En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
(1822-1827)
Le premier recueil poétique de Victor Hugo, à l'époque où il était royaliste, aussi exalté dans la glorification de Louis XVIII et de Charles X qu'il le sera dans celle de la République... Les premières préfaces n'ont pas de mots assez durs contre les "écrits sophistiques" des Lumières, qui ont causé la Révolution, autrement dit "les saturnales de l'athéisme et de l'anarchie". Elles expliquent carrément qu'il ne saurait y avoir de bonne littérature que chrétienne et monarchique ! "Le poëte doit ramener les peuples à tous les grands principes d'ordre, de morale et d'honneur. [...] Il se rappellera toujours ce que ses prédécesseurs ont trop oublié, que lui aussi il a une religion et une patrie". (Le frère de Victor, Abel, écrivait pareillement : "C'est un fait reconnu par tous les gens de goût : les idées libérales ne sont pas poétiques").
Malheureusement l'exemple ne vient guère confirmer la théorie : les odes politiques de ce recueil, qui célèbrent le rétablissement de la statue d'Henri IV, la naissance du comte de Chambord, le baptême du même, la guerre d'Espagne, les funérailles de Louis XVIII, le sacre de Charles X, ou déplorent les martyrs de la Vendée et la mort du duc de Berry, sont assez creuses, voire niaises. Un peu moins ces dernières, bien entendu : il est plus facile de s'émouvoir sur le malheur que de glorifier un fantoche. Comment faire de la bonne littérature avec ce genre académique par excellence qu'est l'éloge du Monarque ou des membres de sa famille ?! Le jeune Hugo est beaucoup plus convaincant dans ses ballades d'inspiration médiévale, en particulier "Le pas d'armes du Roi Jean".
On notera aussi la conversion progressive au culte napoléonien, de l'ode encore critique de 1822, "Buonaparte" (I,11) aux odes beaucoup plus admiratives que sont "Les deux îles" (1825) et "A la colonne de la place Vendôme" (1827), où le patriotisme justifie la glorification des conquêtes impériales (III, 6-7). C'est que le futur pontife de la démocratie et des droits de l'homme a toujours eu la tête épique. Quel autre militant pacifiste a pu déclarer ? : "J'ai des rêves de guerre en mon âme inquiète ; / J'aurais été soldat, si je n'étais poète. / Ne vous étonnez point que j'aime les guerriers ! / Souvent, pleurant sur eux, dans ma douleur muette, / J'ai trouvé leur cyprès plus beau que nos lauriers" (ode V,9 : "Mon enfance").