festival qui est le grand rendez-vous national (voire international) du théâtre, donc la vitrine de l’art dramatique, on s’attendrait à ce que la priorité soit tout de même donnée aux grands textes. Sans vouloir le figer dans une vision trop « patrimoniale », on aimerait que, pour l’honnête homme d’aujourd’hui, venir en Avignon au mois de juillet soit le moment idéal pour voir les classiques qu’on n’a encore jamais vus aussi bien que pour découvrir les grands noms de demain. En 1947, le premier festival d’Avignon, ce fut une « semaine d’art dramatique » proposant trois pièces jouées par la troupe de Jean Vilar : Richard II de Shakespeare, L’Histoire de Tobie et de Sara de Claudel, La Terrasse de midi de Maurice Clavel. Claudel était alors encore vivant, mais à 79 ans, sa réputation était faite depuis un moment. Maurice Clavel, à 27 ans, était un jeune inconnu, qui dailleurs ne s'imposera jamais comme dramaturge, trouvant plutôt sa voie dans l’essai et la tribune polémique (vingt-quatre ans plus tard, il se rendra célèbre par un mémorable coup d’éclat à la télévision contre « messieurs les censeurs »). Un classique et deux créations, l’une d’un auteur consacré et l’autre d’un auteur débutant : c’était un bon dosage, dont la proportion mériterait d’être toujours respectée.
Sur les 1307 spectacles proposés en 2014, on pourrait donc espérer un tiers de classiques, soit environ 435 œuvres du répertoire. Or on en est très très loin ! Molière, Shakespeare, Feydeau, Hugo, Wilde, Musset sont convenablement représentés (au moins deux pièces), le premier surtout, dieu du théâtre français dont on célèbre inlassablement le culte. Soyons juste, il y a aussi quelques bonnes surprises (du moins sur le papier !) : Eschyle (Les Perses), Plaute (Aulularia, spectacle joué par une troupe italienne), Machiavel (La Mandragola : même remarque que pour la pièce précédente. Je ne suis pas sûr que ces deux pièces soient jouées en français), John Gay (L'Opéra du gueux), Péguy (Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc), Cocteau (L'Aigle à deux têtes), Goldoni (Arlequin valet de deux maîtres, plus une saynète dans un pot-pourri de plusieurs auteurs), Gogol (Le Revizor mais aussi… Le Journal d’un fou, qui est une nouvelle), Aristophane (On marche sur la tête, une adaptation tellement libre de Ploutos que le titre original n’est donné nulle part), Charles Vildrac (Le Paquebot Tenacity), Pierre Gripari (Inspecteur Toutou, qui est plutôt pour les mômes). C’est tout. Oui, parmi les dramaturges « classiques », ce sont à peu près les seuls qu’on trouvera cette année parmi ces 1307 spectacles du festival non officiel d’Avignon. Oh, qu’on se rassure, les classiques du XXe siècle figurent bien au programme, mais à condition qu’ils se caractérisent soit par une certaine mise en cause du langage et de la parole, soit par des thèmes gauchistes : ainsi Roger Vitrac, Artaud, Brecht, Beckett, Ionesco, Jean Genet, Friedrich Dürrenmatt, Jean Tardieu, Nathalie Sarraute, Michel Vinaver, Michel Tremblay, Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce, Harold Pinter, Peter Handke, sont là et bien là (tiens, Fernando Arrabal manque à l’appel. En voilà un qui est enterré avant même d’être mort. On échappe aussi à Marguerite Duras, c’est toujours ça de pris). Principe : le théâtreux a besoin de se sentir subversif d’une manière ou d’une autre. Il faut qu’il vous fasse sentir le vide de toute communication, ou à l’inverse qu’il vous communique ses opinions sur les injustices de la société et la menace toujours latente du fachisme.
Je me suis amusé à pointer tous les grands dramaturges dont les noms manquent à l’appel du programme 2014 (ou alors qui y figurent de façon tellement marginale que c’en est presque insultant). Accrochez-vous :
. Montherlant : zéro.
. Anouilh : zéro.
. Sacha Guitry : zéro.
. Pirandello : zéro.
. Sophocle, Euripide, Térence, Sénèque : zéro.
. Ibsen, Strindberg : zéro.
. Ben Jonson, Christopher Marlowe, John Webster, Lope de Vega, Tirso de Molina, Calderon : zéro.
. John Synge, George-Bernard Shaw, Sean O’Casey, Eugene O’Neill, Tennessee Williams, Arthur Miller : zéro.
. Goethe, Schiller, Büchner, Grabbe, Lenau, Wedekind, Max Frisch, Hugo Claus, Ostrovski, Witkiewicz, Gombrowicz : zéro.
. Garnier, Rotrou, Regnard, Lesage, Beaumarchais, Vigny, Dumas, Villiers, Maeterlinck, Crommelynck, Ghelderode, Armand Salacrou, Marcel Aymé, Jacques Audiberti, René de Obaldia : zéro.
. Henri Becque, Octave Mirbeau, Victorien Sardou, Tristan Bernard, Flers et Cavaillet, Édouard Bourdet, Marcel Achard, André Roussin : zéro.
. Brasillach : zéro (étonnant, non ? Cela dit, Sartre ne fait pas mieux).
. Labiche : une courte farce (Un jeune homme pressé) associée à une autre de Feydeau et une de Tchekhov.
. Giraudoux : une seule pièce (Ondine), et seulement pendant la moitié du festival.
. Corneille : une seule pièce (L'Illusion comique) jouée par deux troupes, la première dans une adaptation « revisitée façon commedia dell’arte », la seconde dans une adaptation « dépoussiérée » par « l’esprit des Monty Python » : au secours.
. Claudel : une seule pièce (L'Échange).
. Racine : aucune vraie pièce, trois adaptations sans doute à fuir (une espèce de pot-pourri qui présente comiquement les onze tragédies, une transposition de Phèdre pour une seule actrice, et une transposition d’Andromaque pour deux acteurs, un Vietnamien et un nègre, qui se joue dailleurs dans une « salle Édouard Glissant », écrivain antillais et théoricien du métissage universel).
. Rostand : trois espèces d’adaptation de Cyrano, sans doute à fuir.
. Marivaux : une pièce secondaire (La Mère confidente), un pot-pourri et une adaptation.
. Tchekhov : un spectacle associant deux pièces mineures (La Demande en mariage et L'Ours), une adaptation de nouvelle et deux spectacles associant une saynète de Tchekhov et des saynètes d’autres auteurs.
. Mais du Molière, du Molière, du Molière, pitié ! 24 spectacles (22 pièces et 2 pots-pourris) à lui tout seul pour cet imposteur.
Et à côté de ça : Nicolas Bedos, Didier Porte, Christophe Alévêque, Isabelle Alonso, Mustapha El Atrassi, Chraz, Gérald Dahan, Anthony Kavanagh, Chantal Ladesou, Sophie Forte, Gustave Parking, Julien Courbet, Jean-Michel Ribes, Laurent Baffie, Samuel Benchetrit, Michel Onfray, Etienne Chouard, l'affaire Dreyfus (à travers les lettres à sa femme), Didier Éribon (sociologue bourdieusiste et homosexuel), Karl Marx le retour par Howard Zinn (historien marxiste américain), l'assassinat de Jaurès (deux spectacles, centenaire oblige), Claire Etcherelli (Élise ou la vraie vie, vous savez, cette fable immigrationniste), Race(s) ou pourquoi l'homme blanc se prend-il toujours pour le Maître du monde [1], Pierre et Mohamed (l'amitié de l'évêque et du musulman), Adolf et Joseph (Hitler redescend sur terre et doit se montrer philosémite), Le Nazi et le barbier (roman d'Edgar Hilsenrath : un nazi qui devient plus juif que les juifs), Sophie Scholl (l’Allemande anti-nazie), Etty Hillesum (déportée à Auschwitz), l’increvable journal d’Anne Frank… Les vedettes du comique seul-en-scène et les militants de l’anti-France se sont tous donnés rendez-vous ici. Rires gras et bien-pensance gauchiste à tous les étages ! Avignon n’est pas le lieu du patrimoine théâtral vivant, mais c’est le lieu du spectacle vulgaire et du spectacle « citoyen ».
Il faudrait se demander si l’offre ne fait que s’adapter à la demande du public, ou bien s’il y a une offre première dans laquelle le public est prié de trouver satisfaction. Je laisse de plus savants que moi se pencher sur cette question-clef.
Je note en tout cas que les spectacles durent presque tous entre une heure et une heure et demie, souvent une heure quinze, ce qui est court. Je présume que celà est dû à une contrainte économique : la plupart des salles jouent plusieurs spectacles dans la journée (certaines en enchaînent jusqu’à huit entre midi et minuit !, comme le Thy théâtre : 12h, 13h30, 15h, 16h30, 18h, 19h30, 21h, 22h30, ça défile sans temps mort). Il faut donc que les spectacles soient brefs, pour en faire tenir le plus possible au même endroit. Rentabilité oblige ! C’est sans doute pour la même raison qu’on voit souvent des pièces classiques réadaptées pour être jouées par trois, ou deux, ou même un seul acteur : moins il y a d’acteurs sur l’affiche, plus ça rend le spectacle économique. Beaucoup de pièces sont jouées dans des sortes de "théâtre de poche", petites salles d'une cinquantaine de places avec scène étroite et décor rudimentaire, par des troupes d'acteurs plus ou moins amateurs : ce sont des spectacles plutôt sympathiques, et on peut tomber sur de bonnes surprises.
Cependant je ne vois pas de facteur économique dans une tendance lourde du théâtre contemporain, massivement illustrée par le programme du festival non officiel 2014, comme on l’aurait parié : la mise en théâtre de textes non théâtraux. Eh oui, je vous l’ai caché jusqu’à présent, mais la vérité m’oblige à l’avouer : les grands auteurs sont là en nombre. Mais quand je dis les grands auteurs, je ne sous-entends pas les grands dramaturges, ceux qui ont spécialement écrit pour le théâtre, ceux qui sont connus avant tout comme des hommes de théâtre, ceux dont les textes ont naturellement vocation à être joués sur scène. Non. Les autres, au contraire. Ainsi cette année les élus sont : Andersen, L'Arioste, Augustin d'Hippone, Bossuet, Hermann Broch, Blaise Cendrars, Albert Cohen, Arthur Conan Doyle, Julio Cortazar, Frédéric Dard, Pierre Desproges (son roman Des femmes qui tombent !), Dickens, Dostoïevski (spectacle d'après ses lettres !), Romain Gary, Maurice Genevoix, Khalil Gibran, Jean Giono, Ivan Gontcharov, Homère, Jack Kerouac, Joseph Kessel, Rudyard Kipling, Etienne de La Boétie, Roy Lewis, Jean-Patrick Manchette, Maupassant, Hermann Melville, Robert Merle, Patrick Modiano, Montaigne, Irène Nemirovsky, Pablo Neruda, la princesse Palatine (encore un spectacle d'après une correspondance ; il y a aussi les lettres de Victor Hugo et Juliette Drouet), Georges Perec, Charles Perrault, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Rilke, Rimbaud, Saint-Exupéry, George Sand, Alan Sillitoe, Simenon, Roger Vercel, François Villon, Simone Weil, Eugène Zamiatine, Stefan Zweig, l'histoire de Gilgamèche, Les Mille et une nuits, Diderot (pas seulement Jacques le fataliste et l’Entretien avec la Maréchale de…, mais aussi les lettres à Sophie Volland !), Voltaire (certainement pas Mahomet ou Zaïre : mais Candide, cette pièce bien connue, dans une adaptation africaine), Guillaume Apollinaire (pas Les Mamelles de Tirésias, mais Alcools, évidemment), Aimé Césaire (pas La Tragédie du roi Christophe, mais le Cahier d'un retour au pays natal), Heinrich von Kleist (pas Le Prince de Hombourg mais sa nouvelle Michael Kohlhaas), Mérimée (pas une pièce du Théâtre de Clara Gazul, mais Colomba), James Joyce (pas Les Exilés, mais Ulysse, bien sûr), Boris Vian (Le Goûter des généraux ? Les Bâtisseurs d’empire ? non : Elles se rendent pas compte et un pot-pourri de je ne sais quels textes, associés à d’autres de Ramuz), Marcel Pagnol (La Gloire de mon père et Le Château de ma mère, vous aviez deviné), Albert Camus (Caligula ? Les Justes ? mais non : La Chute et L'Étranger, enfin !), La Fontaine (les Fables : qui croyait que ce pût être l’une de ses six pièces ? Dailleurs personne ne les connaît), Cervantès (Don Quichotte, forcément, pas Le Siège de Numance ou Le Rufian bienheureux, quelle idée), Flaubert (Le Candidat ? vous avez perdu : Bouvard et Pécuchet, voyons), Louis-Ferdinand Céline (L'Église ? mais non, vous n'avez rien compris : le Voyage, quoi d’autre ?), Yourcenar (Électre ? Le Mystère d’Alceste ? décidément vous êtes stupide : les Mémoires d’Hadrien, réfléchissez).
N’est-ce pas curieux, cette façon de vouloir mettre tout et n’importe quoi sur la scène ? Faut-il l’attribuer à la simple manie de la nouveauté ?: on part du principe que les pièces du répertoire sont toutes déjà connues, or on veut absolument de l’inédit, donc on va le chercher dans les endroits les plus inattendus, on se flatte à la fois de rendre hommage aux grands auteurs et d’apporter du nouveau en les présentant comme personne avant. Ou bien faut-il appeler à la rescousse Guy Debord et la notion de spectacularisation universelle ?: tout est spectacle, tout a vocation à être joué sur une scène, tout texte peut et doit être représenté, il n’y a pas de frontière entre les genres, le roman et la poésie sont aussi théâtraux que le théâtre. Et finalement, c’est le festival d’Avignon lui-même qui devient un gigantesque spectacle, offrant à voir la société actuelle dans ses travers, ses excès et sa vanité.
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[1] Voici le résumé officiel de ce spectacle, qui est en fait un sololoque : « Quels sont les grands inspirateurs du nazisme ? Dans cette création originale François Bourcier (Lettres de Délation, Résister c’est Exister) met en scène et interprète avec le même talent et la même fougue, à travers leurs écrits, ces grandes figures américaines et européennes de l’histoire qui rêvaient d’offrir à un système économique, une vérité scientifique s’appuyant sur l’inégalité des races et la supériorité d’une « race » blanche, appelée à dominer le monde. Un rêve qui de l’esclavagisme à l’antisémitisme aboutira à la mise en place de la terrifiante solution finale. L’ère industrielle par la rentabilité du produit « humain » était ouverte ! ». On voit bien l'idée : toute proclamation de fierté occidentale débouche inéluctablement sur la chambre à gaz. L'homme blanc est raciste par essence. Il transpire le génocide par tous ses pores.
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